Fil d'Ariane
LE COMITE CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE BAHREÏN
Le Comité contre la torture a examiné, dans la matinée de vendredi dernier et cet après-midi, le rapport de Bahreïn sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant ce rapport, M. Abdulla Faisal Aldosari, Ministre adjoint des affaires étrangères de Bahreïn, a indiqué que depuis février 2001, un train de réformes avait été entrepris, sous la houlette du Roi, dans le domaine des droits de l'homme et approuvé par 98% des Bahreïnites suite à un référenduM. Il a ensuite énuméré les garanties constitutionnelles protégeant les droits de l'homme, insistant plus particulièrement sur l'article 20 de la Constitution. L'intégrité du domaine judiciaire est considérée comme une pierre angulaire de la protection des droits de l'homme dans le pays, a fait valoir M. Aldosari, avant de faire observer que le droit national avait été modifié pour être mis en conformité avec la Convention et d'autres instruments internationaux. Il a en outre indiqué que le Code de procédure pénale promulgué par décret en 2002 avait été amendé pour garantir, notamment, le droit à un procès équitable et consacrer le droit d'être protégé contre la torture. Par ailleurs, une loi adoptée en 2012 a permis d'asseoir précisément la définition de la torture, a poursuivi le Ministre adjoint. Il a rappelé que Bahreïn mettait tout en œuvre afin de garantir que tout agent de la fonction publique qui se serait rendu coupable d'actes de torture soit poursuivi et dûment sanctionné. Il a ensuite attiré l'attention sur l'existence d'une loi sur la protection contre la violence domestique qui prévoit des sanctions pénales à l'encontre des coupables.
M. Aldosari a ensuite souligné qu'au niveau régional, Bahreïn s'était distingué comme un État pionnier dans la lutte contre la torture à travers la création en 2014 d'une institution nationale des droits de l'homme qui est chargée de surveiller les atteintes aux droits de l'homme, de recevoir des plaintes et d'effectuer des visites inopinées dans les centres de détention. Il a en outre indiqué qu'une unité spéciale d'enquête rattachée au parquet avait également été créée qui peut mener des enquêtes suite à des allégations de torture. Depuis 2011, Bahreïn fait face à de graves actes de terrorisme, a enfin rappelé M. Aldosari. Il est dans ce contexte essentiel de trouver un équilibre entre la garantie de l'ordre public et le respect des droits et libertés fondamentales, a-t-il souligné.
La délégation bahreïnienne était également composée de M. Yusuf Abdulkarim Bucheeri, Représentant permanent de Bahreïn auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de l'Intérieur et du Ministère des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions des membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la mise en oeuvre des recommandations formulées par la Commission d'enquête indépendante sur les évènements de 2011; les mécanismes d'examen des plaintes pour torture en place à Bahreïn et les sanctions prévues dans le Code pénal; l'indemnisation des victimes; l'éventuelle adhésion du pays au Protocole facultatif; la formation des forces de sécurité aux droits de l'homme; la compétence des tribunaux militaires et la lutte contre le terrorisme; les visites dans les lieux de détention; le traitement des plaintes pour torture; ou encore la détention des mineurs.
M. Alessio Bruni, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Bahreïn, a rappelé qu'en 2011, une commission d'enquête avait été mise sur pied afin de faire la lumière sur la répression survenue cette année-là dans le pays dans le contexte des «printemps arabes» et a fait observer que sur les 559 allégations de torture reçues par cette commission, seules 61 ont été jugées dignes de foi. Il s'est ensuite enquis des poursuites engagées suite à la mort durant cette période de 19 personnes, dont cinq seraient décédées suite à des actes de torture. La commission d'enquête a par ailleurs souligné le manque de mécanisme de reddition de comptes pour les agents de la sécurité, ce qui leur laisse une grande marge de manœuvre, a-t-il ajouté. Le corapporteur s'est d'autre part inquiété qu'un rapport publié cette année par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme ait fait état de nombreuses allégations indiquant que des actes de torture pendant ou avant les interrogatoires auraient toujours lieu sur le territoire de Bahreïn. Il a déploré la permanence d'une culture de l'impunité.
M. Bruni s'est ensuite inquiété que, selon ce qu'indiquent certaines informations, dans le cadre de la loi sur le terrorisme de 2006, une personnes suspectée d'acte de terrorisme puisse être détenue provisoirement pendant 28 jours et jusqu'à six mois maximum sans avoir accès à un juge, si le procureur le décide; une si longue période de détention provisoire augmente le risque de torture ou de mauvais traitement, a-t-il fait observer. Il s'est également inquiété que certains civils accusés d'actes de terrorisme soient parfois déférés devant des tribunaux spéciaux.
Mme Essaida Belmir, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Bahreïn, s'est inquiétée qu'en dépit des mises à jour juridiques effectuées par Bahreïn, la pratique des forces de sécurité et du personnel judiciaire demeure largement inadéquate. Elle a invité l'État partie à redoubler d'efforts en matière de formation aux droits de l'homme dispensée aux forces militaires et de police. La corapporteuse s'est en outre inquiétée de la non-conformité de la législation bahreïnienne aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant s'agissant des mineurs en conflit avec la loi.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Bahreïn et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 12 mai prochain.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Afghanistan.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays (CAT/C/BHR/3), M. ABDULLA FAISAL ALDOSARI, Ministre adjoint des affaires étrangères de Bahreïn, a assuré de l'engagement de son pays à mettre en œuvre les dispositions prévues dans la Convention. Il a indiqué que depuis février 2001, un train de réformes avait été entrepris, sous la houlette du Roi, dans le domaine des droits de l'homme et approuvé par 98% des Bahreïnites suite à un référenduM. Il a ensuite énuméré les garanties constitutionnelles protégeant les droits de l'homme, insistant plus particulièrement sur l'article 20 de la Constitution qui intéresse plus spécifiquement l'interdiction de la torture. L'intégrité du domaine judiciaire est considérée comme une pierre angulaire de la protection des droits de l'homme dans le pays, a fait valoir M. Aldosari. Il a ensuite fait observer que le droit national avait été modifié pour être mis en conformité avec la Convention et d'autres instruments internationaux tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. M. Aldosari a en outre indiqué que le Code de procédure pénale promulgué par décret en 2002 avait été amendé pour garantir, notamment, le droit à un procès équitable et consacrer le droit d'être protégé contre la torture.
Par ailleurs, une loi adoptée en 2012 a permis d'asseoir précisément la définition de la torture, a poursuivi le Ministre adjoint. Il a rappelé que Bahreïn mettait tout en œuvre afin de garantir que tout agent de la fonction publique qui se serait rendu coupable d'actes de torture soit poursuivi et dûment sanctionné. Il a ensuite attiré l'attention sur l'existence d'une loi sur la protection contre la violence domestique qui prévoit des sanctions pénales à l'encontre des coupables. Par ailleurs, une loi de 2012 sur l'enfance permet la protection des enfants susceptibles d'être exposés à des mauvais traitements.
M. Aldosari a ensuite souligné qu'au niveau régional, Bahreïn s'était distingué comme un État pionnier dans la lutte contre la torture à travers la création en 2014 d'une institution nationale des droits de l'homme qui est chargée de surveiller les atteintes aux droits de l'homme, de recevoir des plaintes et d'effectuer des visites inopinées dans les centres de détention. Par ailleurs, une commission sur les droits des prisonniers et des détenus a été créée en 2013 afin d'assurer de manière impartiale la protection les droits de l'homme en milieu carcéral; celle-ci peut également réaliser des visites inopinées dans les lieux de détention. M. Aldosari a assuré que tous les principes du Protocole facultatif avaient été pris en compte. Un secrétariat pour les plaintes dépendant du Ministère de l'intérieur a été créé en 2012 afin garantir le respect des normes prévues dans le Code national d'éthique de la police, a-t-il ajouté, précisant qu'une unité spéciale d'enquête rattachée au parquet avait également été créée qui peut mener des enquêtes suite à des allégations de torture (huit ont ainsi été lancées depuis sa création) et agit également dans la lutte contre le terrorisme. M. Aldosari a par ailleurs affirmé que les organes chargés de la sécurité sont formés au respect des droits de l'homme et tenus de respecter un code d'éthique. Un département des enquêtes internes a été créé en 2012 pour se pencher sur les plaintes concernant des abus de pouvoir de la part des fonctionnaires de la sécurité. Une ligne téléphonique verte est à disposition des administrés qui souhaitent déposer plainte et quelque 71 plaintes ont été reçues en 2017 par ce biais, a indiqué le Ministre adjoint, précisant que des procédures judiciaires ont été ouvertes pour chacune d'entre elles.
M. Aldosari a d'autre part fait valoir que des procédures d'indemnisation ont été mises en place pour dédommager une cinquantaine de personnes victimes de la répression qui avait eu lieu en 2011 au moment des «printemps arabes»; 800 dinars (NDLR: soit l'équivalent d'environ 2000 euros) ont été versés à chaque victime.
Depuis 2011, Bahreïn fait face à de graves actes de terrorisme, a enfin rappelé M. Aldosari. Il est dans ce contexte essentiel de trouver un équilibre entre la garantie de l'ordre public et le respect des droits et libertés fondamentales, a-t-il souligné.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. ALESSIO BRUNI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Bahreïn, a rappelé qu'il y a un mois, les médias avaient annoncé que Bahreïn allait inviter le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme à se rendre dans le pays afin de procéder à des visites dans les prisons et les villages chiites. Aussi, a-t-il demandé des précisions sur la date prévue pour cette visite.
M. Bruni a ensuite rappelé qu'en 2011, une commission d'enquête avait été mise sur pied afin de faire la lumière sur la répression survenue cette année-là dans le pays dans le contexte des «printemps arabes». Or, sur les 559 allégations de torture reçues par cette commission, seules 61 ont été jugées dignes de foi, a-t-il fait observer. Il s'est ensuite enquis des poursuites engagées suite à la mort durant cette période de 19 personnes, dont cinq seraient décédées suite à des actes de torture. La commission d'enquête a par ailleurs souligné le manque de mécanisme de reddition de comptes pour les agents de la sécurité, ce qui leur laisse une grande marge de manœuvre.
Le corapporteur s'est d'autre part inquiété qu'un rapport publié cette année par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme ait fait état de nombreuses allégations indiquant que des actes de torture pendant ou avant les interrogatoires auraient toujours lieu sur le territoire de Bahreïn. Il a déploré la permanence d'une culture de l'impunité.
M. Bruni a ensuite rappelé que les amendements apportés en 2012 au Code pénal prévoyaient que les agents publics coupables d'actes de torture devaient être sanctionnés. Il a toutefois déploré l'absence de mention de la durée de la peine alors encourue; seule est mentionnée la prison à vie si les actes de torture aboutissent à la mort de la victime. Le corapporteur s'est en outre félicité que la prescription ne s'applique pas au crime de torture dans l'ordre juridique interne de Bahreïn. Toutefois, dans la pratique, ces articles ont-ils effectivement été invoqués dans une procédure judiciaire depuis 2012? Combien de procédures judiciaires ont-elles été lancées contre des agents publics?
Rappelant par ailleurs qu'en 2012, une commission d'enquête indépendante spéciale avait été mise en place sous la houlette du procureur afin de sanctionner les personnes coupables d'actes de torture, M. Bruni s'est enquis des résultats obtenus par cette commission. Sont évoquées 36 affaires pénales inculpant 69 agents des forces de sécurité publique, a-t-il relevé. Il s'est enquis des motifs qui ont donné lieu aux peines les plus élevées (jusqu'à 10 ans d'emprisonnement) et s'est demandé si ces peines avaient été effectivement purgées. Il a par ailleurs déploré que les chiffres fournis par les différentes sources concernant le nombre d'agents inculpés ne soient pas toujours les mêmes.
M. Bruni s'est également enquis des résultats obtenus par l'unité spéciale d'enquête établie en 2012 suite à une décision du procureur général et chargée de recevoir des plaintes pour actes de torture. De la même manière, M. Bruni s'est enquis des résultats obtenus par la direction des enquêtes internes du Ministère de l'intérieur, qui est chargée de faire la lumière sur les infractions commises par les forces de sécurité du pays. Il s'est inquiété des risques de manque d'objectivité du Ministère de l'intérieur lorsqu'il doit mener des enquêtes concernant son propre personnel. Il a souhaité savoir comment cette direction des enquêtes internes coordonne ses activités avec le bureau de l'Ombudsman et l'unité spéciale d'enquête.
M. Bruni a souhaité savoir pourquoi la compétence en matière de gestion des prisons relevait du Ministère de l'intérieur et non du Ministère de la justice.
S'agissant des garanties pour les détenus, le corapporteur a souhaité savoir si tout suspect pouvait avoir accès à un médecin de son choix et à quel moment (avant ou après l'interrogatoire) un détenu pouvait consulter un avocat et contacter un proche. Ces garanties s'appliquent-elles également pour les personnes suspectées de terrorisme? Certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont fait valoir que dans le cadre de la loi sur le terrorisme de 2006, une personnes suspectée d'acte de terrorisme pouvait être détenue provisoirement pendant 28 jours et jusqu'à six mois maximum sans avoir accès à un juge, si le procureur le décide; une si longue période de détention provisoire augmente le risque de torture ou de mauvais traitement, a fait observer M. Bruni. Il s'est également inquiété que certains civils accusés d'actes de terrorisme soient parfois déférés devant des tribunaux spéciaux.
S'agissant des conditions de vie dans les centres de détention, le corapporteur a voulu savoir comment les autorités de Bahreïn mettaient en œuvre les recommandations formulées suite aux visites effectuées dans les prisons par des organes indépendants comme l'Ombudsman. Quels ont été les résultats de ces visites? La surpopulation carcérale, a-t-elle diminué, a également demandé M. Bruni? Il a cité l'exemple de la prison de Jau dont plusieurs ONG ont souligné que la capacité maximale d'accueil était de 1201 places. Or, ces mêmes ONG estiment qu'elle accueille actuellement environ 2700 détenus. Cette situation aurait donné lieu à des émeutes en 2015 durement réprimées par les forces de sécurité y compris à travers des actes de tortures. Il a souhaité savoir si les conditions de vie dans la prison avaient été améliorées depuis. Il a ensuite souhaité savoir si depuis sa création en 2013, l'Ombudsman avait reçu des plaintes de détenus pour mauvais traitements. Le corapporteur a noté que l'institut national des droits de l'homme et la commission des droits des prisonniers et des détenus s'étaient rendus dans la prison de Dry Dock en 2013 et a demandé si ces organes avaient pu avoir accès à tous les détenus, y compris ceux accusés de terrorisme. Des ONG ont fait valoir que certains prisonniers avaient été victimes d'actes de torture en guise de représailles suite à la fuite de 17 détenus. Par ailleurs, M. Bruni a demandé à la délégation de fournir des exemples de mise en œuvre des recommandations formulées par l'institut national des droits de l'homme.
Le corapporteur s'est enquis des suites données aux plaintes déposées pour actes de torture auprès de l'Ombudsman ou de l'institution nationale des droits de l'homme et a souhaité obtenir des éclaircissement sur la façon dont les institutions coordonnaient leurs activités afin d'éviter les doublons. En effet, certaines ONG ont fait valoir que l'Ombudsman et l'institution nationale ne sont pas suffisamment indépendants du Gouvernement, a-t-il noté, avant de s'enquérir des mesures prévues afin de garantir l'indépendance de ces institutions.
Le corapporteur s'est ensuite interrogé sur la validité du rapport publié en 2016 par le bureau de l'Ombudsman, qui a fait observer que le nombre de plaintes concernant les officiers des forces spéciales avait diminué depuis 2014; en effet, plusieurs ONG ont au contraire affirmé que ce nombre avait augmenté.
M. Bruni a ensuite voulu savoir quand Bahreïn allait effectivement ratifier le Protocole facultatif à la Convention comme le pays l'avait annoncé lors de son Examen périodique universel de 2012.
Enfin, M. Bruni s'est enquis de la conformité avec le principe de non-refoulement prévu dans le Convention d'un accord de coopération dans le domaine de la sécurité, dont certaines dispositions concernent l'extradition, conclu par Bahreïn avec les autres pays du Conseil de coopération du Golfe.
MME ESSAIDA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Bahreïn, s'est inquiétée qu'en dépit des mises à jour juridiques effectuées par Bahreïn, la pratique des forces de sécurité et du personnel judiciaire demeure largement inadéquate. Elle a invité l'État partie à redoubler d'efforts en matière de formation aux droits de l'homme dispensée aux forces militaires et de police.
S'agissant des placements à l'isolement, Mme Belmir a demandé à Bahreïn de fournir des données chiffrées sur le nombre de cas et s'est enquise des possibilités de recours pour contester une décision de placement à l'isolement.
La corapporteuse s'est en outre inquiétée de la non-conformité de la législation bahreïnienne aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant s'agissant des mineurs en conflit avec la loi. Elle a jugé particulièrement difficile et délicate la situation des mineurs âgés de 15 à 18 ans auxquels on impute des infractions. Comment ces personnes peuvent-elle être soumises aux mêmes conditions de détention que des adultes, a-t-elle demandé ?
Mme Belmir a ensuite demandé des détails sur la manière dont se déroulaient, dans certaines affaires, les règlements à l'amiable et l'abandon de poursuites. Après de tels règlements, est-il toujours possible pour une victime de mauvais traitements de saisir de nouveau la justice? La corapporteuse s'est interrogée sur des mesures, législatives ou autres, envisagées pour répondre à l'épineuse question des travailleurs migrants et domestiques victimes de mauvais traitements et de traite.
Mme Belmir a enfin souhaité savoir si Bahreïn – qui, invoquant un calendrier «inopportun», avait précédemment indiqué ne pas pouvoir recevoir le Rapporteur spécial contre la torture, était désormais enclin à accepter une visite de ce Rapporteur.
Un autre membre du Comité a relevé que l'Ombudsman était nommé et pouvait être limogé sur avis du Ministre de l'intérieur. Cette experte a demandé comment les autorités de Bahreïn étaient en mesure, dans ces circonstances, d'assurer l'indépendance effective de l'Ombudsman. Elle a également souhaité savoir combien de cas de torture avaient été enregistrés par l'Ombudsman et combien avaient donné lieu à des poursuites.
Un autre expert a demandé si le bureau de l'Ombudsman comprenait, parmi son personnel, des médecins habilités à détecter et analyser d'éventuelles marques de tortures.
Un autre expert s'est inquiété de la non-conformité avec la Convention des dispositions régissant le Fonds national pour les réparations. Ces dispositions conditionnent en effet de manière trop contraignante le versement de réparations aux victimes d'actes de torture à un constat effectué par un médecin attestant d'une incapacité ou d'un handicap découlant desdits actes.
Réponses de la délégation
La délégation a rappelé que dans la région du Golfe, Bahreïn présente les meilleurs indicateurs pour ce qui est du niveau de vie, de la transparence, de la participation des femmes et des droits de l'homme. Un programme gouvernemental destiné à améliorer la gouvernance et l'état de la justice dans le pays a été adopté pour la période 2015-2018, a-t-elle précisé. D'autres lois sont en cours d'élaboration, a ajouté la délégation, citant à titre d'exemple le décret émis par le Roi de Bahreïn pour la création d'une commission réunissant leaders religieux et experts aux fins de l'élaboration d'un code de la famille unifié.
La délégation a ensuite souligné que les actes de terrorisme commis dans la région portent préjudice aux efforts de l'État bahreïnien dans le domaine des droits de l'homme. L'attaque perpétrée contre la prison de Jau a notamment menacé l'intégrité physique des détenus et fait un mort parmi les forces de sécurité. Ceci a entrainé une restructuration et une réorganisation des conditions de détention.
Concernant la compétence des tribunaux militaires, la délégation a affirmé que la menace croissante du terrorisme a nécessité d'élargir la compétence juridique des tribunaux militaires, notamment dans le cadre de l'état d'urgence, ce qui permet de traduire en justice des civils membres de milices qui commettent des actes de terrorisme. Ces tribunaux tiennent des audiences publiques et des recours sont possibles, a fait valoir la délégation, ajoutant que des avocats sont assignés pour porter assistance aux accusés.
La délégation a invité le Comité à la prudence concernant certains rapports d'ONG, qui présentent des données erronées alors que ces organisations n'ont souvent pas de présence à Bahreïn.
Concernant l'invitation lancée par le Ministère bahreïnien des affaires étrangères au Haut-Commissaire aux droits de l'homme afin qu'il se rende en visite dans le pays, la délégation a indiqué qu'aucune réponse n'avait pour l'instant été donnée par le Haut-Commissaire. La délégation a indiqué qu'elle apporterait ultérieurement une réponse quant à l'envoi d'une telle invitation au Rapporteur spécial contre la torture.
Par ailleurs, suite au rapport de la Commission d'enquête sur les évènements de 2011, des mesures législatives ont été prises afin de créer un mécanisme destiné à fournir des réparations justes et suffisantes aux victimes d'abus et de violences.
Concernant les évènements survenus en 2011, le Gouvernement a prévu d'indemniser les personnes ayant subi des préjudices à l'époque, sur la base des recommandations de la commission spéciale d'enquête, a par la suite souligné la délégation. De telles indemnisations sont notamment prévues dans les cas où le préjudice a donné lieu a un handicap et en absence d'accord à l'amiable, a-t-elle précisé.
Six ans après les évènements, 4600 travailleurs qui avaient été licenciés de leur poste ont obtenu réparation; 500 étudiants ont pu retrouver leurs bourses et 2100 personnes ont été libérées de leurs chefs d'accusation, a par ailleurs précisé la délégation. Quelque 52 cas de torture et mauvais traitements ont fait l'objet d'actions disciplinaires, a-t-elle ajouté. En outre, 23 millions de dollars ont été attribués aux victimes pour reconstruire des lieux de culte. De plus, un million de dollars ont été dépensés pour former les forces de l'ordre. Quelque 165 révisions de peines ont également été prononcées. Au total, 1622 affaires ont été déférées devant le parquet. Quelque 334 personnes mises en cause dans des affaires de diffamation ont été libérées. Un fonds d'indemnisation pour les victimes a été mis en place, a de nouveau souligné la délégation. Enfin, un comité de suivi a été mis sur pied.
Il existe dans le Code pénal des dispositions permettant de sanctionner les actes de torture et de les prévenir, a poursuivi la délégation. Il existe en outre un code de conduite à l'intention des forces de police qui contient un volet spécifique contre la torture. Le bureau de l'Ombudsman, qui relève du Ministère de l'intérieur, mais aussi la commission des droits des prisonniers et des détenus, l'unité spéciale et l'institution nationale des droits de l'homme sont chargés de mener des enquêtes en cas d'allégations d'actes de torture. Une ligne téléphonique verte est en outre à la disposition des citoyens 24H/24. La délégation a rappelé qu'il était nécessaire de saisir ces canaux nationaux, mis à la disposition des citoyens, avant de pouvoir se tourner vers les instruments et organes internationaux; en d'autres termes, il faut d'abord avoir épuisé les voies de recours internes.
Les plaintes pour torture peuvent être examinées par l'Ombudsman du Ministère de l'intérieur, par l'institution nationale des droits de l'homme ou encore par l'unité spéciale, a souligné la délégation. Certaines peuvent été classées par manque de preuves, a-t-elle ajouté.
Un secrétariat d'examen des doléances a été créé, sur le modèle britannique, afin de procéder à l'examen des plaintes sous la houlette du Ministère de l'Intérieur, a ensuite indiqué la délégation. Ce secrétariat présente l'avantage de disposer de compétences élargies, telles que la recherche de documents ou la convocation d'individus à des fins d'interrogatoire. Quelque 1100 plaintes ont ainsi été reçues cette année et ce chiffre n'a cessé de s'accroître. Par ailleurs, les citoyens peuvent demander à pouvoir rendre visite à leurs proches en prison et s'assurer de leur sort dès 24 heures après leur arrestation. À des fins de transparence, le secrétariat fournir, dans son rapport annuel, des informations quant au devenir de chaque plainte reçue. Après réception d'une plainte, celle-ci est ensuite dirigée soit vers la police, soit vers le parquet, soit vers l'unité d'enquête spéciale, a précisé la délégation.
L'unité d'enquête spéciale a été établie par décret du Procureur en février dernier, a rappelé la délégation; elle enquête aussi sur les affaires de décès, torture ou mauvais traitements allégués en 2011. Des médecins légistes et des psychiatres affiliés à cette unité sont saisis, conformément au Protocole d'Istanbul, a ajouté la délégation. Quelque 52 cas ont été référés à des tribunaux pénaux et des peines ont été prononcées pour 25 cas; 13 accusés ont été libérés et un recours a été engagé dans 20 affaires. Un effort particulier a été consenti pour adapter les peines à la gravité des actes.
Pour ce qui est de la coordination entre le secrétariat et l'unité spéciale, les plaintes sont d'abord reçues par le secrétariat et s'il y a suffisamment de preuves, les affaires sont ensuite transférées à l'unité d'enquête spéciale, a précisé la délégation.
La commission sur les droits des détenus et des prisonniers, quant à elle, comprend 13 membres, a ajouté la délégation. Son mandat lui permet de rendre visite aux prisonniers sur l'ensemble du territoire et de publier des rapports périodiques. Elle a réalisé 12 visites inopinées au cours de ces deux dernières années.
Concernant les incidents survenus dans la prison de Jau, les allégations de violences et de mauvais traitements ont été transmises à l'unité d'enquête spéciale et les enquêtes sont encore en cours, a indiqué la délégation.
Revenant ensuite sur la mort d'un policier et la fuite de 17 détenus de la prison de Jau, la délégation a assuré que des mesures spécifiques avaient été mises en œuvre afin de garantir la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de ce centre, tout en assurant que les droits des détenus soient respectés. Le Ministère de l'intérieur a notamment mis en place des mesures de surveillance supplémentaires et des conditions d'entrée et de sortie plus strictes, a précisé la délégation.
La délégation a expliqué que, même si le Ministère de l'intérieur est responsable de la gestion des prisons à Bahreïn, des accords ont été signés avec le Ministère de l'éducation afin que les détenus aient accès à des formations et puissent trouver du travail une fois libérés.
Des visites d'inspection et des examens des registres sont assurés. Des soins médicaux sont prodigués aux détenus et des médicaments leur sont distribués selon que de besoin. Quand le traitement adéquat n'est pas disponible ou accessible depuis le centre de détention où il se trouve, le détenu qui en a besoin peut être transféré vers un hôpital général et son traitement est alors pris en charge par l'État.
Certaines organisations, comme la commission des droits des prisonniers et des détenus, le juge d'application des peines, l'unité spéciale ou encore le CICR, ont le droit d'effectuer des visites dans les lieux de détention, a par ailleurs fait valoir la délégation. Le CICR a organisé il y a six mois des visites qui ont donné lieu à des recommandations concernant, notamment, l'accès à la santé pour les détenus, a-t-elle précisé. Le CICR a également recommandé la construction de nouveaux locaux dotés de caméras de surveillance. Des représentants d'Amnesty International ont pu eux aussi se rendre dans des centres de détention, a ajouté la délégation.
Pour ce qui est de la détention des mineurs, la délégation que dans le cadre de la réforme de la justice, un nouveau code était en préparation qui prévoit de rehausser à 18 ans l'âge de la majorité pénale.
La délégation a indiqué que Bahreïn envisageait d'adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Le Protocole est d'ores et déjà utilisé et l'État a notamment mis en place un système de réparation pour les victimes de torture et de mauvais traitements, a-t-elle précisé. Par ailleurs, la commission sur les droits des prisonniers et des détenus, créée conformément aux principes prévus par le Protocole facultatif, formule des recommandations qui sont systématiquement prises en considération, a insisté la délégation.
La délégation a souligné que la Constitution de Bahreïn interdisait strictement l'obtention d'aveux sous la contrainte. La loi prévoit des sanctions à l'endroit de toute personne tentant d'extorquer des aveux par la force. Un juge ne peut fonder son jugement sur un élément de preuve qui ne lui aurait pas été soumis au cours de l'audience. Quant au code d'éthique des forces de sécurité nationales, il prévoit depuis 2012 que toute personne se doit de respecter les droits des citoyens et de les traiter avec respect.
Aucun accusé ne peut être interrogé en dehors de la présence d'un avocat, a ensuite ajouté la délégation.
Concernant la formation des forces de sécurité, la délégation a souligné que les droits de l'homme constituent désormais une matière à part entière des programmes de sensibilisation dans les académies de police. Les personnels judiciaires et pénitentiaires sont eux aussi sensibilisés à ces principes.
Concernant l'incrimination de la torture, la délégation a indiqué que le Code pénal de Bahreïn prévoit des peines de prison allant de 3 à 15 ans pour les personnes ayant commis de tels actes. La peine peut aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité en cas de décès de la victime.
Des modifications ont été apportées au Code pénal afin que les condamnations soient proportionnelles à la gravité du crime, a ajouté la délégation. Elle a affirmé ne pas disposer de statistiques permettant d'attester d'une augmentation ou d'une baisse du nombre de condamnations pour torture ou mauvais traitements.
Les lois de Bahreïn sont conformes à la Convention contre la torture pour ce qui est du principe de non-refoulement, a ensuite assuré la délégation. Aucune extradition n'est permise pour crime politique. Concernant l'accord de sécurité signé dans le cadre d'une convention entre les États du Golfe, la délégation a assuré que Bahreïn s'attache à respecter strictement et dans tous les cas de figure, le principe de non-refoulement tels qu'énoncé dans la Convention contre la torture.
Pour ce qui est de l'indépendance de la justice, la délégation a souligné que la Constitution bahreïnienne garantissait la stricte séparation des pouvoirs. Les juges sont inamovibles et ne peuvent avoir de mandat politique, ni se présenter à des élections. Il en va de même pour les membres du parquet.
La délégation de Bahreïn a précisé qu'elle fournirait par écrit au Comité, sous 48 heures, des réponses complémentaires.
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