Fil d'Ariane
LA CONFÉRENCE DU DESARMEMENT ACHÈVE LA PREMIÈRE PARTIE DE SA SESSION DE 2017
La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, la dernière séance plénière publique de la première partie de sa session de 2017.
Au cours de cette séance, la Fédération de Russie et la Chine ont plus particulièrement évoqué les questions relatives aux capacités de défense antimissile balistique, estimant que le système de défense antimissile balistique des États-Unis était une menace pour la sécurité régionale et mondiale et aurait notamment comme conséquence une nouvelle course à l'armement. Les États-Unis ont ensuite pris la parole pour rejeter ces accusations portées à leur encontre, la République de Corée leur emboîtant le pas pour expliquer que le système de missiles antibalistique (THAAD) en péninsule de Corée ne visait qu'à contrer la menace directe de la République populaire démocratique de Corée.
Plusieurs pays - États-Unis, République de Corée, Japon, Italie, Australie, Allemagne, Canada, Pays-Bas, Suède et Espagne – ont ensuite pris la parole pour condamner le tir balistique et l'essai d'un moteur balistique réalisés par la République populaire démocratique de Corée les 19 et 21 mars dernier.
La République populaire démocratique de Corée a dénoncé la politisation de la Conférence du désarmement et a affirmé que ce sont les exercices militaires conjoints menées par les États-Unis qui menacent la sécurité dans la péninsule coréenne.
L'Inde est également intervenue pour souligner que le monde n'est plus la cour de jeu de quelques-uns; il est devenu multipolaire et les organes de gouvernance doivent refléter cette réalité, sous peine de ne plus être efficaces ou légitimes. Il faut engager des négociations sur une convention internationale visant l'interdiction des armes nucléaires afin de parvenir à une élimination mondiale non discriminatoire de ces armes, avec des délais bien spécifiés; la Conférence est la bonne instance pour atteindre cet objectif, a assuré l'Inde, se disant disposée à commencer le travail en créant un organe subsidiaire de la Conférence.
En fin de séance, le Myanmar a tenu la Conférence informée des progrès des consultations menées par le Groupe de travail sur les perspectives d'avenir (créé le 17 février dernier) que le pays préside.
Il s'agissait de la dernière séance publique plénière de la première partie de la session de 2017 de la Conférence, qui s'achève officiellement vendredi prochain, 31 mars. La deuxième partie de la session se déroulera du 15 mai au 30 juin 2017. La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra le mardi 16 mai prochain, à 10 heures, dans la Salle du Conseil.
Aperçu des déclarations
La Fédération de Russie a rappelé qu'en matière de défense antimissile, l'ex-Union soviétique et les États-Unis ont signé en 1972 un Traité (le Traité ABM) sur la limitation du déploiement de systèmes de missiles antimissiles balistiques, en prévoyant une parité stratégique concernant la dissuasion nucléaire. Ce Traité a été depuis la pierre angulaire de toutes les questions liées au système de défense antimissile balistique. Mais, au nom de la soi-disant menace balistique iranienne et nord-coréenne, les États-Unis sont sortis du Traité ABM. À l'heure actuelle, des missiles antibalistiques sont déployés un peu partout, notamment en Asie, et des moyens navals sont déployés près des côtes russes et chinoises. Le déploiement mondial des systèmes antimissiles américains viole le système de sécurité internationale et cela peut conduire à des conséquences graves pour la sécurité mondiale; ce déploiement donne aux États-Unis un sentiment d'impunité, au nom de la défense antimissile. Les systèmes de missiles antimissiles balistiques américain rompent l'équilibre des forces et menacent la sécurité de l'activité spatiale internationale, a insisté la Fédération de Russie. Les systèmes antimissiles provoquent aussi une nouvelle course aux armements, a-t-elle ajouté, faisant observer que le développement des systèmes antimissiles passait à un niveau de qualité supérieure.
Les moyens d'informations américains permettent le repérage de tout lancement de missile russe. En 2022, le nombre de systèmes antimissiles sera de plus de 1000 unités, constituant une grave menace pour la capacité de dissuasion russe. Les missiles antimissiles balistiques prévus pour 2018 permettront d'intercepter des missiles stratégiques durant toute leur trajectoire et pourront frapper des missiles russes et chinois, constituant une menace grave pour la sécurité de ces deux pays.
La Chine a expliqué que l'environnement sécuritaire subissait de profonds changements. Des efforts de consultations doivent permettre de trouver des solutions constructives et communes. Les questions balistiques sont très importantes pour la sécurité mondiale. Le déploiement de systèmes antimissiles balistiques se fait au détriment de la stabilité internationale. Il faut que cesse le déploiement de tels systèmes, a insisté la Chine, ajoutant que le danger du renforcement de ce type de systèmes est qu'il témoigne du désir de certains pays d'atteindre une supériorité militaire absolue et unilatérale. Le Traité ABM n'est pas seulement une garantie pour la sécurité internationale; il est aussi la base pour les négociations sur la réduction des armes offensives. Le déploiement d'un système de défense doit correspondre à la menace réelle, a souligné la Chine. Le déploiement de systèmes antimissiles balistiques ne peut mener qu'à la course aux armements et mettre à mal la stabilité mondiale, a-t-elle insisté.
Le développement de systèmes antimissiles balistiques va permettre de frapper des cibles spatiales, a poursuivi la Chine. En 2008, un satellite a ainsi été frappé à 250km de la terre par un missile lancé depuis le croiseur USS Lake Erie. Des pays vont pouvoir déployer des armes défensives dans l'espace extra-atmosphérique si on ne prévoit pas des restrictions, a averti la Chine. La Chine et la Fédération de Russie ont proposé à de nombreuses reprises le lancement de négociations sur un traité relatif à la prévention du déploiement d'armes dans l'espace et de la menace ou de l'emploi de la force contre des objets spatiaux, a-t-elle rappelé. Le système de défense antimissile balistique américain en Asie-Pacifique compromet les intérêts stratégiques de la Chine et de la Fédération de Russie. Du nord au sud, la péninsule coréenne ne fait que 800km de long; or, la portée des missiles antimissiles balistiques que les États-Unis ont souhaité déployer va bien au-delà. La réelle intention est donc bien de mettre en place les conditions nécessaires pour déployer un mur de défense balistique mondial. La Fédération de Russie et la Chine sont contre un tel programme. Nous devons prendre des mesures à l'avenir pour faire face à cette situation, a conclu la Chine.
L'Inde a déclaré que le monde n'était plus la cour de jeu de quelques-uns; il est devenu multipolaire. Les organes de gouvernance doivent refléter cette réalité, sous peine de ne plus être efficaces ou légitimes. Ceux qui souhaitent avoir le leadership dans ces instances doivent montrer qu'ils recherchent vraiment le bien commun. Les défis sont nombreux, comme le terrorisme et les armes mortifères qui continuent de faire l'objet de trafics et causent la désolation. Les technologies de l'information et de la communication sont utilisées pour des armes de destruction massive. Il s'agit là de nouveaux défis pour les gouvernements.
Les menaces traditionnelles n'ont pas non plus disparu, notamment la menace du recours à l'arme nucléaire, a poursuivi l'Inde. La production de matières fissiles augmente dans des proportions jamais rencontrées depuis la guerre froide, a-t-elle souligné. L'objectif consistant à mettre en place un instrument qui permettrait de mettre fin à cette menace est sans cesse repoussé aux calendes grecques. Le progrès vers le désarmement ne peut que souffrir dans ce contexte. Les défis pourraient être moins sombres si le monde allait vers l'élimination des armes nucléaires et des armes de destructions massives. Il faut engager des négociations visant une convention internationale sur l'interdiction des armes nucléaires, afin de parvenir à une élimination mondiale non discriminatoire de ces armes, avec des délais bien spécifiés. La Conférence du désarmement est la bonne instance pour atteindre cet objectif. L'Inde est disposée à commencer le travail en créant un organe subsidiaire de la Conférence qui doit être intégré dans le programme de travail.
Les États-Unis ont affirmé que les exposés de la Fédération de Russie et de la Chine étaient de la science-fiction, qui plus est de mauvaise qualité. Il s'agit de fausses accusations; il s'agit pour ces deux pays d'apporter une justification au déploiement de leurs propres forces stratégiques. Concernant le retrait du Traité ABM, les États-Unis ont rappelé que les dispositions de ce Traité prévoyaient la possibilité de s'en retirer en cas de circonstances exceptionnelles mettant la sécurité du pays en danger. Un certain nombre d'États déploient des missiles comme moyens d'arme de destruction massive contre les États-Unis, ont affirmé les États-Unis. Cela met en danger les intérêts sécuritaires américains, raison pour laquelle les États-Unis ont décidé de déployer des systèmes de défense antibalistique et de se retirer du Traité ABM. Le système de défense balistique américain est défensif; la Fédération de Russie et la Chine ne sont pas visées par ce système et leur sécurité n'est pas en danger. Le système antibalistique américain renforce la stabilité régionale car il contrecarre la puissance balistique des ennemis des États-Unis et de leurs alliés. Les États-Unis et l'OTAN ont tenté à de nombreuses reprises d'engager des négociations avec la Fédération de Russie sur cette question, mais c'est cette dernière qui a mis fin au dialogue avec l'OTAN, ont rappelé les États-Unis. Pour conclure, les États-Unis ont souligné que les exposés russes et chinois ne tiennent pas compte des nouvelles menaces dirigées contre les États-Unis et leurs alliés.
La République de Corée a expliqué que le système de missile antibalistique (THAAD) en péninsule de Corée ne visait qu'à contrer la menace directe de la République populaire démocratique de Corée. Le système, de par ses objectifs et son fonctionnement, sert uniquement de moyen de défense et de dissuasion contre le menace de la République populaire démocratique de Corée. Les données venant d'experts fiables corroborent cette affirmation. Si la menace disparaît, le système n'aura plus d'utilité. Ce qui a été présenté dans les différents exposés présentés ce matin, c'est de la fiction – et non pas de la science-fiction, car il n'y a aucune science là-dedans, a déclaré la République de Corée.
Les États-Unis ont condamné le tir balistique et l'essai de moteur balistique réalisés par la République populaire démocratique de Corée les 19 et le 21 mars dernier. La République populaire démocratique de Corée doit répondre à ses obligations internationales. Certains pays représentés dans cette salle participent à une négociation à New York sur un traité d'interdiction des armes nucléaires qui ne permettra pas d'améliorer la sécurité mondiale, ont ajouté les États-Unis; ils feraient mieux de prêter attention au programme nucléaire de la République populaire démocratique de Corée.
La République de Corée a condamné fermement les violations par la République populaire démocratique de Corée des résolutions du Conseil de Sécurité qui affirment expressément que la République populaire démocratique de Corée doit suspendre toutes ses activités se rapportant aux essais balistiques. La communauté internationale doit tout faire pour mettre un terme à ces provocations de la République populaire démocratique de Corée.
Le Japon a dénoncé le tir balistique et l'essai de moteur balistique réalisés par la République populaire démocratique de Corée les 19 et le 21 mars dernier. Il s'agit là d'une violation claire des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2321. Le Japon condamne fermement ces faits et exhorte la République populaire démocratique de Corée à respecter les résolutions du Conseil de sécurité et à cesser ses actes de provocations.
L'Italie a condamné fermement le dernier tir de missile balistique et l'essai d'un moteur balistique effectués par la République populaire démocratique de Corée les 19 et le 21 mars. Il s'agit d'une menace pour la sécurité mondiale. La République populaire démocratique de Corée viole une nouvelle fois les résolutions du Conseil de sécurité; il faut que le pays revienne au système de garanties associé au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
L'Australie a condamné le comportement déstabilisateur et inconsidéré de la République démocratique populaire de Corée et notamment ses derniers essais balistiques qui constituent une violation des résolutions du Conseil de sécurité et une menace grave pour la sécurité mondiale. La République populaire démocratique de Corée doit cesser ses provocations.
L'Allemagne a souligné que par ses essais balistiques, la République populaire démocratique de Corée lance un mauvais signal à la communauté internationale dont les résolutions interdisent clairement à la République populaire démocratique de Corée de développer son programme balistique et nucléaire. La République populaire démocratique de Corée doit cesser ses provocations.
Le Canada a également condamné les derniers essais balistiques de la République populaire démocratique de Corée, exhortant le pays à abandonner immédiatement son programme nucléaire et balistique.
Les Pays-Bas ont fermement condamné le dernier tir balistique de la République populaire démocratique de Corée, dont les essais menacent gravement la sécurité mondiale et régionale. La République populaire démocratique de Corée doit reprendre les négociations avec la communauté internationale et la communauté internationale doit veiller à l'application des sanctions contre la République populaire démocratique de Corée.
La Suède a elle aussi condamné fermement les essais récemment effectués par la République populaire démocratique de Corée dans le cadre de son programme balistique, qui violent les résolutions du Conseil de sécurité. Il faut que la République populaire démocratique de Corée reprenne le dialogue avec la communauté internationale pour apaiser la situation régionale.
L'Espagne a condamné fermement les essais balistiques menés par la République populaire démocratique de Corée les 19 et 21 mars dernier. Ces essais contreviennent de manière flagrante aux instructions du Conseil de sécurité. L'Espagne appelle la République populaire démocratique de Corée à abandonner son programme nucléaire et balistique.
La République populaire démocratique de Corée a fait part de sa frustration et de sa peine de voir que la Conférence est devenue une salle très politisée où l'on pointe du doigt une délégation. Les États-Unis ne sauraient échapper à leurs responsabilités, qui ont conduit à une escalade des tensions dans la région, a ajouté la République populaire démocratique de Corée, attirant l'attention sur les exercices militaires conjoints menés par les États-Unis qui menacent la sécurité dans la péninsule coréenne. Plus de 300 000 soldats sont présents dans la région pour cette exercice. Les unités d'opérations spéciales prennent part à cet exercice, dans le but de faire tomber le leadership de la République populaire démocratique de Corée et de faire tomber ses défenses nucléaires, a affirmé la République populaire démocratique de Corée. La péninsule de Corée est au bord de la guerre à cause de ces opérations militaires, a-t-elle insisté. Le Conseil de sécurité, si sa mission est vraiment de maintenir la paix internationale, devrait réagir pour faire face à cette situation.
La Fédération de Russie a souligné qu'elle avait fait part à maintes reprises des conséquences négatives du retrait des États-Unis du Traité ABM. La Fédération de Russie a expliqué que, contrairement à ce qu'ont insinué les États-Unis, les experts russe et chinois avaient utilisé des modèles précis pour faire leur exposé. Jamais les États-Unis n'ont présenté de preuves ou d'arguments indiquant que les calculs russes seraient faux. Tous ces calculs sont en effet fondés sur les lois de la physique. Le système américain n'est pas proportionné à la menace iranienne et nord-coréenne, a insisté la Fédération de Russie. La Fédération de Russie n'est pas d'accord pour dire que ce système ne menace pas la sécurité régionale.
Les États-Unis ont souligné qu'ils n'étaient pas du tout d'accord avec l'argumentation de la Fédération de Russie concernant la proportionnalité du système de défense américain.
Le Myanmar, qui assume la présidence du Groupe de travail sur les perspectives d'avenir, a souhaité rendre compte des progrès enregistrés au cours des consultations menées au sein de ce Groupe. Le Myanmar a tout d'abord expliqué que l'ensemble des déclarations faites au sujet des systèmes de défense antibalistique étaient argumentées. Il faut aboutir à des résolutions pour que ce type d'armes disparaisse de la planète, au-delà des discours des uns et des autres, a expliqué le Myanmar. En tant que petite délégation, le Myanmar souligne que la présidence du Groupe de travail sur les perspectives d'avenir n'est pas une mince affaire. Le Groupe de travail s'est efforcé d'entendre le point de vue des uns et des autres, a indiqué le Myanmar, précisant avoir notamment écouté 26 États membres à propos du programme de travail. Le Groupe espère entendre le point de vue des groupes régionaux qui devraient, eux-aussi, contribuer aux travaux du Groupe de travail en vue de l'élaboration d'un programme de travail. Les consultations bilatérales vont se poursuivre, a indiqué le Myanmar.
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