Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LE PROFILAGE RACIAL ET L'INCITATION À LA HAINE
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, dans le cadre de la célébration de la Journée internationale pour la l'élimination de la discrimination raciale une réunion-débat sur le thème du profilage racial et de l'incitation à la haine.
Dans ses remarques liminaires à l'ouverture du débat, Mme Peggy Hicks, Directrice de la Division des activités thématiques, des procédures spéciales et du droit au développement au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a relevé que, malheureusement, le racisme et la xénophobie restent bien réels dans nos sociétés. Elle a ensuite expliqué que le profilage racial, qui réduit une personne à sa seule apparence physique, constitue une violation des droits de l'homme particulièrement humiliante pour ceux qui en sont victimes. Le racisme affaiblit les sociétés car il détruit le tissu social qui les lie, a souligné Mme Hicks.
Animatrice du débat, Mme Anastasia Crickley, Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a expliqué que la discrimination raciale est pernicieuse et se cache dans le profilage racial et les discours de haine, qui visent de plus en plus les migrants.
Quatre panélistes ont nourri le débat: Mme Rokhaya Diallo, Journaliste et réalisatrice; M. Mutumu Ruteere, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie; Mme Rachel Neild, Conseillère pour le profilage ethnique et la réforme de la police à l'Open Society Justice Initiative; et M. Miltos Pavlou, Directeur de programmes à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Mme Diallo a souligné qu'une bonne partie du racisme vient de l'État lui-même qui tolère les violences policières. Sans statistiques ethniques il est impossible de lutter contre le racisme, a-t-elle assuré. M. Ruteere a expliqué qu'il fallait entamer des réformes simultanées aux niveaux institutionnel, politique et social pour renforcer l'intégration et la solidarité plutôt que l'exclusion. Mme Neild a indiqué que les pratiques de profilage au sein des forces de l'ordre ne relevaient pas d'un acte isolé et a souligné que quand les personnes se rendent compte que la police n'est pas juste, elles ont moins confiance et ne coopèrent plus avec elle. M. Pavlou a rappelé que les phénomènes d'apartheid social nous éloignent les uns des autres et que ne pas évoquer la contribution des migrants à la société entretient la peur. La discrimination et l'intolérance, entretenues en Europe par les populismes compte tenu du contexte sécuritaire, portent atteinte à la cohésion de la société et sont contre-productives d'un point de vue sécuritaire, a par ailleurs souligné M. Pavlou.
De nombreux intervenants* ont pris part à ce débat. Selon certains, il faut tout simplement interdire les discours et les politiques de haine, d'autant qu'ils sont incompatibles avec les engagements internationaux des États. Le Plan d'action de Rabat sur l'interdiction de l'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse (présenté en février 2013 par le Haut-Commissariat à l'issue d'un atelier de synthèse tenu à Rabat en octobre 2012) est un cadre important pour interdire l'incitation à la haine toute en garantissant la liberté d'expression, a fait observer Mme Hicks. Plusieurs intervenants ont dénoncé le profilage racial aux postes frontière et aux aéroports en soulignant qu'il fallait veiller respect au respect des droits de l'homme en toutes circonstances. Le profilage ethnique est illégal et renforce la défiance à l'égard de la police, a-t-il été souligné. Ont maintes fois été dénoncés les discours haineux et xénophobes de certains dirigeants ou personnalités politiques dans le monde, qui alimentent le racisme. Le constat a été dressé d'une recrudescence indéniable du profilage racial et des discours de haine dans le contexte des politiques sécuritaires de plus en plus promues dans le cadre de la lutte antiterroriste. Les migrants sont particulièrement victimes de ces phénomènes, a-t-il été souligné.
Le Conseil doit approuver, à la mi-journée, les documents finals s'agissant des rapports issus de l'Examen périodique universel d'Haïti et du Soudan du Sud.
Débat sur le profilage raciale et l'incitation à la haine
Déclarations liminaires
MME PEGGY HICKS, Directrice de la Division des activités thématiques, des procédures spéciales et du droit au développement au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé, comme le rappelle la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale (célébrée le 21 mars de chaque année depuis sa proclamation par l'Assemblée générale en 1966), que le racisme est inacceptable. Malheureusement, le racisme et la xénophobie restent bien réels dans nos sociétés, a-t-elle déploré. Rappelant les propos de Martin Luther King, qui avait relevé que nous nous craignons parce que nous ne nous connaissons pas, elle a souligné que le racisme se construit sur la peur de ce qui apparaît comme différent. Parfois les médias et les hommes politiques nous incitent à la haine en se focalisant sur ce qui nous sépare plutôt que sur ce qui nous rassemble; c'est le même raisonnement qui prévaut pour la question des réfugiés aujourd'hui, a fait observer Mme Hicks.
Le Plan d'action de Rabat sur l'interdiction de l'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse (présenté en février 2013 par le Haut-Commissariat à l'issue d'un atelier de synthèse tenu à Rabat en octobre 2012) est un cadre important pour interdire l'incitation à la haine toute en garantissant la liberté d'expression, a poursuivi Mme Hicks. Il est important d'analyser comment les réseaux sociaux ou les nouvelles technologies ont une influence néfaste notamment sur la question de l'incitation à la haine, a-t-elle indiqué.
Mme Hicks a expliqué que le profilage racial réduit une personne à sa seule apparence physique. Il s'agit d'une violation des droits de l'homme qui est particulièrement humiliante pour ceux qui en sont victimes. Les États ne peuvent pas renoncer au droit international qui interdit ces profilages. Ce profilage ne fait qu'exacerber les tensions entre la police et les populations ciblées; il est inefficace dans le maintien de l'ordre. Plusieurs pistes peuvent permettre de mettre fin à cette pratique, notamment le développement de formations sur les pratiques non acceptables et la prise en compte, comme référence, du comportement et non pas de l'apparence, par exemple.
Mme Hicks a expliqué que le racisme affaiblissait les sociétés car il détruit le tissu social qui les lie. La peur vient alors justifier la discrimination raciale. Il faut encourager le dialogue entre les communautés et mettre en avant la force de la diversité, a conclu Mme Hicks.
Animatrice du débat, MME ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a relevé certains progrès dans la lutte contre la discrimination raciale. Toutefois, la discrimination raciale est pernicieuse et se cache dans le profilage racial et les discours de haine, qui visent de plus en plus les migrants, a-t-elle souligné. Les États doivent adopter et mettre en œuvre des lois qui interdisent le profilage racial et abolissent les politiques qui pourraient susciter un tel comportement. Les actes de police basés sur un profilage racial sont contraires au droit international, a ajouté Mme Crickley. Le contexte des migrations représente un défi dans la lutte contre le racisme, a-t-elle poursuivi. Les préjugés et les mythes véhiculés par les discours de haine suscitent le racisme, a-t-elle insisté. La lutte contre le racisme institutionnel ne suffira pas, car certaines formes de racisme sont insidieuses, a-t-elle en outre fait observer.
Exposés des panélistes
MME ROKHAYA DIALLO, journaliste et réalisatrice, a souligné que ceux qui luttaient contre le racisme le font souvent dans l'indifférence alors qu'ils risquent parfois leur vie. La première inquiétude soulevée est la négation du racisme dans certains pays et l'incapacité de voir que le racisme n'est pas le fait de quelques personnes ignorantes ou malveillantes, mais est bien le fruit d'une construction politique et historique. En outre, les personnes discriminées sont les mieux à même de donner leur expertise sur les violences qu'elles subissent. À cet égard, il faut écouter les personnes qui se disent discriminées par la police, a déclaré Mme Diallo. Une bonne partie du racisme vient de l'État lui-même qui tolère les violences policières, a-t-elle poursuivi. Sans statistiques ethniques, il est impossible de lutter contre le racisme, a-t-elle averti. Le fait d'être aveugle aux couleurs rend aveugle aux discriminations, a-t-elle insisté. Les bons sentiments sont inefficaces pour lutter contre le racisme, car celui-ci est le fruit d'une lente construction politique et idéologique; seule l'éducation et la déconstruction des structures raciales peuvent mettre fin au racisme, a expliqué Mme Diallo.
Le harcèlement policier ne doit plus être accepté; il faut que chaque personne contrôlée par la police reçoive un document (récépissé) démontrant qu'elle a déjà été contrôlée et indiquant les raisons de ce contrôle. Enfin, une attention particulière doit être portée aux femmes, car le racisme et le sexisme marchent main dans la main, a souligné Mme Diallo. Des politiques antiracistes spécifiques aux femmes et aux personnes transgenres devraient être mises en place, a-t-elle affirmé.
M. MUTUMA RUTEERE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, a souligné que ces dernières années, les mécanismes des droits de l'homme ont été mis à l'épreuve sur la question des réfugiés. Les réfugiés sont de plus en plus considérés comme des menaces pour la société, a-t-il observé. La question du profilage est devenue importante dans le contexte des politiques de sécurité nationale et d'immigration; cette pratique a ciblé les populations minoritaires, a poursuivi le Rapporteur spécial. Dans les aéroports ou aux frontières, les individus sont soumis à des contrôles supplémentaires parce qu'ils sont issus des minorités et en raison de leur apparence, a-t-il rappelé; il ne faut pas que ces pratiques deviennent ordinaires, a souligné M. Ruteere.
Il faut adopter des mesures législatives pour lutter contre la discrimination et le racisme et interdire toute technique de profilage, a déclaré le Rapporteur spécial, avant d'insister sur l'importance de disposer d'instances de supervision. On ne peut pas attendre que les services de police opèrent leur propre supervision, a-t-il souligné. Les migrants sont particulièrement vulnérables à la discrimination fondée sur la race et la religion, a d'autre part fait observer le Rapporteur spécial. Il y a davantage de discriminations, dans les pays d'accueil, à l'encontre des réfugiés qui sont de culture différente, a-t-il relevé. Parfois, les gouvernements nient que la xénophobie soit présente dans la société ou alors cette dernière se voit défendue au nom de la liberté d'expression, a également fait observer M. Ruteere. Il faut engager des réformes simultanées au niveau institutionnel, politique et social pour renforcer l'intégration et la solidarité plutôt que l'exclusion, a-t-il déclaré. Cela passe aussi par la promotion d'un récit positif sur la contribution des groupes vulnérables à la vie sociale et politique, a-t-il souligné.
MME RACHEL NEILD, Conseillère sur la question du profilage ethnique et de la réforme de la police pour l'Open Society Justice Initiative, a insisté sur la nécessité de renoncer à la théorie du fruit qui gâche toute la corbeille, car lorsque l'on parle de profilage racial, il ne s'agit pas d'actes isolés; c'est une pratique qui est même souvent basée sur des ordres et il ne s'agit pas de quelques actes individuels. Le profilage racial est utilisé pour des délits peu importants, comme la possession de drogues; dans certains pays, l'essentiel des enquêtes se fait dans des zones dites de tolérance zéro. Quand les personnes se rendent compte que la police n'est pas juste, ils ont moins confiance et ne coopèrent plus avec elle, a souligné Mme Neild. En résultent des mauvaises conditions de travail pour la police et le risque de représailles et les résultats de ces opérations sont très mauvais, a expliqué Mme Neild. Avec la technique du ciblage, on ne résout que certains petits délits, a-t-elle insisté.
La bonne nouvelle, c'est que les activités de la police peuvent donc être plus justes et plus efficaces, a poursuivi Mme Neild. Il faut bien déterminer les pouvoirs de la police: le soupçon raisonnable doit être la norme pour justifier un contrôle d'identité, a-t-elle indiqué. Les dirigeants de la police doivent exercer une surveillance dans ce domaine et contribuer à former les policiers sur leurs véritables pouvoirs. Il faut engager des actions disciplinaires s'il est avéré que des actes de discrimination ont été commis. Les interpellations et arrestations doivent être fondées sur des renseignements. Peu de services de police ont de bonnes données concernant la vérification d'identité, a déploré Mme Neild. Les statistiques sur les contrôles d'identité doivent être transparentes et partagées avec les communautés au sein de la population, a-t-elle poursuivi. Il faut admettre l'existence d'une pratique du racisme sans quoi on ne pourra pas avancer sur ces questions, a conclu Mme Neild.
M. MILTOUS PAVLOU, Directeur de programmes au Département de la recherche sociale, de l'égalité et des droits des citoyens à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, a rappelé que les phénomènes d'apartheid social nous éloignent les uns des autres. Ne pas évoquer la contribution des migrants à la société entretient la peur, a-t-il souligné. Il faut améliorer l'éducation et renforcer l'information donnée au public. Il faut en outre améliorer les conditions de vie de tous. La discrimination et l'intolérance, entretenues en Europe par les populismes compte tenu du contexte sécuritaire, portent atteinte à la cohésion de la société et sont contre-productives d'un point de vue sécuritaire, a par ailleurs souligné M. Pavlou.
L'utilisation d'Internet comme source d'information contribue à un climat de peur, par la propagation d'informations non vérifiées, a poursuivi M. Pavlou. Le profilage ethnique est illégal et renforce la défiance du public à l'égard de la police, a-t-il en outre fait observer. La participation de la société, y compris des migrants et de leurs descendants, au travail de la police ne peut que se faire si le profilage ethnique est prohibé.
Débat
El Salvador, s'exprimant au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a indiqué que les migrants disposaient de mêmes droits que les autres, quel que soit leur statut juridique. La CELAC prévoit l'intégration des personnes migrantes dans la société. Tous les pays participant aux flux migratoires doivent lutter contre la traite et les discriminations. Aucun distinction ne doit être faite entre les migrants selon leur pays d'origine, a ajouté la délégation salvadorienne. L'Union européenne a rappelé à son tour que les discriminations sont toutes illégales, quelles qu'en soient les raisons. La crise des migrations exacerbe ce phénomène, a-t-elle relevé. Les États ont l'obligation de s'abstenir de toute forme de discrimination raciale; c'est une obligation juridique au sein de l'Union européenne. L'Union européenne soutient toutes les institutions nationales des droits de l'homme qui luttent contre les discriminations.
Le Pakistan, au nom de l'Organisation de coopération islamique (OCI), a assuré que les membres de l'OCI s'étaient toujours opposés à toutes les discriminations. Les instigateurs de l'intolérance jouent sur les craintes et les appréhensions des sociétés. Le Pakistan a en outre regretté la montée de la xénophobie. La discrimination économique et la pauvreté sont également une des composantes du profilage raciale.
Alors que le profilage racial et la xénophobie sont contraires à la Déclaration de Durban et pernicieux pour la dignité humaine, on observe que de nouvelles formes apparaissent, souvent encouragées par des États, a observé l'Inde, avant d'appuyer l'élaboration des normes complémentaires en matière de lutte contre le racisme. La République islamique d'Iran a déploré que certains États pratiquent ouvertement l'islamophobie, en ciblant les migrants musulmans ou en interdisant l'accès à leur territoire aux ressortissants de six pays musulmans.
Il est indéniable que les migrants apportent beaucoup aux pays d'accueil, a souligné la Sierra Leone, se demandant quelles mesures pouvaient être prises pour lutter contre les phénomènes de racisme, de xénophobie et de profilage racial. Du point de vue de la délégation du Mexique, la solution réside dans le changement de discours et la mise en valeur de l'apport des immigrés, tout en luttant contre les politiques de discrimination, comme la construction de murs. La délégation mexicaine s'est enquise des mesures que peuvent prendre les États pour défendre leurs citoyens lorsqu'ils sont victimes, à l'étranger, d'actes de xénophobie et de profilage racial. La Thaïlande a souhaité avoir des indications sur les moyens d'améliorer la protection des communautés de migrants, notamment les plus vulnérables d'entre eux, c'est-à-dire, les femmes , les enfants et les personnes handicapées.
L'Équateur a jugé déplorable que plus de quinze ans après la Déclaration et le Programme d'action de Durban, on entende encore des discours parlant de pureté raciale. Dans ce contexte, seule peut permettre de lutter contre ce phénomène une volonté politique telle que celle que déploie le Gouvernement équatorien pour la reconnaissance de l'apport des Afro-descendants en Équateur. Le Brésil, pays fondé dans la diversité, a rappelé accueillir des réfugiés de plus de 80 pays, après avoir facilité les visas humanitaires pour les personnes affectés par le conflit en Syrie. Le Brésil envisage aussi l'adoption d'un projet de loi sur les migrations qui prévoit d'accorder la résidence aux migrants illégaux et d'accroître la protection des personnes face au trafic des êtres humains.
Mais avant de lutter contre ces phénomènes, il faut se demander quelles en sont les causes, a souligné la Fédération de Russie. Or, elles sont connues, a-t-elle affirmé, expliquant que cela est imputable aux idées de supériorité raciale et religieuse qui ont conduit à l'esclavage, à la colonisation et à l'apartheid. Malheureusement, certains cherchent à réécrire l'histoire, a déploré la délégation russe. Elle a jugé inacceptable que les Nations Unies ne disposent que d'un demi-million de dollars par an pour lutter contre le racisme.
Les Émirats arabes unis ont souligné que le profilage racial se déroule loin des yeux du public et que les victimes sont souvent réticentes à porter plainte, ce qui entraîne l'impunité parmi les policiers.
Dans sa contribution aux efforts de lutte contre les fléaux dénoncés aujourd'hui, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a adopté, entre décembre 2015 et mars 2016, deux recommandations visant à combattre le discours de haine et à protéger les migrants de la discrimination, a indiqué le Conseil de l'Europe. Rappelant le consensus obtenu lors de la Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants (adoptée en septembre 2016), le Honduras a souligné que ce texte inclut l'interdiction des discours de haine et de la stigmatisation des migrants et que par conséquent les États doivent tenir leurs engagements en la matière. La Grèce, pays très affecté par la crise des migrants, a indiqué avoir durci les sanctions contre les crimes racistes.
Selon la délégation du Pakistan, il faut tout simplement interdire les discours et politiques de haine. Cela est d'autant plus nécessaire qu'ils sont incompatibles avec les engagements internationaux des États, a souligné le Honduras, ajoutant que lorsque les États encouragent ces pratiques, ils exacerbent la vulnérabilité des plus vulnérables. Il faut également veiller au respect des droits de l'homme aux postes frontière, a souligné la Bolivie, qui a annoncé qu'elle accueillerait les 20 et 21 juin prochain, à Cochabamba, la Conférence mondiale des peuples, dont le thème cette année portera sur: «Construire un monde sans frontières et pour une citoyenneté universelle».
Les pays où sévissent ces idéologies haineuses sont aussi ceux qui se complaisent dans un sentiment de supériorité lorsqu'il s'agit des droits de l'homme, a fait observer la Malaisie. Les discours «eux contre nous», qui stigmatisent une religion, renforcent et nourrissent le terrorisme, a-t-elle souligné. C'est bien dans le monde occidental que ces discours de haine augmentent, tant dans la sphère publique que dans la sphère politique sous prétexte de sécurité nationale, a relevé le Venezuela. Quel rôle peut jouer le droit au développement dans la lutte contre ces phénomènes, a pour sa part demandé le Bangladesh?
L'Afrique du Sud a souligné que les personnes qui fuient, au péril de leur vie, la guerre et les persécutions sont les principales victimes des discriminations. L'Afrique du Sud a identifié l'ennemi, parmi d'autres, que constitue le déni du racisme par les autorités. Il ne faut pas fermer les yeux sur les responsabilités des États sur cette question, a-t-elle insisté.
Le Portugal a souligné que le profilage racial est incompatible avec les dispositions internationales de lutte contre les discriminations. Malgré son inefficacité, le profilage racial reste courant au sein des forces de l'ordre, a affirmé la délégation portugaise. Le profilage et la discrimination sont encouragés par les discours xénophobes de certains partis politiques, a-t-elle ajouté. Le Nigéria a souligné que des remarques formulées par certains dirigeants du monde sont très inquiétantes; elles prennent pour cible les minorités, les réfugiés, les migrants et les personnes d'ascendance africaine, notamment. Relevant que des personnes d'ascendance africaine ont été tuées par les forces de l'ordre dans certains pays, le Nigéria a insisté pour que les forces de l'ordre responsables de ces actes soient traduites en justice.
La Libye a demandé aux panélistes comment une personne peut arriver illégalement dans un pays étranger et s'attendre à être reçu comme un héros. Elle a aussi souhaité savoir ce qu'il fallait penser des médias et des productions cinématographiques qui encouragent des discours haineux.
L'Iraq a regretté que les discours haineux et le profilage racial soient désormais répandus. Les terroristes, en semant la mort, ont entraîné des politiques discriminatoires dans leur sillage, a fait observer l'Iraq; il faut s'attaquer sérieusement à l'extrémisme et à la violence. La Namibie a souligné que le profilage racial avait des conséquences destructrices. Le profilage racial, en nette augmentation dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sert de Cheval de Troie pour répandre cette pratique dans toutes les opérations de sécurité. Ce profilage vise particulièrement les Africains, a relevé la délégation namibienne.
Le Kirghizistan a rappelé que la discrimination raciale était un des problèmes les plus aigus en matière de protection des droits de l'homme. Les migrations de masse ont entraîné la propagation d'un discours politique haineux, a observé le pays. au Kirghizistan, la situation des minorités fait l'objet d'une attention accrue de la part du Gouvernement, pour assurer leur participation à la politique nationale.
Le Bénin a lui aussi estimé que les manifestations de xénophobie et de racisme à l'encontre des migrants atteignaient un niveau alarmant. La rhétorique anti-migrants relayée par certains médias et certaines forces politiques exacerbe le racisme et les tensions sociales. L'éducation est essentielle pour assurer le respect mutuel et la tolérance au sein des populations. La lutte contre l'incitation à la haine sur Internet est un véritable enjeu, a ajouté le Bénin. La Tunisie, s'exprimant au nom du Groupe africain, a également déploré les nombreuses manifestations de haine à l'encontre des migrants. La guerre a beaucoup contribué à l'explosion des migrations. Mais de nombreux pays de destination n'ont pas les moyens d'accueillir autant de réfugiés. La question du développement est donc centrale, a souligné la Tunisie. Aucune groupe religieux, linguistique ou culturel ne devrait être soumis à une quelconque forme de profilage, a ajouté la Tunisie.
Les Fidji ont rappelé que le racisme avait été institutionnalisé par la colonisation. Il faut dépasser les discours sur la race en politique. Aux Fidji, l'égalité des citoyens, l'élimination de la corruption et l'indépendance des pouvoirs judiciaires sont garantis par la Constitution.
Au nombre des organisations non gouvernementales qui se sont exprimées, Advocates for Human Rights s'est dit très inquiet au sujet des incidents dont sont victimes les migrants aux États-Unis. Les changements récents suscitent des inquiétudes. Les migrants sans papiers sont de plus en plus préoccupés par leur situation aux États-Unis; certains sont arrêtés sans raison et cela accroît les tensions entre les migrants et les forces de l'ordre, a souligné l'ONG. Elle s'est en outre dite très préoccupée par la pratique du profilage, notamment à l'encontre des populations musulmanes, à l'entrée des États-Unis. Pour Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil, les politiques sécuritaires sont une cause de la discrimination à l'encontre des populations migrantes. Les migrants sont vus dans leur ensemble comme suspects. Il est important de lutter contre l'utilisation du profilage racial, a souligné l'ONG.
Le Mouvement international contre toutes les formes de discrimination a déploré l'absence de mesures contre les discours de haine dans le domaine politique. Les réfugiés deviennent les boucs émissaires de certains gouvernements, a en outre déploré l'ONG. Il ne faut pas oublier les victimes de discriminations basées sur le sexe ou le genre, a-t-elle ajouté.
La Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme a relevé qu'en dépit de tous les efforts des associations de la société civile et de la communauté internationale, les discriminations raciales et la xénophobie ont pris des proportions importantes dans les discours politiques. La pratique du profilage racial est contraire au droit international et aux droits de l'homme, a rappelé l'ONG. Il n'y pas de crise de réfugiés et des migrants mais une crise du politique qui manque à ses obligations de respecter les dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés, a-t-elle affirmé.
Article 19 - Centre international contre la censure a souligné que la liberté d'expression et les droits à l'égalité se renforcent mutuellement. Le discours racial cause beaucoup de torts et il faut le contrer, a ajouté l'ONG, déplorant que les discours contre les minorités se fasse sous le prétexte fallacieux de la liberté d'expression. Le Plan d'action de Durban montre bien qu'il faut renforcer les politiques publiques pour soutenir l'indépendance et le pluralisme dans les médias, a ajouté l'ONG.
The Palestine Return Center LTd a souligné que les Palestiniens sont une minorité qui souffre de ne pas pouvoir exercer son droit au retour; les Israéliens les en empêchent. De plus, les Israéliens sont responsables de nombreuses discriminations à l'encontre des Palestiniens, a ajouté l'ONG. La destruction des maisons de Palestiniens a beaucoup augmenté ces dernières années, a-t-elle rappelé, déploré le manque de volonté de poursuivre les auteurs de tels actes pour faire en sorte qu'Israël respecte ses engagements internationaux.
Africa Culture international a condamné toute forme de discrimination. Au Baloutchistan, les abus systématiques des droits constituent une véritable politique de l'État pakistanais pour intimider et menacer les populations locales; les disparitions forcées se poursuivent, ainsi que les assassinats.
L'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a relevé que les migrations exacerbaient le racisme et les discriminations. Face à ces phénomènes, il faut assurer une éducation de qualité, a souligné l'ONG, avant de plaider pour l'instauration de centres culturels pour assurer la participation des migrants.
Réponses et conclusions des panélistes
MME CRICKLEY a souligné le caractère mondial de la discrimination raciale. Notre capacité à nous aveugler devant ce phénomène est un fléau, a-t-elle rappelé. Des politiques concrètes doivent être mises en œuvre pour lutter contre le racisme, a insisté la Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.
MME DIALLO a rappelé que certaines personnes souffraient de double discrimination, notamment les femmes et les personnes LGBTI. Elle a ensuite appelé à mettre fin aux pratiques discriminatoires adoptées après les attentats terroristes en Europe l'an dernier. Les migrants sont particulièrement ciblés par ces pratiques, comme on l'a vu à Calais et à Paris, a-t-elle précisé. Le racisme est diffusé par des personnes en position de pouvoir qui font de la haine une recette électorale, relayée par les médias et les éditorialistes, tant en Europe qu'aux États-Unis, a déploré la journaliste.
Mme Diallo a déclaré que les élites, tant politiques que médiatiques ont une responsabilité dans la diffusion d'idées racistes et xénophobes. Cela dit, il faut avoir à l'esprit que légalement, le blasphème n'est pas interdit; on a le droit de critiquer une religion. Ce qui est en revanche interdit, c'est le fait de critiquer les croyances d'une personne, sur la seule base de sa religion, a expliqué la panéliste. Elle a également observé qu'il y avait une inégalité dans la migration. En tant que Française, et avec son passeport français, elle peut se rendre presque n'importe où dans le monde, alors que cette liberté n'existe pas pour d'autres pays, comme celui d'origine de ses parents, le Sénégal. Cette inégalité est due aux rapports de forces entre pays, a-t-elle souligné.
M. RUTEERE a souligné que le système international de protection des droits de l'homme et les valeurs portées par les Nations Unies étaient en danger. La normalisation des préjugés racistes qui étaient auparavant dissimulés est regrettable, a-t-il ajouté. Le Rapporteur spécial a salué le travail essentiel effectué par les organisations non gouvernementales.
M. Ruteere a estimé qu'il y a évidemment un lien entre pauvreté, crise économique, mouvements migratoires, discours de haine et discriminations. Pour mieux comprendre ce lien, il faut des données statistiques ventilées. Or, certains États refusent de collecter ces données, a fait observer le Rapporteur spécial.
MME NEILD a indiqué que les officiers de police regrettaient de voir la confiance de la population à leur égard disparaître. Les services publics ne doivent pas participer à la répression des personnes sans-papiers, a estimé Mme Neild. Les migrants doivent avoir confiance en la police afin d'être en mesure de rapporter les délits dont ils sont victimes. Les systèmes de collecte de données et de prévision sont de plus en plus opaques et servent parfois au profilage racial, a ajouté Mme Neild.
Mme Neild a estimé que la question de la pénalisation de la parole est assez difficile, comme on le voit dans beaucoup de pays. Elle s'est d'ailleurs demandée si on devait aller dans cette voie, dans un contexte où l'on voit à travers le monde l'espace de la société civile se rétrécir. Au lieu de cela, Mme Neild a plaidé pour une pénalisation du profilage de groupe et pour une implication des communautés dans les démarches à entreprendre.
M. PAVLOU a souligné que le public devait être éduqué et se baser sur des informations correctes, étayées par des preuves. Un manuel est en train d'être rédigé sur les rapports entre les nouvelles technologies et le profilage, a indiqué le Directeur de programmes à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Avant de réfléchir à le nécessité d'avoir de nouveaux outils juridiques, il faut d'abord utiliser ceux déjà disponibles, a souligné M. Pavlou. C'est ce qu'essaie de faire l'Union européenne en revoyant ses mécanismes actuels, a-t-il indiqué.
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*Les délégations et organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat sur le profilage raciale et l'incitation à la haine: El Salvador (au nom de la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes); Union européenne; Pakistan (au nom de l’Organisation de coopération islamique - OCI); Inde; République islamique d’Iran; Sierra Leone; Mexique; Thaïlande; Équateur; Brésil; Fédération de Russie; Émirats arabes unis; Conseil de l’Europe; Honduras; Grèce; Pakistan; Honduras; Bolivie; Malaisie; Venezuela; Bangladesh; Afrique du Sud; Portugal; Nigéria; Libye; Iraq; Namibie; Kirghizistan; Bénin; Tunisie; Fidji; Advocates for Human Rights; Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme; Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil; Article 19 - Centre international contre la censure; The Palestinian Return Centre Ltd; Africa Culture Internationale; et l'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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