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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU LIBAN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par le Liban sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, Mme Najla Riachi Assaker, Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a réitéré l’engagement du Liban à respecter les normes prescrites dans les instruments internationaux et reprises par la Constitution libanaise – laquelle consacre la séparation des pouvoirs et garantit la liberté des personnes. Les traités internationaux auxquels a souscrit le pays ont primauté sur les lois nationales, a-t-elle par ailleurs indiqué, soulignant que le Liban est l’un des premiers États de la région à avoir ratifié la Convention et son Protocole facultatif.

En 2013, des experts du Comité contre la torture ont pu se rendre sur le territoire libanais pour rencontrer les autorités et des ONG et procéder à des visites dans des lieux de détention, ce qui reflète la volonté du Liban de coopérer avec le Comité et de renforcer les droits de l’homme dans le pays, a poursuivi la Représentante permanente. Mme Assaker a ensuite souligné que la crise syrienne, qui a commencé il y a plus de six ans, a eu sur le Liban d’importantes répercussions, dont la montée de la menace terroriste sur les frontières nord et est du pays et la multiplication de cellules terroristes sur le territoire libanais. En 2014, des soldats libanais ont été enlevés dans une région frontalière par un groupe terroriste. Le Liban est en outre confronté à un flux énorme de réfugiés syriens, a poursuivi la Représentante permanente. Les réfugiés représentent désormais plus de la moitié de la population sur un total d’environ 4 millions d’habitants réunis sur un peu plus de 10 400 kilomètres carrés, a précisé Mme Assaker, avant de faire état d’une aggravation du problème de surpeuplement dans les prisons. Malgré cela, le Liban s’efforce de respecter au mieux les prescriptions des différents instruments internationaux de protection des droits de l’homme, a-t-elle fait valoir. Ainsi, le Conseil des ministres a-t-il récemment décidé de lancer dans les provinces libanaises la construction de cinq prisons, dont une pour les personnes présentant une menace sécuritaire. S’il y a des cas de torture au Liban, il ne s’agit que de cas individuels et isolés qui font systématiquement l’objet de sanctions, a conclu Mme Assaker.

La délégation libanaise était également composée de représentants du Ministère de la justice et du Ministère de la défense, ainsi que de députés. Elle a répondu aux questions des membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la définition de la torture et son incrimination; les mesures de prévention de la torture; la protection des témoins; l’irrecevabilité des aveux obtenus sous la torture; le jugement de civils par des tribunaux militaires; les mesures de garanties des droits des détenus et les délais de garde à vue; le respect des Règles Mandela sur le traitement des détenus; la situation carcérale; les travailleurs domestiques; le principe de non-refoulement; ou encore la subsistance dans la loi de peines de travaux forcés.

M. Sébastien Touze, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Liban, s’est félicité des efforts déployés par le Liban pour assurer le respect des droits de l’homme. Il s’est ensuite inquiété de la non-conformité de la législation interne aux exigences de la Convention. Il a notamment recommandé au Liban de modifier au plus vite la législation actuelle relative aux délais de prescription applicables aux actes de torture, rappelant qu’aux termes de la Convention, la règle absolue est l’imprescriptibilité pour les crimes de torture. M. Touze s’est ensuite inquiété de l’adoption par le pays de deux lois d’amnistie, dont l’une implique une amnistie pour les actes de torture.

Le corapporteur a par ailleurs souligné que depuis la ratification de la Convention, la torture n’a jamais été érigée en infraction dans le droit pénal libanais. Il s’est inquiété du peu de poursuites engagées suite à des allégations de torture. Il a en outre souhaité obtenir des précisions concernant la compétence réelle des tribunaux militaires, dont plusieurs ONG ont souligné qu’ils se permettaient parfois de juger des civils, en totale contradiction avec les engagements internationaux de l’État. Selon certains rapports, a ensuite indiqué le corapporteur, entre 2009 et 2014, plus de 60% des personnes arrêtées par les forces de l’ordre ou autres autorités de l’État ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture. M. Touze a ensuite cité une série de cas individuels, faisant état d’actes de torture commis au Liban contre des personnes privées de leur liberté et maintenues au secret, ainsi que contre des personnes LGBTI; il a également évoqué de nombreux cas de détention arbitraire. En outre, le droit des personnes placées en garde à vue de bénéficier de l’assistance d’un avocat et d’être examinées par un médecin n’est pas effectivement garanti, s’est inquiété le corapporteur.

M. Abdelwahab Hani, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Liban, a déploré la délégation par l’État libanais de certains de ses pouvoirs au profit de groupuscules militaires et de milices qui agissent sur son territoire. Il a notamment cité le cas du mouvement Amal, doté en interne d’un comité sécuritaire qui a procédé à l’arrestation et à la mise en détention de personnes avant de les remettre à des autorités étatiques. Il s’est également inquiété de rapports faisant état d’interventions de ces groupes non étatiques en territoire étranger, notamment syrien, où ils se seraient rendus coupables d’actes de violence. M. Hani s’est par ailleurs dit préoccupé par la surpopulation carcérale au Liban.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Liban et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 12 mai prochain.

Lundi après-midi, 24 avril, le Comité entendra les réponses de la délégation de Bahreïn aux questions que les membres du Comité lui ont posées ce matin.


Présentation du rapport

Présentant le rapport du rapport du Liban (CAT/C/LBN/1), MME NAJLA RIACHI ASSAKER, Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a précisé que le Liban avait signé la Convention contre la torture en 2000. Elle a réitéré l’engagement du Liban à respecter les normes prescrites dans les instruments internationaux et reprises par la Constitution libanaise – laquelle consacre la séparation des pouvoirs et garantit la liberté des personnes, a-t-elle rappelé. Les traités internationaux auxquels a souscrit le pays ont primauté sur les lois nationales, a-t-elle par ailleurs indiqué, soulignant que le Liban est l’un des premiers États de la région à avoir ratifié la Convention et son Protocole facultatif.

En 2013, des experts du Comité contre la torture ont pu se rendre sur le territoire libanais pour rencontrer les autorités et des ONG et procéder à des visites dans des lieux de détention, ce qui reflète la volonté du Liban de coopérer avec le Comité et de renforcer les droits de l’homme dans le pays, a poursuivi la Représentante permanente. Mme Assaker a ensuite souligné que la crise syrienne, qui a commencé il y a plus de six ans, a eu sur le Liban d’importantes répercussions, dont la montée de la menace terroriste sur les frontières nord et est du pays et la multiplication de cellules terroristes sur le territoire libanais. En 2014, des soldats libanais ont été enlevés dans une région frontalière par un groupe terroriste. Le Liban est en outre confronté à un flux énorme de réfugiés syriens, a poursuivi la Représentante permanente. Les réfugiés représentent désormais plus de la moitié de la population sur un total d’environ 4 millions d’habitants réunis sur un peu plus de 10 400 kilomètres carrés, a précisé Mme Assaker, avant de faire état d’une aggravation du problème de surpeuplement dans les prisons. Malgré cela, le Liban s’efforce de respecter au mieux les prescriptions des différents instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Ainsi, le Conseil des ministres a-t-il récemment décidé de lancer dans les provinces libanaises la construction de cinq prisons, dont une pour les personnes présentant une menace sécuritaire. Le Ministère de la justice poursuit l’application d’une stratégie nationale adoptée en 2012 visant notamment à mettre les centres de détention et la gestion des prisons en conformité avec les normes internationales en la matière.

Par ailleurs, une direction des droits de l’homme a été créée afin de diffuser la culture des droits de l’homme au sein de l’armée libanaise, a indiqué Mme Assaker, avant de faire état des mesures du même ordre prises par la Direction de la sûreté générale, qui a, elle, publié un code de conduite sur les droits de l’homme. La Représentante permanente du Liban a enfin indiqué qu’en 2016, le Parlement avait adopté une loi portant création d’un organe national indépendant pour les droits de l’homme ainsi que d’un organe national de prévention de la torture. Les ONG et la société civile seront étroitement associées au travail du Gouvernement et de ces nouveaux organes dans ces domaines, a-t-elle indiqué. S’il y a des cas de torture au Liban, il ne s’agit que de cas individuels et isolés qui font systématiquement l’objet de sanctions, a conclu Mme Assaker.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du comité

M. SEBASTIEN TOUZE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Liban, s’est félicité des efforts déployés par le Liban pour assurer le respect des droits de l’homme. Il a pris note de la création de deux nouveaux organes nationaux de droits de l’homme, dont l’un est spécifiquement dédié à la torture et a demandé des précisions quant à la composition de ces organes et au calendrier prévu pour leur mise en fonction effective. La composition de ces deux institutions sera-t-elle déterminée sur une base confessionnelle?

M. Touze s’est ensuite inquiété de la non-conformité de la législation interne aux exigences de la Convention. En 2012, des travaux législatifs destinés à mettre les dispositions juridiques internes en conformité avec la Convention avaient été initiés mais n’ont pas abouti, a-t-il déploré. M. Touze a ajouté que le Code de procédure pénale devait lui aussi être mis en conformité avec la Convention. La définition des peines, qui doivent être proportionnelles aux crimes visés, doit être améliorée, a-t-il souligné. Il a également souligné la nécessité d’entreprendre une réforme législative destinée à assurer la protection effective des témoins.

Le corapporteur a par ailleurs relevé la subsistance au Liban de certaines peines qui consistent en des travaux forcés et a demandé des précisions quant à la nature de ces peines. Quelles garanties sont-elles fournies par l’État afin d’empêcher que ces peines ne se transforment en actes de torture?

M. Touze a d’autre recommandé au Liban de modifier au plus vite la législation actuelle relative aux délais de prescription applicables aux actes de torture. En effet, aux termes de la Convention, la règle absolue est l’imprescriptibilité pour les crimes de torture, a-t-il rappelé. Le corapporteur s’est enquis de la volonté du Liban d’inscrire l’interdiction absolue de la torture dans la législation libanaise. Il s’est inquiété de l’adoption par le pays de deux lois d’amnistie, dont l’une implique une amnistie pour les actes de torture. Il a souhaité savoir si ces lois avaient rendu impossible la poursuite de responsables d’actes de torture commis avant leur promulgation.

M. Touze a ensuite souligné que depuis la ratification de la Convention, la torture n’a jamais été érigée en infraction dans le droit pénal libanais. Il s’est inquiété du peu de poursuites engagées suite à des allégations de torture, ce que le rapport justifie en invoquant l’impossibilité pour les victimes d’apporter la preuve des actes de torture. L’État semble ainsi justifier l’absence de poursuites par la compétence de certains agents qui parviennent à ne pas laisser de traces, a déploré M. Touze.

Faisant référence à la compétence universelle dont le principe est inscrit dans la Convention, le corapporteur a souhaité obtenir des informations chiffrées et précises sur les cas dans lesquels les autorités judiciaires libanaises auraient ouvert des procédures d’enquête pour actes de torture impliquant des Libanais en dehors du territoire national. Il a en outre souhaité obtenir des précisions concernant la compétence réelle des tribunaux militaires, dont plusieurs ONG ont souligné qu’ils se permettaient parfois de juger des civils, en totale contradiction avec les engagements internationaux de l’État. Des personnes qui avaient été traduites devant de tels tribunaux ont décrit devant des juridictions civiles leur détention au secret et l’utilisation d’aveux extorqués sous la torture. Or, ces allégations n’ont pas été prises en compte par le juge, a déploré M. Touze. Il a en outre souhaité savoir si des enfants avaient été traduits devant de tels tribunaux militaires.

Le corapporteur s’est inquiété de ce que le Liban n’avait pas présenté de données chiffrées concernant les actes de torture commis par les forces de l’ordre et notamment les plaintes et enquêtes y afférentes. Or, selon certains rapports, entre 2009 et 2014, plus de 60% des personnes arrêtées par les forces de l’ordre ou autres autorités de l’État ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture, a-t-il fait observer. Il a par ailleurs déploré que le rapport du Liban ne fournisse aucune information sur les cas de violence exercée à l’encontre de personnes étrangères, notamment des Syriens et des Palestiniens, lors de leur arrestation.

Le corapporteur a ensuite cité une série de cas individuels, faisant état d’actes de torture commis au Liban contre des personnes privées de leur liberté et maintenues au secret, ainsi que contre des personnes LGBTI; il a également évoqué de nombreux cas de détention arbitraire. M. Touze a demandé à la délégation libanaise de fournir des détails concernant ces affaires et de préciser l’issue d’éventuelles enquêtes qui auraient été menées sur ces cas.

En 2006, a poursuivi le corapporteur, des individus ont été arrêtés en coopération avec les milices Amal ou le Hezbollah et, souvent, accusés de tentative d’assassinat du leader du Hezbollah avant d’être placés en détention dans des lieux secrets. M. Touze a souhaité avoir des précisions sur la nature et le nombre des centres de privation de liberté existant sur le territoire libanais.

M. Touze a ensuite déploré les nombreux cas de mauvais traitements infligés à des employés de maison sans que ceux-ci ne donnent lieu à des poursuites après le dépôt de plaintes. Il a affirmé que la loi libanaise ne protégeait pas suffisamment les travailleurs migrants et que, dans de nombreux cas, les mauvais traitements d’employés restaient impunis. Certaines ONG avancent le chiffre d’un décès par semaine parmi les travailleuses domestiques, a insisté le corapporteur.

S’agissant de l’extradition, M. Touze a pris note des affirmations de la Direction générale de la sûreté publique libanaise, qui a indiqué qu’aucun réfugié ou migrant n’avait été renvoyé vers son pays d’origine s’il risquait d’y être soumis à la torture. Il a toutefois déploré que le Liban n’ait pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés qui consacre le principe de «non-refoulement».

Par ailleurs, en référence à la grave crise migratoire que connaît actuellement le Liban, M. Touze s’est inquiété des conditions d’accueil dans les centres de rétention. En outre, il a fait observer qu’en 2015, le Gouvernement libanais avait introduit des mesures strictes pour le renouvellement des permis de séjour des réfugiés, les exposant ainsi à des restrictions de libertés et à de possibles atteintes à leurs droits. Il a demandé à la délégation de fournir des statistiques sur les réfugiés syriens n’ayant pu renouveler leur permis de séjour et a demandé si des informations était disponibles quant à leur devenir?
Le corapporteur s’est par ailleurs inquiété de nombreux cas d’expulsion de réfugiés par la force. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) a notamment signalé 14 cas d’éloignements problématiques, a-t-il indiqué.

Des ONG ont signalé que la durée de la garde à vue, fixée à 48 heures renouvelables une fois (pour 48 heures supplémentaires) avec l’approbation du procureur, étaient rarement respectés, a d’autre part fait observer le corapporteur. Il a demandé des précisions sur le nombre d’agents des forces de l’ordre ayant fait l’objet de sanctions pour ne pas avoir respecté cette durée légale de la garde à vue. En outre, le droit des personnes placées en garde à vue de bénéficier de l’assistance d’un avocat et d’être examinées par un médecin n’est pas effectivement garanti. Souvent, l’accusé est confronté à des durées de détention préventive abusives, a insisté M. Touze. Quelque 70% des personnes privées de liberté se trouveraient en fait en détention préventive, a-t-il souligné.

Le corapporteur s’est enfin inquiété que des aveux de suspects aient été transmis à des médias et publiés intégralement, parfois avant même que le suspect n’ait été présenté à un juge.

M. ABDELWAHAB HANI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Liban, a souhaité connaître les mesures prises par le Liban pour faire en sorte que le prochain rapport du pays ne soit pas soumis en retard. Il s’est enquis des mécanismes prévus par le pays pour assurer la mise en œuvre et le suivi des recommandations formulées par le Comité. Il a par ailleurs souhaité savoir si le Liban avait l’intention de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des plaintes individuelles (communications).

Le corapporteur a ensuite déploré la délégation par l’État libanais de certains de ses pouvoirs au profit de groupuscules militaires et de milices qui agissent sur son territoire. Il a notamment cité le cas du mouvement Amal, doté en interne d’un comité sécuritaire qui a procédé à l’arrestation et à la mise en détention de personnes avant de les remettre à des autorités étatiques. Quelle est le statut juridique des comités sécuritaires de ces groupes, a demandé M. Hani? Il s’est également inquiété de rapports faisant état d’interventions de ces groupes non étatiques en territoire étranger, notamment syrien, où ils se seraient rendus coupables d’actes de violence. Il s’est enquis des mesures juridiques envisagées pour sanctionner ces groupuscules qui prétendent représenter l’État mais qui violent les principes de la Convention.

En outre, M. Hani a souhaité obtenir des statistiques sur les médecins légistes formés au Liban au Protocole d’Istanbul, qui contient les normes générales standards pour rechercher et documenter les situations de torture ou autres violations des droits humains. Il s’est par ailleurs dit préoccupé par la surpopulation carcérale au Liban et a souhaité connaître les dernières statistiques à ce sujet, alors que certains rapports font état d’un taux de surpopulation carcérale de 185% pour ce pays. La capacité carcérale totale est estimée à 3500 places, alors que la population carcérale du Liban dépasse les 6500 personnes détenues, a-t-il précisé. Il s’est inquiété du nombre élevé de cas de non-séparation entre personnes condamnées et personnes placées en détention préventive, entre détenus mineurs et détenus adultes, mais aussi entre détenus de chacun des deux sexes.

Le corapporteur s’est ensuite s’est inquiété que les juges aient ignoré un rapport de Human Rights Watch faisant état de huit allégations d’actes de torture commis par des forces de l’ordre à des fins d’obtention d’aveux.

Un autre expert a demandé des précisions sur le moment à partir duquel un détenu pouvait bénéficier de l’assistance d’un avocat. Il a souhaité savoir si la rencontre entre l’avocat et son client pouvait avoir lieu en privé et si la loi libanaise prévoyait qu’un avocat puisse assister un accusé pendant un interrogatoire et pendant la totalité de la durée de la garde à vue. Il a demandé si le Liban envisageait la mise en place de caméras permettant de filmer les interrogatoires. Il a enfin demandé des éclaircissements quant aux conditions prévues par la loi pour le placement des détenus en isolement.

Une experte s’est enquise d’éventuels cas de torture commis par la milice chiite Hezbollah sur le territoire libanais et a demandé à la délégation de préciser la nature des relations entre les autorités libanaises et cette milice au sujet de laquelle le Président libanais M. Aoun a récemment déclaré qu’elle «complétait le travail de l’armée».

Un expert a rappelé que les «Règles Mandela» sur le traitement des détenus instituent l’obligation pour tout État de donner accès à un examen médical à tout nouveau détenu dans les 24 heures qui suivent son placement en détention. Ces Règles permettent, le cas échéant, de repérer plus rapidement les cas de torture, a-t-il fait valoir. Aussi, a-t-il demandé si le Liban avait prévu la mise en place d’instruments légaux destinés à mettre en œuvre ces principes.

Réponses de la délégation

Concernant la participation de certains groupes libanais qui se seraient rendus coupables de crimes en Syrie, la délégation a estimé qu’il s’agissait d’une question éminemment politique. Le cabinet ministériel est l’organe qui définit les relations entre les différentes composantes du tissu social libanais et notamment avec le Hezbollah qui est représenté par un groupe important au Parlement, a-t-elle en outre rappelé.

Aucun chiffre n’est disponible concernant les actes de torture auxquels auraient pu se livrer des Libanais à l’extérieur du territoire, a ensuite indiqué la délégation. Aucune action en justice n’a été intentée concernant de tels cas pour le moment, a-t-elle ajouté.

Un Plan national des droits de l’homme mis en œuvre depuis 2014 a fait de la lutte contre la torture une priorité, a poursuivi la délégation. Ce Plan comprend 16 recommandations concernant la torture.

Les organes judiciaires et sécuritaires sont par ailleurs fréquemment convoqués par la commission des droits de l’homme du Parlement, a ajouté la délégation. La commission s’est réunie lorsqu’elle a été saisie de cas de torture et s’est efforcée de garantir que de tels actes de se reproduisent pas.

Le Parlement a par ailleurs organisé des sessions afin de créer une commission nationale des droits de l’homme assortie d’une commission spéciale dédiée à la torture. Ces instances doivent respecter certains critères tels que définis par la loi de 2016 qui les a créées et doivent notamment respecter les Principes de Paris. Tout candidat à un poste de membre de ces institutions doit faire état d’une expérience professionnelle d’au moins 10 ans. Une liste de candidats a déjà été présentée au cabinet qui procédera bientôt aux nominations, a précisé la délégation. Rien n’est spécifié concernant la confession des membres de ces institutions; est en revanche prévu en leur sein un équilibre entre hommes et femmes. Ces deux institutions devront par ailleurs inclure des médecins et des psychologues. Les organisations de la société civile et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme ont participé à la réflexion concernant la mise en place de ces institutions, a fait valoir la délégation, ajoutant qu’un séminaire serait bientôt organisé autour de ces questions.

Certes, la législation libanaise ne contient pour l’instant aucun texte définissant la torture comme un délit, a reconnu la délégation. Néanmoins des dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale prévoient des mécanismes d’enquêtes et des sanctions pour crimes de torture. Toute personne se rendant coupable de torture est évidemment passible de sanctions par le biais de ces dispositions prévues par des lois secondaires, a insisté la délégation. Le Code pénal prévoit également des sanctions contre toute personne qui se rend coupable de violences physiques ou psychologiques sur une personne privée de liberté, a ajouté la délégation.

La délégation a par la suite fait valoir que la pénalisation de la torture est prévue dans un projet de loi qui sera bientôt soumis au Parlement. Il n’existe pas pour l’instant d’échéancier concernant ce texte, mais il devrait être adopté dans les meilleurs délais. La possibilité d’ériger la torture en infraction permettra de diligenter des enquêtes et de prononcer des sanctions, a ajouté la délégation. Ce projet de loi assurera pleinement la mise en œuvre du principe de proportionnalité de la sanction avec le crime commis. Les peines pourront aller jusqu'à 20 ans d’emprisonnement. Un autre objectif de ce nouveau projet de loi consiste à faire débuter la prescription de l’acte de torture au moment où son auteur sort de prison.

Même en cas de décisions touchant à la sécurité du pays, aucun officier supérieur ne peut enjoindre à son subalterne d’exercer des violences sur une personne. Si un officier reçoit l’ordre de commettre un acte de torture, il ne doit pas donner suite à cet ordre, a par ailleurs indiqué la délégation.

En dépit du vide législatif existant actuellement au Liban en matière de protection des témoins, le juge a cependant le pouvoir de prononcer, si besoin, des mesures de protection des témoins, a en outre souligné la délégation.

Les autorités doivent s’assurer qu’une personne interrogée n’a pas fourni des aveux sous la torture et si des doutes persistent, le juge peut décider d’ouvrir une enquête complémentaire. Toute personne interrogée peut refuser de répondre et, dans ce cas, aucun agent de police ne saurait l’y contraindre, a ensuite rappelé la délégation. Si l’intéressé affirme avoir fait des aveux sous la contrainte, les éléments de preuve sont alors considérés comme nuls et non avenus, a-t-elle indiqué.

Toute personne placée en détention a le droit de faire appel à un médecin légiste; un membre de la famille du détenu peut également l’exiger. En outre, si le détenu voit sa période de détention prolongée, il peut demander l’accès à un médecin à tout moment.

Des stages de formation sont offerts aux médecins légistes conformément au Protocole d’Istanbul, a ensuite précisé la délégation.

Un bureau des plaintes a été créé au sein du Ministère de l’intérieur afin d’éviter toute impunité, a par ailleurs rappelé la délégation. Une collaboration a été engagée avec l’ambassade britannique au Liban afin de doter le Ministère de l’intérieur d’un service de statistiques efficace.

Les crimes de torture contre des terroristes présumés n’ont pas lieu d’être, a assuré la délégation.

Concernant les tribunaux extraordinaires, la délégation a rappelé que d’après la loi sur le terrorisme de 1958, les personnes suspectées d’avoir commis un acte de terrorisme, y compris les civils, peuvent être déférés devant le tribunal militaire. En outre, une loi de 2000 sur la protection des mineurs prévoit l’obligation pour un tribunal spécial de déférer une personne mineure au tribunal pour enfant. Les décisions non définitives émanant du tribunal militaire peuvent être revues.

La délégation a ensuite rendu compte de la composition et de la durée de mandat des membres du Conseil de la magistrature, qui garantit l’indépendance de cette institution, avant de rappeler l’existence d’un organe d’inspection judiciaire qui se charge de renvoyer tout magistrat soupçonné de corruption devant une commission disciplinaire.

La délégation a affirmé que la manière dont l’ONG Human Rights Watch avait décrit l’arrestation d’un réfugié syrien, en prétendant qu’elle était liée à son orientation sexuelle, était inexacte. Cette personne n’a pas été arrêtée en raison de son orientation sexuelle, mais en raison de soupçons pesant sur son appartenance à des groupuscules terroristes. Aucun examen corporel abusif n’a été commis sur cette personne, a assuré la délégation.

La loi libanaise consacre des garanties générales des droits des détenus, a précisé la délégation. L’article 47 du Code pénal prévoit par exemple que le parquet garantit ces droits à travers la surveillance qu’il exerce sur les agents de la police judiciaire; de ce fait, les juges du parquet sont ainsi chargés d’assurer le respect des droits des détenus. L’agent de police judiciaire ne peut interroger un détenu à moins qu’il y ait eu une décision du procureur en ce sens. Le juge d’instruction a par ailleurs l’obligation de notifier au détenu les motivations précises de son arrestation afin qu’il puisse préparer sa défense. La loi libanaise prévoit par ailleurs le droit pour un détenu d’avoir accès à un avocat, lequel peut assister à l’interrogatoire. Le détenu peut également, dès son arrestation, contacter un proche et avoir accès à un médecin légiste, ce dernier devant communiquer les résultats de son examen 24 heures au plus tard après l’arrestation.

Le parquet surveille par ailleurs le travail effectué par la police judiciaire lorsque les détenus sont des mineurs ou des femmes; il doit notamment s’assurer que les agents de police respectent les règles prévues pour l’interrogatoire d’un mineur. Les parents doivent être informées et une assistante sociale doit être dépêchée.

Tout détenu étranger a par ailleurs droit à un interprète et l’ambassade de son pays d’origine doit être informée dès son arrestation, a ajouté la délégation.

En matière de garde à vue, le parquet a publié des circulaires enjoignant au strict respect des règles en la matière, à savoir que le délai de la garde à vue est fixé à 48 heures maximum, reconductibles une fois sur demande du procureur général (soit un total de 96 heures).

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des organisations de la société civile, ainsi que des juges du parquet, effectuent des visites régulières en prison afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’actes de torture systématiques, a poursuivi la délégation.

La délégation a assuré qu’il n’y avait pas de centres de détention secrets gérés par des groupuscules non étatiques sur le territoire libanais. La délégation a ajouté que la détention au secret était totalement interdite au Liban et qu’il n’existait aucun centre de détention secret tenu par des organes de l’État sur le territoire libanais. La délégation a fermement démenti les rumeurs selon lesquelles il existerait un centre de torture au sein du Ministère de la défense. De même, le bureau des renseignements situé à Achrafieh, dans la banlieue est de Beyrouth, n’est pas non plus doté d’un centre de torture, a ajouté la délégation.

S’agissant des travaux forcés, la délégation a fait valoir que malgré l’inscription de ce type de sanctions dans le Code pénal libanais, elles ne sont, dans la pratique, jamais appliquées.

Le principe de non-refoulement concernant les réfugiés est pleinement respecté par le Liban, conformément aux intérêts des réfugiés et à la loi libanaise, a ensuite assuré la délégation; et ce, même si le Liban n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Aucune expulsion ne peut avoir lieu dans le cas où la personne peut encourir un risque de torture dans son pays d’origine, a-t-elle souligné. Cela vaut pour les réfugiés syriens. Hier, a ajouté la délégation, un décret a été publié par l’exécutif libanais s’opposant à l’extradition d’une personne qui encourait un risque de torture en cas de retour dans son pays d’origine.

La délégation a d’autre part fait observer que les propos d’un membre du Comité qui a fait état d’éloignements problématiques de 14 étrangers ayant commis des crimes étaient inexacts ; en effet, après enquêtes, ces personnes ont été libérées et n’ont pas été renvoyées du Liban.

Concernant la situation carcérale, la délégation a indiqué qu’au 18 avril 2017, 5924 prisonniers présents sur le territoire libanais sont des hommes, 270 sont des femmes et 161 sont des mineurs. Au total, 60,5% d’entre eux sont Libanais; les autres sont des étrangers, dont une majorité de Syriens. Toutefois, le nombre de prisonniers syriens est en baisse depuis trois ans, a précisé la délégation.

Depuis 2012, la gestion des prisons est assurée par le Ministère de la justice, lequel assure également la formation des directeurs de prison et des médecins légistes. Des visites inopinées sont régulièrement menées dans les prisons. Jusqu’à présent, six rapports ont été soumis aux autorités compétentes, formulant des recommandations afin d’améliorer les conditions de détention.

Des formations sont désormais dispensées aux prisonniers afin qu’ils puissent trouver un emploi après leur libération, a ajouté la délégation. Un comité sur la réduction des peines intervient également auprès des prisonniers afin de les sensibiliser à leurs droits et de les encourager à améliorer leur conduite. Sont également organisées des activités de loisirs à l’adresse des prisonniers.

La délégation a mis l’accent sur le fait que les Règles Mandela sur le traitement des détenus étaient systématiquement enseignées lors des stages de formation que suivent les forces de sécurité. Cependant, la délégation a reconnu qu’il était nécessaire d’amender la loi régissant les prisons, qui date des années 1950 et prévoit encore le placement à l’isolement pour une durée de trente jours.

S’agissant des employés de maison (travailleurs domestiques), une ligne verte a été mise en place dont le numéro est communiqué dès l’arrivée des futurs travailleurs à l’aéroport de Beyrouth, assorti d’une brochure présentant leurs droits. Au regard de la loi, aucune distinction n’est faite entre ressortissants libanais et non libanais. Tous les travailleurs bénéficient donc des mêmes droits et donc de la même protection face aux mauvais traitements, a insisté la délégation.

Concernant la problématique de la charge de la preuve imposée aux victimes dans les cas de torture, la délégation a souligné qu’il ne s’agissait pas d’un cas de renversement de la charge de la preuve puisque cette charge s’applique à tous les crimes.

La délégation a par ailleurs fait état d’un ambitieux projet consistant à mettre en place des caméras dans tous les bureaux des forces de sécurités intérieures; cependant, aucun calendrier n’a encore été arrêté, a-t-elle précisé.


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CAT17/004F