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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LES MOYENS DE RENDRE LES MÉDICAMENTS ACCESSIBLES À TOUS

Compte rendu de séance

Cet après-midi, le Conseil des droits de l'homme a tenu une réunion-débat pour échanger des vues sur les bonnes pratiques et les principales difficultés concernant l'accès aux médicaments comme l'un des éléments fondamentaux du droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible. La réunion était accessible aux personnes handicapées et traduite en langue des signes.

Dans une déclaration liminaire, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, a rappelé que le droit à la santé impose aux États d'assurer l'accès universel à des soins de qualité et aux médicaments de base. Mme Gilmore a regretté que des politiques délibérées ne viennent priver de nombreuses personnes de l'accès aux médicaments: en atteste le fait que seulement la moitié des personnes atteintes par le VIH/sida ont accès aux antirétroviraux. Les États doivent à cet égard passer d'un modèle de marché à un modèle fondé sur droit à la santé, a recommandé la Haut-Commissaire adjointe.

Animée par Mme Maria Nazareth Farani Azevêdo, Représentante permanente du Brésil auprès des Nations Unies à Genève, la réunion a bénéficié des contributions de plusieurs panélistes: Mme Ruth Dreifuss, ancienne Présidente de la Confédération suisse, Présidente de la Commission mondiale sur les politiques en matière de drogues et co-présidente du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments créé par l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon; M. Michael Kirby, ancien juge à la Haute Cour de justice de l'Australie, membre du Groupe de haut niveau; le Dr Marie-Paule Kieny, Sous-Directeur général des systèmes de santé et de l'innovation de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS); M. Anthony Taubman, Directeur de la division de la propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC); M. Thomas Bombelles, chef du département des défis mondiaux de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI); M. Carlos Correa, conseiller spécial sur le commerce et la propriété intellectuelle au South Centre; et M. James Zhan, Directeur de la division de l'investissement et des entreprises à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Mme Dreifuss a indiqué que le mandat du Groupe de haut niveau était d'évaluer des propositions et de recommander «des solutions pour remédier à l'incohérence des politiques entre les droits légitimes des inventeurs, la législation internationale sur les droits de l'homme, les règles commerciales et la santé publique dans le contexte des technologies de la santé». Comme M. Taubman, Mme Dreifuss a salué l'introduction de «flexibilités» qui permettent aux États de faire face à leurs obligations de respecter les brevets relatifs aux technologies médicales tout en poursuivant leurs objectifs de santé publique. Malheureusement, la mise en œuvre de ces flexibilités se révèle difficile et même insuffisante, a noté Mme Dreifuss.

Mme Kieny a souligné que l'OMS accueillait favorablement l'appel du Groupe de haut niveau pour plus de transparence sur les prix et notamment la mise en place d'une base de données des prix. Plusieurs panélistes ont insisté sur le rôle essentiel du financement de la recherche publique et sur les nouveaux modèles de financement de la recherche et du développement. D'autres ont rappelé que le premier obstacle à l'accès aux médicaments est l'incohérence des politiques publiques face aux faiblesses du marché. M. Kirby a suggéré au Secrétaire général de créer un organe indépendant chargé de trouver des solutions définitives aux déficiences du marché dans le domaine de la santé.

De nombreux intervenants* ont souligné l'importance de l'accès aux soins dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030 et rappelé que des millions de femmes et d'enfants se voient refuser des médicaments qui pourraient leur sauver la vie. A particulièrement été dénoncé le fléau que constitue le coût élevé des médicaments, qui entrave le droit à la santé. Les compagnies pharmaceutiques empêchent le recours aux flexibilités tel que prévu dans la Déclaration de Doha (qui garantit le droit des États d'intervenir pour garantir les enjeux vitaux de santé publique), a-t-il en outre été déploré. Les États-Unis ont reconnu que l'accès aux médicaments était un défi de taille, mais ont regretté que la discussion d'aujourd'hui ne porte que sur le rapport du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments, lequel repose – selon eux – sur des prémisses incorrectes.


Le Conseil reprendra ses travaux demain à 9 heures par un débat interactif avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui a présenté son rapport au Conseil ce matin.


Réunion-débat sur l'accès aux médicaments

Déclarations liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé que le droit à la santé impose aux États d'assurer l'accès universel à des soins de qualité et aux médicaments de base. Ces services doivent être accessibles aux plus vulnérables, de même que les innovations essentielles à une vie digne doivent être mises à la disposition de tous. Mme Gilmore a regretté que des politiques délibérées ne viennent priver de nombreuses personnes de l'accès aux médicaments: en atteste le fait que seulement la moitié des personnes atteintes par le VIH/sida ont accès aux antirétroviraux, a-t-elle observé. De surcroît, de nombreuses femmes n'ont pas accès aux médicaments dont elles ont besoin pour leur contraception et leur santé procréative.

Lorsque les médicaments ne sont pas abordables, les familles les plus fragiles sont exposées au déni de tous leurs autres droits. Les États doivent à cet égard passer d'un modèle de marché à un modèle fondé sur droit à la santé, a recommandé la Haut-Commissaire adjointe. Les inégalités économiques sont un frein à la réalisation du droit à la santé, a-t-elle relevé. Plusieurs défis demeurent, parmi lesquels une protection disproportionnée de la propriété intellectuelle, la non-prise en compte de la santé dans la conclusion des accords commerciaux et, plus grave encore, le fait que ces accords réduisent la marge de manœuvre des États dans la protection du droit à la santé. Afin d'améliorer cette situation, les États doivent appliquer des politiques publiques mettant à la disposition du plus grand nombre les médicaments de base, sans aucune forme de discrimination. En conclusion, Mme Gilmore a insisté sur la volonté politique nécessaire pour faire de l'accès aux médicaments une réalité.

MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVÊDO, Représentante permanente du Brésil, animatrice du débat, a rappelé que chaque être humain avait droit à la jouissance du meilleur état de santé physique et mentale possible. Pour réaliser ce droit, les États doivent assurer l'accès aux médicaments. La prévalence des maladies infectieuses et des épidémies démontre la nécessité de poursuivre la recherche pour trouver de nouveaux médicaments. Un prix abordable pour les médicaments est à cet égard une nécessité.

Exposés des panélistes

MME RUTH DREIFUSS, ancienne Présidente de la Confédération suisse, présidente de la Commission mondiale sur les politiques en matière de drogues, était la co-présidente du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments créé en 2016 par l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon. Elle a indiqué que le mandat de ce Groupe avait été d'évaluer des propositions et de recommander «des solutions pour remédier à l'incohérence des politiques entre les droits légitimes des inventeurs, la législation internationale sur les droits de l'homme, les règles commerciales et la santé publique dans le contexte des technologies de la santé.»

Le rapport du Groupe porte précisément sur les lacunes en matière de recherche biomédicale et de développement des médicaments. Le Groupe a constaté à ce propos que les droits légitimes des inventeurs, par nature des personnes physiques, sont le droit à une juste rémunération et à la reconnaissance de leur contribution à la science, a relevé Mme Dreifuss. Ceci n'est pas synonyme de la propriété intellectuelle, a-t-elle nuancé, qui est le plus souvent accordée à des personnes morales et assure un droit exclusif et limité dans le temps d'exploiter une invention. Ces droits de propriété intellectuelle, en relation avec les règles du commerce international, et dans leurs conséquences négatives et positives sur le développement des technologies médicales et sur leur accès, est au cœur des travaux du Groupe.

Mme Dreifuss a salué l'introduction dans les accords de commerce des flexibilités qui permettent aux États de faire face à leurs obligations de respecter les brevets relatifs aux technologies médicales tout en poursuivant leurs objectifs de santé publique. Malheureusement, la mise en œuvre de ces flexibilités s'est révélée difficile, a constaté le Groupe, et même insuffisante: d'un côté, il y a prolifération d'accords de libre échange qui renoncent à ses flexibilités; d'un autre côté, des pressions sont exercées sur les pays qui engagent des procédures de licences obligatoires. C'est pourquoi le rapport du Groupe recommande de mettre en œuvre les flexibilités prévues par la Déclaration de Doha (2001).

Enfin, le Groupe insiste sur le rôle essentiel du financement de la recherche publique et sur les nouveaux modèles de financement de la recherche et du développement. Parmi les recommandations du Groupe qui concernent la gouvernance internationale et nationale – car c'est à ce niveau que se forge la cohérence des politiques, a dit Mme Dreifuss –, les plus originales sont peut-être celles qui portent sur la transparence et la responsabilité (accountability).

M. MICHAEL KIRBY, ancien juge à la Haute Cour de justice de l'Australie, membre du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments, a rappelé que le premier obstacle à l'accès aux médicaments est l'incohérence des politiques publiques face aux lacunes du marché. M. Kirby a insisté pour que les personnes les plus vulnérables, notamment les filles et les enfants, ne soit pas oubliées dans l'accès aux médicaments. Sans action immédiate de la communauté internationale, l'Objectif de développement durable concernant la santé et le bien-être ne sera pas atteint, a-t-il prévenu. Les membres du Groupe de haut niveau sont tous d'accord pour dire que plus jamais il ne faudra exercer de pressions sur les pays pour qu'ils renoncent à faire respecter le droit à la santé, s'est félicité M Kirby. Il a appelé la communauté internationale à adopter un traité sur l'accès universel aux médicaments de base et demandé au Secrétaire général de créer un organe indépendant chargé de trouver des solutions définitives aux déficiences du marché dans le domaine des innovations en santé.

MME MARIE-PAULE KIENY, Sous-Directeur général des systèmes de santé et de l'innovation de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), a présenté des initiatives récentes de l'OMS pour améliorer l'accès aux médicaments. Elle a mentionné d'abord la parution du premier rapport mondial (en anglais) sur l'accès au traitement de l'hépatite C, qui donne des informations détaillées sur les nouveaux traitements disponibles contre cette maladie. L'OMS a travaillé sur cette question avec l'Égypte, qui se fournit en médicaments auprès d'entreprises locales. L'OMS a d'autre part conseillé le ministère de la santé de la Colombie pour rendre le traitement du cancer plus abordable. Autre exemple, l'OMS a aidé le Gouvernement éthiopien à mettre en place une stratégie nationale de développement des entreprises pharmaceutiques locales. Enfin, en Afrique du Sud, plusieurs institutions des Nations Unies, dont l'OMS, ont conseillé le Gouvernement sur la réforme de la propriété intellectuelle afin d'étendre l'accès aux médicaments.

Mme Kieny a souligné que l'OMS accueillait favorablement l'appel du Groupe de haut niveau pour davantage de transparence sur les prix, en particulier grâce à la création d'une base de données. L'OMS centralise déjà des renseignements sur le prix du traitement contre le VIH/sida, le paludisme et l'hépatite C. Le Groupe de haut niveau a aussi formulé une recommandation pour une plus grande cohérence politique: c'est pourquoi l'OMS a pris l'initiative en décembre 2016 de lancer un appel pour une réunion de toutes les institutions des Nations Unies, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, pour débattre d'activités et plans pour le futur.

M. ANTHONY TAUBMAN, Directeur de la division de la propriété intellectuelle à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a expliqué que la Déclaration de Doha garantit toujours aux pays le droit d'intervenir pour garantir leurs enjeux vitaux de santé publique. M. Taubman a souligné que l'Organisation mondiale du commerce, l'OMS et l'OMPI collaboraient au plus haut niveau pour assurer la cohérence des politiques de santé publique, y compris l'indispensable prise en compte de la dimension des droits de l'homme. Depuis l'adoption de la Déclaration de Doha, ces trois institutions ont accumulé de nombreuses expériences et données qui leur ont permis de donner un tour concret et opérationnel à leur action, a ajouté M. Taubman. Cela étant, a-t-il admis, la collaboration multilatérale dans le domaine de l'assistance technique profiterait de l'existence d'une base empirique plus systématique au sujet du financement, de l'achat et du développement des médicaments et des technologies médicales.

M. THOMAS BOMBELLES, chef du département des défis mondiaux de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, a déclaré que l'objectif de l'OMPI était de créer un environnement international où la propriété intellectuelle bénéficie à tous. Dans le domaine de la santé, la question est de savoir comment soutenir la recherche tout en faisant en sorte que les technologies de santé restent accessibles. M. Bombelles a indiqué que conformément au mandat de l'OMPI, l'organisation a axé sa contribution aux travaux du Groupe de haut niveau sur les transferts de technologies de santé, sur l'innovation et sur le renforcement des capacités. L'OMPI souligne que les principaux obstacles à l'accès aux médicaments sont le manque d'infrastructures de santé et la pauvreté. L'OMPI peut fournir aux pays membres qui le demandent une assistance technique sur l'accès aux soins.

M. CARLOS CORREA, conseiller spécial sur le commerce et la propriété intellectuelle au South Centre, a jugé très importante la recommandation du Groupe de haut niveau selon laquelle les Gouvernements ne doivent pas renoncer à leurs prérogatives dans le domaine de la santé lorsqu'ils ratifient des traités de commerce internationaux. M. Correa a aussi expliqué qu'il existait peu d'études concernant l'impact de l'application des droits de propriété intellectuelle sur les droits de l'homme et sur la santé publique. En 2006, la Commission nationale des droits de l'homme de la Thaïlande avait ainsi évalué les conséquences sur la santé publique d'un traité commercial passé avec les États-Unis. M. Correa a recommandé au Conseil d'élaborer des méthodes pour mesurer cet impact. Le problème de l'accès aux médicaments ne concerne pas uniquement les pays en voie de développement, a-t-il observé: même dans les autres pays, l'accès à certains traitements est très difficile en raison de leur coût.

M. Correa a relevé que les négociations autour de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) avaient été asymétriques. Il faut aujourd'hui analyser les conséquences de l'Accord, qui a entraîné une vague de sur-protectionnisme de la propriété intellectuelle. Mais ce n'est pas une fatalité, a souligné M. Correa: la communauté internationale et le Conseil des droits de l'homme doivent s'atteler à la révision des législations nationales et internationales dans ce domaine.

M. JAMES ZHAN, Directeur de la division de l'investissement et des entreprises de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), a évoqué le travail de la CNUCED dans la perspective de renforcement des capacités pour l'accès aux médicaments dans les pays à faibles revenus. Il a précisé qu'il est indispensable d'assurer le développement économique et industriel de ces pays de même que leurs capacités technologiques, en particulier leurs capacités de production de médicaments de base. M. Zhan a détaillé les difficultés auxquelles ces pays font face: des réglementations insuffisantes dans le domaine pharmaceutique; le manque de financement; l'incohérence des politiques et la fragmentation des institutions; le manque d'incitation à l'investissement dans les infrastructures; de faibles capacités de production; et les mesures d'appui inadéquates de la part de la communauté internationale.

M. Zhan a ensuite formulé quelques recommandations: s'efforcer de trouver de nouvelles sources de financement, surtout au moyen de partenariats dans le secteur des génériques; essayer de conserver les éléments de flexibilité afin de conserver l'avantage concurrentiel dans la production de médicaments sous brevet; et valoriser la coopération régionale.

Débat

Le Brésil, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise, a souligné l'importance de l'accès aux soins dans le cadre du Programme 2030. L'accès aux médicaments est une des priorités de chaque pays de la Communauté, a-t-il indiqué. Toutefois, malgré la collaboration avec ONUSIDA, des difficultés énormes persistent dans la lutte contre le VIH/sida, a fait observer le Brésil. El Salvador, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a également indiqué que les États membres étaient engagés à assurer l'accès aux médicaments dans le cadre du Programme 2030 et a appelé à la coopération internationale pour venir en aide aux plus pauvres. La CELAC a réitéré son attachement à suivre les recommandations du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments.

La Tunisie, s'exprimant au nom du Groupe africain, a affirmé que le droit d'accès aux médicaments était un élément central du droit à la santé. Néanmoins, la réalité sur le terrain est sombre, a fait observer la délégation tunisienne: des millions de femmes et d'enfants se voient refuser des médicaments qui pourraient leur sauver la vie. Les médicaments, même de base, sont souvent trop chers, particulièrement pour les pays en développement. À cet égard, l'Union européenne a déclaré être engagée à promouvoir l'accès à des médicaments abordables. Un environnement équilibré de la propriété intellectuelle est essentiel, a souligné l'Union. Le coût élevé des médicaments est un frein au droit à la santé, a-t-elle ajouté. Il faut trouver des solutions pour pallier les failles des marchés, a également souligné l'Union européenne. Elle s'est en outre inquiétée de la circulation de nombreux médicaments contrefaits.

L'Indonésie, s'exprimant au nom d'un groupe de pays, a rappelé que chaque être humain avait droit au niveau le plus élevé de santé physique et mentale possible. Les États doivent assurer un accès pour tous à des médicaments sûrs, efficaces et de qualité. Au moins un tiers de la population mondiale n'a pas accès aux médicaments. Les traités de commerces régionaux ne doivent pas entraver la réalisation du droit à la santé, a ajouté la délégation indonésienne.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de coopération islamique (OCI), a rappelé être favorable à une convention contraignante sur la recherche et le développement médical, pour permettre l'accès à des médicaments abordables, car le marché a échoué dans ce domaine. En outre, nombre de médicaments de base sous brevets devraient augmenter. Par ailleurs, le Pakistan s'est enquis de ce que peuvent faire les pays en développement des flexibilités prévues par l'OMPI.

Le Togo a déploré les inégalités croissantes dans l'accès aux médicaments. Il se réjouit toutefois que le rapport du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments souligne que les disparités sont le résultats des incohérences des États et de la communauté internationale à travers l'application des règles de commerce international combinées à celles liées à la propriété intellectuelle.

Le Qatar, Cuba, le Mexique, le Portugal et El Salvador ont souligné que l'accès aux médicaments faisait partie intégrante du droit à la santé. Personne ne doit être laissé de côté dans ce domaine, a expliqué le Portugal. Cuba a, par ailleurs, expliqué que la santé est un bien collectif que les gouvernements doivent défendre et protéger. Au fil des ans, Cuba a développé son système national de santé dont le monde entier salue la couverture universelle. Cuba est le premier partenaire Sud-Sud au monde dans le domaine de la santé. Le développement technique et technologique ne peut être bénéfique que s'il permet d'améliorer le traitement de tous, a souligné la délégation cubaine. Le Portugal a estimé que l'accès aux médicaments à travers le monde était insuffisant. Les prix sont inabordables pour beaucoup de personnes, même au sein des pays les plus riches, notamment pour ce qui est des traitements contre le cancer. Les traitements doivent être beaucoup plus abordables, a insisté la délégation portugaise.

Au Qatar, la Constitution du pays précise que c'est à l'État qu'incombe la responsabilité dans le domaine de la santé publique. Le Qatar a diffusé un manuel reprenant tous les médicaments produits au Qatar, disponible sur Internet. Le Mexique s'est, lui, doté d'un cadre d'accès aux médicaments; le pays développe des médicaments génériques pour permettre un accès plus large aux médicaments à des prix abordables. El Salvador a adopté une loi sur les médicaments qui prévoit une règlementation des prix et la création d'une liste de médicaments disponibles pour tous. La loi prévoit une règlementation plus stricte de la commercialisation des médicaments pour que l'industrie adopte des pratiques plus éthiques.

Le Koweït a indiqué que l'accès aux médicaments était un enjeu pressant, compte tenu de la multiplication des pandémies. Il incombe à la communauté internationale d'assurer l'accès aux médicaments aux pays les plus pauvres. Il faut également fournir une aide sanitaire aux populations touchées par les conflits. La délégation koweïtienne a en outre mentionné les deux fléaux que constituent le coût élevé des médicaments et les médicaments contrefaits. La République de Corée a affirmé que l'accès aux médicaments était essentiel dans le cadre du Programme 2030. Toutefois, l'équilibre entre droit à la propriété intellectuelle et accès aux médicaments ne pourra pas être trouvé par un État seul; il faut donc une véritable coopération internationale sur le sujet pour assurer l'accès aux médicaments pour tous.

La Fédération de Russie a, à son tour, indiqué que l'inclusion dans le Programme 2030 de l'accès à la santé était très importante. La Fédération de Russie a déploré que de nombreux pays en développement n'ait pas un accès régulier à des médicaments abordables et de qualité. En Fédération de Russie, une stratégie a été adoptée en 2013 pour favoriser l'accès de la population, notamment les plus faibles, aux médicaments; 15 millions de personnes bénéficient de l'accès gratuit aux médicaments. En outre, une politique de restriction sur les prix a été adoptée concernant plus de 30 000 médicaments.

Les États-Unis ont reconnu que l'accès aux médicaments était un défi de taille. Ils ont regretté que la discussion d'aujourd'hui ne porte que sur le rapport du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments, lequel repose – selon eux – sur des prémisses incorrectes car il présume une incohérence entre la protection et la promotion du commerce et l'accès au médicament. Le rapport du Groupe de haut niveau ne devrait donc pas servir de base aux travaux du Conseil des droits de l'homme, ont estimé les États-Unis.
La Sierra Leone a pour sa part affirmé qu'il fallait revoir les accords bilatéraux en matière de commerce. Les pays à faible revenu nécessitent une assistance accrue, a-t-elle ajouté.

La Malaisie s'est engagée à assurer l'accès aux médicaments essentiels. Une stratégie d'accès aux médicament a été adoptée puis révisée, pour que chacun ait accès à des médicaments abordables, sûrs et efficaces. La Malaisie a également mis en place une politique de concurrence, avec les médicaments génériques. La Malaisie a déploré l'augmentation des prix des médicaments, déterminés par le jeu du marché.

Les Fidji ont rappelé que leur Constitution garantissait l'accès à la santé et ont indiqué avoir investi dans la modernisation des infrastructures de santé. Il n'existe qu'une seule entreprise pharmaceutique aux Fidji; la mise à disposition de médicaments à toute la population est donc un véritable défi. Un programme de distribution de médicaments gratuits a néanmoins été offert aux personnes les plus vulnérables. Le Pakistan a pour sa part rappelé que l'accès aux médicaments était une condition sine qua non de la réalisation du droit à la santé. Le Pakistan a lui aussi lancé un système qui assurera une couverture totale pour les plus faibles.

Le Brésil a souligné que la communauté internationale était loin d'atteindre l'objectif de l'accès aux médicaments pour tous; il reste en effet des zones d'ombre en matière d'accès à des médicaments sûrs et efficaces. La République islamique d'Iran souligne que ce constat permet de dire qu'il s'agit là d'une entrave aux droits de chacun de jour du meilleur état de santé possible.

Le Brésil et le Soudan ont fait observer que les dernières épidémies de maladies infectieuses montrent que le monde est mal équipé face à de tels événements.

Le Brésil a en outre expliqué qu'il avait mise en place, s'agissant du VIH/sida, une démarche intégrée de prévention et d'accès aux thérapies antirétrovirales gratuites.

Le Soudan et la Libye ont reconnu qu'il était certes de la responsabilité des gouvernements de promouvoir l'accès à des médicaments sûrs et de qualité, mais ont souligné que cette responsabilité représentait souvent un fardeau pour les pays en voie de développement, raison pour laquelle ils ont besoin de l'aide internationale. Pour la Libye, il y a aussi un problème d'accès aux technologies.

La République islamique d'Iran a expliqué que l'une des entraves à l'accès aux médicaments est l'imposition de mesures coercitives et autres sanctions unilatérales qui privent la population de médicaments vitaux.

Au nombre des organisations non gouvernementales qui se sont exprimées dans le cadre de ce débat, la Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale (Caritas Internationalis) a estimé que la probabilité de contracter la tuberculose ou le VIH/sida continue d'être sous-estimée et a souligné que la distribution de médicaments par la chaîne du froid est impossible à respecter dans plusieurs pays. L'ONG a indiqué avoir travaillé avec ONUSIDA, notamment pour fournir des kits de dépistage, promouvoir des messages d'information compréhensibles et contribuer à une réflexion éthique et théologique sur cette question. Pour sa part, Conectas Direitos Humanos a indiqué que le prix prohibitif des traitements (antirétroviraux) contre le VIH/sida en Amérique latine a entraîné une forte hausse des contaminations. Au Brésil, les compagnies pharmaceutiques empêchent le recours aux flexibilités tel que prévu dans la Déclaration de Doha, a dénoncé l'ONG, qui a demandé comment le Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments pourrait étayer l'argumentaire en cas de recours devant les tribunaux.

Swedish Association for Sexuality Education a fait observer qu'au-delà des règles applicables au commerce international, la discrimination empêche beaucoup de filles et de femmes d'accéder à l'information et aux services de santé sexuelle et de procréation. L'ONG a demandé comment mettre un terme à cette discrimination et à la stigmatisation liées aux questions de santé qui peuvent empêcher l'accès aux médicaments et aux technologies.

Le Réseau international des droits humains a expliqué que tous les membres de la société ont des responsabilités lorsqu'il s'agit du droit à la santé. En Équateur, l'exercice de la médecine est puni au plan pénal en cas d'erreur. Dès lors, le médecin réfléchit à deux fois avant de faire un diagnostic. Il est indispensable que l'Équateur procède à une réforme législative et que les médecins ne puissent pas tomber sous le coup de sanctions pénales pour l'exercice de la médecine.

L'Association américaine de juristes a expliqué que plus de deux milliards de personnes n'ont pas accès aux médicaments essentiels et que chaque jour des milliers de personnes décèdent du fait de cette situation. Le rapport du Groupe de haut niveau sur l'accès aux médicaments donne la possibilité d'approfondir la discussion, de prendre des mesures concrètes et de suivre ses recommandations. De l'avis de l'ONG, il faut admettre la primauté des droits de l'homme sur les accords commerciaux et exiger la transparence des entreprises pharmaceutiques concernant leurs profits et leurs investissements dans la recherche.

Iraqi Development Organization a insisté sur le fait que l'accès aux soins de santé est entravé par des facteurs sociopolitiques dans de nombreux pays. L'ONG a évoqué le Koweït, où des milliers de personnes sont victimes de restrictions, et Bahreïn, où les détenus sont systématiquement privés de soins. Elle a demandé aux panélistes comment traiter ces restrictions au droit universel à la santé.

Réponses et conclusions des panélistes

MME DREIFUSS a remarqué que l'une des questions majeures posées par les intervenants concerne la gouvernance et la responsabilité des différents partenaires. Au niveau national, elle a rappelé la nécessité de créer des plateformes d'échange entre les ministères et d'éviter de donner la priorité à des questions secondaires par rapport à la santé de la population. Les organisations multilatérales ont le même besoin de mise en commun: Mme Dreifuss a appelé le Secrétaire général à créer un groupe de travail inter-organisations sur l'accès aux médicaments et aux soins de santé. Quant aux entreprises du secteur privé biomédical, il est nécessaire qu'elles présentent un compte-rendu sur les actions menées pour renforcer l'accès aux nouvelles technologies.

Pour répondre au Pakistan sur la question de savoir comment produire et diffuser largement les médicaments génériques, M. KIRBY a suggéré de tirer les leçons de ce qui s'est passé avec les antirétroviraux: vendus à un prix inaccessible au départ, la production de génériques a entraîné une chute des prix puis un accès beaucoup plus large. Le Portugal et les Pays-Bas ont mentionné des résolutions adoptées récemment par l'Organisation pour la coopération et le développement économiques et par le Parlement européen, des textes qui montrent que l'on se préoccupe des recommandations formulées par le Groupe de haut niveau, s'est réjoui M. Kirby. Les entreprises devraient indiquer, dans leurs rapports annuels, la part d'activité consacrée à la recherche et au développement, a-t-il ajouté.

Aux États-Unis, M. Kirby a répondu que le rapport souligne précisément l'importance de respecter les droits de propriété intellectuelle. Il a demandé aux représentants de juger le rapport du Groupe à l'aune de ce qui est écrit et non sur la base de préjugés. M. Kirby a également fait observer que l'OMC et l'OMPI ont, à juste titre, insisté sur les droits de propriété intellectuelle tout en ajoutant qu'il fallait veiller à protéger les flexibilités et à les généraliser.

Pour MME KIENY, la transparence du secteur pharmaceutique est déterminante. Les industries pharmaceutiques doivent publier leurs coûts de développement. Néanmoins, le coût de la recherche et du développement et le prix des médicaments ne sont pas corrélés. En effet, le prix des médicaments est aussi basé sur les besoins sociaux.

M. TAUBMAN a affirmé que le système multilatéral devait donner l'exemple en systématisant la coopération entre des institutions dont on peut penser a priori qu'elles ont des approches divergentes. Une gouvernance efficace des médicaments est essentielle. Un retour d'information sur les bonnes pratiques de chaque État doit être mis en place. Les pays en développement, soit ceux qui dépendent le plus du commerce, sont ceux qui ont le plus de mal à se fournir en médicaments.

M. BOMBELLES a réitéré l'offre d'assistance technique de l'OMPI aux États.

M. CORREA a encouragé la critique constructive des acteurs du secteur. La communauté internationale aurait dû rejeter les pressions exercées sur certains États en développement lors de la conclusion des accords de libre-échange. M. Correa s'est par ailleurs demandé si la Commission européenne souhaitait vraiment l'accès aux médicaments dans les pays les plus pauvres, elle qui a imposé des conditions relatives à la protection de la propriété intellectuelle dans les accords de commerce qui peuvent avoir une conséquence sur l'accès au médicament.

M. ZHAN a rappelé que le Groupe de haut niveau avait recommandé la tenue d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale sur l'accès à la santé et la promotion de l'innovation. Il a souhaité que les États cherchent des solutions alternatives en préparation à cet événement.

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Brésil (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise), El Salvador (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes), République de Corée, Fédération de Russie, États-Unis, Sierra Leone, Malaisie, Fidji, Pakistan, Brésil, République islamique d'Iran, Soudan, Libye.

*Les organisations non gouvernementales ont pris la parole dans le cadre du débat: International Union for Conservation of Nature; Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale (Caritas Internationalis); Conectas Direitos Humanos; Swedish Association for Sexuality Education; Réseau international des droits humains; Association américaine de juristes; et Iraqi Development.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC17.026F