Fil d'Ariane
LE COMITE CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU PAKISTAN
Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport initial présenté par le Pakistan sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant ce rapport, M. Kamran Michael, Ministre des droits de l’homme du Pakistan, a assuré qu’en tant qu’État partie à la Convention, le Pakistan déployait tous les efforts nécessaires pour mettre fin à la torture. La Constitution garantit les procédures nécessaires à la protection des droits humains tandis que plusieurs articles offrent une base constitutionnelle permettant de prévenir et de sanctionner les actes de torture, a-t-il indiqué. Il a ajouté que les fonctionnaires avaient l’interdiction stricte de se livrer à tout acte de torture et a rappelé que depuis l’adoption d’une ordonnance de police de 2002, des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement sont prévues pour les agents de police qui se livrent à de tels actes. Le Ministre a par ailleurs fait valoir que la législation contre le terrorisme répondait aux exigences en matière de protection des droits de l’homme et notamment aux dispositions relatives à la prévention des actes de torture. Toute personne placée en détention doit notamment être déférée devant un magistrat dans un délai de 24 heures, a-t-il souligné.
La législation pakistanaise reconnaît également l’irrecevabilité des éléments de preuves obtenus par la menace au cours d’une enquête, a poursuivi M. Michael. Il a en outre fait état du plan d’action national sur les droits de l’homme élaboré en février 2016. Toutes les provinces du pays sont dotées de départements des droits de l’homme chargés de recevoir des plaintes pour actes de torture, a-t-il par ailleurs fait valoir. M. Michael a reconnu que le Pakistan se heurtait à certains obstacles dans la lutte contre la torture. Parmi ces entraves, il a notamment cité la limitation des ressources de l’État, les lacunes en matière de formation du personnel de médecine légale, le sous-équipement, le manque de modernité des techniques d’enquête ou encore le délabrement des unités pénitentiaires.
La délégation pakistanaise était également composée, entre autres, de M. Zafarullah Khan, Ministre d’État chargé de la loi et de la justice du Pakistan; de M. Farukh Amil, Représentant permanent du Pakistan auprès des Nations Unies à Genève; ainsi que de représentants du Ministère de l’Intérieur.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, entre autres, la définition de la torture; certaines informations émanant d’organisations non gouvernementales; les mesures prévues en matière de lutte contre les actes de torture commis par la police; la législation antiterroriste; la situation carcérale; l’irrecevabilité des aveux obtenus hors de la présence d’un magistrat; l’extradition; les crimes dits d’honneur; le blasphème; les systèmes traditionnels de règlement des différends (jirgas) ; ou encore les réfugiés en provenance d’Afghanistan.
Mme Felice Gaer, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Pakistan, a regretté que la délégation du Pakistan ne comprenne pas de représentants des services de renseignement et de l’armée, souvent accusés par les organisations non gouvernementales (ONG) de se livrer à des acte de torture, notamment contre des détenus. De nombreux rapports d’ONG font état de cas de torture pratiqués par des agents associés à l’État, a-t-elle insisté. La police pakistanaise aurait également recours fréquemment à la torture pour obtenir des aveux, a-t-elle ajouté. Dans un rapport publié en 2016, Human Rights Watch a qualifié les abus de phénomène «endémique» dans les services de police du Pakistan, a-t-elle souligné. Mille deux cents affaires non résolues de disparitions forcées entre 2010 et 2016 ont été dénombrées sans qu’aucune information n’ait été fournie concernant les procédures d’enquêtes engagées sur ces cas, a poursuivi la corapporteuse. Elle a ensuite regretté que l’État pakistanais n’exerce pas la diligence due pour prévenir les actes de torture exercés par les groupes extrémistes et enquêter à leur sujet. Elle a affirmé que les services de renseignement pakistanais fournissaient un sanctuaire aux taliban et à des groupes armés cachemiris qui se livrent à des violations des droits de l’homme, parmi lesquelles, possiblement, des actes de torture.
Mme Gaer s’est en outre inquiétée du peu de mesures de sauvegardes juridiques prévues pour les personnes accusées de terrorisme. Certaines personnes ont pu être détenues au Pakistan jusqu’à une année sans possibilité de recours en habeas corpus, a-t-elle fait observer. Mme Gaer a également relevé que 90% des femmes au Pakistan auraient été victimes de violences conjugales. La population carcérale au Pakistan est estimée à 96 000 individus alors que la capacité d’accueil des prisons n’est que de 36 000 places, a-t-elle en outre fait observer.
Mme Essaida Belmir, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Pakistan, a jugé par trop restrictive la définition de la torture en vigueur eu Pakistan. Elle s’est elle aussi inquiétée que la loi antiterroriste adoptée par le Pakistan en 2014 ne fournisse pas de garanties juridiques suffisantes pour les personnes tombant sous le coup de cette loi.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Pakistan et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 12 mai prochain.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Liban.
Présentation du rapport
Le Comité était saisi du rapport initial du Pakistan (CAT/C/PAK/1).
M. KAMRAN MICHAEL, Ministre des droits de l’homme du Pakistan, a assuré qu’en tant qu’État partie à la Convention, le Pakistan déployait tous les efforts nécessaires pour mettre fin à la torture. Le chapitre 1 de la Constitution garantit les procédures nécessaires à la protection des droits humains tandis que plusieurs autres articles offrent une base constitutionnelle permettant de prévenir et de sanctionner les actes de torture, a-t-il précisé. Il a ajouté que les fonctionnaires avaient l’interdiction stricte de se livrer à tout acte de torture. Depuis l’adoption d’une ordonnance de police datant de 2002, des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement sont prévues pour les agents de police qui se livrent à de tels actes, a-t-il indiqué. Il a par ailleurs fait valoir que la législation contre le terrorisme répondait aux exigences en matière de protection des droits de l’homme et notamment aux dispositions relatives à la prévention des actes de torture. Toute personne placée en détention doit notamment être déférée devant un magistrat dans un délai de 24 heures, a-t-il souligné.
M. Michael a par ailleurs souligné qu’une loi visant l’interdiction de la torture en détention préventive était en actuellement en projet au Parlement. Il a en outre rappelé qu’une loi avait été adoptée en 2013 dans la province du Sindh en matière de protection des témoins contre tout acte de torture. La législation pakistanaise reconnaît également l’irrecevabilité des éléments de preuves obtenus par la menace au cours d’une enquête.
Un plan d’action national sur les droits de l’homme a été élaboré en février 2016 afin de renforcer les instruments à disposition de l’État pakistanais pour assurer une protection optimale dans six domaines thématiques concernant les droits humains, a poursuivi le Ministre. S’agissant plus précisément de la torture, le plan d’action prévoit notamment le renforcement des capacités des forces de l’ordre, des procureurs et des experts médico-judiciaires intervenant dans ce domaine ainsi que la mise en place d’un programme de réadaptation des anciens détenus victimes de torture. Toutes les provinces du pays sont par ailleurs dotées de départements des droits de l’homme chargés de recevoir des plaintes pour actes de torture, a ensuite fait valoir M. Michael. Il a rappelé que la Cour suprême du Pakistan ainsi que d’autres juridictions inférieures avaient rendu des décisions en faveur des victimes visant à sanctionner des crimes de torture.
Des manuels ont été distribués dans des prisons, auprès du personnel carcéral, afin de favoriser la mise en place de conditions de détention humaines, a par ailleurs indiqué le Ministre. Les enquêtes pénales dépendent de plus en plus de la médecine légale, ce qui facilite la détection des cas de torture, a-t-il ajouté, avant de rendre compte des mesures prises afin de promouvoir la formation et la sensibilisation des agents de police au respect des droits de l’homme et à la prévention de la torture.
M. Michael a reconnu que le Pakistan se heurtait à certains obstacles dans la lutte contre la torture. Parmi ces entraves, il a notamment cité la limitation des ressources de l’État, les lacunes en matière de formation du personnel de médecine légale, le sous-équipement, le manque de modernité des techniques d’enquête ou encore le délabrement des unités pénitentiaires.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du comité
MME FELICE GAER, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Pakistan, a regretté que la délégation du Pakistan ne comprenne pas de représentants des services de renseignement et de l’armée, souvent accusés par les organisations non gouvernementales (ONG) de se livrer à des actes de torture, notamment contre des détenus. Elle a regretté que trop peu d’exemples précis aient été cités pour refléter la mise en œuvre de la loi dans la pratique. Quasiment aucune donnée n’a été fournie pouvant faciliter l’examen, par le Comité, de la situation dans le pays, a-t-elle ajouté.
Pourtant, de nombreux rapports d’ONG font état de cas de torture pratiqués par des agents associés à l’État, a insisté Mme Gaer. Entre janvier 2014 et 2016, la Commission des droits de l’homme du Pakistan a documenté 487 cas pouvant être constitutifs d’actes de torture, a-t-elle précisé. La police pakistanaise aurait également recours fréquemment à la torture pour obtenir des aveux, a-t-elle ajouté. Dans un rapport publié en 2016, Human Rights Watch a qualifié les abus de phénomène «endémique» dans les services de police du Pakistan, a-t-elle souligné.
Mille deux cents affaires non résolues de disparitions forcées entre 2010 et 2016 ont été dénombrées sans qu’aucune information n’ait été fournie concernant les procédures d’enquêtes engagées sur ces cas, a poursuivi la corapporteuse. Elle a demandé des éclaircissements sur la différence entre les faits rapportés par ces sources et le rapport présenté par le Pakistan.
S’agissant des allégations à l’encontre de la police, Mme Gaer s’est enquise des éventuelles sanctions prononcées contre des agents de police, citant notamment les cas de Muhammad Amin et d’Iftikhar Ali. Existe-t-il un mécanisme indépendant des services de police qui soit en mesure de recevoir des plaintes de détenus pour acte de torture, a-t-elle demandé?
La corapporteuse a par ailleurs regretté qu’aucune information n’ait été fournie sur les enquêtes menées par l’armée sur des militaires ou des membres des forces paramilitaires, dont l’ISI et les Rangers du Pakistan, ayant pu commettre des actes de torture. Combien ont donné lieu à des poursuites ou à des condamnations? En 2014, le Ministre de la Défense a déposé plainte contre des militaires pour la disparition forcée de 35 personnes – dont 28 ont n’ont jamais été retrouvées. À l’époque, l’enquête avait été placée entre les mains de l’armée, mais aucune information n’a été fournie sur ses avancées, a déploré Mme Gaer. Qu’en est-il des éventuelles plaintes, enquêtes, inculpations ou peines à l’encontre des forces paramilitaires de l’ISI, a-t-elle insisté? Elle a également demandé des précisions sur les actes présumés de torture dont se seraient rendues coupables les unités de l’armée pakistanaise aux frontières.
La corapporteuse a ensuite regretté que l’État pakistanais n’exerce pas la diligence due pour prévenir les actes de torture exercés par les groupes extrémistes et enquêter à leur sujet. Elle a affirmé que les services de renseignement pakistanais fournissaient un sanctuaire aux taliban et à des groupes armés cachemiris qui se livrent à des violations des droits de l’homme, parmi lesquelles, possiblement, des actes de torture. Y a-t-il eu des poursuites contre des membres de ces groupes?
La corapporteuse s’est enquise de la mise en pratique des sauvegardes judiciaires ou administratives prévues par la loi pakistanaise pour prévenir les actes de torture conformément à l’article 2 de la Convention. Dans les faits, les sauvegardes ne sont pas toujours pratiquées, a-t-elle regretté. Des détenus n’ont pas toujours accès à un avocat ou à l’assistance juridique, par exemple. Elle s’est enquise de cas de libération prononcée suite à un recours en habeas corpus. Mme Gaer s’est inquiétée du peu de mesures de sauvegardes juridiques prévues pour les personnes accusées de terrorisme. Certaines personnes ont pu être détenues au Pakistan jusqu’à une année sans possibilité de recours en habeas corpus, a-t-elle fait observer. Elle a d’autre part invité le Pakistan à compléter la loi afin que toute personne privée de liberté puisse recevoir une visite médicale.
La corapporteuse s’est ensuite inquiétée de la limitation du champ de compétence de la Commission nationale des droits de l’homme pakistanaise, qui ne peut recevoir les plaintes concernant l’armée et les forces paramilitaires.
Mme Gaer a par ailleurs relevé que 90% des femmes au Pakistan auraient été victimes de violences conjugales. Elle s’est enquise des recours offerts aux femmes victimes de telles violences et du nombre de plaintes déposées en la matière. Les ONG indiquent que des dirigeants communautaires, notamment pachtounes, condamnent fréquemment des femmes à des sanctions violentes, comme la flagellation, dans le cadre de systèmes de justice parallèle, s’est en outre inquiétée la corapporteuse, avant de s’enquérir des mesures prises par l’État pour lutter contre ce type de sanctions.
Mme Gaer a regretté le manque de données concernant les conditions de détention, réputées mauvaises, et les problèmes de surpopulation carcérale. La population carcérale au Pakistan est estimée à 96 000 individus alors que la capacité d’accueil des prisons n’est que de 36 000 places, a-t-elle souligné.
Selon des rapports d’ONG, 71 cas (plaintes) de torture en détention auraient été enregistrés et aucun n’aurait abouti à un procès, a enfin déploré Mme Gaer.
MME ESSAIDA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Pakistan, a souligné que la définition de la torture assortie de la mention «pour l’extraction d’aveux» était encore trop restrictive dans la législation pakistanaise. Elle a invité le Pakistan à se conformer à la définition de la torture prévue par la Convention et à donner de ce crime une qualification plus large. Elle a invité le Pakistan à mettre en place une loi incriminant spécifiquement la torture dans l’ordre juridique interne.
Mme Belmir s’est par ailleurs inquiétée que la loi antiterroriste adoptée par le Pakistan en 2014 ne fournisse pas de garanties juridiques suffisantes pour les personnes tombant sous le coup de cette loi. De nombreux cas de disparition forcée et de dépassement des délais de détention provisoire ont été recensés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a-t-elle souligné. Elle s’est en outre inquiétée de cas recensés d’immunité et donc d’impunité dont auraient bénéficié des militaires ayant commis des actes de torture contre des terroristes présumés.
Mme Belmir s’est ensuite enquise de la véracité des rumeurs qui évoquent des tentatives de la police de faire disparaître des vidéos circulant sur Internet montrant des agents qui se livrent à des actes de violences – et notamment à des actes de torture – à des fins d’extorsion d’aveux.
Un autre expert a souhaité savoir pourquoi le Pakistan ne reconnaissait pas la compétence du Comité pour enquêter sur des cas présumés de torture. Il a par ailleurs demandé des précisions sur la date d’entrée en vigueur du projet de loi dont l’élaboration avait été amorcée en 2014, concernant la torture et les viols en détention.
Un autre expert a souligné la complexité du droit pakistanais, qui mêle des dispositions de «common law» (droit commun) hérité de la loi coloniale britannique et certaines dispositions issues de l’interprétation de la charia. Faisant observer que dans dans plusieurs pays musulmans, les écoles de droit islamique avaient fait évoluer les peines et châtiments corporels pour les remplacer par des peines modernes conformes aux dispositions de la Convention, il a souhaité savoir si des peines corporelles subsistaient dans l’ordre juridique pakistanais.
Réponses de la délégation
La délégation pakistanaise, par la voix de M. Zafarullah Khan, Ministre d’État chargé de la loi et de la justice, a rappelé que le Pakistan avait connu une longue période de dictature militaire à l’issue de laquelle le pays avait activement lutté pour instaurer l’état de droit et le respect des droits de l’homme. Le Pakistan est entièrement lié au droit international et aux normes internationales en matière de droits de l’homme, a-t-il assuré. Depuis 1979, le Pakistan est en état de guerre, aux prises notamment avec des groupes terroristes qui agissent sur son territoire, a-t-il par ailleurs rappelé. Malgré ces difficultés, le Gouvernement a mis en place un plan d’action très ambitieux en matière de droits de l’homme, prévoyant des objectifs précis.
S’agissant de la définition de la torture, la délégation a rappelé que la torture était considérée comme une infraction pénale dans le Code pénal pakistanais. De nouvelles lois sont en préparation, dont l’une est actuellement en discussion au Parlement, afin de définir la torture de manière plus exhaustive, a-t-elle indiqué.
La délégation a ensuite affirmé que plusieurs données présentées par des ONG et reprises par le Comité dans ses questions n’étaient pas étayées. Certains rapports ont fait état d’un chiffre, qui est erroné, de 18 000 femmes qui seraient actuellement détenues dans des prisons pakistanaises pour avoir enfreint certains préceptes présumés de la loi islamique, a notamment indiqué la délégation. Par ailleurs, certains rapports d’ONG ont avancé un chiffre, également erroné, de 10% de détenus mineurs qui auraient été condamnés à mort, a ajouté la délégation.
S’agissant des actes de torture commis par la police, la délégation a rappelé que plusieurs lois encadrant les activités des forces de l’ordre prévoient des sanctions contre tout agent de police qui se serait rendu coupable de ce type de violences.
D’autres lois érigeant la torture en infraction pénale prévoient des sanctions judiciaires et disciplinaires contre tout fonctionnaire de l’État coupable d’acte de torture, a rappelé la délégation. Par ailleurs, la nouvelle Commission des droits de l’homme mise en place au Pakistan a désormais la compétence de mener des enquêtes sur toute allégation de torture portée à l’encontre de la police. Il est enfin possible de soumettre directement devant les tribunaux locaux ou nationaux une plainte contre un fonctionnaire.
La délégation a rappelé que, dans le passé, la police avait été conçue comme un instrument d’oppression aux mains du colonisateur. Depuis, de nombreuses mesures ont été adoptées pour changer cette culture d’oppression. De nouvelles formations sont mises en place, notamment dans les académies de police, afin de diffuser une culture respectueuse des droits de l’homme. Les Gouvernements du Royaume-Uni et des États-Unis forment notamment les fonctionnaires de l’État pakistanais en mettant l’accent, entre autres, sur les thématiques liées aux droits de l’homme.
Concernant la question du fardeau de la preuve, la délégation a indiqué qu’une loi héritée du système britannique de «common law» prévoyait de ne pas imputer injustement le fardeau de la preuve aux victimes, notamment dans les cas présumés de torture. C’est au Procureur qu’il incombe d’apporter la preuve, a précisé la délégation.
Dans certaines régions du pays, la lutte contre le terrorisme a mené à de nombreuses arrestations, a poursuivi la délégation. Des règlementations et des centres de détention ont été mis en place dans ce contexte, a-t-elle précisé.
Le Gouvernement du Pakistan dépense plus d’un milliard de roupies par an afin de financer des tribunaux militaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a ensuite indiqué la délégation. Elle a souligné que compte tenu de ces circonstances exceptionnelles de menace terroriste, le Pakistan n’avait pas d’autre choix que de mettre sur pied des tribunaux militaires spéciaux. Quelque 30 000 Pakistanais sont morts du terrorisme, a-t-elle précisé. Toutefois, des garde-fous ont été mis en place afin de limiter les abus dans le contexte de la lutte antiterroriste, a poursuivi la délégation. Seules les personnes commettant des actes précis de terrorisme au nom de la religion sont poursuivis devant des tribunaux militaires, a-t-elle précisé. Jusqu’à présent, seuls 300 procès ont été menés et 60 condamnations prononcées, ce qui témoigne de l’efficacité de ces sauvegardes (garde-fous). La délégation a par ailleurs assuré qu’aucun mineur n’avait été jusqu’à présent jugé par un tribunal militaire. Par ailleurs, la nouvelle loi antiterroriste prévoit la possibilité pour les accusés de déposer des recours judiciaires – auprès de la Haute Cour, de la Cour Suprême – et de demander la grâce présidentielle.
La délégation a par ailleurs précisé qu’un comité parlementaire composé de trente membres représentant tous les partis politiques disposait d’un pouvoir de contrôle sur les tribunaux spéciaux.
Pour ce qui est de la protection des témoins, la délégation a indiqué que le Royaume-Uni fournissait au pays une assistance importante pour assurer la tenue de procès anonymes assurant une protection adéquate des témoins.
S’agissant des disparitions forcées, une commission menée par un juge de la Cour Suprême a récemment été mise en place et est habilitée à recevoir des recours en habeas corpus. Les cas restent cependant extrêmement rares, a souligné la délégation.
En matière d’extradition, la loi pakistanaise prévoit deux procédures distinctes, en fonction de l’existence ou non d’un traité d’extradition avec le pays concerné. Toutefois, une demande d’extradition doit toujours faire l’objet d’une décision judiciaire et non d’une décision émanant de l’exécutif. Des recours peuvent être déposés devant les tribunaux de district, la Haute Cour et la Cour Suprême. L’an dernier, seules deux affaires ont été soulevées.
La délégation a ensuite indiqué qu’il existe plusieurs mécanismes permettant de procéder à des inspections inopinées dans les prisons. Il est également possible de s’entretenir en privé avec les détenus. Les détenus et leurs familles peuvent déposer plainte en cas de manquement au respect des droits humains durant la détention. Certaines régions du Pakistan disposent par ailleurs de pavillons carcéraux et d’unités de commissariat réservés aux femmes. Des solutions sont envisagées pour étendre ce dispositif à l’ensemble du territoire, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que le placement à l’isolement, qui fait l’objet d’un contrôle judiciaire strict, ne pouvait dépasser une durée de quatorze jours.
La délégation a ensuite indiqué que les femmes représentent 14% de la population carcérale. Six prisons sont actuellement exclusivement réservées aux femmes, tandis que les autres prisons du pays prévoient pour les femmes détenues des baraquements séparés de ceux des hommes. Une nouvelle prison réservée aux femmes devrait être bientôt créée. Des femmes médecins sont à la disposition des femmes détenues. Des formations professionnelles et des mesures de réinsertion sont proposées aux femmes détenues, a ajouté la délégation.
De nouvelles techniques et technologies sont désormais à la disposition des différents services d’enquête du pays qui permettent notamment de prononcer des condamnations plus adaptées en cas de viol, de mieux protéger les scènes de crimes et de mieux contrôler la tenue des interrogatoires, a par ailleurs fait valoir la délégation.
Les aveux obtenus au cours d’un interrogatoire de police ne constituent en aucun cas des éléments de preuve recevables devant un tribunal, a précisé la délégation. Seuls sont recevables les aveux obtenus dans un cadre judiciaire en présence d’un magistrat. Cela vaut aussi dans le cadre d’actes présumés de terrorisme. Ce principe a été reconnu dans l’affaire Muhammad Amin, a l’issue de laquelle la Cour Suprême a déclaré que seuls les magistrats sont habilités à recevoir des aveux. Ce système est assorti de garanties, a précisé la délégation; à tout moment, le juge peut en effet rejeter les aveux.
Concernant les pratiques de flagellation ou d’amputation exercées au nom de la loi islamique, la délégation a assuré que depuis 1979, aucun citoyen pakistanais n’avait fait l’objet de flagellation ou d’amputation dans ce contexte.
Sous la loi coloniale, les crimes d’honneur commis dans les familles ont longtemps pu faire l’objet de grâces. En 2004, une loi a été adoptée afin que les auteurs de ce type de crimes puissent faire l’objet de sanctions plus strictes. Un nouveau projet de loi a été introduit il y a quelques mois devant le Parlement pour combler les lacunes persistantes et prévenir ce type de crimes. La perception de ce type de crimes par la société, qui y fut un temps favorable, est en train d’évoluer, a ajouté la délégation.
Concernant le blasphème, la délégation a précisé qu’au regard de la loi pakistanaise, il s’agissait d’un délit devant faire l’objet d’une enquête de police. Les poursuites en justice peuvent alors remonter jusqu’à la Cour Suprême. Si une telle affaire est enregistrée pour une mauvais raison, elle fait l’objet d’un non-lieu et la personne ayant déposé plainte ou produit un faux témoignage est passible d’un peine pouvant aller jusqu’à sept ans de privation de liberté.
Parfois, la population décide encore de faire justice par elle-même, mais de nombreux chefs religieux se sont eux-mêmes exprimés en faveur de l’éradication de ces pratiques, a ajouté la délégation.
Des centres de réinsertion pour personnes ayant été victimes d’actes de violences, et notamment de crimes d’honneur, ont été établis dans certaines régions du Pakistan. Des foyers ont été ouverts avec le concours d’organisations de la société civile, a ajouté la délégation.
Des indemnisations sont envisageables en fonction des préjudices causés, même si cela n’est pas systématique, a d’autre part indiqué la délégation. Toute personne victime d’acte de torture peut saisir un tribunal civil, a-t-elle rappelé.
La délégation a précisé que le Gouvernement pakistanais s’efforçait de transformer et de règlementer les systèmes traditionnels de règlement des différends locaux ou communautaires (jirgas) qui existent encore au Pakistan. Des recours peuvent être déposés devant les tribunaux de district pour contester les décisions rendues par ces juridictions traditionnelles.
La délégation a souligné l’importance de la nouvelle Commission nationale des droits de l’homme, laquelle a été conçue comme un organe indépendant, autonome sur le plan financier et doté d’un droit d’enquête. Cette Commission peut porter plainte contre toute personne physique ou morale, à l’exception des services de renseignement. Une augmentation de 150% de son budget total a été récemment négociée pour l’année prochaine, a fait valoir la délégation, précisant que le budget de cette Commission représente environ 60% du budget total du Ministère des droits de l’homme. La délégation a assuré qu’il n’y avait eu aucune tentative d’empêcher le Président de cette Commission de se rendre à Genève pour assister à la présente session du Comité.
Le travail servile et la traite de personnes sont interdits par la loi sur tout le territoire pakistanais, a par ailleurs souligné la délégation. Un projet de loi est en cours d’examen afin d’abolir la servitude pour dette, a-t-elle ajouté. Des mécanismes de réinsertion existent pour les victimes de la traite, a-t-elle précisé. Entre 2011 et 2016, 6000 arrestations ont eu lieu pour ce type d’affaires, a-t-elle en outre indiqué.
La Pakistan a considérablement restreint l’afflux des réfugiés en provenance d’Afghanistan, dont le nombre est estimé à 2,5 millions sur le territoire pakistanais, a enfin indiqué la délégation. Un système d’incitation aux départs volontaires a été mis en place à l’initiative du Pakistan, de l’Afghanistan et du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), a-t-elle ajouté. En 2016, un pic de départs volontaires a été constaté en raison de multiples facteurs, dont la perception d’une amélioration de la situation en Afghanistan et l’assistance apportée par le HCR, a-t-elle fait valoir.
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CAT17/003F