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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LA PRÉSENTATION DES RAPPORTS SUR LA DETTE EXTÉRIEURE ET SUR LE LOGEMENT CONVENABLE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, l'Expert indépendant sur les effets de la dette extérieure sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, M. de Juan Pablo Bohoslavsky, et la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable, Mme Leilani Farha, présenter leurs rapports respectifs.

M. Bohoslavsky a indiqué que son rapport thématique porte, cette année, sur les droits du travail dans le cadre des réformes économiques et des mesures d'austérité ainsi que sur leurs répercussions en matière des droits de l'homme. L'Expert indépendant a observé que les réformes du marché du travail, promues par les institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international (FMI), avaient entraîné une régression, en particulier en matière d'égalité entre les sexes, de salaire et d'augmentation de l'insécurité et du travail informel. Ces réformes incluent le gel ou la réduction des salaires, y compris des salaires minimums, l'extension des durées légales de travail ou même le placement des travailleurs dans des situations de précarité. Entre 2001 et 2015, 89 pays ont appliqué ces mesures d'austérité, dont 49% dans les pays en développement, ce qui donne la mesure de l'enjeu des réformes, a déclaré en substance l'Expert indépendant, qui a également présenté au Conseil les conclusions de sa visite aux institutions de l'Union européenne.

L'Expert indépendant a notamment exprimé son inquiétude s'agissant de la dette extérieure du Mozambique et de Puerto Rico, un territoire sous souveraineté des États-Unis, soulignant néanmoins qu'aucun de ces pays n'avait répondu à son questionnaire.

La Rapporteuse spéciale sur le logement convenable, dont le rapport thématique porte sur la «financiarisation du logement» et ses répercussions sur les droits de l'homme, en particulier le droit à un logement convenable, a fait observer que ces dernières années, le secteur du logement a été transformé par un certain nombre d'acteurs mondiaux qui ont investi des masses de capitaux dans des logements utilisés comme marchandises et ont fait du logement un «produit» ou un moyen d'accumulation de la richesse. Le logement a perdu sa valeur en tant que droit de l'homme universel, a-t-elle constaté. Mme Farha a également présenté les rapports relatifs aux visites qu'elle a effectuées en Inde et au Portugal.


Cet après-midi, à compter de 15h30, le Conseil doit tenir sa réunion-débat biannuelle de haut niveau sur la peine de mort.


Présentation des rapports sur la dette extérieure et sur le logement convenable

Le Conseil est saisi d'une note du Secrétariat transmettant le Rapport de l'Expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels (A/HRC/34/57 et A/HRC/34/57/Add.1), qui porte sur les droits du travail dans le cadre des réformes économiques et des mesures d'austérité.

Le Conseil est également saisi d'une note du Secrétariat transmettant le rapport de la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard (A/HRC/34/51, A/HRC/34/51/Add.1 et A/HRC/34/51/Add.2).

M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que son rapport thématique de cette année, porte sur les réformes du marché du travail dans le cadre des mesures d'austérité, affectant les droits de l'homme. Pour établir le rapport, il a adressé un questionnaire aux États, aux institutions nationales des droits de l'homme et aux organisations de la société civile. M. Bohoslavsky a observé que les réformes du marché du travail sont promues par les institutions financières internationales. Ces réformes incluent le gel ou la réduction des salaires, y compris des salaires minimums, l'extension des durées légales de travail ou même le placement des travailleurs dans des situations de précarité. Entre 2001 et 2015, 89 pays ont appliqué ces mesures d'austérité, dont 49% dans les pays en développement, a chiffré l'Expert indépendant.

Cette tendance correspond à celle, prédominante au sein des institutions financières internationales, a-t-il signalé, citant le cas du Fonds monétaire international (FMI), qui a promu, à plusieurs reprises, une modération dans les normes relatives au travail. Une de ses positions a toujours été la dérégulation, a expliqué l'Expert indépendant, qui a ajouté qu'entre 1998 et 2005, dans près d'un tiers des lettres adressées par le FMI aux États, il leur recommande d'accroître la flexibilité dans le domaine du travail. Cependant, il n'y a aucune preuve empirique que la flexibilisation du marché de l'emploi ait entrainé une croissance économique ou favorisé l'emploi. En revanche, les réformes ont entrainé une régression, en particulier en matière d'égalité entre les sexes, de salaire et d'augmentation de l'insécurité et du travail informel. Le rapport contient plusieurs recommandations, notamment sur la prise en considération des répercussions des réformes d'un point de vue social et sur les droits de l'homme; ou de l'implication des employés et des syndicats dans l'élaboration et la mise en œuvre des réformes.

L'Expert indépendant a aussi soumis un rapport sur sa visite aux instituions de l'Union européenne (A/HRC/3457/Add.1). Dans ses conclusions, il a indiqué que si les États membres de l'Union européenne ont globalement accru leur protection sociale en réponse à la crise financière qui a frappé plusieurs d'entre eux, les pays touchés par la crise de la dette extérieure ont pour leur part opéré des coupes budgétaires dans les programmes sociaux, notamment la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Les réformes économiques doivent être prises et évaluées sous l'angle des droits de l'homme, a conseillé l'Expert indépendant.

M. Bohoslavsky a également exprimé son inquiétude s'agissant de la dette extérieure du Mozambique et de Puerto Rico, un territoire sous souveraineté des États-Unis, soulignant néanmoins qu'aucun de ces pays n'a répondu à son questionnaire. Ayant visité la Tunisie et discuté avec les institutions financières sur place, il a insisté sur la nécessité de contribuer à la consolidation des droits de l'homme dans le pays dans le contexte de l'après-révolution de 2011. L'Expert indépendant compte en outre visiter la Suisse et le Panama cette année. Une autre de ses priorités dans le cadre de son mandat est d'identifier le bonnes pratiques dans la manière dont les États répondent à la question de la dette extérieure, en lien avec leurs obligations au regard des droits de l'homme.

De son côté, MME LEILANI FARHA, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, a présenté son rapport thématique sur la «financiarisation du logement» et ses répercussions sur les droits de l'homme, en particulier le droit à un logement convenable. Mme Farha a également rendu compte de ses visites en Inde et au Portugal en avril et décembre 2016, respectivement.

La Rapporteuse spéciale a constaté que ces dernières années le secteur du logement a été transformé par un certain nombre d'acteurs mondiaux qui ont investi des masses de capitaux dans des logements utilisés comme marchandises et ont fait du logement un «produit» ou un moyen d'accumulation de la richesse plutôt que d'un lieu où les familles prospèrent. Le logement a perdu sa valeur en tant que droit de l'homme universel, a tranché Mme Farha, pour qui cette situation pousse les gens à la rue. Les banques et les fonds de pension considèrent que des logements dans certaines villes sont des paradis fiscaux ou des domaines où ils peuvent investir des capitaux en excédent. Lorsque les prix de l'immobilier augmentent de manière immodérée, les personnes ont du mal à se loger. La Rapporteuse spéciale a expliqué qu'en Espagne, par exemple, 300 mille expulsions avaient été ordonnées alors que les investisseurs, eux, échappent à la reddition de comptes. En règle générale, les États favorisent les investisseurs, a souligné Mme Farha. Même en Europe, les logements sont le fruit de spéculation, a-t-elle relevé, notant également que la financiarisation sape les valeurs démocratiques. Des individus milliardaires jouent un rôle de plus en plus important dans la prise de décision, a-t-elle encore remarqué: l'on crée plus de richesse pour les riches et l'on appauvrit les plus pauvres. D'autre part, la financiarisation rompt le lien entre le logement et les communautés ce qui implique une déshumanisation. Néanmoins, Mme Fahra s'est déclarée encouragée d'apprendre que certains Gouvernements ont commencé à réagir face à cette situation pour limiter les excès. Il y a, par exemple, des restrictions à l'achat de logements résidentiels par des étrangers. Il est, cependant, nécessaire de changer le cap de manière plus radicale, a affirmé la Rapporteuse spéciale pour qui il est indispensable que le marché assure l'accès au logement. L'idée de laisser les marchés fonctionner selon leurs propres règles ne suffit pas à répondre aux obligations de l'État d'assurer un logement décent.

Forte de ces constatations, Mme Farha a souligné qu'il fallait changer de paradigme, à commencer par abandonner l'idée de la financiarisation du logement et à s'assurer que celui-ci devienne un droit de l'homme. Concrètement, les Objectifs de développement durable permettent aux États de travailler avec les organes de règlementation pour garantir le droit au logement. Les tribunaux doivent, de leur côté, interpréter les lois et politiques nationales de sorte à ce que le droit à un logement décent soit pleinement respecté. Il faut canaliser les ressources disponibles pour assurer l'accès à un logement décent, a encore proposée la Rapporteuse spéciale.

Suite à sa visite en Inde, Mme Farha a expliqué que ce pays allait devenir le plus peuplé du monde avec 1,3 milliard d'habitants. L'Inde est à un tournant concernant le droit à un logement décent, a souligné Mme Farha. Plus de 58 millions de foyers n'ont pas accès à un logement décent. Des efforts doivent être déployés à tous les niveaux. Le pays est sur la bonne voie avec son programme «un logement pour tous», a estimé la Rapporteuse spéciale. Le programme vise à loger 100 millions de personnes d'ici 2022. Mme Farha s'est néanmoins montrée préoccupée par des violations graves du droit à un logement notamment sur la question des expulsions forcées et les personnes sans logement. Ces personnes vivent dans des conditions extrêmes, a-t-elle constaté. Après avoir noté que la Cour suprême avait pris des décisions visant à réaffirmer, la Rapporteuse spéciale a encouragé l'Inde à mettre en place une loi nationale sur le logement à partir de l'angle des droits de l'homme.

S'agissant de sa visite au Portugal, la Rapporteuse spéciale a souligné que la constitution portugaise jetait des bases solides pour le droit au logement. Malgré tout, la crise financière et les mesures prises pour la surmonter ont créé de situations difficiles en matière de logement pour de nombreuses personnes. Toutefois, le Portugal a adopté des mesures pour atténuer les effets de cette situation, a souligné Mme Farha.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC17/010F