Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DE LA DETTE EXTERIEURE ET DU LOGEMENT CONVENABLE
Le Conseil a tenu, à la mi-journée, un débat interactif groupé avec deux titulaires de mandat qui lui avaient présenté hier leurs rapports respectifs, à savoir l'Expert indépendant sur les effets de la dette extérieure sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, M. de Juan Pablo Bohoslavsky, et la Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, Mme Leilani Farha. Le Conseil a également entendu une déclaration du Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères du Mexique, M. Miguel Ruiz Cabañas Izquierdo.
Ce dernier a notamment souligné que les mesures de sécurité prises à l'encontre de groupes ou de populations spécifiques ou leur stigmatisation voire leur criminalisation sont incompatibles avec l'état de droit. M. Cabañas Izquierdo a ajouté que le Mexique n'accepterait pas la construction de murs entre les nations et les personnes – murs qui, selon lui, matérialisent l'extrémisme et l'intolérance.
Sont également intervenus durant la séance l'Union européenne, en tant que partie concernée par le rapport de M. Bohoslavsky, ainsi que l'Inde, le Portugal et une représentante du bureau de l'Ombudsman du Portugal, pour leur part directement concernés par le rapport de Mme Farha.
De nombreuses délégations* et plusieurs représentants de la société civile** sont intervenus dans le cadre du débat interactif sur les rapports de ces deux titulaires de mandat.
S'agissant du logement convenable, plusieurs États ont mis en exergue l'importance d'un logement décent et d'un coût abordable dans le cadre des Objectifs de développement durable à l'horizon 2030. En outre, plusieurs orateurs ont souligné le rôle néfaste des acteurs financiers qui spéculent sur les logements, devenus une marchandise et un moyen d'accumuler de l'argent, ce qui les rend inaccessibles aux plus vulnérables. Toutefois, d'autres délégations ont rappelé que leurs pays avaient besoin d'investissements étrangers pour construire plus de logements.
Se penchant sur l'impact sur les droits de l'homme des mesures d'ajustements prises pour résoudre la crise de la dette extérieure, plusieurs intervenants ont souligné que les mesures d'ajustement budgétaire ont entraîné une récession économique et des coupes budgétaires dans les programmes sociaux. La situation sociale des pays concernés en a été gravement affectée, ont-ils fait observer. Il a été recommandé que les institutions financières internationales prennent en compte l'impact des programmes qu'elles préconisent sur les droits de l'homme. Certaines délégations, parmi lesquelles l'Union européenne, ont rappelé que les pays assujettis à des programmes d'ajustement structurel auraient fait face à des situations sociales bien plus dramatiques sans les transferts de fonds massifs dont ils ont bénéficié.
Le Conseil entendra cet après-midi la présentation des rapports respectifs du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme et du Rapporteur spécial sur la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, avant de tenir un débat interactif groupé avec ces deux titulaires de mandat.
Déclaration du Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme du Mexique
M.MIGUEL RUIZ CABAÑAS IZQUIERDO, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères du Mexique, a jugé préoccupant que certaines voix s'élèvent aujourd'hui pour remettre en question les bases des institutions internationales que les efforts collectifs ont servi à bâtir. Ces voix ignorent les principes universels et les promesses faites pour les défendre. Les droits de l'homme sont universels, interdépendants et interconnectés. Il n'est pas possible d'en défendre certains et d'ignorer les autres, a insisté M. Cabañas Izquierdo, ajoutant que les normes collectivement établies stipulent clairement l'obligation de défendre ces droits pour toute personne, indépendamment de son origine, de sa nationalité et autres caractéristiques.
C'est pour cela qu'il faut condamner l'ultranationalisme et ne pas accepter les mesures régressives adoptées de manière unilatérale, a poursuivi le Sous-Secrétaire mexicain. Les mesures de sécurité prises à l'encontre de groupes ou de populations spécifiques ou leur stigmatisation voire leur criminalisation ne conviennent pas à l'état de droit, a-t-il en outre souligné, ajoutant qu'en ce qui le concerne, le Mexique protègera ses ressortissants de l'extérieur. Pour ce faire, le Gouvernement mexicain a mis en place un programme visant à leur faire connaître leurs droits et recourra aux instances juridictionnelles multilatérales pertinentes si leurs droits venaient à être violés, a insisté M. Cabañas Izquierdo. Le Mexique n'acceptera par ailleurs pas la construction de murs entre les nations et les personnes – murs qui matérialisent l'extrémisme et l'intolérance, a-t-il déclaré. Le pays veillera au respect des droits de ses ressortissant vivant aux États-Unis, de même que dans d'autres pays, a-t-il précisé. Il a enfin indiqué que le Mexique était candidat à un siège de membre du Conseil des droits de l'homme pour la période 2018-2020.
Examen des rapports sur la dette extérieure et sur le logement convenable
Pays ou parties concernés
L'Union Européenne, s'exprimant en tant que partie concernée par le rapport de l'Expert indépendant sur la dette extérieure, a assuré avoir pris en compte la justice sociale dans la mise en œuvre des politiques d'ajustements auxquelles certains membre de l'Union ont eu recours. En lien avec la politique impulsée par le Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, la Commission s'est engagée à porter une attention particulière à la justice sociale dans les nouveaux programmes, en mettant en place une évaluation de l'impact social, pour s'assurer que les ajustements soient équitablement répartis. Toutefois, la responsabilité finale dans la formulation et la mise en œuvre des politiques économiques prévues par le programme revient aux États parties. L'Union européenne est d'avis que le rapport de l'Expert indépendant sur la dette extérieure n'a pas pris en compte le contexte économique particulier et l'urgence qui ont présidé à la rédaction des programmes d'ajustements. Les États qui ont eu recours aux programmes d'ajustements étaient à quelques semaines de faire défaut sur leurs dettes. C'est la crise de la dette qui a mené aux difficultés sociales de certains pays, et non pas la réponse que l'Union Européenne lui a apporté. Par ailleurs, l'Union européenne rejette la conclusion selon laquelle les programmes d'ajustements ont entraîné des mesures fiscales et économiques qui ont à leur tour provoqué de plus grandes difficultés sociales. Sans ces programmes – et les transferts extrêmement importants de fonds qu'ils ont entrainés – les États auraient dû prendre des décisions qui auraient encore plus aggravé la situation. Au contraire, la discipline fiscale offre un développement sain et durable, a conclu l'Union européenne.
Relevant que la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable avait fait état de manques importants dans les infrastructures assurant la jouissance du droit à un logement décent dans le pays et évoqué des expulsions forcées liées à la construction de projets de grand ampleur, l'Inde a assuré que le logement convenable, particulièrement pour les personnes vulnérables, est une priorité du Gouvernement indien. Les nombreuses institutions qui ont été mises en place pour favoriser le logement ont eu des effets bénéfiques sur le logement, a-t-elle indiqué. Par ailleurs, le droit au logement a été reconnu par la Cour suprême, a fait valoir la délégation indienne. En juin 2015, le Premier Ministre, M. Narendra Modi, a lancé un projet intitulé «Un logement pour tous d'ici à 2022» qui prévoit la création de 20 millions de logements d'ici à 2022. Ce projet est la pierre angulaire de l'accès à un logement convenable en Inde, a souligné la délégation. En outre, plusieurs gouvernements d'États fédérés ont déjà mis en place des projets de logements à bas coût. L'urbanisation a fait de la question du logement décent une des questions les plus pressantes de notre temps, a poursuivi l'Inde. Le Gouvernement indien travaille à faciliter l'investissement afin de réduire l'écart entre le nombre de logements et le nombre de demandeurs. De surcroît, des abris sont proposés aux sans-abri et aux vendeurs de rue. Evoquant les «villes intelligentes», l'Inde a tenu à rappeler que 15% des habitations de ces villes seraient réservés à des logements abordables. L'Inde a affirmé que les recommandations contenues dans le rapport de Mme Farha étaient très générales et devraient être revues à l'aune des politiques publiques nationales et de la réalité du terrain.
Pays également concerné par le rapport de la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable, le Portugal a rappelé que tous les titulaires de mandat avaient un accès illimité au territoire portugais. Le droit à un logement adéquat est constitutionnellement protégé au Portugal, a rappelé la délégation portugaise. Elle a ensuite souligné que les mesures d'austérité avaient effectivement eu un effet plus important sur les personnes qui étaient déjà plus vulnérables, comme l'a relevé le rapport de Mme Farha; nombre d'actions menées par le Gouvernement portugais pour en limiter les effets ont néanmoins porté leurs fruits, a ajouté la délégation. Un système de logements à loyers modérés est en place, a-t-elle fait valoir. Un fonds national de rénovation des bâtiments est également à l'œuvre. Les citoyens portugais d'origine immigrée sont les plus touchés, a ensuite fait observer la délégation. Les habitats dits «non conventionnels» représentent 0,1% du logement au Portugal, a-t-elle précisé. En conclusion, le Portugal a appuyé le mandat de la Rapporteuse spéciale et s'est engagé à poursuivre sa collaboration avec elle.
La représentante du bureau de l'Ombudsman du Portugal a indiqué que l'Ombudsman s'était engagé à protéger le droit au logement et s'était opposé à la destruction de plusieurs bâtiments. Elle s'est déclarée préoccupée par les habitations officieuses, particulièrement autour de Lisbonne. Le nombre de personnes précaires a baissé au cours des dernières années, mais du chemin reste à parcourir, a-t-elle ajouté. Le travail de la Rapporteuse spéciale a été repris et mentionné par le bureau de l'Ombudsman dans un rapport transmis au Gouvernement portugais, a-t-elle fait valoir.
Débat
S'agissant de la dette extérieure, le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, et le Brésil ont insisté sur l'importance de préserver les droits fondamentaux dans le cadre des plans d'austérité. Le Pakistan a déclaré souscrire aux conclusions de l'expert indépendant sur le fait que l'austérité budgétaire ne devrait pas être envisagée comme la seule réponse à la crise économique. De même, la Grèce a expliqué que, dans son propre cas, lors de la crise de la dette, le plan de la Banque centrale européenne n'avait pas pris en compte les droits sociaux, économiques et culturels des populations les plus vulnérables. L'Équateur a regretté de même que les acteurs financiers ignorent les effets de leurs décisions sur les droits fondamentaux des populations.
Cuba a condamné pour sa part l'érosion des droits des travailleurs à laquelle on assiste depuis le début de la crise financière en 2008. Cette crise a dévoilé la nature prédatrice des marchés, a commenté la Bolivie, qui a mis l'accent sur les «synergies négatives» de cette crise dans plusieurs régions du monde. S'exprimant dans les mêmes termes, le Ghana a fait remarquer que les institutions financières s'attaquent aux droits des travailleurs au lieu de les défendre. Le Venezuela a encouragé les réformes législatives allant dans le sens des droits des travailleurs. Confronté à des difficultés économiques dues à des facteurs internes et externes, le Venezuela, frappé de plein fouet par la chute des prix du pétrole, ne donnera jamais la priorité au capital au détriment de l'humain, a affirmé le représentant de ce pays.
La Chine a souligné que l'octroi de l'aide publique au développement devait toujours se faire dans le respect de la souveraineté des États. Cette aide doit avoir pour objectif majeur de favoriser le développement durable des nations en développement, notamment aux fins de parvenir à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement et du développement durable. L'Algérie a insisté, à l'instar de l'Expert indépendant, sur les répercussions désastreuses des programmes d'ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales et appelé à prévenir les crises de la dette extérieure à travers une coopération renforcée et l'aide publique au développement.
L'Afrique du Sud a insisté sur la nécessité d'obliger les entreprises à respecter les droits de l'homme. Les inégalités qui découlent des activités des entreprises ne peuvent être ignorées, a souligné la délégation sud-africaine. La Finlande a demandé à la Banque mondiale de s'engager pour les droits de l'homme et de veiller à ce que ses projets ne contreviennent pas à ces droits. Pour l'Égypte, la question est de savoir comment coordonner les activités des institutions financières internationales afin qu'elles octroient les crédits nécessaires sans les assortir de conditions insoutenables.
L'Allemagne a dit avoir adopté un plan d'action nationale sur l'économie et les droits de l'homme.
Le Bangladesh a appuyé la recommandation de l'Expert indépendant sur la nécessité d'appliquer le principe de diligence raisonnable, ajoutant à cet égard que toutes les propositions de réforme économique doivent être en harmonie avec la situation particulière des pays concernés, surtout s'agissant des nations affectées par les effets du changement climatique. Le Bangladesh s'est félicité de l'approche adoptée par l'Expert indépendant et s'est demandé comment faire face aux conditionnalités des institutions financières internationales dans la gestion de la dette. Il a en particulier insisté sur la création de filets de sécurité. La Tunisie a réitéré son attachement au dialogue entre l'État, les différents secteurs impliqués et la société civile pour pallier ou prévenir les répercussions des politiques d'ajustement structurel. La délégation s'est félicitée de l'appel lancé aux pays concernés en vue de la restitution des avoirs volés au peuple tunisien.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont participé au débat. Khiam Rehablitaion Center for Victims of Violence a déclaré que la dette de Bahreïn avait explosé à cause de ses choix politiques: plus d'un tiers du budget de l'État est investi dans des activités militaires, a affirmé le représentant. Human Rights Advocates a déclaré que, dans un monde où huit personnes détiennent à elles seules 17% des richesses, il faut collecter l'impôt d'une manière plus profitable à la collectivité. L'Alliance internationale d'aide à l'enfance a pour sa part demandé aux gouvernements de prendre des mesures fiscales et financières au profit des enfants. Le Centre indépendant de recherches et d'initiatives pour le dialogue (CIRID) a souhaité connaître le montant total des fonds illicites exportés et détenus dans des pays étrangers et s'est interrogée sur la manière de rapatrier ces fonds.
S'agissant du logement convenable, la Chine a présenté son plan pour le logement convenable, prévoyant la construction de milliers de logements et l'allocation d'une enveloppe budgétaire substantielle à cet effet. Le Brésil et le Maroc ont présenté eux aussi les mesures qu'ils ont prises pour faciliter l'accès au logement pour tous. Le programme brésilien «Ma vie, mon logement» vise l'accès universel au logement pour tous d'ici à 2030.
De l'avis de la Libye, le logement convenable est le socle de stabilité de toute société. Le représentant libyen a mis l'accent sur la recommandation de la Rapporteuse spéciale relative à l'élaboration d'un plan pour un logement convenable dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Le logement est un droit social qui contribue à la sécurité et à l'épanouissement des personnes, a renchéri le Bénin, qui a demandé aux États de garantir ce droit. Le Bénin a prévu de construire des logements d'ici à 2030 au profit de toute les couches de la population.
Pour l'Éthiopie, le respect du droit à un logement convenable dépend de l'action concertée de tous les acteurs concernés, en particulier les entreprises privées. Le Gouvernement éthiopien s'apprête à construire des logements pour les catégories vulnérables et à lancer un plan de rénovation des logements précaires.
La Malaisie a indiqué avoir approuvé la construction – par le biais de partenariats public-privé – de plus de 260 000 logements abordables, environ 132 000 ayant été mis en chantier depuis janvier 2017. La Malaisie a observé qu'il n'y a pas de contradiction fondamentale entre la financiarisation du secteur du logement et la politique sociale visant la protection et la promotion du droit à un logement convenable. La Malaisie a adopté dans ce domaine des politiques sociales garantissant le droit à un logement convenable, conformément à la cible 11.1 des Objectifs de développement durable.
El Salvador, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Cuba, l'Équateur et l'Allemagne ont souscrit aux conclusions de la Rapporteuse spéciale selon laquelle le logement est considéré aujourd'hui comme une marchandise et un moyen d'accumuler davantage de fortune, alors qu'il devrait être un moyen de garantir la dignité de chacun. Il est important que les villes accueillent tout le monde sur un pied d'égalité, a souligné El Salvador. Cuba estime que les investissements en matière de logement doivent impérativement prendre en compte leur impact social. La Sierra Leone estime, tout comme l'Équateur, que le logement convenable doit être une priorité car il est une condition nécessaire de l'accès à d'autres droits.
L'Union européenne a demandé au Rapporteur spécial dans quelle mesure les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme pourraient servir de modèle à l'élaboration d'orientations destinées aux acteurs financiers dans le secteur du logement.
L'Indonésie a indiqué que, depuis la visite de la Rapporteuse spéciale en 2013, son rapport avait été traduit dans toutes les langues nationales. Un plan de développement 2015-2018 est en cours de mise en œuvre. Le mouvement national pour la construction d'un million de logements a permis de dépasser les objectifs escomptés. L'Indonésie recommande d'organiser une réunion de haut niveau pour élaborer programme concret à l'appui de la réalisation de l'objectif et des cibles liés au logement convenable contenus dans Programme de développement durable à l'horizon 2030.
Le Koweït a fait état, pour sa part, de ses efforts tous azimuts pour faciliter les consultations les plus larges possibles sur les futures stratégies en matière de logement. En attendant, le pays fournit des logements aux familles de martyrs, aux orphelins et aux femmes dans des situations de vulnérabilité, notamment les veuves. Dans le contexte de sa politique en faveur d'un logement convenable, l'Arabie saoudite a adopté sa Vision 2030, qui contient un plan pour le logement envisagé sous l'angle social et économique. La promulgation de plusieurs lois et réglementations procure le cadre normatif nécessaire pour réaliser les objectifs de la Vision 2030.
Le Soudan a déclaré que les sanctions qui le visent le privent de financements et ont des effets préjudiciables sur le bien-être de sa population. Le Soudan a réitéré son engagement à coopérer avec la communauté internationale de manière à ce que sa population puisse jouir de ses droits.
Le Togo a entièrement souscrit aux recommandations de la Rapporteuse spéciale en vue de l'accès à un logement convenable d'ici à 2030. Pour relever le défi, le Gouvernement togolais a adopté une stratégie nationale de logement dont l'objectif principal consiste à fournir à tous, et particulièrement aux couches sociales à revenus faibles et intermédiaires, un logement d'un coût abordable, intégrant des équipements sociaux collectifs et répondant à des normes minimales de sécurité. Le Paraguay a souligné l'importance de la cible 11.1 des Objectifs de développement durable ainsi que la nécessité d'édifier des villes pérennes et sûres tout en garantissant le droit à la vie. Depuis 2013 et jusqu'en septembre 2016, plus de 13 000 nouveaux logements ont été livrés au Paraguay; environ 900 autres le seront prochainement. La délégation a recommandé de ne pas négliger la fonction sociale du logement et d'adopter les politiques qui s'imposent dans ce domaine.
Pays très urbanisé, le Nigéria a adopté une politique visant la construction d'au moins un million de logements pour mettre fin à la pénurie dans ce secteur, guidé en cela par la Déclaration d'Abuja et les documents issus de la conférence des Nations Unies sur le logement Habitat III (2016). Le Gouvernement œuvre avec toutes les parties prenantes pour moderniser le cadastre et atteindre un développement durable en termes de logement.
L'Égypte s'est engagée à fournir, en partenariat avec le secteur privé, un logement convenable à tous ses citoyens. Dès le début de la crise économique, l'Espagne a suspendu les décisions d'expulsion des familles qui ne pouvaient régler leur dette. Pour celles qui ont été délogées, un plan particulier d'assistance offrant une aide à la location a été mis sur pied. Le Venezuela a rappelé quant à lui son vaste programme de construction de plus d'un million de logements en faveur des plus démunis.
Au nombre des organisations non gouvernementales qui se sont exprimées, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Development a dit partager l'analyse de la Rapporteuse spéciale quant aux défis en matière de logement convenable. L'ONG souhaite une plus grande cohérence entre les engagements des États et le financement des programmes de logement. Al Salam Foundation a partagé les préoccupations de la Rapporteuse spéciale en ce qui concerne les démolitions d'espaces culturels ou de logements dans certains pays. Ainsi l'Arabie saoudite s'apprête-t-elle, selon la Fondation, à démolir des lieux culturels pour y implanter des logements: comment empêcher de telles mesures ?
La Coalition internationale habitat a pour sa part réaffirmé la position qu'elle défend depuis des années quant à la nécessité d'une règlementation des marchés de l'habitat et de sa financiarisation. La Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale (Caritas International) a mis en garde contre cette financiarisation du logement et demandé aux États de fournir des logements décents à tout un chacun.
Südwind a souhaité savoir si Rapporteuse spéciale comptait se rendre dans la République islamique d'Iran, où le nombre de femmes sans logement a augmenté.
Réponses et conclusions des titulaires de mandat
M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a suggéré plusieurs principes pour éviter que les mesures de réduction des déficits ne compromettent l'exercice des droits humains. D'abord, a-t-il indiqué, les mesures d'austérité doivent être envisagées en dernier ressort. Ensuite, les institutions monétaires internationales doivent procéder à des évaluations d'impact de leurs programmes sur les droits de l'homme, ces droits ne devant en effet jamais être sacrifiés.
Répondant à l'Union européenne, l'Expert indépendant a par ailleurs reconnu que la consolidation budgétaire était importante et que l'impact social d'un défaut de paiement de la dette aurait pu être pire. Il n'en demeure pas moins que les mécanismes d'ajustement adoptés ont durement impacté les droits de l'homme, a-t-il souligné. Il a relevé que pas une seule fois l'expression «droits de l'homme» n'avait été prononcée dans le cas de la Grèce.
M. Bohoskavsky a d'autre part rappelé qu'il existait déjà des obligations pour les entreprises en matière de droits de l'homme. Par exemple, les fonds vautours peuvent être combattus par l'argument des droits de l'homme.
Il faut veiller à ce que le système actuel de distribution des bénéfices soit visible, a ensuite souligné M. Bohoskavsky. Il faut combattre l'évasion fiscale, a-t-il ajouté. Il faut aussi rapatrier les fonds et faire face aux violations des droits opérées par les entreprises transnationales, a-t-il insisté. Il faut encore un accord fiscal entre les pays.
MME LEILANI FARHA, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, a indiqué qu'elle comptait se pencher plus avant sur le programme de «villes intelligentes» en Inde. Elle a précisé que ses recommandations étaient volontairement générales, son objectif étant en effet de proposer une vision: il revient ensuite aux États de déterminer ce qui doit être réalisé. Le problème des «logements officieux» au Portugal est pressant, même si ce type de logements reste peu répandu dans ce pays, a ajouté Mme Farha.
Il incombe aux États de gérer l'interaction entre systèmes de logements et marchés financiers, conformément aux droits de l'homme, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Il est nécessaire de procéder à des évaluations de l'impact sur les droits de l'homme des investissements réalisés dans le logement, a-t-elle ajouté. L'accès au crédit est essentiel, à condition que les groupes les plus marginalisés y aient eux aussi accès, a-t-elle en outre souligné. Les institutions financières internationales devraient prendre en compte le respect des droits de l'homme, a-t-elle par ailleurs insisté.
Mme Farha a ensuite souligné que les tribunaux d'Afrique du Sud avaient permis des progrès importants en déterminant des obligations pour les investisseurs privés. Elle a enfin relevé que lors de la réhabilitation des bidonvilles, les autorités devaient avoir comme priorité le relogement des personnes in situ et veiller à ce que personne ne se retrouve à la rue.
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**Les organisations non gouvernementales ont pris la parole dans le cadre du débat: Khiam Rehablitaion Center for Victims of Violence, Human Rights Advocates, Alliance internationale d'aide à l'enfance, Centre indépendant de recherches et d'initiatives pour le dialogue, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Development, Al Salam Foundation, Coalition internationale habitat, Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale (Caritas International) et Verein Südwind Entwicklungspolitik.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officielHRC17/013F