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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur la réalisation du droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible grâce au renforcement des capacités en matière de santé publique. La Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, ainsi que la Directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Mme Margaret Chan, ont prononcé des remarques liminaires, avant que cinq panélistes ne présentent leurs exposés et que ne s'engage avec les délégations le débat, animé par Mme Nozipho Joyce Mksakato Diseko, Représentante permanente de l'Afrique du sud.

Les cinq panélistes ayant présenté des exposés sont: M. Tolbert Nyenswah, Ministre adjoint de la santé et Directeur général de l'Institut national de santé publique du Libéria; M. Lorenzo Somarriba López, Directeur national de la santé publique auprès du Ministère de la santé publique de Cuba; Dr Ren Minghui, Directeur général adjoint pour le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme et les maladies tropicales négligées de l'Organisation mondiale de la santé (OMS); M. Gong Xiangguang, Directeur général adjoint du Département du droit et de la législation de la Commission nationale de la santé et de la planification familiale de la Chine; et Mme Ilona Kickbush, Directrice du Centre de santé globale et Professeure associée à l'Institut de Hautes études internationales et du développement de Genève.

Dans sa déclaration liminaire, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme a rappelé qu'au regard du droit international, les États sont légalement tenus de réaliser le droit à la santé, condition préalable à la jouissance de tous les autres droits de l'homme. Elle a souligné qu'il était urgent que ce droit soit effectivement garanti et appelé à des partenariats tous azimuts à cette fin.

La Directrice générale de l'OMS , Mme Margaret Chan, a fait observer que la fourniture de services de santé ne peut se faire que si les capacités existent. Parmi ces capacités, figurent les services de santé, les personnels et leur formation, mais aussi la disponibilité des données; ces dernières sont essentielles pour fixer les priorités et des objectifs ciblés, a-t-elle rappelé. Il faut aussi des législations spécifiques; elles sont le meilleur moyen de préserver la population des risques liés à la santé, sans que personne ne soit laissé pour compte, a ajouté Mme Chan. Elle a par ailleurs souligné que la situation mondiale est marquée par des extrêmes: d'un côté, plus de 800 millions de personnes souffrent de faim chronique, tandis que dans certains pays, plus de 70% des adultes sont obèses ou en situation d'obésité. Il y aussi des zones où le prix des médicaments génériques a tellement baissé que les industries pharmaceutiques s'en sont retirées, créant des fluctuations dans la disponibilité des médicaments, a ajouté Mme Chan. Il y a aussi un monde où le prix des nouveau médicaments, traitant de maladies chroniques est tellement élevés que personne ne peut se l'offrir, pas même dans les pays riches. Dans certains pays d'Amérique du Sud, par exemple, le coût de traitement pour le cancer du sein équivaut à deux fois le revenu annuel moyen, a-t-elle illustré.

La plupart des nombreuses délégations* qui ont pris part au débat ont insisté sur l'importance du renforcement des capacités, de la formation du personnel médical, du transfert de technologies et de la nécessité de disposer de médicaments à des prix abordables. Certains ont préconisé la mise sur pied de systèmes d'intervention et de surveillance solides à même de faire face à des épidémies dues à des virus tels qu'Ebola ou Zika, voire à des maladies émergentes. Plusieurs représentants de la société civile ont plaidé pour le respect des droits relatifs à la santé reproductive et sexuelle.


À la mi-journée, le Conseil poursuit ses travaux en tenant un dialogue groupé avec la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays et avec le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté.


Réunion-débat sur le renforcement des capacités en matière de santé publique

Déclarations liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a indiqué qu'au regard du droit international, les États sont légalement tenus de réaliser le droit à la santé, condition préalable à la jouissance de tous les autres droits de l'homme comme celui à la vie, à l'éducation, à l'information, à la participation et à tirer profit des avancées scientifiques et de leurs applications. S'interrogeant sur la manière dont pourrait concrètement être réalisé le droit à la santé, Mme Gilmore a souligné qu'il fallait partir du principe qu'il ne s'agit pas d'un droit isolé mais, au contraire, d'un droit indissociable des autres droits.

La Haut-Commissaire adjointe a ensuite fait observer que jamais auparavant la jouissance de ce droit n'a été aussi urgente compte tenu de la discrimination, des abus et de la violence à l'égard des femmes, des enfants et des adolescents, qui érodent la santé physique et mentale. Elle a en outre évoqué les taux sans précédent d'urbanisation non planifiée, l'instabilité climatique, la dégradation de l'environnement et la pollution, qui font planer de nouveaux dangers, ainsi que les taux encore trop élevés de grossesses non désirées et de mortalité maternelle. Mme Gilmore a ensuite affirmé que les conséquences du déni d'accès aux soins de santé reproductive sont dévastatrices et ont un coût énorme pour les communautés; ce déni ne saurait avoir aucune justification, a-t-elle insisté.

Il s'agit en conséquence de comprendre que les infrastructures et prestations de service de santé sont indispensables alors même que dans nombre de contextes, les travailleurs de la santé sont les cibles d'attaques, a poursuivi la Haut-Commissaire adjointe. Avec davantage de déplacement de jeunes et de personnes âgées de par le monde, il s'avère tout aussi impératif d'investir dans les structures de santé si l'on veut véritablement réunir les conditions d'un essor des droits de l'homme et du développement durable, a-t-elle souligné. Dans cette optique, elle a appelé à des partenariats tous azimuts. Le Haut-Commissariat est engagé dans une étroite coopération avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a conclu Mme Gilmore, saluant le travail de la Directrice générale sortante de cette Organisation, Mme Chan, précisément panéliste à la présente réunion-débat.

MME MARGARET CHAN, Directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dit partager toutes les observations de Mme Gilmore, d'autant que les deux institutions, OMS et Haut-Commissariat, ont toujours collaboré en ce qui concerne le droit à la santé. Revenant sur la responsabilité des États en matière de fourniture de services de santé à leur population, elle a estimé que celle-ci ne peut se faire que si les capacités existent. Parmi ces capacités, figurent les services de santé, les personnels et leur formation, mais aussi la disponibilité des données; ces dernières sont essentielles pour fixer les priorités et des objectifs ciblés, a-t-elle rappelé. Il faut aussi des législations spécifiques; elles sont le meilleur moyen de préserver la population des risques liés à la santé, sans que personne ne soit laissé pour compte, a ajouté Mme Chan. Elle a rappelé l'existence de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac et ajouté que l'Organisation avait également publié des lignes directrices pour la protection des jeunes face aux risques liés à l'alcool et à la «malbouffe».

Mme Chan a également souligné que la situation mondiale est marquée par des extrêmes. D'un côté, plus de 800 millions de personnes souffrent de faim chronique, tandis que dans certains pays, plus de 70% des adultes sont obèses ou en situation d'obésité. Il y aussi des zones où le prix des médicaments génériques a tellement baissé que les industries pharmaceutiques s'en sont retirées, créant des fluctuations dans la disponibilité des médicaments, a indiqué Mme Chan. Il y a aussi un monde où le prix des nouveau médicaments, traitant de maladies chroniques est tellement élevés que personne ne peut se l'offrir, pas même dans les pays riches. Dans certains pays d'Amérique du Sud, par exemple, le coût de traitement pour le cancer du sein équivaut à deux fois le revenu annuel moyen, a-t-elle illustré. Par ailleurs, et en dépit des progrès récents, presque six millions d'enfants sont morts avant l'âge de 5 ans en 2015. Deux milliards de personnes n'ont pas d'accès aux médicaments, a ajouté Mme Chan, avant de se féliciter des progrès faits dans le cadre de la couverture sanitaire universelle.

MME NOZIPHO JOYCE MXAKATO-DISEKO, Représentante permanente de l'Afrique du sud auprès des Nations Unies à Genève et modératrice du débat, a fait observer que cette réunion se tient au moment même où de nouvelles maladies apparaissent et où d'autres ressurgissent, comme la tuberculose par exemple. La résistance aux antibiotiques ou les changements climatiques posent également d'autre défis, a poursuivi, avant de déplorer que des millions de personnes dans le monde n'aient toujours pas accès aux médicaments. Or, le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 font de la santé une priorité, a-t-elle rappelé, ajoutant qu'il est possible de trouver un terrain d'entente. Pour sa part, l'Afrique, à travers le Centre de l'Union africaine pour le contrôle des maladies, a commencé ce travail, a conclu Mme Mxakato-Diseko, avant de présenter les panélistes.

Exposés des panélistes

M. TOLBERT NYENSWAH, Ministre adjoint de la santé et Directeur général de l'Institut national de santé publique du Libéria, a évoqué la gestion de situations d'urgence de santé publique en Afrique de l'Ouest, s'agissant notamment de l'épidémie d'Ebola, avant de souligner que l'objectif est de renforcer la santé publique dans le contexte des droits de l'homme. L'épidémie d'Ebola a ravagé le système de santé dans six pays de la région et entraîné le décès d'environ 5000 personnes au Libéria, a précisé M. Nyenswah, avant de préciser qu'il avait alors été nommé pour coordonner l'action publique contre cette maladie, ce qui était nouveau dans le pays et a permis de renforcer la coopération internationale. Le Ministre adjoint a salué, en particulier, l'aide apportée par la Chine, premier pays à avoir envoyé des équipements et des personnels de santé, ce qui a permis de limiter le nombre de décès. «Nous avons appris à gérer Ebola, à juguler ces maladies et à réduire au minimum le nombre de cas et de décès», a souligné M. Nyenswah. Le Libéria a connu une autre épidémie depuis, a-t-il ajouté, et la réaction rapide de l'équipe de surveillance a permis de réaliser un diagnostic et d'apporter les traitements adéquats.

La santé et le bien-être étant essentiels, le Libéria s'est efforcé de créer un système plus résilient et s'est concentré sur la formation des personnels de santé, sur la création d'un institut et sur la délivrance de services gratuits, a indiqué M. Nyenswah. Il n'en a pas moins lancé un appel à l'aide de la communauté internationale, afin de pouvoir continuer à développer les infrastructures et les capacités.

Dr LORENZO SOMARRIBA LÓPEZ, Directeur national de la santé publique auprès du Ministère de la santé publique de Cuba, a souligné que depuis 1959 son pays appliquait des politiques sociales et économiques visant à modifier la situation qui prévalait avant la Révolution cubaine. Il a précisé que l'un des objectifs poursuivi avait consisté à fournir une couverture universelle à toute la population et à affirmer le droit de tous à la santé. À présent, l'espérance de vie sur l'île est de 78 ans et demi et 90% des accouchements ont lieu en milieu hospitalier; en outre, un programme de vaccination inclut 11 vaccins dont 8 sont produits localement. Le paludisme, la poliomyélite, la rougeole, la tuberculose méningée et la rage humaine ne sont que quelques-unes des maladies totalement éradiquées sur l'île, a fait valoir le Directeur national de la santé publique.

M. Somarriba López a ensuite mis en exergue la coopération internationale cubaine en matière de santé, qui a permis à des millions d'êtres humains isolés, désemparés, réfugiés ou déplacés et vivant sur tous les continents de recevoir une assistance médicale dénuée de tout intérêt économique, par simple solidarité humaine. Au plan national, Cuba compte actuellement un médecin pour 125 habitants et un dentiste pour 660 habitants. D'autre part, la formation, y compris celle des autochtones, revêt un caractère prioritaire, a ajouté M. Somarriba López, faisant valoir le grand nombre de Cubains qui suivent des formations médicales. Cuba s'oppose à la politique de migration sélective du personnel sanitaire, véritable «vol des cerveaux», a-t-il déclaré avec force.

M. REN MINGHUI, Directeur général adjoint pour le VIH, la tuberculose, le paludisme et les maladies tropicales négligées à l'Organisation mondiale de la santé, a rejoint certains points développés par Mme Chan, insistant aussi sur la création ou le renforcement des capacités en matière de santé. Prenant exemple de l'épidémie d'Ebola, il a observé que seul un tiers des pays touchés avait les capacités requises pour prévenir, détecter et répondre aux urgences médicales. De fait, la maladie s'est répandue à cause du manque de capacités, a-t-il insisté. La même chose s'est reproduite avec le virus Zika, a-t-il ajouté. Cependant, beaucoup a été fait depuis pour renforcer les capacités des États, a fait observer M. Minghui. L'OMS a accru son soutien aux pays et travaille davantage à l'évaluation externe dans le cadre du Règlement sanitaire international, a-t-il indiqué. Actuellement, 42 pays ont été évalués et 28 autres le seront bientôt, a-t-il précisé. En 2016, a poursuivi M. Minghui, l'Assemblée mondiale de la Santé a adopté la stratégie globale de l'OMS sur les ressources humaines: elle propose aux États des étapes pour renforcer ou transformer la formation des personnels de santé. Cette année, le quatrième Forum sur les ressources pour la santé qui se tiendra à Dublin du 13 au 17 novembre prochain discutera de la mise en œuvre cette stratégie globale.

M. Minghui a ensuite indiqué que nombre de maladies tropicales et infectieuses, notamment le paludisme ou les hépatites virales continuent de tuer près de quatre millions de personnes chaque année. Dans de nombreux pays, a-t-il souligné, les réponses aux crises sont entravées par le manque d'infrastructures, de pragmatisme ou de ressources financières. Par ailleurs, la stigmatisation et les discriminations touchant les personnes atteintes par le VIH/sida sont très répandues dans les services de santé, a fait observer M. Minghui. En conséquence, de nombreuses personnes évitent de se faire dépister, mettant en danger leur vie. Tout ceci peut être changé, a affirmé M. Minghui, plaidant pour un renforcement des liens entre les secteurs public et privé et la société civile. Il a aussi indiqué que l'OMS travaille avec la Fédération de Russie à l'organisation d'une conférence ministérielle sur la tuberculose qui devrait se tenir en novembre de cette année.

M. GONG XIANGGUANG, Directeur général adjoint du Département du droit et de la législation de la Commission nationale de la santé et de la planification familiale de la Chine, a souligné que son Gouvernement a toujours insisté sur la prévention, qui doit être intégrée dans toutes les politiques. En Chine, a-t-il précisé, des lois ont été promulguées pour lutter contre les maladies transmissibles, ainsi qu'en faveur de la santé maternelle et de la vaccination, entre autres. Il est essentiel d'améliorer les services publics en matière de prévention de la santé maternelle et infantile et de santé mentale, a poursuivi M. Gong Xiangguang. Aussi, les capacités ont-elles été renforcées, de même que le système visant à combattre les maladies chroniques, et l'accent a été mis sur l'accouchement à l'hôpital dans les zones rurales. «Une Chine saine 2030» est un plan visant à améliorer et renforcer les comportements et les disciplines, par exemple en encourageant l'exercice physique, par l'éducation, a indiqué le panéliste.

MME ILONA KICKBUSCH, Directrice du Centre de santé globale et Professeure associée à l'Institut de Hautes études internationales et du développement de Genève, s'est penchée pour sa part sur la nature interdisciplinaire et intersectorielle de la santé publique au XXIème siècle, dont les défis sont contenus dans la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé, adoptée par l'OMS. Au nom de l'équité, elle a recommandé une stratégie fondée sur les droits de l'homme dans le domaine de la santé publique. Elle a mis l'accent sur la nécessité de stratégies intégrées en matière de santé publique pour faire face aux changement climatique et aux facteurs environnementaux. Selon les estimations de l'OMS, en 2012, plus de 7 millions de personnes sont mortes des résultats de la pollution atmosphérique, a fait observer Mme Kickbusch.

Les professionnels de la santé doivent œuvrer de concert avec ceux d'autres secteurs étatiques et privés, a ensuite souligné Mme Kickbusch. La coopération entre les pays est incontournable pour garantir l'intérêt public au niveau mondial, a-t-elle insisté, faisant en outre valoir que l'éducation à la santé permet plus d'équité. Par ailleurs, les citoyens doivent être à même de prendre des décisions en matière de santé en toute connaissance de cause, a-t-elle souligné. Dans ce sens, la formation à la santé est un facteur déterminant, a-t-elle rappelé. Mme Kickbusch a également mentionné la problématique de l'étiquetage, du marketing des médications et de la publicité. Il est impératif de créer l'enveloppe fiscale nécessaire à la pleine mise en œuvre des Objectifs de développement durable, notamment l'objectif n°3 (relatif à la bonne santé et au bien-être), a souligné Mme Kickbusch. La santé est également un choix politique et une question de volonté, a-t-elle conclu.

Débat

La Chine, au nom d'un groupe de pays, a souligné la nécessité de renforcer les capacités de santé dans les pays en développement par le biais de la coopération internationale, du transfert de technologies et de la réduction du prix des médicaments. Les institutions des Nations Unies doivent également apporter leur soutien à ces pays, par le biais de l'assistance technique, a ajouté la délégation chinoise. Il est important d'approcher la question de la santé sous l'angle des droits de l'homme, a souligné l'Union européenne, avant de demander à Mme Chan comment cette approche peut être effective dans le contexte du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Il n'en reste pas moins que ce Programme ne pourra pas être appliqué pour les personnes vivant dans des zones occupées, a souligné la Géorgie, invitant la communauté internationale à se pencher sur cette question de l'occupation. Le Portugal a demandé aux panélistes comment les questions de l'accès aux médicaments et de l'accès des migrants et réfugiés aux services de santé peuvent être abordées.

Le Qatar a rappelé accueillir chaque année le Sommet mondial de l'innovation pour la santé et a fait part de sa stratégie nationale pour 2016-2017 qui vise à fournir à toute personne vivant au Qatar tous les types de soins pour la santé physique et mentale. La Malaisie poursuit la même stratégie et y ajoute des efforts pluridisciplinaires visant à s'attaquer, par exemple, aux inégalités entre hommes et femmes. El Salvador a quant à lui pu réduire les taux de mortalité infantile et maternelle et a ainsi été l'un des premiers pays en développement à atteindre avant 2030 l'objectif fixé en la matière. Aujourd'hui, 98% des naissances ont lieu dans des hôpitaux qualifiés, a fait valoir la délégation salvadorienne. La France, qui dispose d'un mécanisme de couverture maladie universelle, apporte à travers l'Agence française de développement (AFD) son appui à l'OMS pour le renforcement des capacités des pays en matière de santé.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), a assuré que les membres de l'OCI travaillent en coopération avec leurs partenaires pour le renforcement de leurs capacités en matière de santé. À cet égard, la délégation pakistanaise a souhaité savoir comment les panélistes voient le rôle des organisations sous régionales dans ce genre de programme de renforcement des capacités. Quel rôle peuvent jouer les langues dans la promotion de la santé, a pour sa part demandé le Portugal, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), avant de rappeler l'accord conclu en faveur du renforcement de la langue portugaise au sein de l'OMS.

Rappelant que les pays africains, dans la Déclaration d'Abuja de 2001, se sont engagés à consacrer 15% de leurs ressources à la santé, la Tunisie, au nom du Groupe africain, a demandé l'appui de la communauté internationale pour les aider à atteindre cet objectif. La délégation tunisienne a en outre demandé à tous les pays de respecter l'objectif visant à ce qu'ils consacrent 0,5% de leur richesse nationale à l'aide publique au développement. Le Paraguay, qui a rappelé avoir reçu la visite en 2016 du Rapporteur spécial sur le droit à la santé, a lui aussi souligné que les mécanismes internationaux devraient aider les pays à réaliser les objectifs pertinents.

Le Botswana a souligné que sans une bonne gestion des affaires publiques et sans stabilité politique, il n'est pas possible de mettre en place un système de santé publique solide. Les États-Unis ont attiré l'attention sur le problème de la pénurie d'équipes médicales dans certaines zones géographiques. Le Gouvernement des États-Unis a mis en place des capacités mobiles et des services de télésanté, notamment pour les populations éloignées. La délégation des États-Unis a ensuite insisté sur l'importance des efforts des pays visant à mettre en place et appliquer les règles internationales en matière de santé et à améliorer les capacités.

Le Venezuela a déclaré avoir pris des mesures de lutte contre la guerre économique lancée par les forces extérieures contre le pays. Des solutions viables ont en outre été envisagées pour garantir le droit à la santé d'une manière durable. Le transfert des technologies et l'aide publique au développement peuvent jouer un rôle décisif dans la jouissance du droit à la santé, a souligné la délégation vénézuélienne.

La République islamique d'Iran a considéré que cette session du Conseil offre l'occasion d'encourager au renforcement des capacités de santé publique. L'Iran a pour sa part procédé à une réforme dans ce but pour élargir la couverture médicale au milieu rural. Le Programme de développement durable à l'horizon 2030 reste cependant flou sur les voies et moyens de financement des structures de santé, a estimé la délégation iranienne. Des obstacles sont aussi posés par certaines dispositions de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et de l'Organisation mondiale du commerce, a-t-elle ajouté.

Il en va de l'obligation des États de garantir le droit à la santé, a déclaré Haïti, dont le Gouvernement s'évertue à relever les nombreux défis visant à assurer la couverture médicale universelle. La délégation haïtienne s'est demandée comment parvenir aux résultats escomptés par les politiques nationales lorsque les donateurs conditionnent le financement.

Israël a fait valoir que le renforcement des capacités de santé publique est devenu une priorité pour les responsables de ce secteur. Ainsi, les universités de Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa proposent-elles des filières en matière de santé publique, dont certaines sont internationales. D'autre part, l'Unité pour la formation et le développement relevant du Ministère de la santé supervise les cours et les séminaires organisés en Israël, notamment ceux sur la santé et l'environnement, avec un accent particulier sur l'eau et l'assainissement.

La Sierra Leone a indiqué avoir mis en place un plan stratégique en matière de santé, y compris en matière de ressources humaines pour la santé. Sans système d'intervention et de surveillance solide, des maladies comme l'Ebola peuvent se propager, a souligné la délégation sierra-léonaise, avant d'insister sur l'importance de disposer de systèmes de gestion et de réponse forts et sur l'importance de la formation du personnel de santé publique. La Malaisie tente pour sa part d'accroître l'accès aux services médicaux, mais demeure confrontée à la répartition inégale du personnel et aux problèmes de qualification de ce même personnel. La coopération entre secteur public et non gouvernemental est essentielle, de même que le partage des technologies et des expériences, a souligné la délégation malaisienne.

Les Maldives ont indiqué disposer d'un mécanisme de couverture universelle qui élargit l'accès des personnes vulnérables. Cependant, la dispersion des îles, associée au problème du transport, pose un problème d'accessibilité, a souligné la délégation de l'archipel, avant de solliciter l'aide de la communauté internationale à cet égard. L'Éthiopie a souligné que la disponibilité d'un personnel qualifié dans le domaine de la santé est l'un des problèmes auxquels se heurtent la plupart des pays en développement. Comment résoudre la question du manque de financements, s'est-elle demandée?

La Fédération de Russie a fait observer que l'inclusion de l'Objectif de développement durable n°3 (sur la bonne santé et le bien-être) montre à quel point la communauté internationale a pris conscience de l'importance de la santé publique. Ces dernières années, la Fédération de Russie a accordé une attention particulière à la couverture universelle et à l'acquisition d'un équipement médical adéquat et moderne. D'autre part, il est important de former des spécialistes adaptés aux besoins des régions, a ajouté la délégation russe.

L'Inde a indiqué qu'en mars dernier, elle avait adopté une politique conforme à l'Objectif de développement durable n°3; une nouvelle équipe spéciale a été mise sur pied pour veiller à la réalisation des cibles au titre de cet Objectif. Les maladies ne connaissant pas de frontières politiques, il est impératif de poursuivre le dialogue et la coopération internationale autour de la santé publique, a ajouté la délégation indienne.

Pour l'organisation non gouvernementale Swedish association for Sexuality Education, parvenir à la santé pour tous est non seulement souhaitable, mais également réalisable. Il est nécessaire d'assurer un droit à l'avortement, a plaidé l'ONG, rejointe en ce sens par Verein Sudwind, qui a en outre fait observer qu'en République islamique d'Iran, le droit à la santé génésique est remis en cause sous prétexte de vouloir augmenter la population pour la porter à 150 millions d'habitants, contre les 80 millions actuels. Amnesty International appelle également à ce que les droits sexuels et reproductifs soient protégés et renforcés, par le biais de politiques publiques destinées à renforcer les systèmes de santé, à évaluer leur performance et à développer leur redevabilité.

International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM) a fait observer que la situation au Yémen se détériore sans cesse depuis 2014. Plus de la moitié de l'infrastructure de santé a été détruite et les hôpitaux n'arrivent plus à payer leur personnel depuis 2016. Par ailleurs, l'épidémie du choléra fait désormais des ravages et le nombre de cas suspects ne fait qu'augmenter. Que peut faire l'ONU pour le Yémen où des acteurs non étatiques commettent des abus, détruisent les médicaments et interdisent les soins médicaux, a demandé l'ONG?

Tourner la page a tiré la sonnette d'alarme face au «génocide» tamoul à Sri Lanka. Plus de 90 000 familles sont désespérées, à la recherche de nourriture mais également de justice, a insisté l'ONG. Le Pont a également évoqué le sort des Tamouls, en particulier des femmes qui souffrent des problèmes hérités de la période de guerre. L'ONG a rappelé que depuis 2006, il y a eu une multiplication d'agressions de contre les services et les travailleurs de santé de la part des soldats sri-lankais.

Réponses et conclusions des panélistes

Avant de redonner la parole aux panélistes, la modératrice du débat, MME MXAKATO-DISEKO, a souligné que les défis des pays en développement sont différents de ceux des pays développés et que la question se pose pour le Conseil des droits de l'homme de savoir comment prendre en compte cette différence et garantir le droit à la santé pour tous.

M. NYENSWAH a rappelé qu'il n'existe pas de solution miracle et universelle, notamment pour ce qui est de l'accès aux soins et aux médicaments. Il existe de nombreuses maladies en Afrique, mais on constate une fuite des cerveaux, a-t-il en outre fait observer, ajoutant qu'il fallait se poser la question de la coopération Sud-Sud, Cuba et la Chine faisant figure – selon lui – de modèles.

M. Nyenswah a ensuite déclaré le Liberia avait beaucoup appris de la crise d'Ebola. Il y a aujourd'hui une forte coopération avec les pays occidentaux pour la formation des personnels de santé et pour les méthodes de dépistage. On a vu au cours de cette crise se matérialiser une coopération Nord-Sud, mais aussi une coopération Sud-Sud, a-t-il souligné.

M. SOMARRIBA LÓPEZ a abordé la question des médicaments et a fait observer que son pays, Cuba, a élaboré un cadre de base comportant 800 médicaments, dont 531 sont produits au niveau national. Cuba a en outre développé la production et l'utilisation de médicaments naturels.

M. Somarriba López a ensuite précisé que l'expérience cubaine se concentre sur des valeurs éthiques et humanitaires, notamment dans la coopération avec les autres pays. Évoquant la coopération tripartite entre son pays, la Norvège et Haïti pour lutter contre l'épidémie de choléra qui a touché Haïti, il a assuré que Cuba souhaite continuer à travailler sur cette voie pour renforcer ce qui a déjà été réalisé.

M. MINGHUI a souhaité que la coopération se poursuive avec l'OMS, expliquant qu'une approche de santé publique ne suffit pas et qu'une approche basée sur les droits de l'homme peut permettre d'aborder la question de façon plus politique. La création de capacités n'est pas un problème seulement pour les petits pays mais aussi pour les pays riches, a-t-il en outre souligné. Des investissements importants sont nécessaires pour faciliter l'accès aux médicaments et l'essentiel doit venir de la capacité de production, à des prix abordables, par les pays.

M. Minghui a ensuite souligné que ce n'est pas l'OMS ou les autres institutions internationales qui peuvent créer de bonnes pratiques: l'expérience doit venir du terrain. L'OMS est très attentive aux propositions des États Membres. S'agissant des priorités, M. Minghui a déclaré que les communautés devaient se faire entendre. On ne peut pas uniquement analyser des données, a-t-il affirmé.

M. GONG XIANGGUANG a souligné que la Chine avait toujours insisté pour placer la santé au centre de son action. Elle a ainsi mis en place des mesures pour assurer l'accessibilité aux soins et l'égalité de tous en la matière, indépendamment des revenus.

M. Gong Xiangguang a ensuite rappelé que la Chine avait, dans les années 1980, les mêmes problèmes que beaucoup de pays aujourd'hui, notamment pour ce qui est du manque de ressources. Le Gouvernement a donc augmenté les ressources et les a réparties dans tous les territoires du pays.

MME KICKBUSCH a plaidé pour des programmes ciblés et a notamment fait observer que des études montrent que la taxation du tabac réduit le tabagisme. Le coût du tabac pour l'économie est énorme et l'argent épargné pourrait être réinvesti dans d'autres programmes, a-t-elle insisté. Les maladies doivent être appréhendée globalement et non pas en considérant isolément le volet traitement, d'un côté, et le volet prévention, de l'autre. En outre, les organisations régionales ont un grand rôle à jouer pour mettre en place les politiques nécessaires.

Mme Kickbusch a ensuite affirmé qu'une attention particulière doit être accordée à l'Objectif de développement durable n°16 (paix, justice et institutions efficaces), afin d'accroître la bonne gouvernance. Les personnels de santé doivent être correctement formés et les services bien équipés, a-t-elle ajouté. Ce n'est qu'à partir de là que l'on pourra avancer, a-t-elle insisté.
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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Chine (au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Géorgie, Portugal, Qatar, Malaisie, El Salvador, France, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Portugal (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise), Tunisie (au nom du Groupe africain), Paraguay, Botswana, États-Unis, Venezuela, République islamique d'Iran, Haïti, Israël, Sierra Leone, Malaisie, Maldives, Éthiopie, Fédération de Russie, Inde.

**Les organisations non gouvernementales ont pris la parole dans le cadre du débat: Swedish Association for Sexuality Education, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Amnesty International, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM), Tourner la page, et Le Pont.


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HRC17/078F