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LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DÉBAT DU DROIT À LA SANTÉ, S’AGISSANT PLUS PARTICULIÈREMENT DE LA SANTÉ MENTALE, ET DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l’homme a tenu cet après-midi un débat interactif groupé avec le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Dainius Puras, et avec l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, Mme Virginia Dandan.

M. Puras a rappelé que la santé mentale constitue une priorité sanitaire à l’échelle mondiale, regrettant qu’elle soit négligée et que nulle part dans le monde elle ne se voit accorder la même importance que la santé physique, que ce soit dans les politiques et budgets nationaux ou dans l’enseignement et la pratique de la médecine. Il a jugé nécessaire d’évaluer l’ensemble des obstacles responsables du maintien du statu quo dans ce domaine afin de mettre en place des services fondés sur les droits de l’homme. Il s’est prononcé en faveur d’une évolution du cadre normatif, rappelant que le droit à la santé mentale comprend des obligations et des prescriptions immédiates imposant de prendre des mesures délibérées, concrètes et ciblées. Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte des visites qu’il a effectuées en Algérie et en Croatie, se félicitant des progrès considérables réalisés dans ces deux pays, tout en recommandant de nouvelles améliorations. L’Algérie et la Croatie ont fait des déclarations en tant que pays concernés.

Présentant son rapport sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, Mme Dandan a quant à elle fait l’historique des efforts déployés dans le cadre de ce mandat, créé en 2005, pour aboutir au projet de déclaration sur le droit à la solidarité internationale. Ce projet contient une reconnaissance du fait que la solidarité est vaste par nature et décrit ses modalités de fonctionnement à l’échelle internationale. Une partie est consacrée à la mise en œuvre d’un tel droit dans le contexte de la montée des nationalismes, a précisé l’Experte indépendante. S’agissant de sa visite en Norvège, l’Experte indépendante a dit s’être particulièrement intéressée à l’intégration d’une approche soucieuse des droits de l’homme dans la coopération pour le développement et dans la politique étrangère norvégienne en général. La Norvège a fait une déclaration en tant que pays concerné.

Dans le cadre du débat qui a suivi ces présentations, de nombreux intervenants* ont pris la parole. Plusieurs délégations ont plaidé pour des soins universels et de qualité, ainsi que pour le respect des droits fondamentaux des patients. A également été dénoncée la discrimination dont sont parfois victimes les patients souffrant de maladies mentales. A en outre été mentionnée la nécessité de transferts financiers vers les pays en voie de développement, afin de les aider à réaliser le droit à la santé. Pour sa part, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé pouvoir apporter un appui aux États Membres afin qu’ils puissent renforcer leurs capacités et mettre en place un système d’aide et de services répondant aux besoins des personnes.

S’agissant de la solidarité internationale, certains pays ont estimé qu’il était devenu nécessaire de passer du principe au droit, tandis que d’autres ont souligné qu’une telle solidarité devait s’exercer dans le respect de la souveraineté des États. La solidarité internationale est un concept fondamental pour éliminer la pauvreté et réduire les inégalités ainsi que pour réaliser les Objectifs de développement durable, a-t-il été souligné. Un droit à la solidarité serait essentiel pour face à l’actuelle crise des réfugiés, a-t-il également été affirmé.


Le Conseil des droits de l’homme doit achever cette première journée de travail de sa 35e session en entamant son débat interactif groupé avec le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation.


Examen de rapports sur le droit à la santé et sur la solidarité internationale

Présentation de rapports

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (A/HCR/35/21), y compris concernant ses visites en Algérie (A/HRC/35/21/Add.1) et en Croatie (A/HRC/35/21/Add.2).

Présentant son rapport, M. DAINIUS PURAS, Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a souligné que la santé mentale constituait une priorité sanitaire à l’échelle mondiale. Il a regretté qu’elle soit négligée et a constaté que nulle part dans le monde elle ne se voit accorder la même importance que la santé physique, que ce soit dans les politiques et budgets nationaux ou dans l’enseignement et la pratique de la médecine.

À cet égard, le Rapporteur spécial a jugé nécessaire d’évaluer l’ensemble des obstacles responsables du maintien du statu quo dans le domaine de la santé mentale, afin de mettre en place les services fondés sur les droits de l’homme qui font cruellement défaut. Le Rapporteur a recensé trois grands obstacles qui se renforcent mutuellement : la prédominance du modèle biomédical, qui se fonde sur les aspects et les processus neurobiologiques pour expliquer les troubles mentaux ; l’inégalité des rapports de pouvoir dans les établissements médicaux, les instances de recherche et les forums de décision politique ; et l’utilisation partiale des preuves scientifiques pour évaluer l’efficacité de médicaments psychotropes et d’interventions psychiatriques biomédicales de plus en plus contestés.

Dans ce contexte, M. Puras s’est prononcé en faveur d’une évolution du cadre normatif en matière de santé mentale. Le droit à la santé garantit non seulement la protection contre la discrimination et les traitements et internements forcés, mais aussi le droit à un traitement et à l’intégration au sein de la communauté, a souligné le Rapporteur. Le droit à la santé mentale comprend des obligations et des prescriptions immédiates imposant de prendre des mesures délibérées, concrètes et ciblées. Pourtant, les dépenses consacrées à la santé mentale représentent moins de 10% des dépenses en matière de santé physique à l’échelle mondiale. Dans son rapport, M. Puras rappelle l’obligation particulière des pays riches de fournir une assistance aux pays à faible revenu en ce qui concerne le droit à la santé. Il y ajoute le principe de responsabilité, qui repose sur trois éléments : la surveillance ; l’examen indépendant et non indépendant, par exemple par des organes judiciaires, quasi-judiciaires, politiques ou administratifs, ainsi que par des mécanismes de responsabilisation sociale ; et les voies de recours et de réparation.

Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte de deux des trois visites qu’il a effectuées en Algérie, en Croatie et en Indonésie. M. Puras a indiqué que l’Algérie avait réalisé des progrès considérables en alignant son cadre normatif et en renforçant les soins de santé primaire. Il y a aussi constaté des difficultés graves liées au système de soins, notamment la discrimination contre les femmes, les jeunes, les personnes vivant avec le VIH/sida et les toxicomanes. Il a recommandé la création d’un mécanisme de contrôle indépendant et le lancement d’une réforme globale du système de soins de santé mentale algérien.

Le Rapporteur a également constaté des progrès importants en Croatie, qu’il a encouragée à continuer de renforcer les soins de santé primaire et à adopter des directives claires pour encadrer la collaboration intersectorielle. Il est essentiel que la Croatie garantisse l’accès des femmes à des soins complets et qu’elle renforce l’éducation sexuelle à l’école, a conclu M. Puras.

Le Conseil est également saisi du rapport de l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale (A/HRC/35/35), qui contient en annexe un projet de déclaration sur le droit à la solidarité internationale ainsi que la relation de la mission de l’Expert indépendant en Norvège (A/HRC/35/35/Add.1, à paraître).

MME VIRGINIA DANDAN, Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, a présenté un rapport faisant l’historique des efforts déployés dans le cadre du mandat pour aboutir au projet de déclaration sur le droit à la solidarité internationale, qui lui avait été demandé par le Conseil dans sa résolution 26/6. Depuis la création du mandat en 2005, Mme Dandan s’est efforcée de contribuer au dialogue mondial sur la coopération et la solidarité internationales, notamment à travers sa participation à de grandes conférences internationales comme le Sommet sur le développement durable et la Conférence sur le climat de Paris. Le projet de déclaration contient une reconnaissance du fait que la solidarité est vaste par nature et décrit ses modalités de fonctionnement à l’échelle internationale. Une partie est consacrée à la mise en œuvre de ce droit dans le contexte de la montée des nationalismes.

Mme Dandan a souligné que la solidarité internationale était un principe général applicable à tous les aspects du droit international et de la coopération internationale, et qu’il était pertinent dans le contexte de tous les droits de l’homme pour répondre à tous les besoins humains. D’aucuns mettent en cause la pertinence d’un projet de déclaration sur la solidarité internationale : en réalité, la solidarité internationale porte un discours alternatif à la montée du nationalisme et à la fragmentation du monde, a fait remarquer Mme Dandan. En dépit des clivages politiques, les êtres humains demeurent interconnectés et interdépendants et il est indéniable que certains défis mondiaux ne pourront être résolus sans solidarité internationale.

Mme Dandan a également évoqué les travaux préliminaires en vue de l’élaboration d’un droit à la solidarité, en particulier la présentation, à la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, d’un document de travail sur les droits de l’homme et la solidarité internationale établi par M. Rui Baltazar Dos Santos Alves. Cet expert y recommande d’étudier le nouveau contexte international, les défis ainsi que la nécessité de définir des principes, objectifs et priorités propres à éclaircir les responsabilités en matière de solidarité internationale et de droits de l’homme. Mme Dandan a rappelé qu’après la création du mandat, son titulaire initial, M. Rudi Muhammad Rizki, avait recensé les premiers éléments d’un cadre conceptuel et normatif relatif aux droits de l’homme et à la solidarité internationale.

S’agissant de sa visite en Norvège (du 19 au 23 septembre 2016), l’Experte indépendante a dit s’être particulièrement intéressée à l’intégration d’une approche des droits de l’homme dans la coopération pour le développement et dans la politique étrangère norvégienne en général.

Pays concernés

En tant que pays concerné par le rapport de M. Puras, l’Algérie a affirmé rester engagée à réduire les manquements constatés par le Rapporteur spécial. En témoigne notamment la gratuité de l’accès à toutes les prestations de santé délivrées par des structures publiques en Algérie depuis 1974. Depuis 1993, l’État prend en charge les dépenses des personnes de santé démunies et non couvertes par les services sociaux. Entre 1990 et 2014, les taux de mortalité infantile et maternelle ont été divisés par trois, a fait valoir l’Algérie. On compte 763 établissements de santé en Algérie, tous types confondus, où exercent quelque 42 000 médecins ; on trouve aussi 1789 pharmaciens et 138 000 personnels paramédicaux. En 2016, l’État a consacré l’équivalent de quatre milliards de dollars à la santé. Par ailleurs, a fait valoir l’Algérie, depuis 1985, seuls 8400 cas de personnes atteintes de VIH/sida ont été recensés ; leurs frais de santé sont entièrement pris en charge par l’État. Enfin, le Gouvernement a mis en place une politique de médicaments génériques pour accroître l’offre de médicaments et en réduire le prix.

Autre pays concerné par le rapport du Rapporteur spécial sur le droit à la santé, la Croatie a assuré que tout avait été fait pour faciliter la visite de M. Puras. La Croatie a estimé cependant que le Rapporteur spécial devrait rester dans le strict cadre de son mandat et respecter les normes internationales : en particulier, il ne lui appartient pas de définir des notions qui relèvent de la seule compétence du Gouvernement croate, a dit sa représentante.

Concerné par le rapport de l’Experte indépendante sur la solidarité internationale, la Norvège a dit appliquer une politique ambitieuse dans ce domaine, marquée par la volonté de passer de la rhétorique à l’action. Le nouveau « livre blanc » sur la coopération internationale de la Norvège a été publié récemment : il est axé sur la réalisation de l’objectif 16 du développement durable portant sur paix, la justice et les institutions efficaces.

Débat interactif

Pour ce qui est du droit à la santé, le Pakistan, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a jugé essentiel de protéger le droit à la santé mentale, y compris dans la perspective de la lutte contre la discrimination des personnes atteintes de maladie mentale. L’OCI demande aux pays riches d’opérer des transferts financiers vers les pays en voie de développement pour les aider à réaliser le droit à la santé. El Salvador, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes, a plaidé pour des soins universels et de qualité et pour la réalisation du troisième des Objectifs de développement durable, concernant la santé et le bien-être. La Tunisie, au nom du Groupe africain, a encouragé l’élaboration de lignes directrices sur la santé mentale. Elle a souligné que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples défend le droit de « toute personne de jouir du meilleur état de santé mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». L’Union européenne a regretté que la santé mentale ait trop souvent été associée à des comportements de stigmatisation : les traitements contre ces maladies doivent être prodigués dans le respect des droits fondamentaux des patients, a-t-elle souligné.

Le Portugal, au nom d’un groupe de pays, a insisté sur la nécessité de faire de la santé mentale une priorité internationale. Le Portugal présentera ultérieurement une résolution innovante sur la santé mentale et les droits de l’homme. Le Dr Puras a été prié de dire quelles mesures pourraient être prises pour protéger les patients contre les traitements dégradants.

El Salvador s’est doté d’un programme complet de santé mentale dans les soins de santé primaires, mettant l’accent sur la lutte contre la stigmatisation des patients atteints de maladies mentales.

La Sierra Leone a attiré l’attention du Conseil sur la place qui échoit à la santé mentale dans les politiques d’amélioration de l’accès à la santé publique. Elle a relevé que de nombreux systèmes nationaux de santé sont dépassés et ont toutes les peines du monde à répondre aux nouvelles exigences d’infrastructures. En 2012, le Gouvernement a mis en place un plan de santé physique et mentale avec une prise en charge communautaire, visant notamment à démystifier les maladies mentales.

Le Bénin a salué l’approche du rapport de M. Puras et les conseils dispensés par le titulaire du mandat en vue d’une coopération entre les acteurs concernés pour faire face aux problèmes liés à la santé mentale. La Malaisie a fait valoir sa nouvelle politique dans ce domaine qui ne privilégie plus le traitement médical, mais accorde davantage de place à une prise en charge à tous les niveaux. Djibouti a appelé à remédier aux violations des droits des personnes atteintes de maladie mentale au sein des services de santé, notamment en psychiatrie. Djibouti a aussi pris note des recommandations du Rapporteur spécial concernant le genre et les droits à la santé procréative.

La Libye a attiré l’attention du Conseil sur les difficultés de son système de santé publique en raison de l’instabilité régnante et a demandé à la communauté internationale de lui prêter main forte pour y remédier. Les Maldives ont souligné l’obligation de la communauté internationale de garantir le droit de chacun de jouir du meilleur état de santé physique et mentale. Cuba a encouragé le Conseil à demeurer saisi des questions liées à la santé mentale.

Pour la Belgique, promotrice active de la santé mentale dans un contexte plus large, comme celui des Objectifs du développement durable, les directives en la matière sont cruciales. Elle a demandé au Rapporteur spécial quand de telles directives seraient prêtes. L’Espagne s’est enquise des « bonnes pratiques » relatives à la lutte contre les discriminations visant les personnes atteintes de troubles mentaux.

Le Togo a signalé que l’accroissement et l’amélioration des services de santé mentale demeuraient un sujet de grande préoccupation pour son Gouvernement. Le nouveau plan national de développement sanitaire 2017-2022 prend en compte les maladies mentales comme l’une de priorités dans le domaine des maladies non transmissibles. Il a partagé l’avis de M. Puras sur la nécessité d’intensifier la coopération internationale en matière de santé mentale, un domaine où les pays pauvres enregistrent des progrès très lents. Quelle stratégie, autre que la contrainte, pourrait être employée par le personnel médical en cas de résistance de la part d’un patient mental ?

L’Australie s’est déclarée engagée à améliorer l’accessibilité des soins médicaux de soins de santé mentale. Le suicide continue d’être une préoccupation majeure dans le pays, en particulier parmi les jeunes aborigènes. Des essais de prévention sont en train d’être testés dans douze régions.

Les Philippines ont noté qu’aucun pays ne plaçait vraiment la santé mentale sur un pied d’égalité avec la santé physique. Les Philippines mènent une campagne contre les drogues illégales, au premier rang desquelles la métamphétamine.

Les États-Unis ont indiqué qu’ils reconnaissent les efforts du Rapporteur spécial et souhaitent connaître ses recommandations pour une meilleure intégration des soins de santé mentale. Les États-Unis ont en outre rappelé qu’ils appliquaient la loi de 2016 sur la santé mentale qui donne aux vétérans un accès immédiat et illimités aux soins de santé mentale.

Le Soudan lui aussi s’est pourvu d’un plan de santé globale qui fournit des soins presque gratuits dans un grand nombre de centre médicaux. La délégation soudanaise renouvelle son appel en faveur de la poursuite de la solidarité internationale, y compris en matière de santé. Il faut en effet que les États allouent des ressources suffisantes pour répondre aux besoins de santé, a poursuivi le représentant de l’Éthiopie, lançant un appel à la communauté internationale afin qu’elle appuie les efforts des pays en faveur de la santé mentale.

Le Japon a demandé au Rapporteur spécial s’il entendait travailler avec le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées et si tel est le cas, quelles synergies les deux mandats pourraient développer.

La Chine, à l’instar du Pakistan et du Koweït, a indiqué disposer d’un plan de santé mentale spécifique basé sur les recommandations de l’OMS. La Chine tiendra même un séminaire sur l’amélioration de la santé mentale, a précisé la délégation chinoise. La France a elle aussi déployé des efforts substantiels pour la santé mentale; elle axe ses actions sur la prévention et la sensibilisation du public à travers la société civile.

L’Égypte a estimé que la santé mentale ne jouissait pas de suffisamment de soutien par rapport à la santé physique. Le pays a indiqué avoir adopté en 2010 un plan pour améliorer la situation dans le cadre d’un plan de réduction de la pauvreté. L’Afghanistan a jugé encourageant que le rapport souligne les déterminants sociaux de la santé, en particulier mentale, le pays s’intéressant à l’impact du conflit et de l’insécurité sur le bien-être en général. L’Afrique du Sud a estimé que ces déterminants requièrent en effet une action transversale. Les Objectifs de développement durable évoquent la santé mentale, ce qui est important, a fait observer la délégation sud-africaine.

Pour sa part, l’Iran a précisé que la non-discrimination est le prisme essentiel par lequel le pays examine les droits des personnes en situation de handicap, mental ou physique. Sensibiliser le public à ces droits est également une priorité en Iran.

Israël a indiqué avoir lancé un programme de réformes permettant un meilleur accès aux services de santé mentale, ce qui a libéré les personnes concernées de la discrimination. La délégation israélienne a demandé au Rapporteur spécial ce que peuvent faire les pays qui souffrent de lacunes en la matière.

La Tunisie a rappelé avoir consacré le droit à la santé dans sa Constitution, ce qui permet d’assurer un très large taux de couverture sanitaire. L’État plurinational de Bolivie a quant à lui indiqué travailler à un plan de santé mentale empreint d’une vision communautaire.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a rappelé pouvoir apporter un appui aux États Membres afin qu’ils puissent renforcer leurs capacités et mettre en place un système d’aide et de services répondant aux besoins des personnes. L’OMS a demandé au Rapporteur spécial comment disposer d’un mécanisme plus participatif et inclusif à l’échelle nationale.

Le Burkina Faso a fait du droit à la santé une priorité nationale et la promotion de la santé de la population constitue un objectif stratégique pour ce pays. L’approche soucieuse des droits de l’homme en matière de santé publique est en cours d’intégration, y compris dans le domaine de la santé mentale, a ajouté le pays. L’Iraq a mis en exergue sa fourniture non discriminatoire de soins de santé mentale, notamment par la mise en place de centres pour les personnes souffrant d’affections psychiques. La délégation iraquienne a mis l’accent sur la situation créée par les terroristes et par les groupes comme Daech. L’Indonésie, où M.Puras s’est rendu en mars dernier, a présenté une initiative contre l’internement forcé (dans le contexte de la santé mentale). En coopération avec la Thaïlande et le Pakistan, l’Indonésie a indiqué qu’elle tiendrait une manifestation parallèle au Conseil pour échanger les bonnes pratiques aux fins d’arriver à une couverture universelle.

Pour l’État occupé de Palestine, l’occupation militaire israélienne est le principal obstacle au développement et au bien-être mental des Palestiniens, comme l’a démontré l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’attaque israélienne contre la bande de Gaza s’est soldée par un taux élevé de suicides chez les enfants. L’État de Palestine s’efforce de trouver les meilleures approches pour pallier aux répercussions des traumatismes sur les enfants et la population dans son ensemble.

La Côte d’Ivoire a souligné que malgré l’adoption du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la réalisation du droit à la santé mentale reste aléatoire.

La Lituanie s’est enquise des meilleurs moyens de s’occuper de la santé mentale des jeunes. Les défis actuels nécessitent davantage d’efforts pour traiter des troubles mentaux, a estimé le Botswana, qui a plaidé pour des investissements dans les services, des allocations et des ressources spéciales.

Au nombre des organisations non gouvernementales qui se sont exprimées, Allied Rainbow Communities International a fait observer que dans certains pays, les personnes transgenres sont médicalisées, traitées comme des malades, alors qu’elles ne le sont pas. Action Canada pour la population et le développement a exprimé les mêmes inquiétudes ajoutant que cette pathologisation de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle renforce la stigmatisation dont ces personnes sont victimes.

American for Democracy and Human Rights in Bahrain a pour sa part exprimé des inquiétudes quant à la santé mentale des prisonniers politiques, souvent victimes de torture, de placement en isolement et de mauvais traitements. L’ONG a cité l’exemple de Nabeel Rajab, un défenseur des droits de l'homme de Bahreïn emprisonné dans des conditions humiliantes et dont la santé mentale se dégrade.

Center for Reproductive Rights, Inc a évoqué le droit à l’avortement nié dans nombre de pays, violant de fait les droits des femmes, notamment leur droit à la vie et à disposer librement de leur corps. Pour Alliance Defending Freedom, en revanche, le droit à l’avortement n’est pas un droit internationalement reconnu et tout État a le droit souverain de l’instaurer ou non, d’autant qu’aucun lien n’a été établi entre avortement et taux de mortalité maternelle ou infantile. Les pays où l’avortement est interdit enregistrent même des taux de mortalité maternelle ou infantile parmi les plus bas du monde, comme l’Irlande ou Malte, a argumenté l’ONG.

Make Mothers Matter - MMM a déclaré que 10 à 20% des femmes connaissent des problèmes de difficultés mentales, incluant l’anxiété et la dépression le temps de la grossesse et jusqu’à un an après l’accouchement. Dans ce contexte, l’ONG appelle les États à investir dans la santé mentale maternelle et dans le soutien parental.

L’Association pour l’intégration et le développement durable au Burundi a plaidé pour une visite du Rapporteur spécial dans l’État indien de Manipur et pour un retrait des forces de sécurité indiennes des hôpitaux et autres centres de santé. Le CIRID (Centre indépendant de recherches et d’initiatives pour le dialogue) a regretté la détérioration du système sanitaire au Yémen en raison du conflit et a exprimé l’espoir que les Nations Unies obligeront les milices houties à assumer leurs responsabilités et à apporter les soins de santé d’urgence requis. Verein Südwind Entwicklungspolitik a souligné que la mise en œuvre des Objectifs de développement durable est essentielle pour la santé et a dénoncé la position de la République islamique d’Iran sur ce sujet. Association of World Citizen a demandé au Rapporteur spécial pour quelles raisons le VIH était présenté avec les maladies mentales. La Commission colombienne de juristes a rappelé qu'en 2010, la Cour constitutionnelle de Colombie avait pris la décision de protéger le droit à la santé des victimes de violence armée. A la lumière du récent accord de paix, la Colombie devrait appliquer les recommandations du Rapporteur spécial.

Le Centre Europe – Tiers Monde (CETIM) a dénoncé la vaste utilisation des pesticides et leur impact négatif sur la santé physique, en particulier en Argentine. L'ONG a rappelé que la recherche académique avait montré que les maladies chroniques ont triplé en raison de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture.

S’agissant des droits de l'homme et de la solidarité internationale, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) s’est félicitée, par la voix du Pakistan, des efforts de l’Experte indépendante pour rédiger une déclaration consacrant le droit à la solidarité internationale. L’OCI a relevé que ce droit devait s’exercer dans le respect de la souveraineté des États. La Tunisie, au nom du Groupe africain, a estimé que la solidarité internationale était un concept fondamental pour éliminer la pauvreté et réaliser les Objectifs de développement durable. El Salvador a, de même, souligné que la solidarité était indispensable pour atteindre les grands objectifs de la communauté internationale.

Cependant, l’Union européenne a jugé douteux que la solidarité internationale puisse être traduite dans la langue des droits de l’homme.

Le Saint-Siège a déclaré que la solidarité n’avait « rien de trivial » et qu’elle ne s’opposait certainement pas à la souveraineté : il s’agit d’une valeur morale, fondée sur la volonté des personnes d’agir pour le bien commun. Le Saint-Siège s’est félicité que la communauté internationale ait choisi cette voie.

Cuba a salué Mme Dandan pour avoir apporté un nouveau souffle à son mandat. Le représentant a annoncé que son pays avait adressé une invitation permanente à l’Experte indépendante. Les Philippines se sont félicitées qu’en dépit de certaines résistances, l’avant-projet de déclaration a pu être terminé par Mme Dandan.

Selon la Bolivie, la solidarité internationale est un droit à part entière, qui doit se fonder sur le droit au développement.

L’Égypte s’est engagée à déployer davantage d’efforts en faveur de la solidarité internationale. L’Afrique du Sud a salué le chemin parcouru vers un droit à la solidarité internationale, qui est un outil utile. La Tunisie a salué le projet de déclaration sur la solidarité internationale, estimant qu’il fallait en effet passer du principe au droit.

L’État plurinational de Bolivie a affirmé que la solidarité internationale est le principe de la Déclaration universelle des droits de l’homme et qu’en conséquence les mesures interventionnistes contreviennent aux droits de l’homme. La délégation bolivienne s’est dite préoccupée par le bond en arrière de certains pays, notamment au sujet du changement climatique, qui va à l’encontre des droits de l’homme et de la santé. Elle s’est enquise de l’impact qu’auront ces décisions sur la solidarité internationale.

Pour en avoir bénéficié à plusieurs reprises dans son histoire, le Luxembourg croit fermement en la solidarité internationale, qu’il exerce en particulier dans la lutte contre les effets du changement climatique. Le Luxembourg compte d’ailleurs mettre en exergue le principe de solidarité internationale à l’occasion de la prochaine Conférence sur le climat à Bonn.

Le Bangladesh a estimé que les États ne peuvent avancer sans un partenariat juste et une coopération internationale, essentiels dans la réalisation des Objectifs de développement durable. La Côte d’Ivoire a salué la reconnaissance croissante du principe du droit à la solidarité internationale. Le Botswana a invité à garder à l’esprit les points soulevés lors des consultations régionales et a espéré une mouture révisée du projet de déclaration sur le droit à la solidarité internationale.

Parmi les organisations non gouvernementales à s’être exprimées, Associazione Comunita Papa Giovanni XXIIIU, au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1, a jugé essentielle la reconnaissance du droit à la solidarité internationale dans une période de montée des nationalismes. Cela représente un nouvel instrument pour améliorer tous les droits humains. La Fédération des femmes cubaines a quant à elle estimé que la solidarité internationale est un principe universel, soulignant que Cuba apportait une aide désintéressée à d’autres peuples par le biais de nombreux programmes.

Réponses et conclusions des titulaires de mandats

M. PURAS s’est dit prêt à coopérer avec l’Algérie et la Croatie pour la mise en œuvre de ses recommandations portant sur le droit à la santé dans ces deux pays. Revenant à son rapport et aux questions des délégations, il a souligné que les personnes atteintes de maladies mentales sont souvent victimes de violations de leurs droits de l'homme. Dans le temps, on a vu des pratiques comme la lobotomie être récompensées d’un prix Nobel, alors qu’il ne s’agit rien de moins que d’une violation des droits de l'homme, a-t-il rappelé. Évoquant le suicide, il a déclaré qu’il n’existe pas de moyens médicaux de répondre à ce problème.

Le Rapporteur spécial sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible a ensuite fourni des exemples de changement radical du comportement de personnes ayant des troubles mentaux et ce grâce à des changements de comportements à leur égard. L’Europe n’est certainement pas la plus pauvre région du monde et elle dispose néanmoins de nombreux centres psychiatriques, a-t-il fait observer. Renvoyant notamment à l’excellent rapport du Haut-Commissariat sur les droits de l’homme et la santé mentale, M. Puras a souligné que les femmes souffrent de services trop médicalisés ou ayant une approche trop patriarcale. Les adolescents, quant à eux, n’ont recours aux services psychosociaux que lorsqu’ils jugent que ceux-ci répondent à leurs attentes. Le Rapporteur spécial a recommandé de se garder de toute approche punitive, en particulier par ces temps de radicalisation. L’un des meilleurs moyens de procéder pour la petite enfance consiste à investir dans l’approche psychosociale, a-t-il en outre préconisé, appelant les États à se faire les chantres de cette cause. Mon rêve est que la question de la santé mentale bénéficie de la même persévérance et des mêmes financements que la prévention et la lutte contre le VIH/sida, a conclu le Rapporteur spécial.

Intervenant pour la dernière fois devant le Conseil en sa qualité d’Experte indépendante sur la solidarité internationale, MME DANDAN a quant à elle remercié Cuba pour son invitation, avant de souligner que le projet de déclaration est le fruit d’un examen très approfondi de cette question et qu’elle avait mené ce mandat à bon port. Elle a regretté que l’Union européenne ait repris la parole pour se «répéter encore et toujours». Elle a donc voulu savoir quelles seraient les conditions juridiques préalables qui président à la naissance d’un droit de l’homme. Ce sont les États qui font naître une nouvelle norme juridique, a-t-elle en effet insisté, expliquant qu’au sein du Conseil, les choses ne sont jamais gravées dans le marbre. Tâchant d’expliquer son propos, elle a comparé les droits de l’homme au bonheur ou à l’amour, qui coulent toujours sans être préhensibles.

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif: Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique et en son nom propre), El Salvador (au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes et en son nom propre), Tunisie (au nom du Groupe africain et en son nom propre), Union européenne, Portugal (au nom d’un groupe de pays), El Salvador, Sierra Leone, Bénin, Malaisie, Djibouti, Libye, Maldives, Cuba, Belgique, Espagne, Togo, Australie, Philippines, États-Unis, Soudan, Éthiopie, Japon, Chine, Pakistan, Koweït, France, Égypte, Afghanistan, Afrique du Sud, Iran, Israël, Tunisie, État plurinational de Bolivie, Organisation mondiale de la Santé, Burkina Faso, Iraq, Indonésie, État de Palestine, Côte d’Ivoire, Lituanie, Saint-Siège, Philippines, Luxembourg, Bangladesh, Botswana.

**Les organisations non gouvernementales ont pris la parole dans le cadre du débat interactif: Allied Rainbow Communities International, Action Canada pour la population et le développement, American for Democracy and Human Rights in Bahrain, Commission colombienne de juristes, Center for Reproductive Rights, Inc, Alliance Defending Freedom, Centre Europe - Tiers Monde, Make Mothers Matter - MMM, Association pour l’intégration et le développement durable au Burundi, CIRID (Centre Indépendent de Recherches et d'Iniatives pour le Dialogue), Verein Südwind Entwicklungspolitik, Association of World Citizen, Associazione Comunita Papa Giovanni XXIIIU (au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1), Fédération des femmes cubaines.


1Déclaration conjointe: Associazione Comunita Papa Giovanni XXIIIU, Foundation for GAIA, Volontariat international femmes éducation et développement, Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco, Organisation internationale pour le droit a l'éducation et a la liberté d'enseignement (OIDEL), Planetary Association for Clean Energy, Institut pour une synthèse planétaire, New-humanity, International-Lawyers.Org.


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HRC17/073F