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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU SUJET DE LA SITUATION EN AUSTRALIE, EN URUGUAY ET AUX PAYS-BAS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile – institutions nationales de droits de l'homme et organisations non gouvernementales – au sujet de l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans les trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine : l’Australie, l’Uruguay et les Pays-Bas.

S’agissant de l’Australie, l’attention s’est particulièrement portée sur les discriminations à l’encontre des populations aborigènes et des indigènes du détroit de Torrès, confrontés à des situations d’extrême précarité. Les discriminations à l’encontre des migrants, et les mauvaises conditions d’accueil qui leur sont faites, ont également été au cœur des discussions. S’agissant de l’Uruguay, les organisations non gouvernementales se sont beaucoup inquiétées du respect des droits des personnes handicapées. Une organisation a regretté un manque d’outils juridiques pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels en Uruguay et s’est inquiétée de ce que le code civil et le code pénal, qui datent de 1934, contiennent encore des dispositions discriminant les hommes et les femmes. Enfin, s’agissant des Pays-Bas, une ONG a regretté qu’il ne soit pas possible d’invoquer les droits consacrés par le Pacte devant les tribunaux néerlandais.

Des représentants des institutions nationales des droits de l'homme de l’Australie et des Pays-Bas sont intervenus dans le cadre de ce dialogue avec les membres du Comité, ainsi que les ONG suivantes: une coalition d’organisations non gouvernementales australiennes, Australian Child Rights Taskforce, People With Disability Australia, Human Rights Council of Australia, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights et Global Human Rights Group, une coalition d’organisations de la société civile uruguayenne, Coalition of the Rights of the Child et la section néerlandaise de la Commission internationale des juristes.

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l’Australie.

Audition de la société civile

S'agissant de l’Australie


La Commission australienne des droits de l’homme a souligné que pendant la période couverte par le rapport périodique de l’Australie (2009-2014) de nombreux progrès avaient été accomplis dans le domaine des droits de l’homme, notamment la création d’un mécanisme de supervision des droits de l’homme au sein du Parlement ainsi qu’un mécanisme d’assurance nationale pour les personnes handicapées. En revanche, la Commission s’est inquiétée de ce que, malgré la ratification du Pacte, ses dispositions n’aient pas été intégralement incorporées à la loi australienne. Les droits économiques, sociaux et culturels ne peuvent donc pas être invoqués directement devant les tribunaux nationaux. La Commission qui, elle-même, ne peut être saisie d’une violation de ces droits, a déploré que l’Australie n’ait pas ratifié le protocole facultatif relatif reconnaissant au Comité compétence pour recevoir et examiner des communications (plaintes).

La Commission a relevé d’autre part que, dans tous les métiers, les femmes gagnent 17,7% de moins que les hommes et que d’importantes discriminations persistent envers les personnes handicapées en matière d’accès à l’emploi. S’agissant du logement, 100 000 personnes sont sans abri en Australie et plus de 200 000 ménages sont sur liste d’attente pour l’accès à des logements sociaux.

Quant aux aborigènes et aux indigènes du détroit de Torrès, ils constituent aujourd’hui les groupes les plus vulnérables en Australie. Leur espérance de vie est de dix ans inférieure à celle des Australiens non indigènes ; leur taux de mortalité infantile est deux fois supérieur à celui des populations non indigènes.

Enfin, la Commission a regretté que l’Australie impose une période de détention obligatoire pour les demandeurs d’asile arrivant par bateau, ce qui suscite des risques importants d’abus et de prolongation indéfinie de la période de détention. Entre 2009 et 2014, 30 000 demandeurs d’asile sont entrés en Australie par bateau ; en 2017, 1328 personnes sont encore en détention, a regretté la Commission.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi cette intervention, un membre du Comité a souhaité savoir quelles mesures le Gouvernement australien comptait adopter pour réduire les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et quelles mesures avaient été prises pour reconnaître les droits des aborigènes dans la Constitution. Il s’est inquiété des disparités de financement entre écoles privées et écoles publiques, s’interrogeant sur le risque d’émergence d’un système éducatif à deux vitesses.

Une coalition d’organisations non gouvernementales australiennes a souligné qu’en tant que pays au deuxième rang de l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement, l’Australie avait le devoir de s’ériger en exemple pour le respect des droits économiques, sociaux et culturels : or, 13,9% des habitants de l’Australie vivent encore sous le seuil de pauvreté. La coalition a elle aussi déploré la discrimination opérée en Australie entre les requérants d’asile arrivant en avion et ceux arrivant en bateau, et s’est dite extrêmement préoccupée des conditions de vie déplorables dans lesquelles ces personnes vivent.

La coalition a souligné que les Aborigènes continuent de faire face à d’importantes discriminations qui rendent impossible le respect de leurs droits économiques, sociaux et culturels : le taux de chômage, notamment, est quatre fois plus élevé chez les Aborigènes que chez les autres Australiens. Enfin, la Coalition s’est inquiétée du nombre important d’actes de violence domestique en Australie, malgré l’adoption d’un plan national pour réduire la violence contre les femmes et les enfants.

La Australian Child Rights Taskforce s’est tout inquiétée de la violation des droits des enfants en détention en Australie, notamment du fait du manque d’accès à l’éducation et aux soins de santé – certains enfants étant même exposés à des risques importants de mauvais traitements et d’isolement. L’ONG a aussi mis l’accent sur les discriminations auxquelles font face les enfants aborigènes et les enfants LGBTI en matière d’éducation.

People With Disability Australia a souligné que les stratégies destinées aux handicapés n’étaient pas accompagnées des ressources nécessaires. Les forts taux de violence à l’encontre des personnes handicapées sont un obstacle énorme à la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels, a déploré l’ONG. Elle a indiqué que 90% des femmes atteintes de maladies mentales avaient été victimes d’agressions sexuelles, la plupart avant l’âge de 18 ans et parfois au sein même d’institutions spécialisées. Les Aborigènes handicapés courent un risque 14 fois plus élevé d’être placés en détention que le reste de la population. L’ONG s’est enfin inquiétée de la stérilisation forcée de personnes handicapées et de personnes intersexes en Australie.

Le Human Rights Council of Australia a déploré l’existence de nombreux cas d’extrême pauvreté en Australie – notamment parmi les populations autochtones - malgré la richesse de ce pays, qui est membre du G20, dans un contexte d’aggravation des écarts de richesse et de revenu entre les différents segments de la société australienne. Le Conseil s’est inquiété d’autre part des problèmes de santé mentale et physique que rencontrent les enfants requérants d’asile retenus dans les centres pour migrants.

La Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights a enjoint les entreprises australiennes à respecter leurs obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels quand elles investissent dans des projets à l’étranger.

Le Global Human Rights Group a déploré l’échec de la prise en charge en santé mentale des personnes migrantes, un échec qui est la cause de cas d’automutilation et de suicide. Il a demandé au Gouvernement australien de ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte.

S'agissant de l’Uruguay

L’Institut pour les études sociales et juridiques s’est inquiété non seulement des discriminations à l’égard des personnes souffrant de maladies mentales, mais aussi de l’isolement qui leur est imposé dans les hôpitaux psychiatriques et dans les centres spécialisés. L’Institut a recommandé aux autorités de modifier le cadre juridique de l’Uruguay pour y incorporer les dispositions du Pacte concernant, notamment, le droit à la santé. L’Institut s’est inquiété de ce que le projet de loi sur la santé mentale actuellement à l’examen et approuvé par le Sénat prévoit la mise en place d’une commission de contrôle qui n’est pas indépendante et relève directement du Ministère de la santé publique. Il a regretté également l’absence de garanties et de contrôle concernant les mesures d’internement décidées par le juge et s’est dit enfin préoccupé par l’absence d’informations disponibles sur la sur-médication des personnes atteintes dans leur santé mentale et sur le recours aux électrochocs dans les thérapies.

Une coalition d’organisations de la société civile a déploré le manque d’outils procéduraux et juridiques pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels en Uruguay et lancé un appel pour une révision de l’ordre juridique interne. La coalition a déploré que l’Uruguay n’ait pas de politique structurelle en matière de lutte contre les discriminations ni de système de récolte de données. Quant aux nombreux migrants en provenance d’Amérique latine et d’Afrique, ils rencontrent de grands obstacles en matière d’accès à l’emploi, a regretté la coalition. Elle s’est enfin inquiétée de ce que le code civil et le code pénal de l’Uruguay, qui datent de 1934, contiennent encore des dispositions discriminant entre les hommes et les femmes.

La Coalition of the Rights of the Child s’est dite préoccupée par les lacunes dans l’application des droits de l’enfant en Uruguay. En effet, 18 enfants sur 100 y vivent sous le seuil de pauvreté et 36 enfants sur 100 ont des difficultés matérielles ou des difficultés d’accès à l’éducation ou à la santé. Les enfants d’ascendance africaine vivant dans des familles pauvres sont particulièrement vulnérables. Par ailleurs, six adolescentes sur 15 vivent dans les foyers les plus pauvres du pays. L’Uruguay est le pays qui connaît le plus fort taux d’institutionnalisation des adolescents au monde, a noté la section.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces interventions, un membre du Comité a souhaité savoir si les traités et conventions internationaux pouvaient être invoqués devant les tribunaux du pays. Il a demandé des informations complémentaires sur la violence domestique et l’abandon scolaire. Un autre membre du comité a souhaité savoir s’il existait une politique publique inclusive en faveur des personnes handicapées ; et s’il existait encore des lacunes dans le projet de loi contre la violence domestique en cours d’examen.

S'agissant des Pays-Bas

L’Institut des Pays-Bas pour les droits de l’homme a indiqué au Comité que les droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas pleinement incorporés dans l’ordre juridique interne néerlandais : il est ainsi impossible de se prévaloir de ces droits devant un tribunal. L’Institut a souligné la nécessité de sensibiliser davantage les fonctionnaires et les magistrats à ces droits. Par ailleurs, a noté l’Institut, les études montrent que le taux de chômage parmi les minorités ethniques demeure élevé, tout comme les importantes difficultés qu’elles rencontrent dans l’accès au marché du travail, malgré des progrès considérables en matière scolaire. L’Institut s’est par ailleurs inquiété de la persistance de discriminations envers les femmes enceintes.

L’Institut a noté cependant les effets positifs de l’entrée en vigueur, en 2015, de quotas d’emploi pour les personnes handicapées, même si le problème des contrats temporaires persiste. Il a recommandé au Gouvernement d’adopter un plan général de lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion.

L’Institut s’est inquiété des conditions de vie difficile des personnes vivant dans les Antilles néerlandaises. Il a regretté enfin que les recommandations du Comité au sujet de l’application minimale des droits au logement, à la santé et à l’éducation pour les sans-papiers n’aient pas été suivies d’effet.

La section néerlandaise de la Commission internationale des juristes a, elle aussi, regretté qu’il ne soit pas possible d’invoquer les droits consacrés par le Pacte devant les tribunaux néerlandais. Elle s’est inquiétée de l’absence d’un enseignement aux droits de l’homme dans les programmes scolaires et a exprimé des préoccupations s’agissant des discriminations contre les migrants. L’ONG a enfin relevé d’importants problèmes liés à l’extraction du gaz dans la province de Groningue, au nord du pays, qui est à l’origine de dommages en matière de santé et d’expulsions forcées.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces interventions, une experte du Comité a demandé s’il était préférable de recommander aux Pays-Bas de modifier sa Constitution ou plutôt d’envisager un projet de loi permettant d’assurer le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Elle s’est interrogée sur les raisons pour lesquelles les femmes enceintes n’osaient pas porter plainte en cas de discrimination et a souhaité connaître les mesures adoptées pour lutter contre les stéréotypes sexistes.



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ESC17/007F