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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME OUVRE LES TRAVAUX DE SA TRENTE-CINQUIÈME SESSION EN ENTENDANT LE PRÉSIDENT DE L'URUGUAY

Compte rendu de séance
Il entend également une mise à jour orale du Haut-Commissaire aux droits de l'homme

Le Conseil des droits de l'homme a ouvert, ce matin, les travaux de sa trente-cinquième session, qui se tient jusqu'au 23 juin au Palais des Nations, à Genève, en entendant une déclaration du Président de l'Uruguay, M. Tabaré Vázquez, ainsi qu'une mise à jour orale du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein.

À l'ouverture de la séance, le Président du Conseil, le Salvadorien Joaquín Alexander Maza Martelli, a rappelé l'approche du Conseil – qui figure dans son mandat – consistant à accorder un espace sûr à la société civile. Une atmosphère constructive rend possible l'instauration d'un dialogue franc, dans la dignité, ce qui est essentiel pour le bon fonctionnement du Conseil, a-t-il souligné. Il a assuré que le Conseil suivrait de près tous les cas de représailles portés à son attention. Il a en outre rappelé que la Représentante permanente des États-Unis, Mme Nikki Haley, s'adresserait au Conseil plus tard dans la matinée.

Dans sa déclaration, le Président de l'Uruguay a notamment souligné que son pays avait présenté sa candidature pour être membre du Conseil pour la période 2019-2021. M. Vázquez a revendiqué la politique en tant qu'affaire sociale qui reposerait sur des débats d'idées, tenus de manière objective et exempts d'abus de pouvoir, l'objectif étant la réalisation de la dignité des individus, indépendamment de toute autre considération. Les politiques publiques doivent être fondées, conçues et évaluées à la lumière des droits de l'homme, a poursuivi le chef de l'État uruguayen, avant de rappeler que tous les efforts à cet égard ont un coût. L'égalité, la solidarité et l'accès universel aux droits de l'homme sont les trois piliers interdépendants grâce auxquels l'Uruguay compte veiller à la consolidation de sa stratégie de développement, laquelle s'intéresse particulièrement aux situations de non-accès aux droits de l'homme, a-t-il précisé.

Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme a pour sa part rappelé que les Palestiniens comme les Israéliens méritent la liberté et a souligné que la condition sine qua non de la paix est la fin de l'occupation. Condamnant dans les termes les plus fermes les lâches attaques perpétrées par des groupes terroristes dans le monde, il a ensuite souligné que le terrorisme doit être éradiqué par les gouvernements, mais de manière intelligente, tout en préservant les droits de l'homme. Soulignant qu'il lui a été affirmé à maintes reprises qu'il ne devrait pas recourir à la pratique du «naming and shaming» appliquée aux États, le Haut-Commissaire a rappelé que ce n'est pas le fait de nommer qui est la source de la honte, mais que cette dernière résulte des actions en cause elles-mêmes, des violations de droits de l'homme en cause. Il a abordé la question des États – dont certains sont membres du Conseil – qui ne coopèrent pas avec les mécanismes des droits de l'homme et le Haut-Commissariat. Il a également souligné que certains gouvernements, en revanche, ont fait des efforts de coopération considérables en recevant des titulaires de mandats.

Le Haut-Commissariat a ensuite rappelé aux États que la présentation de rapports devant les organes de traités auxquels ils sont parties n'est pas optionnelle, mais constitue une obligation découlant des traités eux-mêmes. Seuls 33 états sont pleinement à jour de leur obligation de présentation de rapports devant les organes de traités, a précisé le Haut-Commissaire. M. Zeid a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre de situations pour lesquelles l'accès du personnel du Haut-Commissariat aux droits de l'homme s'est amélioré ou semble susceptible de progresser dans un avenir proche.


Le Conseil poursuit ses travaux ce matin en engageant ses débats interactifs avec l'Expert indépendant sur l'orientation sexuelle et avec le Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires.


Déclaration du Président de l'Uruguay

M. TABARÉ VÁZQUEZ, Président de l'Uruguay, a déclaré que la coexistence, la dignité et les droits de l'homme n'ont pas été aisément acquis au cours de l'histoire de son pays, lequel a également connu des périodes amères, d'où l'attachement sans faille de l'Uruguay au multilatéralisme, à la démocratie, aux droits de l'homme et à la personne humaine en tant que sujet de droit. L' Uruguay exprime cet engagement en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, coopérant avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et activement associé au Conseil des droits de l'homme depuis sa création, contribuant à sa consolidation institutionnelle en prenant part à ses travaux d'une façon objective, non sélective et non discriminatoire. L'Uruguay a présidé le Conseil en 2011-2012 et présenté sa candidature comme membre de cette instance pour la période 2019-2021, a précisé M. Vázquez.

Dans le cadre des efforts tendant à mettre en place une société pacifique, il importe de considérer chaque habitant de la planète comme un projet qui mérite d'être réalisé, a poursuivi le Président uruguayen. Soulignant que la coexistence est mise en péril en raison du manque de confiance dans les institutions, M. Vázquez a affirmé que nous vivons dans un monde qui ressemble parfois à un hôpital psychiatrique géré par ses patients. Il a revendiqué la politique en tant qu'affaire sociale qui reposerait sur des débats d'idées, de manière objective, exempts d'abus de pouvoir, l'objectif étant la réalisation de la dignité des individus, indépendamment de toute autre considération. Les politiques publiques doivent être fondées, conçues et évaluées à la lumière des droits de l'homme, a poursuivi le chef de l'État uruguayen, avant de rappeler que tous les efforts à cet égard ont un coût.

Autre revendication, selon M. Vázquez: avoir un travail est synonyme de dignité, car par le biais d'un emploi, tout individu est reconnu par autrui, a-t-il souligné, ajoutant qu'il n'existe pas de sot métier. Le Président de l'Uruguay a par ailleurs conseillé de surmonter les inégalités socioéconomiques et culturelles héritées du passé et de garantir les conditions matérielles assurant la dignité. Les droits de l'homme constituent le point de départ d'un système normatif, a-t-il insisté, jugeant essentiel de concevoir des instruments garantissant le respect des droits de l'homme à travers le financement de politiques qu'il convient de poursuivre, notamment en ce qui concerne la préservation et la protection de l'environnement pour les générations futures.

Les gouvernements sont élus pour atteindre des résultats tangibles et, dans ce sens, le peuple uruguayen a soif de justice en raison des abus du passé, a poursuivi M. Vázquez. La société uruguayenne dans son ensemble a agi de concert pour faire en sorte que les exactions du terrorisme d'État ne se reproduisent plus jamais, a-t-il rappelé. L'égalité, la solidarité et l'accès universel aux droits de l'homme sont les trois piliers interdépendants grâce auxquels l'Uruguay compte veiller à la consolidation de sa stratégie de développement, laquelle s'intéresse particulièrement aux situations de non-accès aux droits de l'homme, a-t-il précisé. M. Vázquez a cité dans ce contexte le Plan national de coexistence et des droits de l'homme, en tant que cadre normatif, de même qu'un programme national d'éducation aux droits de l'homme.

En conclusion, le Président de l'Uruguay a affirmé que le Conseil des droits de l'homme est le phare qui guide les efforts collectifs aspirant à construire un monde plus fraternel et de justice.


Mise à jour orale du Haut-Commissaire aux droits de l'homme

Dans sa mise à jour orale sur les activités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et les développements globaux en matière de droits de l'homme, M. ZEID RA'AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a indiqué qu'il avait entendu pour la première fois les «sons de la guerre», il y a cinquante ans, alors que des militaires patrouillaient et que des avions passaient au-dessus de sa maison familiale, à Aman, capitale de la Jordanie. Il a précisé qu'il avait alors trois ans et demi et que cette guerre a forgé sa vision du conflit israélo-palestinien, ajoutant avoir grandi non loin des camps de réfugiés palestiniens à al-Baqa'a et travaillé en face du camp de al-Wihdat. Il a indiqué avoir aussi visité à plusieurs reprises ces trente dernières années les camps de concentration de Auschwitz-Birkenau, Dachau, Buchenwald, en plus d'avoir étudié en profondeur les procès de Nuremberg et le long et lourd passé de l'antisémitisme en Europe, en Fédération de Russie et dans les pays arabes.

Certains diront mécaniquement que l'expérience de ces deux peuples n'est pas équivalente et qu'il ne faudrait pas les mentionner dans le même discours, a poursuivi le Haut-Commissaire, reconnaissant que l'Holocauste a été une expérience monstrueuse, sans parallèle et sans égale. Mais il est tout aussi indéniable que le peuple palestinien souffre depuis un demi-siècle d'une occupation militaire forcée qui lui dénie ses droits fondamentaux, qui viole de manière systématique le droit international et qui a été condamnée à de nombreuses reprises par quasiment tous les États, a-t-il ajouté. Les Palestiniens méritent la liberté, comme tous les peuples; ils méritent de ramener leurs enfants chez eux en sécurité, de jouir de leurs droits dans leur État et d'être libres de cette longue et amère occupation. Les Israéliens aussi méritent la liberté - une forme différente de liberté, compte tenu du fait qu'ils ont leur État: ils subissent depuis longtemps des attaques souvent vicieuses contre des populations civiles, en violation claire du droit international humanitaire. Ces attaques méritent aussi une condamnation, a insisté le Haut-Commissaire. Mais la condition sine qua non de la paix est la fin de l'occupation, a-t-il déclaré, soulignant que la maintenir ne fera que prolonger les immenses souffrances des deux peuples.

M. Zeid a également condamné dans les termes les plus fermes les lâches attaques perpétrées par des groupes terroristes dans le monde, notamment par Daech et les autres groupes affiliés. Le terrorisme doit être éradiqué par les gouvernements, mais de manière intelligente, tout en préservant les droits de l'homme, a déclaré le Haut-Commissaire. De son point de vue, pour toute personne injustement détenue, humiliée, abusée, torturée sous couvert de vagues lois antiterroristes, ce n'est pas cette seule personne qui est atteinte, mais l'essentiel de sa famille; envoyez une personne innocente en prison et vous en aurez six ou sept autres opposées au gouvernement, dont certaines sont capables d'aller plus loin, a-t-il prévenu.

Soulignant qu'il lui a été affirmé à maintes reprises qu'il ne devrait pas recourir à la pratique du «naming and shaming» appliquée aux États, le Haut-Commissaire a rappelé que ce n'est pas le fait de nommer qui est la source de la honte, mais que cette dernière résulte des actions en cause elles-mêmes, des violations de droits de l'homme en cause. Le déni du droit à la vie est honteux, tout comme l'assassinat, le meurtre, parfois à grande échelle. Le déni du droit au développement, du droit à la dignité humaine, la torture, les arrestations arbitraires ou encore le viol sont aussi sources de honte, a-t-il insisté. Que penser de pays qui limitent le nombre de viols commis par les soldats à deux ou trois par village, de pays qui cherchent à abroger des lois luttant contre les discriminations faites aux femmes ou qui emprisonnent les défenseurs des droits de l'homme, journalistes et avocats? Ne se dégoûtent-ils pas eux-mêmes?

Le Haut-Commissaire a également abordé la question des États qui ne coopèrent pas avec les mécanismes des droits de l'homme et le Haut-Commissariat. Certains d'entre eux, dont des membres du Conseil, refusent d'accueillir des missions du Haut-Commissariat et des titulaires de mandat, tandis que d'autres ne respectent pas les résolutions du Conseil, a-t-il souligné. Parmi ceux qui n'accueillent pas les titulaires de mandat, le Haut-Commissaire a cité l'Indonésie, l'Égypte, le Népal, le Venezuela, les Philippines, le Nigéria, mais aussi, pour ce qui est des pays non membres du Conseil, Bahreïn, la République démocratique populaire lao, la Tanzanie, le Turkménistan, la Jamaïque, ou encore le Zimbabwe. Le Burundi, pourtant membre du Conseil, a déclaré persona non grata la Commission d'enquête créée par le Conseil et ne l'a pas autorisée à entrer sur son territoire. Les Gouvernements du Bélarus, de la République populaire démocratique de Corée, d'Israël, de l'Érythrée et de la République islamique d'Iran ont quant à eux rejeté les résolutions créant des mandats spécifiques les concernant et n'ont par conséquent pas autorisé les visites de ces titulaires de mandats. Pour ce qui est de la Syrie, cela fait longtemps que ni le Haut-Commissariat, ni la Commission d'enquête sur la Syrie ne peuvent avoir accès au pays. Le Haut-Commissaire a toutefois salué l'acceptation récente par la République populaire démocratique de Corée d'une visite du Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées.

Certains gouvernements, en revanche – et notamment ceux de l'Australie, du Brésil, du Mexique, de l'Italie, de la Tunisie, de la Géorgie ou encore du Chili et des États-Unis – ont fait des efforts de coopération considérables en recevant des titulaires de mandats. Par ailleurs, si le Myanmar, la Chine et Cuba ont accueilli des titulaires de mandats, ils continuent de leur restreindre l'accès à certains lieux, a ajouté M. Zeid.

Le Haut-Commissariat a ensuite rappelé aux États que la présentation de rapports devant les organes de traités auxquels ils sont parties n'est pas optionnelle, mais constitue une obligation découlant des traités eux-mêmes. Ainsi, les rapports de 74 États sont dus depuis une décennie ou plus et pas moins de 280 rapports initiaux n'ont jamais été présentés, a déploré le Haut-Commissaire, avant de regretter que ces États aient ainsi tourné le dos à leurs obligations, reniant ainsi leurs engagements. Seuls 33 états sont pleinement à jour de leur obligation de présentation de rapports devant les organes de traités, a précisé le Haut-Commissaire.

M. Zeid a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre de situations pour lesquelles l'accès du personnel du Haut-Commissariat aux droits de l'homme s'est amélioré ou semble susceptible de progresser dans un avenir proche, s'agissant plus particulièrement de l'Ouzbékistan, de l'Arménie, de l'Éthiopie, du Mozambique, de la République démocratique du Congo, du Sahara occidental, de la Crimée et de la Turquie. Le Haut-Commissaire a en revanche regretté qu'en dépit de ses demandes répétées adressées à l'Inde et au Pakistan, l'accès sans condition de son personnel des deux côtés de la ligne de contrôle au Jammu-et-Cachemire administré par l'Inde et au Cachemire administré par le Pakistan ne lui ait toujours pas été autorisé. Évoquant «la crise croissante des droits de l'homme au Venezuela», le Haut-Commissaire a également exhorté le Venezuela à accepter sa demande d'effectuer dans ce pays une mission de travail.

Le Haut-Commissaire a rappelé que les autorités de la République centrafricaine, le Haut-Commissariat et la MINUSCA avaient lancé la semaine dernière le Mapping Report sur les droits de l'homme (NDLR: dressant l'inventaire des violations commises dans le pays). Il a enfin salué le renouvellement pour trois ans de l'accord concernant le bureau du Haut-Commissariat au Guatemala et déploré, en revanche, la décision du Gouvernement bolivien de fermer à la fin de cette année le bureau du Haut-Commissariat en Bolivie.


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HRC17/071F