Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ARMÉNIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Arménie sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant ce rapport, M. Ashot Hovakimian, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a assuré que le Gouvernement arménien condamnait toutes les formes de discrimination et ne ménageait aucun effort pour se mettre en conformité avec ses engagements internationaux. Des textes de loi sont actuellement à l'étude pour veiller à ce qu'aucun acte de discrimination n'ait lieu sur le territoire arménien, a-t-il indiqué. En outre, les amendements qui ont été apportés à la Constitution renforcent la protection des droits et la lutte contre les discriminations, a-t-il fait valoir; l'article 29 interdit notamment, désormais, tous les types de discriminations. L'article 89 dispose quant à lui que les représentants des minorités nationales se voient désormais attribuer un certain nombre de sièges à l'Assemblée nationale; 4 sièges leur sont ainsi réservés à raison d'un siège pour chacune des minorités nationales recensées sur le territoire arménien. Des représentants des communautés yézidis, russes, assyriennes et kurdes sont devenus députés pour la période 2017-2021, a précisé le Vice-Ministre.
L'une des mesures les plus importantes adoptées dans le domaine de la lutte contre les discriminations est la Stratégie nationale pour la protection des droits de l'homme qui comprend un volet consacré à la lutte contre les discriminations, a poursuivi M. Hovakimian, avant de préciser que la rédaction d'un nouveau projet de plan d'action pour la protection des droits de l'homme pour la période 2017-2019 était achevée, qui prévoit notamment la création d'un organe pour l'égalité au sein du bureau du Défenseur des droits de l'homme; ce nouveau plan devrait être adopté d'ici la fin de l'année. Le Code pénal arménien incrimine toute incitation à la haine raciale ou religieuse, a en outre rappelé le Vice-Ministre. Les réfugiés constituent un groupe vulnérable susceptible d'être exposé à des discriminations, a par ailleurs reconnu M. Hovakimian, avant de souligner que l'Arménie a reçu 400 000 réfugiés ayant fui l'Azerbaïdjan et fait partie des pays recevant le plus grand nombre de réfugiés en proportion de sa population. L'Assemblée nationale a adopté une loi sur les réfugiés et les demandeurs d'asile qui apporte des amendements à la législation nationale afin de la mettre en conformité avec les règles internationales et de garantir à ces personnes un accès à l'éducation et aux services de base. L'Arménie a signé la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et sa ratification est en cours, a indiqué M. Hovakimian.
La délégation arménienne était également composée, entre autres, de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'éducation et de la science ainsi que de la Mission permanente de l'Arménie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne; de l'incrimination des discours et des crimes de haine; du nouveau plan d'action pour la protection des droits de l'homme; de la situation des minorités nationales et ethniques; des questions d'éducation, notamment pour les enfants des minorités et pour les enfants réfugiés et en particulier pour ce qui a trait à la langue d'enseignement et aux programmes scolaires; de la diaspora arménienne; ou encore de la situation des Bosha et des personnes d'ascendance africaine.
M. Noureddine Amir, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arménie,
félicité que la loi sur les droits des demandeurs d'asile et des réfugiés ait été modifiée afin de la mettre en conformité avec les normes internationales. Il a en revanche déploré que seuls 4 cas de discrimination raciale aient été signalés dans le rapport, ce qui laisse penser que des défaillances existent dans le système de recueil et de recensement des plaintes ou que les citoyens manquent de confiance dans les institutions. Le rapporteur a d'autre part déploré que le Code pénal arménien ne prévoie pas de dispositions spécifiques criminalisant les organisations qui incitent à la haine raciale.
Un autre membre du Comité a regretté que la participation des minorités ethniques au monde du travail en Arménie se limite le plus souvent aux domaines de la sylviculture, de la pêche et de l'agriculture. Il a en outre été déploré que les services nationaux d'inspection du travail se soient vu retirer une série de compétences qui leur permettaient de constater des faits de discrimination dans des contextes liés au travail.
Un expert s'est pour sa part inquiété que plusieurs organisations, notamment politiques, profèrent publiquement et régulièrement des discours haineux à l'encontre de minorités ethniques et de migrants.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l'Arménie et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 12 mai prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra en salle XVII du Palais des Nations une réunion informelle avec les États parties.
Présentation du rapport de l'Arménie
Le présent dialogue se fonde sur le rapport de l'Arménie et la liste de points à traiter préalablement adressée au pays par le Comité, ainsi que sur le document de base de l'Arménie.
M. ASHOT HOVAKIMIAN, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a souligné que l'élaboration du rapport s'est faite en étroite collaboration avec la société civile. Il a assuré que le Gouvernement arménien condamnait toutes les formes de discrimination et ne ménageait aucun effort pour se mettre en conformité avec ses engagements internationaux. Des textes de loi sont actuellement à l'étude pour veiller à ce qu'aucun acte de discrimination n'ait lieu sur le territoire arménien, a-t-il indiqué.
En 2015, un référendum a été organisé afin de réformer de la Constitution, a ensuite rappelé le Vice-Ministre des affaires étrangères. Ce changement a fait passer le pays d'un système présidentiel à un système parlementaire. Les amendements qui ont été apportés à la Constitution renforcent la protection des droits et la lutte contre les discriminations, a fait valoir M. Hovakimian; l'article 29 interdit notamment, désormais, tous les types de discriminations. L'article 89 dispose quant à lui que les représentants des minorités nationales se voient désormais attribuer un certain nombre de sièges à l'Assemblée nationale; 4 sièges leur sont ainsi réservés à raison d'un siège pour chacune des minorités nationales recensées sur le territoire arménien. Il y a quelques semaines, des élections ont eu lieu mettant en compétition 9 partis politiques; 4 ont franchi le seuil de voix minimal requis pour être représenté à l'Assemblée. Des représentants des communautés yézidis, russes, assyriennes et kurdes sont devenus députés pour la période 2017-2021, a précisé le Vice-Ministre.
L'une des mesures les plus importantes adoptées dans le domaine de la lutte contre les discriminations est la Stratégie nationale pour la protection des droits de l'homme qui comprend un volet consacré à la lutte contre les discriminations, a poursuivi M. Hovakimian, avant de préciser qu'un Plan d'action destiné à mettre en œuvre cette Stratégie a été adopté en 2014. Le Ministère de la justice a par ailleurs achevé la rédaction d'un nouveau projet de plan d'action pour la protection des droits de l'homme pour la période 2017-2019, qui prévoit la création d'un organe pour l'égalité au sein du bureau du Défenseur des droits de l'homme ainsi que l'élaboration de manuels de procédures et la mise en place de formations à destination des juges et des avocats concernant ces questions. Ce nouveau plan devrait être adopté d'ici la fin de l'année.
En 2013, a ensuite indiqué M. Hovakimian, l'Assemblée nationale arménienne a adopté une loi visant à assurer des droits et des opportunités égales pour les hommes et les femmes dans tous les domaines. Des quotas ont été institués exigeant un taux de représentation de 25% de femmes au sein du Parlement. Un objectif de 30% a été fixé à l'horizon 2021.
Le Code pénal arménien incrimine toute incitation à la haine raciale ou religieuse, a d'autre part fait valoir le Vice-Ministre. Des circonstances aggravantes ont été prévues afin d'adapter les sanctions. Des peines allant de 7 à 15 ans d'emprisonnement voire jusqu'à la perpétuité peuvent être prononcées, a précisé M. Hovakimian.
Les réfugiés constituent un groupe vulnérable susceptible d'être exposé à des discriminations, a par ailleurs reconnu M. Hovakimian. Il a rappelé qu'en 1988, l'Arménie avait reçu ses tout premiers réfugiés qui avaient fui les massacres organisés dans la ville de Sumgait en Azerbaïdjan. En 1990 des massacres d'Arméniens ont également eu lieu à Bakou. En parallèle, l'Azerbaïdjan a lancé une guerre dans la région du Haut-Karabagh, entraînant le déplacement de nombreux Arméniens. En tout, l'Arménie a reçu 400 000 réfugiés ayant fui l'Azerbaïdjan et fait partie des pays recevant le plus grand nombre de réfugiés en proportion de sa population. Une politique d'intégration de ces réfugiés a alors été lancée dont le principal résultat fut la création d'un service d'état pour l'immigration, a indiqué le Vice-Ministre arménien des affaires étrangères.
Compte tenu de l'instabilité politique dans la région, le nombre de demandeurs d'asile s'est à nouveau accru récemment, a poursuivi M. Hovakimian. La majorité d'entre eux proviennent de Syrie, d'Ukraine, d'Iraq, d'Iran et de pays africains. En 2016, 110 demandes d'asile ont été recensées, contre 68 en 2010, a précisé le Vice-Ministre. L'Assemblée nationale a adopté une loi sur les réfugiés et les demandeurs d'asile qui apporte des amendements à la législation nationale afin de la mettre en conformité avec les règles internationales et de garantir à ces personnes un accès à l'éducation et aux services de base. L'Arménie a signé la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et sa ratification est en cours, a indiqué M. Hovakimian.
M. Hovakimian a ensuite rappelé que le poids historique du génocide arménien avait rendu les autorités arméniennes particulièrement sensibles à la nécessité de protéger les minorités ethniques et religieuses et d'éradiquer la xénophobie. Le Conseil de coordination créé en mars 2000 à l'initiative des minorités nationales et dont la mission est de promouvoir des activités culturelles destinées à améliorer la visibilité des minorités a reçu un budget de 10 millions d'AMD jusqu'à 2012; ce budget a depuis été doublé, a précisé le Vice-Ministre.
En 2015, 66 organisations confessionnelles ont été enregistrées par les autorités arméniennes et 8 d'entre elles sont des organisations confessionnelles minoritaires, a-t-il par ailleurs fait valoir, précisant qu'aucune confession n'a été rejetée au moment de l'enregistrement. Celles-ci sont libres de construire des lieux cultes. La communauté yézidi a notamment construit dans le pays la deuxième plus grande cathédrale au monde, a rappelé M. Hovakimian.
Des fonds ont été débloqués afin de dispenser une année d'éducation préscolaire à tous les Arméniens. L'accès à cette année d'éducation préscolaire a été élargi aux enfants issus de minorités vulnérables, afin de renforcer leur intégration et l'apprentissage de la langue arménienne, a en outre fait valoir le Vice-Ministre. Par ailleurs, le programme 2012-2017 pour l'éducation renforce la possibilité pour les enfants des minorités de recevoir une éducation secondaire avancée. Des manuels ont été fournis aux écoles des minorités nationales. Des ONG de minorités nationales ont par ailleurs créé des écoles du dimanche qui enseignent dans les langues minoritaires. Les cours sont pour la plupart donnés dans des centres culturels mis à disposition par l'État Arménien à titre gracieux.
Les jeunes réfugiés, quant à eux, ont été regroupés dans plusieurs écoles où ils ont pu bénéficier d'un soutien psychologique et assister à des cours. Des places gratuites pour l'enseignement supérieur des réfugiés ont par ailleurs été ouvertes. Une réduction de 50% sur les frais d'éducation pour les étudiants venus de Syrie a été accordée, a précisé M. Hovakimian.
Le Gouvernement s'est engagé à préserver la culture et le patrimoine des minorités. Cette volonté s'est traduite par l'organisation d'expositions d'arts et de festivals de musique, ainsi que par des publications de livres dans les langues des minorités nationales, a ajouté le Vice-Ministre arménien des affaires étrangères.
Enfin, M. Hovakimian s'est dit préoccupé des rapports fournis par certaines ONG qui diffusent des informations erronées. Il a tout particulièrement attiré l'attention du Comité sur le fait qu'une ONG intitulée «Centre du Caucase pour le contrôle des droits de l'homme», prétendument enregistrée en Géorgie, ait pu publier sur le site Internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des rapports présentant, dans un langage abusif, des faits erronés.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. NOUREDDINE AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arménie, a déploré que seuls 4 cas de discrimination raciale aient été signalés dans le rapport, ce qui laisse penser que des défaillances existent dans le système de recueil et de recensement des plaintes ou que les citoyens manquent de confiance dans les institutions. Il a déploré que l'élaboration du rapport n'ait pas bénéficié d'une pleine participation des ONG représentant les 11 minorités ethniques recensées sur le sol arménien, lesquelles ont simplement été consultées.
Le rapporteur s'est ensuite félicité que la loi sur les droits des demandeurs d'asile et des réfugiés ait été modifiée afin de la mettre en conformité avec les normes internationales. Il a toutefois demandé si cette loi était toujours en cours de modification ou si elle avait déjà été intégralement adoptée.
M. Amir a par ailleurs demandé des renseignements sur les initiatives lancées pour rendre la définition de la discrimination raciale pleinement conforme à celle énoncée dans la Convention. Il s'est enquis des mesures prises pour garantir l'application efficace des lois destinées à combattre la discrimination raciale.
Le rapporteur a d'autre part déploré que le Code pénal arménien ne prévoie pas de dispositions spécifiques criminalisant les organisations qui incitent à la haine raciale. Il s'est enquis d'éventuelles décisions judiciaires rendues dans des affaires d'incitation à la discrimination et à la haine raciales dans lesquelles de telles organisations auraient été mises en cause. De plus, il a souhaité obtenir des statistiques mises à jour sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale reçues et le nombre d'auteurs de ce type d'actes ayant été poursuivis à la demande du bureau du Défenseur des droits de l'homme.
M. Amir s'est ensuite inquiété que le dispositif propre à la charge de la preuve puisse constituer un frein à la lutte contre les discriminations.
Le rapporteur a par ailleurs demandé des précisions sur l'accès à l'enseignement primaire et secondaire pour ce qui est des enfants des minorités. Il s'est enquis des instruments mis à la disposition des minorités afin qu'elles puissent, dans la pratique, développer leurs traditions et leur culture en Arménie. M. Amir a également demandé des statistiques sur la situation socioéconomique des minorités et a souhaité avoir des précisions sur ce qu'il en est de leur accès au marché du travail en Arménie. Il a en outre souhaité savoir si l'Arménie envisageait d'adopter des mesures supplémentaires afin d'augmenter le représentation des minorités nationales au sein des instances de l'État. Concernant l'éducation, il a regretté qu'aucune statistique n'ait été fournie sur la participation des minorités au système éducatif. Il a souhaité en savoir davantage au sujet des cours de soutien linguistique proposés dans l'éducation préscolaire dans les régions où vivent des minorités.
Le rapporteur a ensuite demandé si des informations étaient disponibles concernant les discriminations à l'égard des femmes, des femmes issues des minorités et des mariages forcés.
Un autre membre du Comité a demandé des précisions sur la participation des minorités à la vie publique arménienne et s'est enquis des possibilités qui leur sont offertes d'accéder aux postes à responsabilités dans le pays.
Une autre experte a demandé si l'Arménie avait l'intention de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention en vue de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des plaintes de citoyens. Elle a par ailleurs demandé si des femmes issues des minorités ethniques avaient été élues à l'Assemblé nationale lors des dernières élections. Elle s'est enfin demandée s'il existait des estimations chiffrées concernant les Arméniens de la diaspora.
Un autre expert a demandé si des mesures spéciales étaient prises à l'intention des femmes issues des minorités ethniques, notamment pour ce qui a trait à leur accès à l'emploi. Il a regretté que la participation des minorités ethniques au monde du travail en Arménie se limite le plus souvent aux domaines de la sylviculture, de la pêche et de l'agriculture. Cet expert a en outre demandé si l'Arménie avait l'intention de ratifier la Convention n°189 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques.
Un autre expert a souhaité connaître la situation actuelle des communautés Bosha, longtemps victimes de discrimination dans le pays.
Une experte a demandé s'il existait des statistiques récentes concernant les personnes d'ascendance africaine et a souhaité savoir si des mesures spécifiques étaient prévues à l'intention de ces personnes. Elle s'est en outre enquise des critères requis en Arménie pour accéder au statut de réfugié.
Un autre expert s'est inquiété de rapports faisant état de moqueries, d'insultes et d'autres formes de discrimination à l'égard des Arménien(e)s épousant des non- Arménien(e)s.
Rappelant que la société arménienne était composée à 98% d'Arméniens - soit un État quasiment mono-ethnique - un expert s'est demandé si le Gouvernement promouvait une politique destinée à modifier la composition démographique du pays. Il s'est demandé si des taux de natalité importants avaient été notés parmi certaines minorités présentes sur le territoire arménien et si ces taux pouvaient être considérés comme un problème aux yeux des autorités arméniennes.
Un autre expert s'est enquis des ressources financières à disposition du bureau du Défenseur des droits de l'homme et a souhaité savoir si ces ressources suffisaient à l'accomplissement des tâches de ce bureau. Il a par ailleurs demandé si cette institution bénéficiait du statut A de pleine conformité aux Principes de Paris.
Un autre expert s'est inquiété que plusieurs organisations, notamment politiques, profèrent publiquement et régulièrement des discours haineux à l'encontre de minorités ethniques et de migrants.
Soulignant que l'enseignement de la religion orthodoxe était obligatoire à l'école, un autre expert s'est demandé si des solutions alternatives étaient proposées pour les minorités religieuses non orthodoxes.
Une experte a regretté que sur les 4 cas recensés de discrimination raciale, un seul ait donné lieu à des poursuites. Elle s'est par ailleurs inquiétée que le budget alloué aux tribunaux soit clairement insuffisant pour assurer l'aide juridictionnelle en faveur des personnes vulnérables. Le budget des services du Procureur est également extrêmement réduit, s'est-elle en outre inquiétée.
Un autre expert a déploré que les services nationaux d'inspection du travail se soient vu retirer une série de compétences qui leur permettaient de constater des faits de discrimination dans des contextes liés au travail.
Réponses de la délégation
Les amendements apportés à la loi sur les réfugiés ont été adoptés en décembre 2016, rendant désormais cette loi pleinement conforme aux normes internationales en la matière, a déclaré la délégation.
La législation de l'Arménie comprend des dispositions concernant la lutte contre les discriminations ainsi que des mécanismes de protection judiciaire pour les citoyens. Dans le plan d'action mis en place en 2014 afin de mettre en œuvre la Stratégie nationale pour la protection des droits de l'homme, un paragraphe prévoit la création de mécanismes supplémentaires et surtout distincts afin de lutter spécifiquement contre les discriminations. Le nouveau plan d'action pour la protection des droits de l'homme qui sera adopté la semaine prochaine mettra définitivement en œuvre cette législation spécifique. Ce plan prévoit en outre la répartition du fardeau de la preuve. Une instance spéciale chargée de la lutte contre les discriminations sera prochainement mise en place, qui comprendra des représentants des ONG spécialisées dans le domaine de la lutte contre les discriminations, a précisé la délégation. Enfin, ce plan d'action prévoit des formations à l'intention des juges sur les questions de discrimination, a-t-elle indiqué.
Le Code pénal arménien prévoit la criminalisation des activités des organisations qui tiennent ou diffusent des propos haineux, a poursuivi la délégation. Le Ministère de la justice a le droit et le devoir de s'adresser aux tribunaux pour interdire leurs activités, a-t-elle fait valoir. Des dispositions semblables existent également pour les partis politiques, a-t-elle indiqué.
Le droit pénal arménien criminalise les discours et crimes de haine, a souligné la délégation. Un procès a eu lieu pour un cas de ce type, mais la personne accusée d'avoir diffusé des publications qui incitaient à la haine raciale n'a pas pu être identifiée étant donné qu'elle utilisait un faux compte sur un réseau social. Ainsi, dans les affaires pénales liées à la diffusion de discours haineux, notamment sur les réseaux sociaux, il est souvent difficile d'identifier les responsables dans la mesure où ces derniers agissent le plus souvent sous un faux compte, notamment sur Facebook, a insisté la délégation.
Pour ce qui est de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne, la nouvelle Constitution arménienne reconnaît la primauté des traités internationaux ratifiés par l'Arménie sur le droit interne du pays, a fait valoir la délégation. Dans les articles conventionnels relatifs aux droits de la personne, une disposition particulière prévoit que le droit juridique interne doit se mettre en conformité avec les instruments internationaux en la matière.
Le nouveau Code électoral prévoit que 25% des membres du Parlement doivent être des femmes, a poursuivi la délégation. Les partis doivent ainsi établir leurs listes de manière à ce qu'un candidat sur quatre soit une femme; ce quota sera porté à 30% pour les prochaines élections, a indiqué la délégation. Au cas où une femme renonce à assumer son mandat, celui-ci doit revenir non pas au candidat suivant sur la liste mais à la candidate suivante inscrite sur cette liste, a-t-elle précisé.
La délégation a par ailleurs rappelé que les minorités nationales ne constituent pas une grande partie de la population en Arménie; elles représentent environ 2% de la population totale, ce qui a longtemps rendu difficile leur participation à la prise de décisions. Le nouveau système électoral permet désormais d'assurer leur représentation à l'Assemblée nationale, a néanmoins fait valoir la délégation, rappelant que le Code civil prévoit que les élections se déroulent au scrutin proportionnel. Une liste à part a été mise en place pour garantir aux candidats qui représentent les minorités nationales de pouvoir participer aux travaux du Parlement. Le Parlement de l'Arménie comprend 105 députés dont 4 représentants des minorités nationales les plus nombreuses (Kurdes,
Russes, Yézidis, Assyriens). Une des personnes élues parmi ces représentants des minorités lors des dernières élections d'avril est une femme russe, a précisé la délégation.
La délégation a fait valoir que la participation des autorités locales à l'intégration des minorités étaient également très importante. Dans certaines régions où vivent la plupart des membres de minorités nationales, les pouvoirs publics locaux incluent des représentants de ces minorités. Une réforme de l'administration territoriale est actuellement en cours afin de regrouper certaines unités administratives locales. La délégation a assuré que le regroupement de ces unités n'aurait aucune incidence sur la représentation et la participation des minorités nationales au sein des autorités locales.
Concernant les critères utilisés pour définir les minorités ethniques, l'Arménie utilise un concept général inclusif à défaut d'une définition juridique précise, a expliqué la délégation. Le Gouvernement fait appel à l'auto-identification du citoyen, lequel déclare de manière autonome son appartenance ethnique. Il est donc difficile de fournir une explication quant à l'absence des populations azéris dans les chiffres.
La majorité des membres des minorités ethniques habitent dans les zones rurales et s'occupent d'activités agricoles, a ensuite fait observer la délégation. Dans la pratique, rien ne s'oppose à ce que ces populations choisissent de changer de domaine de travail. Mais les circonstances dans lesquelles ces personnes vivent, leur localisation dans les zones rurales, aboutissent à ce qu'elles optent davantage pour des travaux agricoles.
Sous la houlette du Ministère de la santé, l'inspection du travail est actuellement en cours de réforme, a poursuivi la délégation. De nouvelles décisions seront prises, notamment sur le plan institutionnel, afin de renforcer le rôle de l'inspection du travail dans la lutte contre la discrimination. Un mécanisme de répartition de la charge de la preuve est également en cours d'examen.
À l'heure actuelle, la législation arménienne respecte la Convention n°189 de l'OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, a déclaré la délégation. Rien ne s'oppose à ce que l'Arménie adhère à cet instrument, a-t-elle fait valoir, ajoutant que la question des travailleurs domestiques reste un problème marginal en Arménie étant donné la pauvreté des ménages.
Par ailleurs, la question de la reconnaissance du droit du Comité à recevoir des plaintes individuelles au titre de l'article 14 de la Convention est en cours d'examen, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs affirmé que la question des mariages mixtes était extrêmement délicate et sortait du cadre de la question des minorités.
Concernant les personnes d'ascendance africaine, la délégation a souligné qu'elles étaient très peu nombreuses en Arménie et qu'il s'agissait le plus souvent de demandeurs d'asile congolais, maliens, ivoiriens ou encore guinéens. Mais il n'y a pas de groupes de personnes d'ascendance africaine identifiés en tant que tel. Le plus souvent, l'Arménie n'est pas leur destination définitive, a ajouté la délégation.
Concernant les Bosha, la délégation a indiqué que cette terminologie renvoyait à une identification propre à ces personnes en tant que groupe mais que ce groupe restait encore indéfini. Ainsi, le régime de non-discrimination s'applique à ces personnes, mais il n'existe pas de protection de leur singularité à proprement parler, a-t-elle précisé.
Interpellée sur l'enseignement de l'Histoire, la délégation a rappelé que l'Église apostolique d'Arménie est une composante importante du système éducatif arménien et de l'identité arménienne en général. Elle a souligné que l'Église avait notamment pris en charge les activités d'éducation dans les périodes pendant lesquelles l'État arménien n'était pas en mesure d'assurer cette tâche. Les auteurs des manuels scolaires d'Histoire sont des instituteurs et des enseignants dont l'appartenance religieuse ne doit pas interférer dans leurs activités professionnelles, a rappelé la délégation. Les Yézidis et les Kurdes ont accès à un enseignement de leurs religions respectives, a-t-elle en outre fait valoir.
Le programme d'éducation est renouvelé chaque année avec le concours des représentants des minorités, a poursuivi la délégation. Des plages horaires libres sont prévues afin que les étudiants, notamment ceux issus des minorités, puissent choisir des matières complémentaires librement. Cette année, l'éducation à distance a été mise en place afin de pallier les lacunes en matière d'enseignement de certaines matières.
Les enfants de réfugiés sont inscrits dans les écoles arméniennes et reçoivent un enseignement dans la langue choisie par leurs parents sans qu'aucune restriction ne s'y oppose, a ensuite fait valoir la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que l'Arménie était le seul pays dans l'espace post-soviétique à prévoir un enseignement obligatoire de la langue assyrienne. Au niveau du primaire, un système pédagogique pour l'enseignement de la tolérance a été mis en place, assorti d'un manuel sur la gestion des conflits. D'autres manuels sur la dignité, la tolérance et le respect des droits humains ont été élaborés et diffusés auprès des enfants et des enseignants du primaire.
Le Ministère de l'éducation prépare actuellement de nouvelles propositions pour les minorités souhaitant étudier leur religion, a fait valoir la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que les membres de la diaspora arménienne apportaient une grande contribution à la lutte contre la discrimination en Arménie du fait de la prise de conscience qu'ils déclenchent chez leurs proches présents dans le pays s'agissant de ces questions. Il n'existe pas de chiffres précis concernant cette diaspora, mais on considère qu'environ un tiers des Arméniens vivent à l'étranger, dont une grande partie en Fédération de Russie, a précisé la délégation.
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