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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT SA RÉUNION-DÉBAT ANNUELLE SUR LA COOPÉRATION TECHNIQUE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet-après-midi sa réunion-débat annuelle sur la coopération technique pour la promotion et la protection des droits de l’homme, dont le thème cette année était « une décennie de coopération technique et de renforcement des capacités au Conseil des droits de l'homme : défis et perspectives ». Animé par le Représentant permanent de la Thaïlande auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, M. Sek Wannamethee, le débat a été présenté par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein.

Le débat a compté avec la participation de plusieurs panélistes : M. Sihasak Phuangketkeow, Ambassadeur de Thaïlande en France et ancien Président du Conseil des droits de l’homme ; M. Ahmed Amin Bahnini, conseiller à la Mission permanente du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies à Genève ; Mme Marie Luisa Silva, Directrice du bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève ; Mme Claire Hubert, Directrice de projet auprès du Ministère des affaires étrangères de la Norvège ; et M. Marc Limon, Directeur exécutif de l’Universal Rights Group.

Dans ses remarques liminaires, M. Zeid a dit que la coopération technique était une des clefs de la prévention de la discrimination, de la marginalisation et des conflits. Elle ne peut être réussie que si elle fait partie d’un ensemble de mesures. Par exemple, la formation des éléments des forces de police et de sécurité est moins efficace si l’on n’est pas aussi engagé avec les académies de formation et dans des réformes systémiques.

M. Phuangketkeow s’est dit convaincu par le potentiel que recèle la coopération technique en termes de promotion et de protection des droits de l’homme. Le diplomate a recommandé de rationaliser la manière dont sont fournis les efforts de renforcement des capacités, par exemple en renforçant les équipes de pays pour veiller à ce que le pays concerné s’approprie le programme. Le développement de capacités est un facteur clé de la politique de coopération du Maroc avec les pays en développement, a assuré M. Bahnini, ajoutant que, pour atteindre les objectifs de développement, il fallait maintenir les mécanismes qui fonctionnent, notamment l’Examen périodique universel et encourager les échanges entre les pays et leurs mécanismes nationaux.

Mme Silva a souligné que, par souci de cohérence et d’efficacité, l’assistance technique exige un leadership politique ainsi que des moyens adaptés aux résultats escomptés. D’où la nécessité d’une évolution du financement consacré à l’action dans ce domaine au sein des Nations Unies, dont il conviendrait que le volume soit augmenté. Mme Hubert a de son côté estimé que la coopération technique devait être ancrée dans les obligations et recommandations relatives aux droits de l’homme et être en harmonie avec les priorités nationales. Elle a proposé la création d’une plateforme d’information sur la coopération technique conduite par les agences, fonds et programmes de l’ONU.

M. Limon a proposé sept principes pour revitaliser la coopération technique, notamment la consultation et le consentement du pays concerné ; la compatibilité avec les besoins nationaux tels qu’exprimés par les pays eux-mêmes ; l’échange d’expérience et des bonnes pratiques ; et l’appropriation nationale.

De nombreuses délégations* ont pris part au débat. Elles ont mis l’accent sur le fait que la coopération technique et le renforcement des capacités doivent respecter les principes d’universalité, d’objectivité, de non-sélectivité et de non-politisation. Toute assistance technique doit être fournie sur la base du volontariat et être conforme aux choix, priorités et spécificités nationales, ont souligné un certain nombre d’intervenants. L’assistance technique et le renforcement des capacités ne doivent donc pas être imposés, car il n’y a pas de modèle unique, ont insisté plusieurs pays, exprimant leur préférence pour la « coopération technique positive ». Le troisième cycle de l’Examen périodique universel qui s’annonce sera une bonne occasion de se pencher sur les moyens d’améliorer cette coopération technique et de combler les lacunes, a-t-il été affirmé.

Il a par ailleurs été observé que les ressources dont dispose le Haut-Commissariat pour l’assistance technique sont limitées. Dans ce contexte, un appel a été lancé en faveur de l’augmentation de ces ressources. Plusieurs délégations ayant reçu une assistance technique de la part du Haut-Commissariat ont présenté ce qui a pu être accompli par le biais de cette aide.


Le Conseil se réunira demain à partir de 10 heures. Il tiendra un dialogue sur la coopération périodique sur l’Ukraine, ainsi que son débat général sur l’assistance technique et le renforcement des capacités.


Réunion-débat annuelle sur la coopération technique

Remarques liminaires

M. ZEID RA’AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré que la coopération technique est une des clés de la prévention de la discrimination, de la marginalisation et des conflits. C’est pour cela que le Haut-Commissariat continue de déployer des efforts significatifs afin d’évaluer les répercussions de la coopération technique, qui du point de vue du Haut-Commissariat ne peut être source de succès que si elle fait partie d’un ensemble de mesures. Par exemple, la formation des éléments des forces de police et de sécurité est moins efficace si l’on n’est pas aussi engagé avec les académies de formation et dans des réformes systémiques, a-t-il illustré.

Il est tout aussi important de faire des progrès visibles et palpables, a poursuivi le Haut-Commissaire. À cet égard, l’outil de suivi des recommandations en ligne élaboré par le Paraguay est un excellent système, s’est-il félicité, se félicitant par ailleurs que le Chili, la République dominicaine, les Fidji, le Honduras et le Guatemala développent tous un outil similaire. Il est également de la plus grande importance d’impliquer la société civile et tous les autres acteurs nationaux pertinents afin d’assurer ce suivi, car, a-t-il insisté, toute intervention à court terme n’est pas une bonne approche si on veut mettre en œuvre les droits de l'homme. Alors que va débuter le troisième cycle de l’Examen périodique universel, la coopération technique sera essentielle pour la mise en œuvre des recommandations qui en seront issues, a souligné M. Zeid. Dans ce contexte, nombre d’États sont en excellente position pour fournir de bonnes pratiques, des lignes directrices, des suggestions et un appui, a-t-il conclu.

Animateur du débat, M. SEK WANNAMETHEE, Représentant permanent de la Thaïlande auprès des Nations Unies à Genève, a quant à lui rappelé que la coopération technique est un des mandats du Conseil des droits de l'homme. Alors qu’ont été célébrés les dix ans du Conseil, le temps est venu de faire le point sur cette coopération technique. La table ronde de cet après-midi permettra donc d’examiner comment le Conseil peut améliorer son action en matière de coopération technique et d’identifier les défis qui existent et restent à relever, a indiqué le modérateur du débat, avant de laisser la parole au panélistes.

Exposés des panélistes

M. SIHASAK PHUANGKETKEOW, Ambassadeur de Thaïlande en France et ancien président du Conseil des droits de l’homme, s’est dit convaincu par le potentiel que recèle la coopération technique en termes de promotion et de protection des droits de l’homme et a rappelé le caractère central de cette coopération et du renforcement des capacités. La crédibilité et l’efficacité du Conseil, ainsi que la manière de mieux gérer les situations urgentes sont au cœur des discussions sur l’élargissement de la coopération technique. Quant à la prévention, elle reste à définir et peut justement reposer sur le renforcement des capacités, a souligné le diplomate.

Pour ce qui est de la question de savoir comment faire mieux avec des ressources limitées, M. Sihasak Phuangketkeow a estimé qu’il faut rationaliser la manière dont sont fournis les efforts de renforcement des capacités, par exemple en renforçant les équipes de pays pour veiller à ce que le pays concerné s’approprie le programme. La coopération technique au sens large, c’est se donner les moyens de dégager des consensus, a ajouté le panéliste. Quant aux modalités concrètes, il ne s’agit pas seulement d’engagements financiers, mais aussi de partage d’expériences et de bonnes pratiques, ainsi que de coopération bilatérale, notamment Sud-Sud, a-t-il précisé. Ce point à l’ordre du jour est l’occasion pour le Conseil de travailler en faveur du dialogue et de la coopération, a-t-il conclu.

MME MARIA LUISA SILVA, Directrice du bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève, a expliqué que le PNUD considère les droits de l’homme comme partie intégrante de son travail, car il soutient les gouvernements dans la mise en œuvre de certains aspects des recommandations issues de l’Examen périodique universel. Les Objectifs de développement durable sont par ailleurs ancrés dans les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a-t-elle rappelé. Dans le cadre de l’approche systémique pour laquelle le PNUD a opté, la panéliste a aussi décrit différentes formes de partenariats mis en place, notamment pour l’appui à plus de 90 commissions nationales de droits de l’homme dans le monde, avant d’attirer l’attention sur l’existence d’un point focal sur les droits de l’homme qui appuie la levée de fonds conjointe sur la base d’une coopération institutionnelle. Par souci de cohérence et de continuité dans le travail et pour que l’assistance technique soit efficace, il faut qu’elle soutienne un véritable changement, ce qui exige un leadership politique ainsi que des moyens adaptés aux résultats escomptés, a d’autre part souligné la panéliste. D’où la nécessité d’une évolution du financement consacré à l’action dans ce domaine au sein des Nations Unies, dont il conviendrait que le volume soit augmenté, a-t-elle indiqué.

M. AHMED AMIN BAHNINI, Conseiller à la Mission permanente du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que la célébration d’une décennie de coopération technique et de renforcement des capacités au sein du Conseil fournit une occasion opportune de réfléchir à l’importance de l’action de coopération technique et de son apport dans l’avancement de l’agenda des droits de l’homme et aux défis existants en la matière. L’accomplissement du mandat et des objectifs du Conseil demeure en effet étroitement lié au renforcement de la coopération internationale et des capacités des États et de différents acteurs et institutions des droits de l’homme, a ajouté le panéliste.

M. Bahnini a ensuite souligné le rôle primordial du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme, créé en 1987, ainsi que celui du Fonds de contributions volontaires pour l’assistance financière et technique concernant la mise en œuvre de l’Examen périodique universel. Grâce aux fonds, le Haut-Commissariat a pu contribuer aux efforts des pays destinés à l’intégration des normes internationales relatives aux droits de l’homme dans les lois, les politiques et les pratiques nationales, ainsi qu’à la création et au renforcement d’institutions, a expliqué M. Bahnini.

En ce qui concerne le Maroc, a poursuivi le panéliste, le développement de capacités demeure un élément clé de toute politique de coopération avec les pays en développement et avec les petits États insulaires en développement. Le Maroc est le seul pays africain contributeur au Fonds d’affectation spéciale pour l’assistance technique à l’appui de la participation des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement aux travaux du Conseil des droits de l'homme, a précisé le panéliste, indiquant que sa contribution avait permis de faire en sorte que la 32e session du Conseil soit la première session universelle, avec la participation de tous les pays membres du Conseil.

Les pistes de promotion de la coopération technique pour l’avenir et pour atteindre les Objectifs de développement durable sont multiples, a fait savoir M. Bahnini. Cela passe tout d’abord par le maintien des mécanismes qui fonctionnent, notamment l’Examen périodique universel, qui en est à son troisième cycle, a-t-il précisé. Il faut également encourager les échanges transversaux entre différents pays et leurs mécanismes nationaux, a-t-il ajouté.

MME CLAIRE HUBERT, Directrice de projets au Ministère des affaires étrangères de la Norvège, a évoqué la longue tradition de son pays en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme. Elle a présenté les grandes lignes du document de base, présenté en décembre 2014, qui sous-tend la politique étrangère et de développement de la Norvège, lequel a été confirmé et amélioré depuis.

La contribution et l’appui à l’assistance technique et au renforcement des capacités doivent être ancrés dans les obligations et recommandations pertinentes relatives aux droits de l’homme, a poursuivi la panéliste. Il faut aussi qu’ils soient en harmonie avec les priorités nationales, la législation et les plans de développement et reposent sur le respect mutuel et un partenariat avec la société civile. En outre, l’assistance technique doit être inclusive et transparente et garantir la participation et la coopération des personnes affectées, en étant également liée au processus mondiaux ou régionaux relatifs aux droits de l’homme. Mme Hubert a proposé, en guise de jalon concret après le débat d’aujourd’hui, d’établir une plateforme d’information sur les résultats de la coopération dans le domaine des droits de l’homme de la part des agences, fonds et programmes de l’ONU.

M. MARC LIMON, Directeur exécutif de Universal Rights Group, a traité de l’immense défi que représente la mise en œuvre des centaines de recommandations faites, chaque année, aux pays les moins avancés et aux petits États insulaires en développement, en l’absence d’un appui international.

Proposant une formule de revitalisation de l’assistance technique et du renforcement des capacités, il a formulé sept principes, tous inspirés de paragraphes pertinents de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale.

M. Limon a mis l’accent, en premier lieu, sur l’importance, avant toute assistance, d’une consultation et du consentement du pays concerné. En deuxième lieu, l’appui doit reposer sur les besoins nationaux tels qu’exprimés par le pays lui-même et non pas être imposé par le Conseil à partir de sa propre lecture de la situation. En troisième lieu, l’assistance technique et le renforcement des capacités devraient avoir comme préalable la pleine promotion de l’application des obligations des États en matière des droits de l’homme.

Quatrièmement, la fourniture de l’assistance doit se baser sur les principes de coopération et de dialogue sincère, être inclusive et couvrir une large gamme de parties prenantes, a poursuivi le panéliste. En cinquième lieu, il faudrait inclure l’échange d’expériences, les bonnes pratiques, les réussites et les échecs, les obstacles et les enseignements tirés. Il s’agit également d’inclure la coopération Sud-Sud, Sud-Nord et Nord-Sud. En sixième lieu, M. Limon a demandé que le travail du Conseil en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités soit orienté vers les résultats et le suivi. Enfin, le renforcement des capacités implique également de bâtir la capacité nationale de résilience pour contribuer à la prévention de la commission de violations des droits de l’homme.

M. Limon a conclu son propos en recommandant au Conseil d’envisager une plateforme volontaire pour avoir un dialogue sur les droits de l’homme, le renforcement des capacités et la résilience.

Débat

Pendant le débat, de nombreuses délégations ont rendu hommage aux activités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le domaine de l’assistance technique. Le Togo s’est réjoui d’être l’une des expériences les plus abouties de la coopération avec le Haut-Commissariat, qui s’est déroulée entre 2006 et 2015. La coopération a pris des formes diverses, dont l’élaboration des politiques visant à la mise en œuvre des 22 engagements pour la démocratie et les droits de l’homme, conclus en 2004 avec l’Union européenne, ainsi que les recommandations de la mission d’enquête créée en juin 2005 par le Haut-Commissariat. La réussite spectaculaire des élections togolaises au cours de la dernière décennie avait suscité un intérêt réel de la part d’autres pays en termes de partage de bonnes pratiques. Le Togo a attribué cette avancée à la forte implication du Haut-Commissariat dans – notamment – la formation des forces de sécurité et la formation et le déploiement d’observateurs des droits de l’homme dans toutes les préfectures togolaises.

La Guinée a également mesuré avec satisfaction l’accompagnement du Haut-Commissariat dans le renforcement de l’état de droit dans les secteurs de la sécurité, de la justice et de la gouvernance. Le Haut-Commissariat a également contribué aux efforts tendant à doter la Guinée d’une « Lettre de politique de promotion et protection des droits humains » et à organiser, cette année, des États généraux des droits de l’homme. La Guinée a aussi annoncé l’ouverture prochaine d’un centre de référence des droits de l’homme dans le cadre de « Conakry, capitale mondiale du livre ».

Les Fidji ont dit apprécier l’assistance du Fonds de contributions volontaires pour l’assistance financière et technique concernant la mise en œuvre de l’Examen périodique et du Fonds d’affectation spéciale pour l’assistance technique à l’appui de la participation des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement aux travaux du Conseil des droits de l’homme, ainsi que l’action de terrain du Haut-Commissariat. Les projets conjoints cette année sur le droits des enfants victimes d’abus, en coopération avec le système judiciaire, le secteur de la justice, la Commission de lutte contre les discriminations et les médias, ont également été exécutés avec satisfaction.

Le Honduras a fait savoir que les dix dernières années de la coopération technique se sont révélées être le point de départ naturel d’une collaboration entre les Nations Unies, les autorités nationales et locales et la société civile aux fins de comprendre et de remédier aux défis quotidiens en matière des droits de l’homme. Les Bahamas ont estimé que la coopération technique et le renforcement des capacités sont des éléments clef de toute entreprise d’avancement des droits de l’homme à l’échelle mondiale. Les Bahamas ont salué les contributions ayant permis qu’un représentant de chaque pays insulaire en développement puisse participer aux travaux du Conseil : le Fonds d’affectation spéciale a appuyé 77 délégués jusqu’à présent.

L’Ukraine a estimé que la coopération technique est un domaine clef des activités du Haut-Commissariat, et insisté sur la nécessité d’une approche systémique pour que la coopération technique ne se réduise pas à une activité isolée mais fasse partie plutôt d’une stratégie multidimensionnelle des droits de l’homme. L’Ukraine est à l’avant-garde dans ce domaine, puisqu’elle bénéficie de la coopération de la Mission de surveillance des droits de l’homme établie en 2014. Cette mission est très engagée avec les parties prenantes au niveau national, notamment les agences étatiques, la société civile et l’institution du Médiateur.

L’Arabie saoudite a fait état de la signature, en 2012, d’un Mémorandum d’entente sur la coopération technique avec le Haut-Commissariat. Depuis lors, le Royaume s’efforce d’améliorer ses capacités dans le domaine du droit international relatif aux droits de l’homme, notamment relations avec les mécanismes onusiens et d’autres organisations internationales spécialisées. L’Arabie saoudite a recommandé de veiller à ce que l’assistance prenne en considération les spécificités culturelles de chaque pays.

L’Égypte, au nom du Groupe arabe, a dit que la coopération technique devait être basée sur les choix et priorités nationales. Dans ce cadre, le Groupe arabe salue la « coopération technique positive » et estime qu’il n’y a pas de modèle unique à institutionnaliser et imposer aux États. Les Philippines, au nom de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), a ajouté que le dialogue et l’échange d’expériences et des bonnes pratiques devaient primer, outre l’engagement volontaire et le libre choix des États.

La Chine au nom également du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud, a insisté sur la nécessité du dialogue en matière de coopération technique. Il ne doit y avoir aucune stigmatisation des États qui souhaitent recevoir une assistance technique, a dit la Chine, appelant le Conseil à prendre les mesures nécessaires pour éliminer la perception négative qu’ont certains États de la coopération technique. La Thaïlande a également recommandé au Conseil de mieux dialoguer davantage, d’échanger des bonnes pratiques et de faire respecter ses résolutions sur l’assistance technique. L’impact de l’assistance technique exige de travailler avec les États concernés et d’instaurer la confiance.

Pour la Norvège, au nom d’un groupe de pays, l’assistance technique est devenue « trop statique ». Ces pays plaident pour que les programmes tiennent davantage compte des besoins nationaux, dans un contexte de ressources limitées. Il faudrait en outre demander à d’autres mécanismes des Nations Unies d’évaluer l’efficacité des programmes. Pour le Portugal, au nom d’un groupe de pays, le troisième cycle de l’Examen périodique universel devrait donner une occasion d’avancer sur cette question. L’Union européenne a espéré que la coopération technique ferait en effet partie du troisième cycle de l’EPU, dont il faut espérer qu’il permettra de combler les lacunes rencontrées dans ce domaine.

La Sierra Leone constate aussi que les ressources dont dispose le Haut-Commissariat pour l’assistance technique sont limitées et doivent être accrues. Cela dit, la Sierra Leone constate que l’échange des bonnes pratiques et la coopération Sud-Sud ont montré le rôle que peuvent jouer les organisations régionales. Bon exemple de coopération Sud-Sud, le système SIMORE (Sistema de Monitoreo de Recomendaciones) de suivi en ligne de la mise en œuvre des recommandations de l’Examen périodique universel, développé par le Paraguay, est déjà utilisé par nombre de pays de la région, avec l’aide du Haut-Commissariat, a fait valoir la délégation paraguayenne.

Outre le dialogue et la coopération avec les États bénéficiaires, le Monténégro estime que l’appropriation nationale doit être un des objectifs de l’assistance technique. Haïti, qui a bénéficié depuis 1995 d’un mandat de pays, a estimé que le nouveau mandat créé en mars dernier correspondait mieux à ses besoins : Haïti coopérera pleinement avec son titulaire. L’Angola a indiqué que quatre pays membres de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) ont bénéficié du Fonds de contributions volontaires pour l’assistance financière et technique concernant la mise en œuvre de l’Examen périodique universel depuis sa création. L’Angola a remercié le Haut-Commissariat de ses efforts.

Rappelant que les droits de l’homme sont universels, interdépendants et indivisibles, la Mongolie a souligné qu’ils doivent être traités sur un pied d’égalité. Aussi, donner aux États les moyens de respecter leurs obligations et d’accepter les recommandations de l’Examen périodique universel est une manière efficace de parvenir à l’universalité des droits de l’homme. Pour que le Conseil puisse assurer sa mission de fournir une assistance technique, il faut aussi qu’il dispose des ressources nécessaires, a fait observer la Mongolie. La Malaisie a souligné que les principes d’universalité, d’objectivité, de non-sélectivité et de non-politisation imposent d’adopter une approche reposant sur la confiance et la coopération, et non sur la confrontation.

L’Inde a attiré l’attention sur la nécessité d’assurer, d’une part, une assistance technique systémique pour combler les lacunes stratégiques et, d’autre part, un renforcement des capacités qui réponde aux besoins sectoriels. Par ailleurs, un effort concerté sera essentiel pour parvenir aux objectifs ambitieux du Programme de développement durable à l’horizon 2030 dans plusieurs pays en développement.

La Bolivie a demandé de veiller à conserver l’intégrité et la bonne foi de la coopération, comme un gage de confiance dans la politique multilatérale, et a rappelé que la coopération technique et le renforcement des capacités doivent se fonder sur la consultation des États intéressés, qui doivent donner leur consentement. Elle a demandé au panel quel était le rôle de l’interculturalité dans la coopération. Le Venezuela a souligné qu’il importait de fournir les conditions nécessaires pour améliorer la situation des droits de l’homme grâce à l’assistance technique et au renforcement des capacités mais toujours en accord avec les pays concernés.

La République de Moldova a donné en exemple l’assistance technique qu’elle a reçue pour la participation et le suivi de l’Examen périodique en 2016, précisant que son expérience de transposition des recommandations dans la législation pourrait être utile à d’autres États qui suivent le même processus. Les Seychelles se sont félicitées du soutien qu’elles ont reçu et qui leur ont permis de participer au Conseil pour la première fois. Les Maldives ont mis en avant le soutien irremplaçable des fonds de contributions volontaires pour les pays les moins développés et les petits États insulaires en développement dans la mise en œuvre des droits de l’homme. La délégation a sollicité l’expertise technique des Nations Unies pour renforcer les mécanismes de promotion et de protection des droits de l’homme aux Maldives.

Pour la Suisse, le Conseil et les États doivent progresser prioritairement sur trois fronts pour enregistrer des progrès tangibles : créer un espace au sein du Conseil pour renforcer la coopération technique et mieux suivre la mise en œuvre des recommandations ; améliorer l’engagement et la coopération des États vis-à-vis du Conseil ; et attribuer les ressources financières nécessaires au Haut-Commissariat pour qu’il puisse mener ses activités de coopération technique. Les Pays-Bas ont remercié le Haut-Commissariat pour la coopération technique visant à améliorer la situation des droits de l’homme un peu partout dans le monde, notamment en termes de réforme constitutionnelle, de lutte contre la discrimination et de renforcement de la reddition de comptes et de l’état de droit. La délégation néerlandaise a souligné qu’il est nécessaire de fournir au Haut-Commissariat les ressources financières nécessaires à cette fin et a encouragé tous les États à coopérer et à accepter les mécanismes des droits de l’homme.

L’Iraq a dit bénéficier des activités du Haut-Commissariat à Bagdad dans le cadre de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI). Ses conseils stratégiques lui ont permis d’organiser des élections crédibles après la chute de la dictature, de protéger les droits des femmes dans les camps de réfugiés et de fournir une aide psychologique aux personnes retenues par Daech, entre autres. Pour la Libye, pays en transition, cette table ronde est l’occasion d’apprendre de l’expérience de chacun et de bénéficier de bonnes pratiques. Le Gouvernement libyen a besoin d’assistance pour la lutte contre le trafic d’armes et pour faire face au risque terroriste. La Libye a insisté sur l’importance de l’appropriation des programmes par les pays concernés.

« Véritable acteur de la coopération », l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme a indiqué qu’elle était en mesure d’aider les institutions nationales de défense des droits de l’homme à faire rapport et à mettre en place des programmes. L’Alliance a été citée comme un exemple de coopération et de renforcement des capacités.

Des organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. L’Association Bharati Centre Culturel Franco-Tamoul a déploré que Sri Lanka refuse une assistance technique alors que ce pays n’a pas de compétences pour s’occuper des questions post-crise. Étant donné que les Tamouls ont été victimes de génocide et qu’ils ne peuvent pas saisir les tribunaux sri-lankais, l’Association demande la création d’un tribunal international pour juger des crimes commis sur les Tamouls.

International Human Rights Association of American Minorities a déclaré que le renforcement des capacités de la société civile était insuffisant dans le domaine du contrôle des violations des droits de l’homme commises par les milices houthies. Le Conseil a été prié de se pencher sur la manière de renforcer les capacités de créer une commission d’enquête au Yémen.

Le Conseil indien d’Amérique du Sud a déclaré que le refus des États-Unis, pendant le deuxième cycle de l’Examen périodique universel, d’accepter la recommandation visant à transmettre le cas de Hawaii et de l’Alaska à la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies (chargée entre autres des questions de décolonisation) était un exemple clair de leur mépris des droits de l’homme.

Conclusions et réponses des panélistes

M. SIHASAK PHUANGETKEOW a invité à une réflexion sur le rôle et la place de l’assistance technique dans l’appui aux pays afin qu’ils soient plus à même de surmonter leurs difficultés. À cet égard, le rôle du Fonds de contributions volontaires pour l'assistance financière et technique est crucial. Pour les pays confrontés à des situations de fragilité, l’assistance technique, lorsqu’elle est opportune, peut changer considérablement les choses. Les pays ayant bénéficié de l’assistance technique à leur demande pourraient partager leur expérience avec le Conseil, a-t-il conclu.

M. Phuangketkeow s’est félicité des idées concrètes formulées au cours de cette table ronde et a suggéré de faire un recueil des propositions pour voir comment leur donner suite, notamment sur les questions de savoir comment assurer une meilleure coopération technique sur le terrain et la renforcer en tant qu’outil de la diplomatie préventive.

MME MARIA LUISA SILVA a défendu l’idée d’une meilleure appropriation par les pays car il n’est pas possible d’imposer le changement. L’idée de lier l’assistance technique à un plan de développement national adapté aux Objectifs de développement durable est très pratique. Et s’il n’est pas possible d’avoir les ressources nécessaires, il faudrait penser à élargir l’éventail des donateurs, a observé la panéliste.

Mme Silva a répondu à la Bolivie sur le rôle de l’interculturalité dans la création de capacités, estimant que la coopération doit toujours s’adapter au contexte culturel et qu’il n’y a donc pas de modèle unique. À la question du Honduras sur le lien avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’experte a répondu qu’une coopération interinstitutions doit consister à donner les capacités aux pays d’intégrer les Objectifs de développement durable dans leurs plans nationaux, en se concentrant sur l’égalité et les droits de l’homme.

M. AHMED AMIN BAHNINI a déclaré qu’il n’était pas possible d’imposer le changement à travers les procédures spéciales ni n’importe quel autre mécanisme. Il a recommandé au Haut-Commissariat de fournir davantage d’assistance pour le suivi des recommandations de l’Examen périodique universel, tout en soulevant le problème des fonds réservés qui ne peuvent server à d’autres fins. M. Bahnini a jugé très positives les interventions au cours de la table ronde, ajoutant que les politiques de coopération technique sont efficaces.

MME CLAIRE HUBERT a indiqué que, d’après l’expérience norvégienne, le plus important est de faire preuve d’une volonté sincère, en partant du principe qu’une fois les droits de l’homme décomposés en différents sous-domaines (droit à la santé, à l’éducation et ainsi de suite), il est plus facile de se mettre d’accord sur le contenu de l’assistance technique. Mme Hubert s’est dite frappée par ce qu’a dit le Paraguay sur le système de rapports en ligne. Elle a estimé que le débat ne faisait que commencer et espéré qu’il se poursuive.

M. MARC LIMON a indiqué qu’il serait utile de créer un espace de dialogue véritable pour que les pays partagent leur expérience et demandent un appui, et que les institutions des Nations Unies puissent immédiatement répondre à leurs besoins. Un investissement dans la prévention serait aussi un énorme succès. M. Limon a fait observer que le Conseil des droits de l’homme doit fonctionner pour tous les pays, y compris ceux qui manquent de capacités. Cela implique de soutenir des initiatives comme les fonds de soutien et de promouvoir une réalisation efficace du mandat du Conseil : une fois les recommandations effectuées, il faut aider les États à les mettre en œuvre. À propos de la nécessité de mettre en accord besoins et offres de capacités, il a rejoint ce que disait la Suisse sur la création d’un espace de dialogue et d’échanges.

MME GEORGETTE GAGNON, Directrice de la Division des opérations sur le terrain et de la coopération technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a déclaré que le refus d’accès ou de coopération d’un pays constituait un obstacle pour toute la chaîne des partenaires. À long terme, les résultats sont plus visibles lorsqu’il n’y a pas d’entrave à l’accès. Mme Gagnon a signalé que les ressources à la disposition de la Division se raréfient depuis cinq ans. Elle a expliqué que les recommandations des mécanismes étaient la base de la coopération technique. Elle a enfin indiqué que le Haut-Commissariat travaillait au développement de nouvelles formes de partenariat, notamment avec le secteur privé ; et qu’il resterait pleinement engagé en Haïti.

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*Les délégations et organisations non gouvernementales suivantes suivantes ont pris la parole dans le cadre de la réunion-débat: Togo, Guinée, Fidji, Honduras, Bahamas, Ukraine, Arabie saoudite, Égypte (au nom du Groupe arabe), Philippines (au nom de l’Association des nations de l'Asie u Sud-Est), Chine (au nom également du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud), Thaïlande, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Portugal (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Sierra Leone, Paraguay, Monténégro, Haïti, Angola, Mongolie, Malaisie, Inde, Bolivie, Venezuela, République de Moldova, Seychelles, Maldives, Suisse, Pays-Bas, Iraq, Libye, Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme, Association Bharati Centre Culturel Franco-Tamoul, International Human Rights Association of American Minorities, et le Conseil indien d’Amérique du Sud.


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HRC17.105F