Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE
Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la République de Corée sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant ce rapport, M. Kwon Jeong-hoon, Directeur général du Bureau des droits de l’homme du Ministère de la justice de la République de Corée, a déclaré que depuis la présentation de son dernier rapport en 2006, son pays avait traduit les recommandations du Comité en amendements apportés au Code de procédure pénale pour mieux défendre les droits des suspects et conforter le principe d’habeas corpus. Les principales améliorations dans ce domaine, a précisé M. Kwon, sont la mention explicite dans le Code de procédure pénale du droit qu’a toute personne interrogée par la police de bénéficier des conseils d’un avocat; l’enregistrement des interrogatoires par vidéo ; et l’interdiction des preuves obtenues sous la contrainte. Les autorités ont également adopté les règles internationales concernant le traitement des détenus et révisé les lois en vigueur sur cette base, a-t-il ajouté. Mais malgré ces mesures, des incidents constitutifs d’actes de torture peuvent se produire en de rares occasions, a admis le chef de la délégation. Face à ces incidents, le Gouvernement – qui ne tolère aucun acte de torture et refuse toute impunité à leurs auteurs – applique des mesures strictes pour obliger les responsables à rendre compte de leurs actes.
La République de Corée a par ailleurs adopté un certain nombre de lois contre la traite des êtres humains, pour la protection des réfugiés et pour permettre à ses tribunaux de juger des personnes convaincues d’avoir commis à l’étranger des actes de torture constituant un crime contre l’humanité, a poursuivi M. Kwon. D’autre part, a-t-il ajouté, la révision de la loi sur la santé mentale en 2008 a interdit le travail forcé et les actes de violence dans les institutions de santé mentale.
La délégation de la République de Corée était également composée, entre autres, de représentants des Ministères de la justice, des affaires étrangères, de la défense, de l’emploi, de la santé et de l’égalité entre les sexes, ainsi que de représentants de la Police nationale et du parquet de Séoul. Elle a répondu aux questions et observations des experts du Comité portant sur la définition de la torture ; la peine de mort ; les garanties de procédures et l’aide juridictionnelle ; la situation des mineurs et des femmes détenus ; l’incrimination du viol conjugal ; les violences au sein de l’armée, ainsi que les suicides en prison et dans l’armée ; la Commission nationale des droits de l'homme et le traitement des plaintes pour torture ou mauvais traitements ; la législation antiterroriste et la Loi sur la sécurité nationale ; ou encore la rétention des migrants.
Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la République de Corée, a relevé que la définition de la torture contenue dans le droit interne de la République de Corée ne correspondait toujours pas à la définition qu’en donne la Convention. Les organisations non gouvernementales nationales et internationales continuent de réclamer l’abrogation de la Loi sur la sécurité nationale, qu’elles estiment être de plus en plus souvent utilisée à des fins de censure, a-t-elle par ailleurs fait observer. Le taux de participation des avocats aux interrogatoires ne dépasse pas 1% depuis plusieurs années, s’est d’autre part inquiété Mme Racu, tout en se félicitant de l’existence d’un registre général des personnes détenus qui contient toutes les informations nécessaires et pertinentes et fait l’objet de contrôles réguliers pour éviter que des policiers n’omettent de répertorier certains cas.
Mme Racu a par ailleurs souligné que la Commission des droits de l’homme de la République de Corée, après avoir enquêté sur les circonstances des « manifestations des bougies » en 2008, avait conclu que les forces de police avaient fait un usage excessif de la force à cette occasion, un comportement qui a de nouveau été signalé à plusieurs reprises depuis lors et a entraîné au moins un décès de manifestant, en 2015. Aussi, l’experte a-t-elle voulu savoir si des enquêtes avaient été réalisées sur ces faits. Le Gouvernement de la République de Corée ne tient pas de statistiques séparées sur les cas de torture et de mauvais traitements dans les prisons, a-t-elle d’autre part observé. En outre, la violence reste une préoccupation grave au sein des forces armées: plus de 3000 cas ont été dénoncés dans les casernes entre 2012 et 2016, s’est également émue Mme Racu. Elle s’est également dite préoccupée par les incidents de violence entre détenus, qui ont triplé entre 2011 et 2015. Enfin, Mme Racu a regretté que la procédure d’examen des demandes d’asile en République de Corée dure parfois plusieurs années et que les requérants d’asile déboutés ne puissent faire appel de la décision auprès d’une instance indépendante du Ministère de la justice.
Malgré le règlement définitif en 2015 de la question de l’indemnisation des «femmes de réconfort», demeure le problème des mesures à prendre pour éviter que de tels faits ne se reproduisent, a pour sa part souligné Mme Sapana Pradhan-Malla, également corapporteuse du Comité pour l’examen de ce rapport. Elle a par ailleurs relevé que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont exposés à des crimes de haine en République de Corée.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la République de Corée et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 12 mai 2017.
Vendredi prochain, 5 mai, à partir de 15 heures, le Comité s’entretiendra avec le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture, qui présentera son rapport annuel.
Présentation du rapport
Le Comité est saisi des troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la République de Corée (CAT/C/ROK/3-5).
Présentant ce rapport, M. KWON JEONG HOON, Directeur général du Bureau des droits de l’homme du Ministère de la justice de la République de Corée, a déclaré que depuis la présentation de son dernier rapport en 2006, son pays avait traduit les recommandations du Comité en amendements apportés en 2007 au Code de procédure pénale pour mieux défendre les droits des suspects et conforter le principe d’habeas corpus, qui interdit d’emprisonner une personne sans jugement. Les principales améliorations dans ce domaine, a précisé M. Kwon, sont la mention explicite dans le Code de procédure pénale du droit qu’a toute personne interrogée par la police de bénéficier des conseils d’un avocat ; l’enregistrement des interrogatoires par vidéo ; et l’interdiction des preuves obtenues sous la contrainte. Les autorités ont également adopté les règles internationales concernant le traitement des détenus et révisé les lois en vigueur sur cette base, a-t-il ajouté.
Mais malgré ces mesures, des incidents constitutifs d’actes de torture peuvent se produire en de rares occasions, a admis le chef de la délégation. Face à ces incidents, le Gouvernement – qui ne tolère aucun acte de torture et refuse toute impunité à leurs auteurs – applique des mesures strictes pour obliger les responsables à rendre compte de leurs actes.
Outre les mesures qu’elle a prises pour donner effet aux recommandations du Comité, la République de Corée a adopté un certain nombre de lois contre la traite des êtres humains, pour la protection des réfugiés et pour permettre à ses tribunaux de juger des personnes convaincues d’avoir commis à l’étranger des actes de torture constituant un crime contre l’humanité. Le Gouvernement, qui respecte le principe de non-refoulement, participe activement aux efforts de la communauté internationale pour remédier à la situation des réfugiés. La République de Corée accueille ainsi des réfugiés du Myanmar et de la Syrie, a fait valoir M. Kwon.
Le chef de la délégation a ensuite indiqué que son Gouvernement était en train d’élaborer son troisième Plan d’action national pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Les autorités ont créé des unités spécialisées dans chaque commissariat, ainsi que des services de conseil et de soutien à l’intention des victimes de violences sexuelles. Le parquet a pour sa part créé en 2011 une unité spécialisée dans la criminalité contre les femmes et les enfants. Des avocats spécialisés sont mis à la disposition des victimes de violences sexuelles et familiales, lesquelles sont prises en charge dans 17 institutions réparties à travers le pays. Les fonctionnaires de police et de justice reçoivent des formations continues dans les domaines de la protection des victimes de violences sexuelles, des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a ajouté M. Kwon. D’autre part, a-t-il indiqué, la révision de la loi sur la santé mentale en 2008 a interdit le travail forcé et les actes de violence dans les institutions de santé mentale.
Le Gouvernement de la République de Corée s’efforce par ailleurs d’améliorer la qualité des services de santé offerts aux personnes détenues, a poursuivi M. Kwon. En 2016, a-t-il précisé, le Gouvernement a créé un service de prise en charge psychologique pour détenus, afin d’écarter le risque de suicide; il a également pris des mesures pour éviter que les personnes hospitalisées ne subissent de mauvais traitements. La Commission nationale des droits de l’homme de la République de Corée contrôle, pour sa part, les activités de la police et des forces armées qui impliquent des mesures de contrainte physique. Le Gouvernement lutte aussi activement contre la maltraitance des enfants, a enfin souligné M. Kwon.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la République de Corée, a pris note avec satisfaction de l’adoption par la République de Corée de deux plans d’action nationaux successifs pour les droits de l’homme, qui comprennent – notamment – des mesures utiles pour améliorer les conditions de détention. Mme Racu a cependant relevé que la définition de la torture contenue dans le droit interne de la République de Corée ne correspondait toujours pas à la définition qu’en donne la Convention. Certes, les textes de loi coréens interdisent et pénalisent la torture; mais il n’est pas certain que le sens donné à la torture dans ces textes soit équivalent à celui donné par la Convention.
Le Comité, a poursuivi Mme Racu, est conscient que la République de Corée n’applique plus la peine de mort depuis 1997; la question se pose néanmoins des intentions du pays s’agissant de l’abolition de cette peine et du sort qui sera alors réservé aux personnes condamnées à mort en attente de l’application de leur peine.
Les organisations non gouvernementales nationales et internationales continuent de réclamer l’abrogation de la Loi sur la sécurité nationale, qu’elles estiment être de plus en plus souvent utilisée à des fins de censure, a par ailleurs fait observer Mme Racu. L’article 7 de cette loi, qui punit toute personne qui propage ou encourage des activités antigouvernementales, est particulièrement critiqué pour son caractère très vague. La corapporteuse a demandé à la délégation de dire quelles mesures le Gouvernement avait prises pour abolir ou amender cette loi. Elle s’est en outre enquise des résultats des quelque 3000 inspections de lieux de détention réalisées depuis 2006 et a souhaité savoir si la Commission nationale des droits de l’homme avait le droit de visiter les prisons militaires.
Le taux de participation des avocats aux interrogatoires ne dépasse pas 1% depuis plusieurs années, a d’autre part relevé Mme Racu. Les policiers peuvent, pour interdire la présence d’un avocat, invoquer un certain nombre de « raisons valables » codifiées par la Cour suprême. Près de la moitié des avocats disent être traités de manière inéquitable pendant les enquêtes. La corapporteuse a donc prié la délégation de préciser quelles dispositions légales garantissent l’accès à une aide juridique gratuite et de préciser la pratique en vigueur s’agissant de l’enregistrement des interrogatoires par des moyens audiovisuels.
D’autre part, le rapport ne donne pas d’information sur l’accès aux soins médicaux par les personnes détenues, a regretté Mme Racu, qui s’est demandé si le personnel médical était formé à la détection des signes de torture. Mme Racu s’est toutefois félicitée de l’existence d’un registre général des personnes détenus qui contient toutes les informations nécessaires et pertinentes et fait l’objet de contrôles réguliers pour éviter que des policiers n’omettent de répertorier certains cas.
Mme Racu a par ailleurs souligné que la Commission des droits de l’homme de la République de Corée, après avoir enquêté sur les circonstances des « manifestations des bougies » en 2008, avait conclu que les forces de police avaient fait un usage excessif de la force à cette occasion, un comportement qui a de nouveau été signalé à plusieurs reprises depuis lors et a entraîné au moins un décès de manifestant, en 2015. Aussi, l’experte a-t-elle voulu savoir si des enquêtes avaient été réalisées sur ces faits. Elle a ajouté que les agents de police devraient être formés à la gestion des manifestations et à l’utilisation de la force dans ces circonstances conformément au Code de conduite pour les responsables de l'application des lois de 1979, entre autres orientations publiées par les Nations Unies.
Le Gouvernement de la République de Corée ne tient pas de statistiques séparées sur les cas de torture et de mauvais traitements dans les prisons, a d’autre part observé Mme Racu. Compte tenu des informations contradictoires contenues dans le rapport, elle a demandé à la délégation de dire combien de fonctionnaires avaient été condamnés pour avoir commis des arrestations arbitraires ou des actes de violence contre des détenus.
La violence reste une préoccupation grave au sein des forces armées: plus de 3000 cas ont été dénoncés dans les casernes entre 2012 et 2016, s’est ensuite émue Mme Racu. Particulièrement critiquable est la pratique administrative consistant à enfermer un soldat pendant 15 jours sans mandat, a-t-elle estimé. La délégation a été priée de dire pour quelles raisons la Commission nationale des droits de l’homme refuse généralement de se pencher sur les plaintes déposées par les militaires.
Mme Racu s’est également dite préoccupée par les incidents de violence entre détenus, qui ont triplé entre 2011 et 2015. Elle a demandé des précisions sur les conditions de détention des mineurs, s’agissant notamment de l’organisation des visites d’inspection des lieux de détention, de la formation des gardiens, de l’accès à un conseil juridique et de l’incidence des châtiments corporels.
Enfin, Mme Racu a regretté que la procédure d’examen des demandes d’asile en République de Corée dure parfois plusieurs années et que les requérants d’asile déboutés ne puissent faire appel de la décision auprès d’une instance indépendante du Ministère de la justice, lequel se prononce en première comme en deuxième instance. Quant aux apatrides, privés de statut juridique, ils risquent de passer de longues périodes en détention, a fait observer la corapporteuse.
Par la suite, Mme Racu a demandé si les ONG de droits de l’homme ont le droit d’effectuer des visites dans les lieux de détention et dans les institutions psychiatriques. Si tel n’est pas le cas, les autorités envisagent-elles d’amender la loi pour autoriser les visites de tous les lieux où des personnes, en particulier des enfants, sont détenues?
Revenant par la suite sur un certain nombre de questions, Mme Racu a demandé des informations sur l’avancement du projet de loi déposé en 2015 en vue de l’abolition de la peine de mort et sur une éventuelle ratification par la République de Corée du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant l’abolition de cette peine. L’experte a voulu connaître le nombre des personnes détenues en vertu de l’article 7 de la Loi sur la sécurité nationale. Elle a constaté avec regret qu’il n’existe pas de base juridique autorisant les visites de lieux de détention par les organisations non gouvernementales.
Mme Racu a en outre souligné que les forces de police manquaient de moyens et de formation pour gérer correctement les manifestations importantes. Elle a également déploré l’existence d’obstacles juridiques à la présence des avocats pendant les interrogatoires. Elle a demandé aux autorités de prendre des mesures pour renforcer le personnel médical carcéral, au bénéfice en particulier des mineurs. Elle a enfin demandé à la délégation de dire quelles mesures seraient prises pour protéger ces mineurs contre toute forme de violence en détention.
MME SAPANA PRADHAN-MALLA, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la République de Corée, a voulu savoir quelles étaient les institutions chargées de la formation des fonctionnaires aux droits de l’homme et aux questions d’égalité des sexes. Juges, avocats, médecins et médecins légistes, gardiens… toutes les personnes concernées de près ou de loin par la lutte contre la torture bénéficient-elles de formations continues et l’effort pédagogique se traduit-il par un changement dans les pratiques? L’experte a voulu savoir quels étaient les manuels utilisés pour la formation des fonctionnaires et si cette formation faisait l’objet d’évaluations formelles.
S’agissant des conditions de détention, la corapporteuse a demandé des informations sur la prise en charge particulière dont peuvent bénéficier les femmes détenues, notamment les femmes enceintes. Le rapport indique que les autorités ont été saisies de quatre cas de violences sexuelles en prison, a noté Mme Pradhan-Malla, voulant savoir dans quelle mesure les détenus ont la possibilité effective de déposer plainte s’ils le souhaitent.
L’experte a demandé à la délégation de préciser les compétences respectives du Bureau des droits de l’homme du Ministère de la justice et de la Commission nationale des droits de l’homme dans le domaine des inspections de lieux de détention. Elle a voulu savoir si la République de Corée envisageait de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention [visant « l’établissement d’un système de visites régulières (…) sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture (…) »].
Mme Pradhan-Malla a d’autre part souhaité connaître la procédure qui est suivie en cas de torture: institution chargée de recevoir la plainte, mécanisme d’enquête mis en œuvre, coordination des mesures d’aide médicale et juridique, collecte et conservation des éléments de preuve. Elle a également souhaité savoir quelles peines étaient prévues en cas de viol conjugal et s’est enquise des mesures prises pour indemniser les femmes coréennes utilisées comme « femmes de réconfort » pendant la Seconde Guerre mondiale. La corapporteuse a enfin voulu savoir quelles dispositions avaient été prises pour faire en sorte que les responsables de la catastrophe du ferry Sewol, en 2014, aient à rendre compte de leurs actes.
Malgré le règlement définitif en 2015 de la question de l’indemnisation des «femmes de réconfort», demeure le problème des mesures à prendre pour éviter que de tels faits ne se reproduisent, a par la suite souligné Mme Pradhan-Malla. Elle a par ailleurs relevé que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont exposés à des crimes de haine en République de Corée.
La corapporteuse a d’autre part voulu connaître les critères et les bases juridiques qui autorisent une personne à se prévaloir de la protection que la République de Corée accorde aux transfuges de la République populaire démocratique de Corée.
D’autres membres du Comité ont demandé aux représentants du Bureau des droits de l’homme du Ministère de la justice de préciser quelle était la surface moyenne des cellules dans les prisons et comment les autorités comptaient résoudre le problème de surpopulation carcérale qui persiste en République de Corée. Selon une organisation de la société civile, les prisons coréennes appliquent un régime d’isolement des détenus particulièrement sévère, a relevé un expert, rappelant que les Règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies régissent cette pratique de manière restrictive.
Une experte a constaté que si le système judiciaire de la République de Corée semble fonctionner normalement, des questions se posent s’agissant du système très compliqué de nomination des juges et des rapports entre juges, procureurs et policiers. Cette experte s’est aussi interrogée sur la pratique autorisant les policiers à priver de liberté des mineurs sans passer par un magistrat. La Loi sur la sécurité donne à réfléchir, a ajouté cette même experte: est-elle un prolongement durable de l’état d’urgence ou n’a-t-elle qu’une incidence limitée dans le temps?
Un expert a relevé que la Commission nationale des droits de l’homme de la République de Corée s’inquiétait, dans un rapport rendu public, du grand nombre (90) de suicides parmi les personnes ayant fait l’objet d’enquêtes de police.
Un expert a relevé que selon le rapport, les directeurs des lieux de détention peuvent prescrire des traitements médicaux aux détenus, ce qui pose la question de la formation de ces personnels administratifs. L’expert a prié la délégation des donner des informations complémentaires sur les modalités alternatives à la détention évoquées dans le rapport telles que la « garde à vue sans barreaux » (paragraphe 108).
Une autre experte a noté que les détenus, pour bénéficier d’une remise de peine, doivent prêter serment en s’engageant à respecter la loi: ce serment ressemble beaucoup à une pratique de nature idéologique, a-t-elle estimé. L’experte a en outre déploré des conditions de détention en République de Corée qui, parfois, relèvent de la détention au secret.
Une experte a regretté la pratique des « arrestations urgentes » qui donnent lieu à de longs interrogatoires sans sanction d’un juge. Elle a rappelé que les locaux de police ne doivent servir qu’à la garde à vue – ni plus, ni moins.
Un expert a rappelé qu’un crime aussi grave que la torture exigeait une réponse juridique et non uniquement sociale.
Réponses de la délégation
La délégation a affirmé que la définition de la torture utilisée par la République de Corée – soit tout acte infligeant une douleur mentale ou physique – est plus large que celle de la Convention. Un acte d’humiliation peut être assimilé à une torture ou à un acte cruel ou dégradant, a-t-elle ajouté. La délégation a indiqué que l’Assemblée nationale n’en était pas moins saisie d’un projet de loi visant à amender l’article 125 du Code pénal, qui sanctionne les actes de violence et de cruauté commis par les fonctionnaires de l’État, de façon à intégrer la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention.
La peine de mort n’est appliquée qu’aux crimes les plus graves, a par ailleurs souligné la délégation. Le Parlement a été saisi d’un projet d’abolition de cette peine auquel il n’a pas été donné suite: dans ce domaine, les autorités restent à l’écoute de l’opinion publique, a expliqué la délégation. La peine de mort est de fait conforme à la Constitution de la République de Corée, a ensuite souligné la délégation. Les autorités examinent attentivement la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (qui concerne la peine de mort), a-t-elle ajouté.
L’aide juridictionnelle est gratuite pour certaines catégories de personnes et est assurée par le biais des autorités locales, chargées par le Ministère de la justice de désigner les avocats commis d’office, a en outre indiqué la délégation. Les membres du barreau fournissent eux-mêmes des prestations gratuites dans certains villages, a-t-elle ajouté.
Pour ce qui est plus généralement des garanties de procédure, chaque personne arrêtée est informée des motifs de son arrestation et de son droit de bénéficier des services d’un avocat; de plus, chaque personne arrêtée et détenue est enregistrée dans un fichier centralisé et ses déclarations à la police peuvent être enregistrées par moyens audio ou vidéo, avec son accord.
Les commissariats de police contrôlent l’état de santé des personnes arrêtées ou gardées à vue. En cas de besoin, les personnes concernées seront transférées vers un hôpital ou dispensaire. Un suivi médical sera assuré tout au long de la procédure les concernant, si nécessaire. Les prisons organisent elles-aussi un suivi sanitaire des détenus, a fait valoir la délégation.
Le ministère public peut effectuer des visites dans les prisons et hôpitaux pour y vérifier les conditions de détention. En 2010, cinq agents de police ont été inculpés et condamnés pour des violences sur des détenus, a indiqué la délégation.
Chaque détenu mineur dispose maintenant de 6 mètres carrés en moyenne, suite aux efforts déployés par le Gouvernement pour améliorer les conditions de détention, a en outre précisé la délégation. Le taux de récidive chez les mineurs était de 28% en 2015, a-t-elle par ailleurs indiqué, faisant valoir que les mineurs qui sortent de prison bénéficient de mesures de soutien à la recherche d’un emploi et d’un logement, par exemple. Les autorités s’efforcent également de privilégier les mesures alternatives à la détention, comme par exemple le placement dans la famille élargie ou les travaux d’intérêt général. Les plaintes déposées par des mineurs détenus ont majoritairement trait à des demandes de transfert d’établissement pour être plus proches de leur domicile ou à des demandes d’activités de formation, a indiqué la délégation. L’institution nationale de droits de l’homme et le Ministère de la justice effectuent des visites annuelles, suivies d’évaluation, dans les lieux de détention pour mineurs, l’objectif étant d’améliorer leur réinsertion sociale, a-t-elle ajouté.
Les femmes détenues, qui représentent environ 6% de la population carcérale, reçoivent le matériel nécessaire pour leur hygiène personnelle, a ensuite souligné la délégation. Les nouveau-nés restent près de leur mère détenue jusqu’à l’âge de 18 mois, a-t-elle précisé. Les autorités sont en train de construire une prison réservée aux femmes, a-t-elle ajouté.
La délégation a d’autre part précisé que les personnes transsexuelles sont détenues à part et bénéficient de mesures de soutien personnalisées.
Le viol conjugal est désormais considéré comme un crime, a également fait valoir la délégation. La jurisprudence sera amenée à préciser plus avant l’interprétation concrète de ce principe, a-t-elle annoncé.
La délégation a ensuite observé que le nombre d’avocats faisant état d’obstruction policière dans leur travail de défense des personnes détenues était en réalité très faible. Quoi qu’il en soit, un fonctionnaire qui empêcherait un avocat de remplir sa mission serait révoqué, a précisé la délégation.
Les violences au sein de l’armée donnent lieu à des sanctions pénales et disciplinaires, a d’autre part souligné la délégation. Les crimes sexuels entraînent la mise à pied ou des mesures disciplinaires, des mesures de protection étant en outre prises en faveur des victimes. Il est maintenant possible de déposer plainte sur Internet, a fait savoir la délégation. L’armée a mis sur pied son propre système de détention en cas de violations des droits de l’homme, un système validé par la Cour constitutionnelle, a-t-elle ajouté. La Commission nationale des droits de l’homme joue d’ores et déjà un rôle de défenseur des droits de l’homme au sein de l’armée, a-t-elle indiqué.
Quant au placement à l’isolement des personnes ayant commis des infractions – notamment des agressions – au sein de l’armée, il est autorisé pour des périodes ne dépassant pas trente jours, a ensuite précisé la délégation.
La délégation a d’autre part indiqué que les enquêtes approfondies réalisées au sujet des suicides en prison avaient donné lieu à l’élaboration de lignes directrices à l’intention des personnels carcéraux et de justice. Quant aux suicides dans l’armée, les forces armées ont adopté des mesures de prévention efficaces puisque le taux de suicide y est maintenant inférieur de moitié à celui qui prévaut dans la population civile.
Le nombre de plaintes pour torture ou mauvais traitements a beaucoup augmenté depuis une dizaine d’années, a par ailleurs indiqué la délégation. Les fonctionnaires qui se livrent à des actes cruels pour obtenir des aveux sont punis aux plans administratif et pénal, a-t-elle expliqué, faisant état d’un nombre de moins de dix cas qui, depuis 2010, ont donné lieu à des peines de prison avec ou sans sursis. Les preuves obtenues de manière illégale sont déclarées invalides, a ajouté la délégation.
Vingt-quatre plaintes contre la police ont été déposées après les Manifestations des bougies: 22 non-lieux ont été prononcés et deux cas ont donné lieu au paiement d’une amende, a ensuite précisé la délégation. Au total, quelque cent treize agents de police ont été blessés pendant ces manifestations, a-t-elle en outre rappelé. Les enquêtes se poursuivent et les autorités en tireront les leçons, a poursuivi la délégation. D’une manière générale, l’augmentation du nombre des plaintes contre la police s’explique par la prise de conscience, par les citoyens, de leurs droits face aux institutions, a fait valoir la délégation.
La mort d’un manifestant tué par un canon à eau pendant une manifestation fait encore l’objet d’une enquête, a par la suite indiqué la délégation. L’utilisation des moyens des forces antiémeutes est encadrée par des directives qui seront révisées à la lumière de cette enquête, a-t-elle ajouté.
La Commission nationale des droits de l’homme peut elle-même dénoncer à la justice un policier qu’elle soupçonne d’acte contraire à la loi concernant la torture, a poursuivi la délégation. Le Ministère de la justice gère quant à lui un numéro d’appel gratuit pour dénoncer tout acte de torture ou de mauvais traitement, a-t-elle indiqué. La police elle-même applique des protocoles pour éviter des conflits d’intérêts dans les enquêtes pour violations des droits de l’homme impliquant des fonctionnaires, a ajouté la délégation. Moins d’1% des plaintes examinées par la Commission donnent lieu à une dénonciation à la justice, a précisé la délégation: le taux élevé de non-entrée en matière s’explique par des vices de forme, par le retrait des plaintes et par l’absence de preuves, a-t-elle indiqué. La Commission est habilitée à réaliser des enquêtes pour obtenir les preuves en soutien d’une accusation de torture, a souligné la délégation. Elle peut aussi s’adjoindre les services d’experts extérieurs – en particulier des organisations non gouvernementales – pour l’accompagner dans ses visites.
Les autorités de la République de Corée ont mené plusieurs campagnes de sensibilisation contre les châtiments corporels, parallèlement aux démarches visant à veiller à l’application de la loi sur la protection de l’enfance. Les services sociaux effectuent des visites à domicile et les jeunes qui sont victimes de violence peuvent trouver refuge dans des foyers spécialisés, a indiqué la délégation.
Les membres de la commission des réfugiés suivent des formations continues pour mieux comprendre les nouvelles populations réfugiées, a d’autre part fait valoir la délégation. Les migrants étrangers peuvent être placés dans des locaux confortables où ils bénéficient de services de santé physique et psychologique, a-t-elle précisé; les soins sont parfois prodigués dans les institutions de santé habituelles.
L’éducation des agents publics dans le domaine des droits de l’homme est du ressort collectif de plusieurs ministères, chargés non seulement d’élaborer les programmes mais aussi d’en évaluer l’efficacité. La formation des fonctionnaires du Ministère de la justice couvre la traite des êtres humains; les droits des personnes handicapées; et la prise en charge des enfants victimes de violations des droits de l’homme. Les fonctionnaires chargés des questions de migration reçoivent quant à eux un enseignement aux besoins des migrants. Le Ministère de l’égalité entre les sexes dispense quant à lui, en collaboration avec la police, une formation à l’identification des victimes de la traite et à leur protection, a indiqué la délégation.
La Commission de vérité et de réconciliation, quant à elle, a pour objectif moins de distribuer des sanctions que de faire la lumière sur les violations antérieures des droits de l’homme, a ensuite précisé la délégation. Dans 1256 cas, les autorités ont fait des excuses publiques. Dans 73 cas, il a été décidé de juger à nouveau les personnes mises en cause.
La Loi sur la lutte antiterroriste inclut des mesures d’indemnisation des victimes du terrorisme, a par ailleurs indiqué la délégation. Un officier de protection des droits de l’homme intégré à la commission de lutte antiterroriste veille à ce que les personnes soupçonnées de terrorisme bénéficient de toutes les garanties de procédure, y compris de l’accès à un avocat, a assuré la délégation. Le terrorisme en République de Corée est défini sur la base de la définition contenue dans (l’article 2 de) la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, a-t-elle précisé.
La loi sur la lutte contre le terrorisme permet aux services nationaux de renseignement de recueillir des informations sur des personnes suspectées de préparer des actes de terrorisme. Cependant la portée de cette compétence a été réduite récemment, a ensuite indiqué la délégation. La présence d’un avocat peut être exceptionnellement refusée si elle risque de porter préjudice au déroulement de l’enquête, a-t-elle en outre confirmé.
La Loi sur la sécurité nationale adoptée après la scission entre la République de Corée et la République populaire démocratique de Corée a pour objet de protéger la démocratie, a d’autre part indiqué la délégation. Elle peut imposer des limites à l’ordre constitutionnel en cas de péril pour la démocratie, a-t-elle souligné. Deux mille personnes ont été arrêtées entre 2006 et 2016 dans ce cadre, a précisé la délégation. Quarante-cinq personnes sont détenues au titre de l’article 7 de la Loi sur la sécurité nationale, a précisé la délégation.
Compte tenu des activités menaçantes et hostiles de la République populaire démocratique de Corée, la Loi sur la sécurité nationale n’est pas temporaire, a ensuite souligné la délégation. Cette Loi protège la République de Corée contre certains crimes spécifiques tels que les sabotages et son application, qui vise exclusivement la protection de l’ordre démocratique de la République de Corée, est soumise à un contrôle rigoureux, a-t-elle ajouté.
La rétention des migrants est en principe de dix jours et est renouvelable, dans une certaine limite, jusqu’à expulsion ou rapatriement de la personne, a ensuite indiqué la délégation. Depuis mai 2010, la loi sur les migrations telle que révisée oblige le Ministère de la justice à valider toute détention dépassant trois mois, faute de quoi la personne concernée sera remise en liberté. Tout ordre de détention peut faire l’objet d’un appel, a ajouté la délégation. Quant aux enfants d’étrangers sans papiers, ils sont scolarisés et pourront rester en République de Corée jusqu’à la fin de leurs études, entraînant si nécessaire la suspension d’un ordre d’expulsion, a-t-elle fait valoir.
La délégation a déclaré avoir pris bonne note des observations du Comité sur la question des « femmes de réconfort », auxquelles il répondra par écrit.
En ce qui concerne le Sewol, plusieurs organisations sont chargées des enquêtes sur les faits et les responsabilités de ce naufrage qui a fait plus de 300 victimes. La délégation a indiqué qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur cette affaire.
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CAT17/009F