Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION SPÉCIALE POUR ENTENDRE LA PRÉSIDENTE DU CHILI
Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion spéciale à l'occasion de la visite de la Présidente du Chili, Mme Michelle Bachelet, laquelle, face à la persistance dans de nombreuses régions du monde de violations des droits de l'homme et face aux reculs importants dans des domaines essentiels dont se préoccupe le Conseil, a plaidé pour un appui sans restriction au multilatéralisme et au système international de promotion et de protection des droits de l'homme.
Pour comprendre et affronter les défis qui affectent aujourd'hui les droits de l'homme, il faut appréhender les causes des menaces qui pèsent sur ces droits; il faut écouter le malaise de nos citoyens, qui n'est autre chose que l'expression d'une désillusion, de la promesse d'un développement frustré pour lequel ils ont pourtant travaillé et consenti tant d'efforts, a expliqué Mme Bachelet. En l'occurrence, nous devrions peut-être ici assumer comme défi mondial l'impératif qui anime les Objectifs de développement durable pour 2030, à savoir «Ne laisser personne de côté», a-t-elle indiqué.
Il est indispensable que nous recherchions le moyen d'augmenter les 3% du budget régulier que l'ONU consacre actuellement à l'ordre du jour des droits de l'homme, a par ailleurs estimé Mme Bachelet. Elle a annoncé que le Chili postulait pour réintégrer le Conseil pour la période 2018-2020.
En début de réunion, le Conseil a également entendu, par vidéotransmission, une déclaration du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein. Ce dernier a notamment souligné que le Chili avait fait de grands pas depuis la fin de la dictature, mais que trop de familles ne savent toujours pas la vérité sur ce qui est advenu de leurs proches. Rappelant le caractère inaliénable du droit à la vérité pour les victimes de violations massives des droits de l'homme, il a ajouté que toute éventuelle mesure de pardon ou de libération anticipée des auteurs (de ces violations) doit être soigneusement examinée à la lumière du droit relatif aux droits de l'homme. Après avoir salué un certain nombre de réformes législatives très importantes proposées par le Gouvernement chilien, M. Zeid a en outre souligné que dans la région de l'Auricanie, le Haut-Commissariat est préoccupé par des informations faisant état d'usage excessif de la force et d'autres abus à l'encontre des membres des groupes autochtones.
La trente-cinquième session ordinaire du Conseil doit se tenir du 6 au 23 juin prochain.
Aperçu des déclarations
Dans un message transmis par vidéo, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. ZEID RA'AD AL HUSSEIN, a souligné le rôle fort d'avocat des droits de l'homme joué depuis longtemps par le Chili sur la scène internationale et a exprimé sa gratitude au Gouvernement chilien pour ses initiatives et son travail de soutien s'agissant de nombreuses questions de droits de l'homme. Le Chili a fait de grands pas depuis la fin de la dictature, mais trop de familles ne savent toujours pas la vérité sur ce qui est advenu de leurs proches, a poursuivi le Haut-Commissaire, rappelant que le caractère inaliénable du droit à la vérité pour les victimes de violations massives des droits de l'homme. Toute éventuelle mesure de pardon ou de libération anticipée des auteurs (de ces violations) doit être soigneusement examinée à la lumière du droit relatif aux droits de l'homme, a-t-il souligné.
Le Haut-Commissaire a ensuite salué un certain nombre de réformes législatives très importantes proposées par le Gouvernement chilien, citant notamment la dépénalisation de l'avortement dans un certain nombre de cas et un projet de loi sur l'identité de genre. Il a dit attendre avec impatience de voir ces textes appliqués et espérer une future législation visant à protéger tous les migrants au Chili contre la discrimination et la stigmatisation. Indiquant par ailleurs avoir rencontré le nouveau Sous-Secrétaire aux droits de l'homme du Chili, qui est mandaté pour élaborer le premier plan national d'action pour les droits de l'homme du pays, M. Zeid a souligné que le Haut-Commissariat était impatient d'aider le Gouvernement chilien dans cette entreprise. Le Haut-Commissaire a par ailleurs salué le processus participatif lancé par le Gouvernement chilien en vue de l'adoption d'une nouvelle Constitution et incluant un mécanisme spécifique pour la participation des peuples autochtones. Des générations de discrimination ont créé un sentiment d'injustice et d'inégalité profondément enraciné; une reconnaissance adéquate et un dialogue significatif sont essentiels, en particulier dans la région de l'Auricanie où le Haut-Commissariat est préoccupé par des informations faisant état d'usage excessif de la force et d'autres abus à l'encontre des membres des groupes autochtones, a souligné M. Zeid. En conclusion, le Haut-Commissaire s'est dit convaincu que l'engagement du Chili en faveur des droits de l'homme serait la meilleure protection de sa démocratie et garantirait son cheminement vers le développement durable.
MME MICHELLE BACHELET, Présidente de la République du Chili, s'est réjouie de l'opportunité qui lui est ici offerte de partager quelques réflexions sur l'engagement du Chili en faveur des droits de l'homme, «qui prend aujourd'hui de nouvelles dimensions dans un contexte mondial en mutation». Il s'agit d'une occasion appropriée pour examiner les transformations qui affectent – et parfois menacent – ces droits que nous considérons universels et inaliénables, a précisé la Présidente, soulignant qu'«il nous faut également promouvoir de nouvelles réponses aux défis que présente la situation actuelle». Mme Bachelet a indiqué que ses commentaires aujourd'hui reflétaient les expériences de son pays lorsqu'il a résisté à la dictature, reconstruit les institutions d'une société fracturée, façonné une nation qui offre à tous des opportunités égales d'accès à la justice et institutionnalisé la solidarité avec ceux qui se trouvent en situation de vulnérabilité – comme les pauvres, les enfants, les jeunes et les personnes âgées. Rappelant qu'assurer la paix et la sécurité est une tâche centrale dans la construction d'un monde prospère et libre, Mme Bachelet a souligné que «la paix, la sécurité et le développement durable de nos sociétés doivent placer les personnes, avec leur dignité et leurs droits, au centre de nos politiques et décisions».
Persistent dans de nombreuses régions du monde les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international et des reculs importants dans des domaines essentiels dont se préoccupe le Conseil, comme l'égalité et la non-discrimination pour des raisons de nationalité, de religion, de sexe, de race ou d'ethnie, a poursuivi la Présidente du Chili. Sont rapportées des situations de disparitions forcées, d'exécutions extrajudiciaires et une augmentation préoccupante de la pratique de la torture, qui, dans plusieurs cas, pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. Nous avons assisté également à des revers dans le domaine de l'égalité de genre et de la protection des femmes et des fillettes contre la violence machiste, a ajouté Mme Bachelet. Les conflits, la pauvreté extrême, la corruption et les effets inattendus et chaque fois plus fréquents du changement climatique produisent des déplacements massifs de personnes dans une proportion et à un rythme inédits, avec de dramatiques conséquences socioéconomiques et sur les droits de l'homme, a souligné la Présidente chilienne. «Nous constatons avec préoccupation que dans de nombreux cas, ne sont pas respectés les droits des migrants et des réfugiés et, pire encore, que des discours xénophobes prolifèrent en Europe et dans le monde, comme si s'était affaiblie ces dernières années la conscience du fait que ce type de discours a, par le passé, provoqué des conflits armés de grande ampleur», a déclaré Mme Bachelet. «Se perçoivent également une augmentation de l'incertitude face aux règles stables que la communauté internationale avait établies depuis 1945 et une crispation croissante et dangereuse de la tension mondiale», a-t-elle ajouté. «À cela, nous ne pouvons que répondre par un appui sans restriction au multilatéralisme et au système international de promotion et de protection des droits de l'homme», a-t-elle affirmé.
Pour comprendre et affronter les défis qui affectent aujourd'hui les droits de l'homme, il faut appréhender les causes des menaces qui pèsent sur ces droits; il faut écouter le malaise de nos citoyens, qui n'est autre chose que l'expression d'une désillusion, de la promesse d'un développement frustré pour lequel ils ont pourtant travaillé et consenti tant d'efforts, a expliqué Mme Bachelet. La précarisation et l'incertitude s'étendent et les gens exigent de nouveaux espaces et de nouvelles formes de participation parce qu'ils réalisent que la représentation traditionnelle n'est pas en mesure de rendre compte de la multitude de facteurs, souvent incontrôlables, qui affectent leur vie. Si l'ouverture des marchés a entraîné une augmentation des revenus, beaucoup de gens n'en bénéficient pas et s'approfondit le sentiment que quelques-uns en bénéficient alors que beaucoup souffrent. Nous assistons à une fracture croissante et à une méfiance à l'égard des gouvernements nationaux. De la même manière, a poursuivi Mme Bachelet, existe une défiance croissante à l'égard des institutions multilatérales. En l'occurrence, nous devrions peut-être ici assumer comme défi mondial l'impératif qui anime les Objectifs de développement durable pour 2030 , à savoir «Ne laisser personne de côté». En même temps, nous devons en finir avec la discrimination et créer des opportunités pour les femmes, ce qui signifie en finir avec toutes les formes de discrimination contre toutes les femmes et les fillettes et en tous lieux, a ajouté la Présidente du Chili.
Pour résumer, nous sommes confrontés à une série de tâches majeures et face à chacune de ces tâches, il est incontestable que l'unique réponse possible est collective, coordonnée et coopérative. Tel est le principe de base d'un monde interconnecté, a souligné Mme Bachelet. Quiconque ne comprend pas ce principe simple mais essentiel ne pourra que revenir sur les pas que l'humanité a si coûteusement faits en avant tout au long de son histoire, a-t-elle insisté.
Le moment est venu d'agir, a déclaré la Présidente du Chili, affirmant que «le Conseil des droits de l'homme a un impératif moral, mais aussi un mandat, pour contribuer à la promotion de ces idéaux». Le langage des droits de l'homme est le langage de la politique et du dialogue, mais c'est aussi le langage de la volonté et de la responsabilité et celui des citoyens les plus vulnérables, a-t-elle souligné. Elle a ensuite rappelé que son pays s'était engagé en faveur de l'Initiative contre la torture et avait notamment promulgué en novembre dernier la modification de son Code pénal qui incrimine le délit de torture en tenant compte de ses trois dimensions: torture physique, torture psychologique et violence sexuelle. Le Gouvernement chilien travaille aussi à la présentation d'un projet de loi portant création du mécanisme national de prévention de la torture au sein de l'Institut national des droits de l'homme, a-t-elle indiqué, avant d'évoquer l'élaboration d'un nouveau règlement pénitentiaire mettant l'accent sur les droits de l'homme. Nous réaffirmons notre engagement en faveur d'un modèle économique global, juste et durable, qui permette la croissance économique, ainsi que l'inclusion et la solidarité, et qui dissipe les angoisses de l'être humain, a ajouté la Présidente du Chili. Le Chili appuie fermement les Principes directeurs des Nations Unies sur les droits de l'homme et les entreprises, a-t-elle précisé.
Pour atteindre les buts élevés dont nous venons de parler, il est indispensable que nous recherchions le moyen d'augmenter les 3% du budget régulier que l'ONU consacre actuellement à l'ordre du jour des droits de l'homme, a estimé Mme Bachelet. Nous avons besoin de plus de multilatéralisme, de plus de coopération, de plus de dialogue, de plus de consensus et de davantage d'action coordonnée; surtout, nous avons besoin que cette action soit visible aux yeux des gens, a-t-elle souligné. Il me semble important de préserver l'essence de ce Conseil et empêcher qu'il ne soit instrumentalisé pour des objectifs subalternes de quelque État que ce soit, a ajouté Mme Bachelet. Le Chili postule pour réintégrer ce Conseil pour la période 2018-2020, a indiqué la Présidente chilienne, demandant à tous les pays présents, membres et observateurs du Conseil des droits de l'homme, leur vote de confiance. Beaucoup d'utopies d'hier sont aujourd'hui des conquêtes de l'humanité, a-t-elle conclu.
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