Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU PAKISTAN
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Pakistan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant ce rapport, M. Michael Kamran, Ministre des droits de l'homme du Pakistan, a souligné que le pays croit fermement que toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance constituent une négation des principes fondamentaux des droits de l'homme que sont l'égalité, la non-discrimination et la dignité humaine. Il n'y a pas au Pakistan de distinction basée sur la race, a-t-il poursuivi. Il a rappelé que le Pakistan était composé d'une population très diversifiée sur les plans linguistique, ethnique et religieux. Dans une économie de marché, il est probablement inévitable qu'il y ait des régions qui se développent de manière inégale sur le territoire, a par ailleurs déclaré M. Kamran. Le Gouvernement met néanmoins tout en œuvre pour veiller à ce que les avantages du développement bénéficient à tous les citoyens, a-t-il assuré. Existent au Pakistan des dispositions pénales très claires contre le délit de discrimination et la Constitution prévoit la protection de tous les citoyens sans distinction aucune, a-t-il en outre fait valoir, avant de souligner que la promotion de l'hostilité entre groupes était lourdement punie par le Code pénal.
Des décennies de conflit en Afghanistan ont déstabilisé la société et généré la peur, mais le Gouvernement pakistanais relève néanmoins ce défi de manière résolue, a poursuivi M. Kamran. A notamment été mis en place un Plan national d'action sur les droits de l'homme. En décembre 2014, un plan nation de lutte contre le terrorisme a été mis en place qui permet de lutter contre les discours de haine et de bannir toutes les organisations qui recourent à la propagande terroriste et extrémiste, a rappelé le Ministre. Le Pakistan reconnaît la persistance de difficultés en matière de respect des droits de l'homme mais il continue de déployer des efforts pour construire une société tolérante et inclusive, a-t-il conclu.
La délégation du Pakistan était également composée, entre autres, de M. Zafarullah Khan Barrister, Assistant spécial auprès du Premier Ministre pour le Ministère de la justice, ainsi que de deux membres de l'Assemblée nationale. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, entre autres, les difficultés auxquelles le Pakistan est confronté, s'agissant notamment de l'extrémisme et du terrorisme y associé ainsi que de l'opposition entre sunnites et chiites, qui menacent la cohésion (islamique) du pays; la situation des Hazaras; les madrasas; l'absence de définition distincte de la discrimination raciale dans la législation interne; la place de la Convention dans l'ordre juridique interne; les violences contre les femmes et les crimes d'honneur; la Loi sur le blasphème; la situation des réfugiés et des personnes déplacées internes; ou encore la lutte contre la servitude.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Pakistan, M. Melhem Khalaf, a fait observer que le Pakistan compte plus de deux millions de réfugiés et quelques millions de personnes déplacées. Le pays fait face à de multiples défis, a-t-il souligné. Il a relevé que des accusations de blasphème avaient pu conduire à des émeutes voire à des assassinats. Au Pakistan, les défenseurs des droits fondamentaux sont terrorisés, a ajouté le rapporteur. Les groupes radicaux utilisent la terreur pour déstabiliser le pays, a-t-il souligné. Terroriser passe surtout par la commission d'attentats ciblés, a-t-il ajouté. Les catégories visées sont les avocats, les juges et les journalistes, a précisé le rapporteur. Les chrétiens ont également été victimes d'une série d'attentats, a-t-il ajouté. Plusieurs lieux de culte (des mosquées ainsi que des églises) ont fait l'objet d'attaques, a-t-il rappelé, ajoutant que ces actes sont soutenus par des hommes religieux radicalisés.
Le rapporteur a ensuite expliqué que certaines personnes issues des minorités étaient forcées de se convertir pour obtenir un travail, à l'occasion de mariages forcés ou encore par des violences corporelles. Le rapporteur a par ailleurs expliqué que les affrontements entre sunnites et chiites risquaient de mettre en cause l'unité (islamique) du Pakistan. Dans ce contexte, l'État pakistanais tente de répondre à cette situation en faisant de la lutte contre le terrorisme sa priorité, a-t-il relevé. Or, cette lutte contre le terrorisme peut avoir des retombées néfastes pour la population, a-t-il souligné; elle est notamment responsable du déplacement massif de certaines populations et conduit des civils devant les tribunaux militaires. De plus, dans ce contexte, certains discours politiques se radicalisent. Sous la pression des islamistes, l'État n'arrive pas à réformer ou à amender la loi sur le blasphème, à protéger les juges et à contrôler les programmes des madrasas, a en outre déploré le rapporteur. L'État se doit d'assurer la protection des groupes minoritaires vulnérables, a-t-il poursuivi; ce sont eux les victimes de la discrimination, comme l'atteste la situation des Biharis et des Bengalis – à qui les autorités du pays refusent d'octroyer la nationalité pakistanaise. Les autres groupes vulnérables sont les réfugiés, les femmes contraintes au mariage forcé et victimes de crimes d'honneur, ainsi que les personnes d'ascendance africaine, a précisé M. Khalaf.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Pakistan et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le 26 août prochain, date de la prochaine et dernière séance publique.
Présentation du rapport du Pakistan
Le Comité est saisi du rapport du Pakistan (CERD/C/GRC/20-22), établi en fonction de la liste de thèmes à traiter que lui a adressée le Comité.
Présentant ce rapport, M. MICHAEL KAMRAN, Ministre des droits de l'homme du Pakistan, a assuré que son pays était pleinement impliqué dans l'élimination de toute forme de discrimination raciale. Le Pakistan croit fermement que toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance constituent une négation des principes fondamentaux des droits de l'homme que sont l'égalité, la non-discrimination et la dignité humaine, a-t-il déclaré.
Il n'y a pas au Pakistan de distinction basée sur la race, a poursuivi le chef de la délégation pakistanaise, rappelant que ce pays est le fruit de l'interaction entre des vagues successives de migrations et les habitants locaux. La conséquence est que la société pakistanaise est complexe et diversifiée, a-t-il souligné, ajoutant que cette situation ne se prête pas à des interprétations faciles. Le Pakistan est composé d'une population très diversifiée sur les plans linguistique, ethnique et religieux, a insisté M. Kamran. Par exemple, des Pakistanais parlant l'ourdou se retrouvent dans toutes les provinces et appartiennent à différentes religions, a-t-il indiqué.
Dans une économie de marché, il est probablement inévitable qu'il y ait des régions qui se développent de manière inégale sur le territoire, a par ailleurs déclaré M. Kamran. Le Gouvernement met néanmoins tout en œuvre pour veiller à ce que les avantages du développement bénéficient à tous les citoyens, a-t-il assuré. Des initiatives ont été prises qui visent le partage équitable des ressources dans toutes les provinces, a-t-il ajouté. Des efforts sont entrepris afin que l'ensemble du pays profite des grands projets de développement, a-t-il insisté.
Conformément au dernier recensement de la population, le Pakistan comprend différents groupes ethniques qui vivent en harmonie dans le respect de la diversité culturelle, a d'autre part affirmé le Ministre des droits de l'homme. Existent dans ce pays des dispositions pénales très claires contre le délit de discrimination et la Constitution prévoit la protection de tous les citoyens sans distinction aucune, a-t-il en outre fait valoir. Le Code pénal interdit toute violation des dispositions constitutionnelles et définit les sanctions encourues par les auteurs d'actes de discrimination. Par exemple, la promotion de l'hostilité entre groupes est lourdement punie par le Code pénal, a précisé le chef de la délégation pakistanaise.
Rappelant que le Pakistan est une société multiculturelle et mulitreligieuse dans laquelle il a été possible à chacun de vivre dans la paix et l'harmonie, M. Kamran a ensuite souligné que des décennies de conflit en Afghanistan ont déstabilisé la société et généré la peur. Le Gouvernement relève toutefois ce défi de manière résolue. A notamment été mis en place un Plan national d'action sur les droits de l'homme, qui prévoit notamment des réformes juridiques, alors qu'un groupe spécial, composé notamment de ministres fédéraux, est chargé de sa mise en œuvre et de son contrôle.
L'éducation aux droits de l'homme fait partie intégrante des programmes scolaires ainsi que de la formation du personnel de la police et du milieu judiciaire, a d'autre part fait valoir le Ministre. La Commission nationale chargée de la condition de la femme a été renforcée, a-t-il en outre souligné; elle bénéficie aujourd'hui de l'autonomie financière et d'un tribunal qui permet des prendre des sanctions en cas de violation des droits des femmes. De plus, le Parlement a adopté une législation contre les violences et les discriminations à l'encontre des femmes.
En décembre 2014, un plan nation de lutte contre le terrorisme a été mis en place qui permet de lutter contre les discours de haine et de bannir toutes les organisations qui recourent à la propagande terroriste et extrémiste, a d'autre part indiqué M. Kamran. Par ailleurs, des départements chargés des droits de l'homme ont été créés au sein de la Cour suprême afin de répondre à des plaintes concernant le non-respect des droits fondamentaux, a-t-il ajouté, avant de rappeler que le Pakistan s'était engagé dans la lutte contre l'apartheid et l'élimination des nouvelles formes de racisme et de xénophobie.
La mise en œuvre d'une Convention quelle qu'elle soit relève d'un processus continu et pour ce qui est de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Gouvernement pakistanais continue de prendre des mesures afin d'améliorer la lutte contre toute forme de discriminations. Le Pakistan reconnaît la persistance de difficultés en matière de respect des droits de l'homme mais il continue de déployer des efforts pour construire une société tolérante et inclusive, a conclu le Ministre pakistanais des droits de l'homme.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. MELHEM KHALAF, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Pakistan, a fait un long rappel historique pour expliquer la situation dans laquelle se trouve le Pakistan aujourd'hui. Il a ensuite déploré que le Pakistan reconnaisse des groupes ethniques sans que ceux-ci ne se retrouvent dans la Constitution.
Le Pakistan compte plus de deux millions de réfugiés et quelques millions de personnes déplacées, a par ailleurs fait observer le rapporteur, soulignant que le pays fait face à de multiples défis.
M. Khalaf a ensuite relevé que des accusations de blasphème avaient pu conduire à des émeutes voire à des assassinats; plusieurs personnes accusées de blasphème sont mortes avant d'être jugées ou ont été assassinées après avoir été libérées ou innocentées. Au Pakistan, les défenseurs des droits fondamentaux sont terrorisés, a poursuivi le rapporteur. Les groupes radicaux utilisent la terreur pour déstabiliser le pays, a-t-il souligné. Terroriser passe surtout par la commission d'attentats ciblés, a-t-il ajouté, rappelant que le dernier exemple en date est le double attentat commis le 8 août 2016, qui visait clairement les défenseurs des droits de l'homme qui incarnent la résistance aux injustices et aux atteintes aux droits fondamentaux. Les catégories visées sont les avocats, les juges et les journalistes, a précisé le rapporteur. Les chrétiens ont également été victimes d'une série d'attentats, a-t-il ajouté. Plusieurs lieux de culte (des mosquées ainsi que des églises) ont fait l'objet de plusieurs attaques, a-t-il rappelé. Ces actes sont soutenus par des hommes religieux radicalisés, a insisté M. Khalaf.
Le rapporteur a ensuite expliqué que certaines personnes issues des minorités étaient forcées de se convertir pour obtenir un travail, à l'occasion de mariages forcés ou encore par des violences corporelles. La conséquence est que les victimes se cachent et vivent recluses, dans la peur.
Le rapporteur a par ailleurs expliqué que les affrontements entre sunnites et chiites risquaient de mettre en cause l'unité (islamique) du Pakistan. Dans ce contexte, l'État pakistanais tente de répondre à cette situation en faisant de la lutte contre le terrorisme sa priorité, a-t-il relevé. Or, cette lutte contre le terrorisme peut avoir des retombées néfastes pour la population, a-t-il souligné. Elle est notamment responsable du déplacement massif de certaines populations et conduit des civils devant les tribunaux militaires, a-t-il précisé. De plus, dans ce contexte, certains discours politiques se radicalisent. Sous la pression des islamistes, l'État n'arrive pas à réformer ou à amender la loi sur le blasphème, à protéger les juges et à contrôler les programmes des madrasas, a déploré le rapporteur.
L'État se doit d'assurer la protection des groupes minoritaires vulnérables, a poursuivi M. Khalaf; ce sont eux les victimes de la discrimination, comme l'atteste la situation des Biharis et des Bengalis – à qui les autorités du pays refusent d'octroyer la nationalité pakistanaise. Les enfants de réfugiés ou de demandeurs d'asile nés sur le territoire pakistanais ne peuvent pas recevoir d'acte de naissance, a en outre fait observer le rapporteur. De même, les enfants nés de mère pakistanaise et de père étranger ne se voient pas octroyer la nationalité pakistanaise. Les autres groupes vulnérables sont les réfugiés, les femmes contraintes au mariage forcé et victimes de crimes d'honneur, ainsi que les personnes d'ascendance africaine, a précisé M. Khalaf.
Le rapporteur a par la suite expliqué qu'il n'y avait pas de pays où il n'y ait pas de discrimination raciale. Le Pakistan se doit de consolider son arsenal juridique afin d'intégrer pleinement les dispositions de la Convention dans son droit interne.
M. Khalaf a attiré l'attention sur le danger réel de voir le Pakistan perdre sa cohésion. Il a rappelé que la cohésion musulmane a été le pilier du pays depuis son origine. Il s'est en outre inquiétée de voir le Pakistan se vider de sa richesse, expliquant que le pays est en train de se vider de ses enfants en raison de la peur.
Le rapporteur a par ailleurs souligné que si les madrasas sont certes présentes dans le monde entier, elles posent les mêmes problèmes partout. Il a souhaité savoir si le système scolaire pakistanais était payant, si tous les enfants avaient accès à l'école publique et, si tel est le cas, pourquoi alors le Pakistan a-t-il recours aux madrasas.
M. Khalaf a d'autre part souhaité savoir pourquoi une nouvelle Commission nationale des droits de l'homme avait été créée alors que les autorités auraient pu se contenter de renforcer les pouvoirs de l'ancienne.
Un autre membre du Comité a déploré que le Pakistan n'ait pas fait parvenir au Comité des rapports intermédiaires et a demandé à la délégation de s'expliquer sur ce point.
Une experte a regretté qu'il n'y ait pas de document de base pour permettre de mieux appréhender la complexité du Pakistan. Le Pakistan ne peut pas dire qu'il n'y a pas de discrimination raciale dans le pays, a-t-elle ajouté; les castes ne sont pas reconnues au Pakistan, mais le Gouvernement ne nie pas leur existence. L'experte a en outre souhaité savoir comment le Gouvernement pakistanais luttait contre l'esclavage.
Un expert a affirmé que le Pakistan soufre de trois problèmes principaux: le terrorisme, la loi sur le blasphème et les crimes d'honneur.
Un membre du Comité s'est enquis des mesures prises par le Pakistan pour lutter contre la cybercriminalité et contre l'appel à la haine sur Internet. Des informations provenant de la société civile révèlent que les minorités religieuses ne sont pas suffisamment défendues par la législation en matière de quotas, a en outre fait observer cet expert, avant de s'enquérir de la manière dont fonctionne la politique de quotas en vigueur. Concernant les droits des femmes, il s'est enquis des dispositifs de lutte contre les violences domestiques, contre les violences sexuelles, contre les mariages forcés et contre les crimes d'honneur.
Un expert s'est enquis du rôle joué par les médias dans le contexte des discours de haine et de la lutte contre leur propagation. Il a souhaité savoir dans quelle mesure les médias participaient à la cohésion sociale. S'agissant par ailleurs de la discrimination en matière d'accès au travail, l'expert s'est enquis de la situation des Dalits.
Existe-t-il dans le pays des Pakistanais qui n'ont pas accès aux juridictions pakistanaises, a demandé une experte? Dans les régions tribales, l'éducation des filles et des femmes n'est pas admise, a-t-elle en outre relevé, se demandant comment le Pakistan pouvait prétendre qu'il n'y a pas de discrimination dans ce pays alors que certaines jeunes filles n'y ont pas accès à l'enseignement. L'experte a par ailleurs évoqué la problématique des crimes d'honneur pour signifier que, selon elle, la femme dans la société pakistanaise se situe toujours un rang en-dessous de l'homme.
Un membre du Comité a déploré que, comme l'attestent certaines informations, des musulmans tuent d'autres musulmans au nom de l'islaM. Il a souhaité s'attarder sur le sort des Hazaras, musulmans chiites déclarés comme hérétiques par des groupes sunnites. Les Hazaras parlent le farsi et ont une apparence différente (plus asiatique); en raison de leur physionomie et de leur foi, ils peuvent devenir des cibles faciles. Ils sont haïs par les talibans. Ils sont victimes d'attaques récurrentes, a insisté l'expert. Un candidat d'un parti a dit qu'il ne voulait pas assassiner les chiites mais qu'il voulait simplement qu'ils soient déclarés comme non musulmans, a-t-il fait observer. Selon ce même expert, il ressort très clairement que le Gouvernement pakistanais n'a pas été capable de mettre fin aux violences et aux propos de haine. L'expert a indiqué qu'il croyait comprendre que le Gouvernement pakistanais n'était pas prêt à lutter contre les groupes radicaux sunnites par peur d'être considéré comme hérétique.
Un expert a estimé qu'il aurait fallu parler du passé dans le rapport; en effet, l'histoire du Pakistan ne peut se comprendre uniquement par l'histoire récente, a-t-il souligné.
Une experte a estimé que les dispositions constitutionnelles et les lois sur lesquelles s'appuie l'interdiction de l'esclavage n'étaient pas assez dissuasives. De plus, aucune sanction n'est prévue contre celui qui utilise une telle main-d'œuvre, seuls les «vendeurs» étant inquiétés. Cette même experte a en outre souhaité en savoir davantage au sujet des dispositions légales régissant le mariage et le divorce.
Plusieurs membres du Comité ont déploré l'absence d'un document de base concernant le Pakistan. Les résultats du recensement repris dans le présent rapport périodique datent de 1998, a-t-il en outre été fait observer. Un expert a souhaité recevoir des données ventilées, notamment par nationalité, concernant les nombres d'immigrés, de demandeurs d'asile et de réfugiés. La mise à jour de ces données serait très utile pour le Comité, a-t-il insisté.
Sur quels critères les 20 ONG qui ont participé à l'élaboration du présent rapport ont-elles été choisies, a-t-il d'autre part été demandé? La Commission nationale des droits de l'homme a-t-elle été consultée?
Un expert s'est demandé si, de facto, des castes existaient au Pakistan, même si elles ne sont pas officiellement reconnues par l'État. Il a en outre voulu savoir qui étaient les victimes de crimes d'honneur au Pakistan.
Les nouvelles lois protégeant les enfants, notamment contre les travaux domestique, et garantissant l'accès à l'éducation ont-elles été promulguées et des avancées concrètes ont-elles été réalisées dans ce domaine, a-t-il en outre été demandé?
Un membre du Comité a invité le Pakistan à mieux contrôler les écoles religieuses (madrasas), notamment pour lutter contre la propagation des idées extrémistes. Une experte a quant à elle souhaité savoir si les madrasas étaient fréquentées par toutes les communautés. Un membre du Comité a rappelé que le seul enseignement dispensé dans les madrasas était celui du Coran.
Une experte a demandé quelle loi régissait les mariages et notamment les mariages interreligieux.
Réponses de la délégation
La délégation a expliqué que, comme tous les autres pays du monde, le Pakistan est confronté à un grand nombre de difficultés dans la mise en œuvre de la Convention et à d'autres problèmes liés aux droits de l'homme. Le pays prend néanmoins toutes les mesures nécessaires pour améliorer la situation, a-t-elle assuré.
Les difficultés d'aujourd'hui émanent de la montée de l'extrémisme et du fondamentalisme, a poursuivi la délégation. Les forces extrémistes ont un impact sur la société pakistanaise, a-t-elle souligné, avant d'ajouter que seul un petit nombre de personnes au Pakistan adhèrent à une vision extrémiste du monde. Les Pakistanais considèrent que l'extrémisme est contraire à leur valeur et le rejettent, a affirmé la délégation. La société pakistanaise est unie dans sa détermination à mettre fin à l'extrémisme, a-t-elle déclaré. Il n'y a aucun désaccord au sein de la population pour mettre fin à l'extrémisme, a-t-elle insisté.
Les attaques se font plus rares aujourd'hui, a indiqué la délégation; elles constituent une tentative des terroristes, qui ont perdu leur combat, de montrer au monde qu'ils pourraient s'emparer du Pakistan, mais ce n'est pas le cas.
La délégation a ensuite assuré que la cohésion des Pakistanais n'était pas menacée. Le pays résistera à la menace terroriste et fanatique, a-t-elle insisté.
En réponse au membre du Comité qui déplorait que des musulmans tuent d'autres musulmans, la délégation a expliqué qu'il s'agissait là d'un tout petit groupe extrémiste qui essaie d'imposer sa vision à l'ensemble de la population en s'attaquant aux écoles, aux universités, aux madrasas, aux mosquées, à la religion, à l'origine ethnique, à la langue. Évoquant l'opposition entre sunnites et chiites, la délégation a affirmé que l'image qui est créée autour de ce clivage ne correspond pas à la réalité; l'image de ce conflit, à l'étranger, est très exagérée.
En ce qui concerne la situation des Hazaras, la délégation a regretté que cette communauté soit la cible de tous petits groupes extrémistes et fanatiques; le Gouvernement ne ménage aucun effort pour protéger cette communauté, a-t-elle assuré. La plupart des attaques à l'encontre des Hazaras se sont produites sur le chemin d'un pèlerinage vers l'Iran, a-t-elle précisé; dans ce cadre, le Ministre pakistanais des droits de l'homme est responsable d'un programme d'accord avec le Gouvernement iranien pour la mise en place d'un service de ferry qui devrait permettre d'assurer des voyages sécurisés pour les pèlerins se rendant en Iran.
Interrogée sur la responsabilité des madrasas dans la montée de l'extrémisme dans le pays, la délégation a expliqué que les madrasas n'existaient pas uniquement au Pakistan; il y en a des milliers partout dans le monde. La madrasa a pour tradition d'assurer un enseignement religieux aux enfants défavorisés qui ne peuvent pas trouver de places dans des autres écoles. Le Gouvernement a mis en œuvre un processus d'enregistrement des madrasas afin de vérifier leur financement et l'enseignement qui y est dispensé, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a ensuite expliqué que l'enseignement public était gratuit au Pakistan et que les madrasas faisaient partie du système scolaire. Il s'agit juste d'un lieu où l'enseignement est fourni, a-t-elle insisté. Au Pakistan, le programme scolaire des madrasas doit être ancré dans la laïcité, a-t-elle en outre déclaré. La délégation a ajouté qu'elle partageait les préoccupations du Comité s'agissant de l'extrémisme; le Gouvernement pakistanais souhaite mettre en place une règlementation adaptée pour éviter l'enseignement du fondamentalisme au sein de ces écoles, a-t-elle indiqué.
Concernant l'absence d'un document de base, la délégation a expliqué que le Pakistan s'était trouvé face à une contrainte du fait que le rapport ne pouvait dépasser un certain nombre de mots; en outre, le Pakistan avait déjà fourni un document de base lors du dernier examen devant le Comité et ne pensait pas devoir en réaliser un nouveau. Un nouveau document de base commun (à tous les organes de traités) est en train d'être préparé et ce document sera envoyé au Comité dès qu'il sera prêt, a indiqué la délégation.
S'agissant de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne, la délégation a expliqué que dès qu'une convention internationale est signée, elle est directement applicable et peut être invoquée devant tous les tribunaux du pays. Il en va donc ainsi de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
S'il est vrai qu'il n'existe pas de définition de la discrimination raciale dans la législation pakistanaise, la discrimination n'en est pas moins interdite dans tout le pays sous quelque motif que ce soit, a poursuivi la délégation. En fait, la définition de la discrimination raciale est couverte dans la Constitution et dans l'arsenal législatif, a-t-elle fait valoir, soulignant que des articles de la Constitution prévoient la protection de tous les citoyens ainsi que des minorités sans discrimination aucune. Le terme de «minorité» inclut tous les groupes ethniques, culturels et religieux, a précisé la délégation. Les actes discriminatoires sont sanctionnés par le Code pénal, a-t-elle ajouté.
Concernant l'utilisation d'Internet et des moyens modernes de communication pour diffuser des messages de respect des droits de l'homme et les valeurs y associées, la délégation a souligné qu'il existe au Pakistan de très nombreux médias qui œuvrent à l'harmonisation de la société pakistanaise. Il y a des centaines de journalistes qui travaillent à la sensibilisation aux droits de l'homme, a insisté la délégation. La discrimination raciale n'est pas encouragée au Pakistan, a-t-elle ensuite ajouté, affirmant que les questions de discriminations sont abordées sur Facebook, Twitter, dans les journaux et à la télévision sans aucun problème.
Concernant l'absence de nouveau recensement depuis 1998, la délégation a indiqué qu'un budget avait été prévu pour organiser un nouveau recensement. Ce processus prend beaucoup de temps car il exige de nombreuses planifications, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement a besoin de ressources et il faut, par exemple, que les écoles soient fermées pour que leurs locaux puissent être utilisés pour ce recensement.
La délégation a ensuite expliqué que la nouvelle Commission nationale des droits de l'homme avait davantage de pouvoir que l'ancienne. Cette nouvelle Commission a été instituée en tant qu'organe statutaire du Parlement, a-t-elle indiqué; ce sont des membres élus par le Parlement qui la composent. Cette Commission a reçu un soutien financier et une véritable autonomie conformément aux Principes de Paris. Elle bénéficie du droit d'investigation sur toute violation des droits de l'homme qui lui est soumise. Cette commission a été renforcée pour lui permettre de répondre à toutes les questions qui sont portées à son attention, a fait valoir la délégation.
Concernant, les violences contre les femmes et les crimes d'honneur, la délégation a indiqué que ces derniers temps, le Gouvernement s'est évertué à intégrer la question des femmes dans ses différents plans et programmes en promouvant la question du genre pour améliorer la situation socioéconomique des femmes. L'éducation des femmes est devenue de plus en plus marquée; dans certaines institutions bien cotées comme les écoles de médecine, 70% des étudiants sont des femmes et ce sont maintenant les hommes qui exigent l'instauration d'un quota en leur propre faveur.
La période de 2008 à 2013 a été particulièrement importante du point de vue des droits des femmes, a poursuivi la délégation. Une série de mesures législatives ont été prises concernant le mariage forcé, les violences domestiques ou sexuelles, ou encore les discriminations à l'encontre des femmes. Le Parlement lui-même compte beaucoup de députées femmes. L'objectif fixé par la loi est d'arriver à une proportion de 33% de parlementaires femmes, alors qu'aujourd'hui, cette proportion est de 27%, a indiqué la délégation. Quatre femmes parlementaires sont actuellement issues des minorités, a-t-elle ensuite précisé.
Les crimes d'honneur sont considérés comme des meurtres au Pakistan et la sanction minimale encourue est de dix années d'emprisonnement, a ensuite souligné la délégation, avant de faire valoir que les auteurs de crimes d'honneur avaient été sanctionnés par les plus hautes juridictions du pays. Deux frères auteurs de ce type de crimes ont par exemple été condamnés à la peine de mort, a précisé la délégation.
Les jeunes filles sont incitées à s'inscrire à l'école et des investissements importants ont été réalisés pour permettre l'accès de tous et de toutes à l'éducation, a ensuite souligné la délégation.
Concernant la Loi sur le blasphème, la délégation a assuré le Comité que des mesures concrètes ont été prises pour protéger les personnes contre tout abus découlant de cette Loi. Une personne qui, à dessein, émet de fausses accusations de blasphème au pénal peut être sanctionnée par une lourde amende et une peine d'emprisonnement. Les émissaires religieux ont condamné les fausses accusations de blasphème, a insisté la délégation.
Le Pakistan a été le pays le plus accueillant à l'égard des réfugiés afghans; il en accueille plus de cinq millions, a d'autre part rappelé la délégation. Tous ces réfugiés ont accès aux écoles, au système de soins de santé, à l'eau, à l'assainissement. De plus, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'occupe de certaines écoles qui leur sont spécialement dédiées. Les Afghans ont la possibilité d'avoir accès à l'emploi au Pakistan, a en outre fait valoir la délégation. Dans certaines zones, la présence des réfugiés afghans modifie la composition démographique et les élections dans ces zones peuvent donc modifier le paysage politique, a-t-elle fait observer. C'est pourquoi certains souhaitent le retour des réfugiés dans leur pays d'origine, a expliqué la délégation, avant d'indiquer que certains retours sont prévus en accord avec le HCR.
Concernant les personnes déplacées temporaires en raison des opérations des forces de l'ordre contre le terrorisme, la délégation a expliqué qu'il y avait eu de nombreux déplacements dues à des activités terroristes. Le Gouvernement ne ménage aucun effort dans ce contexte pour porter assistance aux personnes les plus vulnérables. Des personnes déplacées ont été installées dans des camps temporaires avec des écoles temporaires et des centres de santé temporaires. Actuellement la réinstallation des personnes déplacées est en cours, a indiqué la délégation.
Le Pakistan dispose de nombreuses lois à l'appui de la lutte contre la servitude sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de traite des êtres humains ou de travail des enfants, par exemple. Des dispositions existent aussi en faveur de la réhabilitation des victimes et il existe des procédures pénales pour assurer l'effectivité de ces lois.
La délégation a d'autre part indiqué que les minorités ont le droit d'avoir leurs propres lois sur la famille.
Remarques de conclusion
M. KHALAF, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Pakistan, a noté qu'il avait les mêmes lectures que la délégation quant aux causes et conséquences de la situation actuelle du Pakistan. Le terrorisme et le radicalisme sont les deux grands défis auxquels le pays est aujourd'hui confronté, a-t-il souligné. Il a expliqué que ce n'est pas la cohésion nationale qui est en danger mais bien la cohésion musulmane qui est mise à mal. Il a par ailleurs relevé que certains partis politiques s'étaient radicalisés. Le rapporteur a ajouté que l'image qu'il gardait du Pakistan restait celle de ses pères fondateurs, celle de la tolérance.
Le Ministre des droits de l'homme du Pakistan, M. KAMRAN, a assuré que l'ensemble des remarques du Comité serait pris en compte par la délégation. La préservation des droits de tous les citoyens est la priorité nationale du Pakistan, a-t-il expliqué. Le pays a beaucoup de défis à relever et il va s'y atteler, a-t-il déclaré. Quels que soient ces défis, le Pakistan s'engage à reconnaître les droits de l'ensemble de sa population, y compris de ses minorités, a-t-il conclu.
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CERD16/023F