Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU ROYAUME-UNI
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par le Royaume-Uni sur les mesures que le pays a prises pour donner effet aux dispositions de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant ce rapport, M. Paul Downie, Directeur adjoint pour l’intégration et la foi du Département des communautés et des autorités locales du Royaume-Uni, a souligné que le Royaume-Uni est un pays multiethnique et multireligieux, précisant qu’environ 13% de la population s’identifie à une minorité ethnique. L’apport de ces personnes à la vie sociale, économique, politique et culturelle du Royaume-Uni est considérable, a-t-il déclaré. Les enquêtes montrent que la grande majorité des habitants estiment que les différentes communautés de leur voisinage s’entendent bien, un sentiment partagé par toutes les grandes communautés, a-t-il ajouté.
Le Gouvernement entré en fonction l’an dernier a fixé une série d’objectifs afin d’améliorer l’égalité des chances pour la population noire et les membres des minorités ethniques, a ensuite fait valoir M. Downie. En vertu de cette stratégie, intitulée Vision 2020, l’État entend accroître de 20% la présence des personnes d’ascendance africaine et issues des minorités ethniques sur le marché du travail, à l’université, dans la police et dans l’armée, a-t-il précisé. Quant aux actes haineux, l’État est déterminé à faire en sorte qu’ils n’aient aucune place dans la société, a assuré M. Downie. Il y a deux semaines, a été publié un nouveau plan d’action qui portera sur les quatre prochaines années; son lancement est venu à point nommé, alors que l’on signalait une hausse de ce type de délits envers des ressortissants européens ou appartenant à des minorités, particulièrement dans les jours ayant suivi le référendum sur l’appartenance à l’Union européenne. Sans être revenue totalement à la normale, les choses se sont, semble-t-il, passablement calmées depuis lors, a assuré M. Downie. Il a toutefois souligné que cette hausse réelle des actes racistes n’était pas absolument avérée et qu’elle pouvait être due à la perception que l’on en avait eue du fait que leur signalement était encouragé par les trois ministères impliqués dans la lutte contre ce fléau. Il est encourageant que la réponse à ces événements ait été de les condamner et de célébrer ce qui unit les Britanniques, a ajouté le chef de la délégation britannique.
Ont complété cette présentation des représentants des Gouvernements de l’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord, qui ont brossé un tableau de la situation s’agissant des questions relevant de leur juridiction. Se sont également exprimées plusieurs institutions des droits de l’homme des provinces composant le Royaume.
La délégation britannique pays était également composée d’une représentante du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de membres des exécutifs des îles de Jersey et Guernesey et de membres de la Mission permanente du Royaume-Uni auprès des Nations Unies à Genève.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la lutte contre les inégalités, en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi ; de la législation en vigueur en rapport avec les dispositions de la Convention ; de la déclaration interprétative que le pays maintient à l’égard de l’article 4 de la Convention ; de la définition de l’extrémisme ; de la surreprésentation des membres des minorités dans les prisons ; des contrôles d’identité accompagnés de fouilles au corps ; de la situation dans les différents territoires d’outre-mer et provinces du Royaume ; de l’attitude de la police ; et de la traite transatlantique.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport, M. Gun Kut, a relevé le contexte généralisé, à l’heure actuelle, de l’aggravation de la xénophobie et du racisme et a souligné que le référendum sur l’appartenance à l’Union européenne avait constitué un événement de première importance. L’élection d’un maire d’origine étrangère à Londres est un événement qui va à contre-courant des actuelles dérives xénophobes, cruellement illustrées par l’assassinat de la députée Joan Cox lors de la campagne référendaire, a-t-il ajouté. M. Kut a ensuite fait observer que des informations émanant de la presse faisaient état de signaux alarmants s’agissant notamment de la prévalence d’actes antisémites et islamophobes. Il a rappelé que l’on avait signalé une hausse des agressions chauvines au lendemain du vote sur le «Brexit». Un expert a mentionné le contexte mondial actuel, cité la campagne électorale aux Etats-Unis et estimé que tout cela n’était pas sans rappeler les circonstances de l’accession d’Hitler au pouvoir.
Le rapporteur a par ailleurs constaté que des informations faisaient état de cas suspects de décès en détention. Un autre membre du Comité a évoqué une pratique abusive du pouvoir d’interpellation à l’encontre des membres de minorités ethniques, africaines et asiatiques essentiellement. Plusieurs experts ont mentionné la situation des Chagossiens, l’un d’entre eux estimant que leur sort était emblématique de l’exclusion des personnes d’ascendance africaine. Deux membres du Comité ont contesté la position britannique selon laquelle la Convention ne s’appliquerait pas à l’archipel des Chagos.
A par ailleurs été notée la présence disproportionnée de personnes d’ascendance africaine dans les lieux de détention. Relevant aussi une inégalité en matière d’accès aux soins de santé, un expert a parlé d’une «situation de discrimination raciale structurelle et systémique» qui trouve sa source historique dans le commerce des esclaves dont le Royaume-Uni a été l’un des grands bénéficiaires. Un membre du Comité a fait observer que les mesures d’action affirmative ne sauraient suffire à venir à bout des préjugés et de la discrimination raciale.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Royaume-Uni et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 26 août.
Lundi matin, à 10 heures, le Comité auditionnera les organisations de la société civile au sujet de la situation dans les quatre pays dont les rapports seront examinés au cours de la semaine, à savoir le Paraguay, l’Afrique du Sud, le Liban et l’Ukraine.
Présentation du rapport du Royaume-Uni
Le Comité est saisi du rapport du Royaume-Uni, ainsi que des réponses du pays à la liste de thèmes à traiter (en anglais et en espagnol) que lui a adressée le Comité. Le Comité est également saisi du document de base du Royaume-Uni contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels cet Etat est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.
Présentant ce rapport, M. PAUL DOWNIE, Directeur adjoint pour l’intégration et la foi du Département des communautés et des autorités locales du Royaume-Uni, a assuré que la société civile, de nombreuses organisations non gouvernementales et des institutions nationales des droits de l’homme avaient été consultées dans le cadre de la préparation du rapport. Il a rappelé que les Parlement britannique avait dévolu des pouvoirs substantiels aux assemblées d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord. Le Gouvernement britannique conserve la responsabilité de la législation sur l’égalité en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, l’Irlande du Nord ayant juridiction sur sa propre législation en la matière, a-t-il précisé. L’Écosse, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles ont juridiction sur les grands domaines tels que la santé, l’éducation, le logement, les collectivités et la justice. Quant aux dépendances de la Couronne, sans être parties du Royaume-Uni, elles disposent de leurs propres assemblées, de leurs propres systèmes juridiques, administratifs et fiscaux, ainsi que de leurs propres tribunaux. Elles ne sont pas représentées au Parlement de Londres, a indiqué M. Downie.
Le Royaume-Uni est un pays multi-ethnique et multi-religieux, a poursuivi le chef de la délégation britannique. Environ 13% de la population s’identifie à une minorité ethnique, a-t-il précisé. Leur apport à la vie sociale, économique, politique et culturelle du Royaume-Uni est considérable, a-t-il déclaré. Les enquêtes montrent que la grande majorité des habitants estiment que les différentes communautés de leur voisinage s’entendent bien, un sentiment partagé par toutes les grandes communautés. Le chef de la délégation a souligné que l’année 2015 avait marqué non seulement le cinquantième anniversaire de la Convention mais aussi le cinquantenaire de la première loi britannique contre la discrimination raciale, le Race Relations Act de 1965.
Le Gouvernement entré en fonction l’an dernier a fixé une série d’objectifs afin d’améliorer l’égalité des chances pour la population noire et les membres des minorités ethniques, a ensuite fait valoir M. Downie. En vertu de cette stratégie, intitulée Vision 2020, l’État entend accroître de 20% la présence des personnes d’ascendance africaine et issues des minorités ethniques sur le marché du travail, à l’université, dans la police et dans l’armée. Le chef de la délégation a signalé que le taux d’emploi de ces populations dépassait d’ores et déjà le taux record de 61%; ainsi, un demi-million de personnes de plus issues des groupes ethniques minoritaires sont au travail par rapport à 2010, ce qui constitue un augmentation d’environ 20% sur ces cinq dernières années. Le Gouvernement britannique est déterminé à faire encore mieux pour parvenir à l’objectif fixé de plein emploi, en faisant en sorte que les employeurs britanniques embauchent les plus talentueux et les travailleurs ayant le plus fort potentiel au sein des différentes communautés du pays.
Un député d’expérience, l’honorable David Lammy, dresse actuellement le bilan du système de justice pénale en Angleterre et au Pays de Galles, afin de tâcher de mettre en lumière d’éventuels préjugés envers les personnes noires et issues des minorités, a poursuivi M. Downie. Il doit rendre son rapport l’an prochain en fournissant des recommandations afin de remédier à la surreprésentation significative de ces populations dans le système de justice pénale, a-t-il précisé. Il a par ailleurs été demandé aux universités de faire preuve de transparence dans leurs critères d’admission. En outre, une autre parlementaire, la baronne McGregor-Smith, a entrepris de se pencher sur le plafond de verre susceptible de bloquer les talents des membres des minorités visibles dans l’entreprise.
Quant aux actes haineux, l’État est déterminé à faire en sorte qu’ils n’aient aucune place dans la société, a assuré M. Downie. Il y a deux semaines, a été publié un nouveau plan d’action qui portera sur les quatre prochaines années. Son lancement est venu à point nommé, alors que l’on signalait une hausse de ce type de délits envers des ressortissants européens ou appartenant à des minorités, particulièrement dans les jours ayant suivi le référendum sur l’appartenance à l’Union européenne. Sans être revenue totalement à la normale, les choses se sont, semble-t-il, passablement calmées depuis lors, a assuré M. Downie. Il a toutefois souligné que cette hausse réelle des actes racistes n’était pas absolument avérée et qu’elle pouvait être due à la perception que l’on en avait eue du fait que leur signalement était encouragé par les trois ministères impliqués dans la lutte contre ce fléau. Il est encourageant que la réponse à ces événements ait été de les condamner et de célébrer ce qui unit les Britanniques, a ajouté le chef de la délégation britannique, insistant sur l’importance de favoriser l’intégration et la cohésion, de mettre en avant ce que la société partage en commun, plutôt que d’insister sur ce qui la divise. L’ancien Premier Ministre a nommé une haut fonctionnaire, Dame Louise Casey, qu’il a chargée de dresser le bilan de la cohésion sociale, a conclu M. Downie.
Complétant cette présentation, MME LUSKA JERDIN, Responsable de la Stratégie de l’égalité au sein du Gouvernement de l’Écosse, a indiqué que l’ambition des dirigeants de la province visait à progresser dans l’égalité des chances dans les cinq prochaines années, notamment par la mise en œuvre du cadre intitulé Scotland Performs. D’ores et déjà, l’Écosse est beaucoup plus diversifiée qu’elle ne l’était par le passé. Cela s’explique en partie par la migration mais aussi par le rôle actif de la province dans le programme britannique de répartition des demandeurs d’asile. L’un des développements les plus récents a été l’adoption d’un nouveau Cadre d’égalité raciale qui illustre la volonté politique du Gouvernement écossais dans ce domaine.
L’Écosse est profondément préoccupée par l’augmentation de la xénophobie en Europe, même si elle a été épargnée par la hausse des actes haineux survenue après le référendum sur l’appartenance à l’Union européenne, a poursuivi Mme Jerdin. Elle a néanmoins estimé qu’il était nécessaire de continuer à faire preuve de vigilance, d’autant que les autorités sont convaincues que les crimes de haine sont insuffisamment signalés et que les communautés minoritaires continuent d’être victimes de préjugés et d’abus. Un groupe consultatif indépendant chargé des actes haineux, des préjugés et de la cohésion communautaire est en train de se pencher sur le problème et il devrait prochainement rendre publiques ses recommandations. Les actions entreprises s’inscrivent dans le cadre du Plan national d’action pour les droits de l’homme de l’Écosse, a précisé Mme Jerdin.
MME JOANNE GLENN, Responsable de l’Équipe pour l’inclusion du Gouvernement du Pays de Galles, a expliqué qu’un cadre d’action avait été lancé en 2014 afin de lutter contre les actes haineux. Celui-ci concerne les domaines du logement, de la santé, des services sociaux, du sport et de la culture. Le Gouvernement gallois a lancé la même année un programme de cohésion communautaire. La loi sur le logement adoptée également en 2014 a réintroduit l’obligation pour les collectivités locales de fournir des sites pour les gens du voyage, avec le soutien d’un financement public.
Le Pays de Galles est fier de son histoire d’accueil en faveur des personnes fuyant la guerre et la persécution, a en outre souligné Mme Glenn. Le Gouvernement gallois s’est engagé à jouer un rôle dans le soutien à l’installation des demandeurs d’asile et des réfugiés, en adoptant un plan spécifique à cette fin en mars dernier, a-t-elle ajouté.
MME LINSEY FARRELL, Responsable de l’égalité raciale au sein du Bureau exécutif du Gouvernement d’Irlande du Nord, a indiqué qu’à la fin de l’an dernier, avait été élaborée une Stratégie en faveur de l’égalité raciale à l’horizon 2025. Les autorités ne se font toutefois aucune illusion quant à l’énormité du défi représenté par la diminution des inégalités raciales, a-t-elle ajouté. Jusqu’à une période récente, la province était une région d’émigration plutôt que d’immigration, a-t-elle rappelé. Alors qu’elle comptait depuis longtemps des minorités ethniques, elle n’a pas connu le développement d’une société multiculturelle de la même manière que l’on a pu le constater dans d’autres régions du Royaume-Uni; elle a désormais l’opportunité de développer une société diversifiée basée sur des pratiques optimales qui soient pertinentes pour l’Irlande du Nord.
L’Irlande du Nord n’est plus en situation d’effectuer des actions de rattrapage mais plutôt de développer ses propres pratiques optimales, a insisté Mme Farrell. Elle participe à la réinstallation de réfugiés syriens, la vaste majorité de la population ayant été généralement ouverte et chaleureuse dans ce contexte. Mme Farrell a en outre attiré l’attention sur l’existence d’un Fonds pour le développement des minorités ethniques, abondé à hauteur de 1,1 million de livres sterling. Elle a reconnu que le chauvinisme en Irlande du Nord était fortement teinté de préjugés religieux qui ont été à la source des schémas et des attitudes ayant entraîné une ségrégation résidentielle, associée à une conscience aiguë de l’appartenance territoriale – situation qui a maintenant un impact sur les communautés ethniques minoritaires. La stratégie nord-irlandaise intitulée «Ensemble : construire une communauté unie» (Together : Building a United Community) fournit le cadre de l’action gouvernementale visant à mettre un terme à la séparation communautaire, à la haine, au racisme et à d’autres formes d’intolérance, a indiqué Mme Farrell.
Déclarations des institutions des droits de l’homme
La Commission de l’égalité et des droits de l’homme a indiqué qu’elle était l’une des trois institutions nationales des droits de l’homme britannique et qu’elle avait convenu avec son homologue écossaise qu’elle s’exprimerait au nom de toute la Grande-Bretagne. Toutes deux considèrent que la loi relative aux droits de l’homme de 1998 est satisfaisante. Au cas où le Gouvernement confirmerait son intention d’élaborer une Charte des droits, il conviendra de s’assurer que le cadre relatif aux droits fondamentaux ne connaisse pas de régression et envisage tous les moyens d’éliminer la discrimination raciale.
La Commission a ensuite observé que les restrictions apportées à l’aide juridictionnelle avaient eu un impact significatif sur la capacité des citoyens à accéder à la justice en cas de violation de leurs droits, s’agissant en particulier des membres des minorités ethniques. En outre, les membres des minorités ethniques sont plus susceptibles d’être victimes d’actes haineux, sans bénéficier d’aucune facilité particulière pour accéder à la justice. La Commission a par ailleurs relevé que l’on avait observé une augmentation des actes racistes en Angleterre et au Pays de Galles à la suite du référendum sur l’appartenance à l’Union européenne. Si l’Écosse a été épargnée, il n’en demeure pas moins que les actes racistes haineux y sont les délits les plus courants enregistrés par la police locale.
Par ailleurs, les statistiques montrent que les contrôles d’identité suivis de fouilles visent cinq fois plus les hommes noirs que les Blancs. Quant aux poursuites et condamnations en justice, elle sont trois fois plus élevées pour les Noirs – et deux fois plus pour les métis – que pour les Blancs. L’école n’est pas épargnée puisque les enfants sont plus souvent sujets d’actes d’intimidation sur la base de leur race, de leur ethnie ou de leur religion, a poursuivi la Commission. Par ailleurs, le chômage affecte plus fréquemment les travailleurs appartenant à des minorités, a-t-elle ajouté.
La Commission des droits de l’homme de l’Irlande du Nord a fait part de sa préoccupation face à la proposition visant à abroger la loi sur les droits de l’homme qui incorpore la Convention européenne des droits de l’homme dans la législation locale. Or, la Convention européenne est invoquée dans l’accord de paix dit du Vendredi saint de 1998. Toute modification dans ce contexte doit assurer une protection effective dans toutes les juridictions du Royaume-Uni, a souligné la Commission. Par ailleurs, le projet d’une charte des droits pour l’Irlande du Nord n’a pas progressé en raison d’une absence de consensus politique à ce sujet, a-t-elle fait observer. La Commission a attiré l’attention sur le fait qu’il n’existait pas de législation unique sur l’égalité dans la province, contrairement aux recommandations du Comité. En outre, la loi réprimant la discrimination ne prend pas en compte les discrimination croisées multiples. La Commission suggère au Comité d’envisager de recommander que des mesures soient prises afin d’harmoniser la législation sur l’égalité et qu’une protection légale soit introduite afin d’assurer une protection contre les discriminations croisées. Elle lui suggère aussi de recommander que des mesures soient prises en vue d’apporter une réponse à toutes les formes d’actes haineux.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. GUN KUT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, a relevé que le pays avait connu des évolutions importantes depuis l’examen de son précédent rapport, particulièrement dans la période récente, ce qui est illustré par la composition de la délégation, suite aux dévolutions de pouvoir en faveur des différentes composantes du Royaume. Le fait que le Comité se trouve face à quatre interlocuteurs distincts présente à la fois des avantages et des inconvénients, a-t-il remarqué. Il s’est ensuite demandé si les différentes institutions nationales des droits de l’homme existant dans le pays disposaient de ressources suffisantes du fait de leur multiplicité.
À cela s’ajoute le contexte généralisé à l’heure actuelle de l’aggravation de la xénophobie et du racisme, a poursuivi le rapporteur. Le référendum sur l’appartenance à l’Union européenne a constitué un événement de première importance, a-t-il ajouté, avant de mentionner l’élection d’un maire d’origine étrangère à Londres, événement qui va à contre-courant des actuelles dérives xénophobes, cruellement illustrées par l’assassinat de la députée Joan Cox lors de la campagne référendaire.
En premier lieu, M. Kut a estimé nécessaire que la délégation en dise davantage sur la participation des organisations non gouvernementales au processus d’élaboration du rapport, compte tenu du fait que celles présentes à Genève ont affirmé devant le Comité qu’elles n’avaient guère été consultées. Le rapporteur a par ailleurs jugé nécessaire que soient éclaircies les modalités des contrôles d’identité accompagnés de fouilles (pratique dit du «Stop and Search»), rappelant que le Royaume-Uni avait refusé que les incidents auxquels ces contrôles pouvaient donner lieu soient répertoriés.
Le rapporteur a ensuite fait observer que des informations émanant de la presse faisaient état de signaux alarmants s’agissant notamment de la prévalence d’actes antisémites et islamophobes. Il a rappelé que l’on avait signalé une hausse des agressions chauvines au lendemain du vote sur le «Brexit».
M. Kut a par ailleurs constaté que des informations faisaient état de cas suspects de décès en détention. Il a enfin signalé des cas de discriminations dans les territoires britanniques d’outre-mer, citant l’exemple des îles Turques et Caïques.
Un autre membre du Comité a évoqué lui aussi une pratique abusive du pouvoir d’interpellation à l’encontre des membres de minorités ethniques, africaines et asiatiques essentiellement.
Un expert a mentionné le contexte mondial actuel, cité la campagne électorale aux Etats-Unis et estimé que tout cela n’était pas sans rappeler les circonstances de l’accession d’Hitler au pouvoir.
Plusieurs experts ont mentionné la situation des Chagossiens, l’un d’entre eux estimant que leur sort était emblématique de l’exclusion des personnes d’ascendance africaine. Sont-ils considérés comme un peuple autochtone vulnérable par le Royaume-Uni, a-t-il été demandé? Deux membres du Comité ont contesté la position britannique selon laquelle la Convention ne s’appliquerait pas à l’archipel des Chagos ; a dans ce contexte été rappelé le droit inhérent au retour de la population d’origine déportée de force.
Notant la présence disproportionnée de personnes d’ascendance africaine dans les lieux de détention, un expert a relevé que certaines prisons comptaient jusqu’à 100% de détenus noirs. Relevant aussi une inégalité en matière d’accès aux soins de santé, cet expert a parlé d’une «situation de discrimination raciale structurelle et systémique» qui trouve sa source historique dans le commerce des esclaves dont le Royaume-Uni a été l’un des grands bénéficiaires. Le pays pourrait-il envisager le versement de réparations, a demandé l’expert?
Un expert a souligné qu’en matière d’emploi, les postes subalternes étaient plus souvent occupés par les membres des «minorités visibles». Cet expert a en outre estimé qu’il n’y avait aucune raison de se glorifier d’un taux d’emploi de 61% parmi les membres de ces minorités.
Un membre du Comité, qui a rappelé le rôle historique prééminent qu’avait eu la Grande-Bretagne, jadis première puissance mondiale, a noté que ce pays faisait aujourd’hui la preuve de sa capacité à intégrer toutes les différences, qui plus est dans un système démocratique. Il a toutefois fait part de son effarement lorsqu’il avait entendu un jour, en plein centre de Londres, des individus tenir des discours de haine. Un de ses collègues a évoqué la problématique liée à la définition de l’extrémisme, laquelle ne semble pas faire consensus au Royaume-Uni.
Un membre du Comité, qui a déploré que le rapport ait été présenté avec une année de retard, a estimé que celui-ci posait parfois un problème de méthodologie, notamment lorsque le Royaume-Uni se dit en désaccord avec le Comité. Cet expert s’est en outre interrogé sur le maintien par le pays de réserves à l’égard de certains articles de la Convention, notamment à l’égard de l’article 4 (par lequel «les Etats parties condamnent toute propagande et toutes organisations qui s'inspirent d'idées ou de théories fondées sur la supériorité d'une race (…) ou qui prétendent justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciales»). Un autre expert a déploré que la Convention ne soit pas intégrée dans la Common Law britannique.
Une experte a évoqué la question des législations locales en se demandant comment le Royaume-Uni s’y prenait pour assurer qu’elles respectent bien les dispositions de la Convention. Comment le pays s’assure-t-il que les mesures de protection spéciale qu’il prend permettent plutôt l’intégration que l’assimilation, comme il le revendique?
Deux experts se sont félicités de la parité sexuelle parfaite de la délégation britannique.
Un expert a fait part de sa déception quant au fait, que contrairement à deux autres organes conventionnels, le Comité n’ait pas le privilège de pouvoir recevoir des plaintes émanant de personnes résidant au Royaume-Uni pour d’éventuels faits de discrimination. Tout en convenant qu’il devait y avoir un équilibre entre liberté d’expression et protection des droits de l’homme, cet expert a par ailleurs observé que certains groupes bénéficiaient plus que d’autres de cette liberté, alors que d’autres pâtissent d’éventuels excès dans ce domaine.
Un autre membre du Comité a fait observer que les mesures d’action affirmative ne sauraient suffire à venir à bout des préjugés et de la discrimination raciale.
Une experte a estimé que la surreprésentation, dans la justice pénale, de certaines catégories de la population demeurait une question troublante qui nécessite d’être prise à bras-le-corps par les autorités britanniques.
Réponses de la délégation
La délégation britannique a affirmé que le Royaume-Uni disposait de l’un des cadres juridiques les plus solides du monde pour protéger les communautés contre l’hostilité, la violence et le sectarisme. Néanmoins, le Gouvernement ne considère pas que les inégalités doivent être vues au travers du prisme racial et ethnique, la condition socioéconomique et la pauvreté affectant en effet l’égalité des chances au-delà des origines raciales ou ethniques. Cette position est importante car elle explique les mesures mises en place, telles que le «pupil premium» (prime à l’élève), un mécanisme permettant que les écoles reçoivent des financements supplémentaires pour les enfants issus de milieux défavorisés. Cela permet à des enfants provenant de groupes ethniques particuliers de bénéficier plus fréquemment de cette prime, ce qui est le cas de 60% des élèves gitans, roms et issus des gens du voyage. En outre, cette politique permet aux établissements de répondre avec une plus grande souplesse aux besoins des enfants issus de groupes ethniques. Par ailleurs, les établissements ont la faculté d’élaborer leur propre stratégie pour soutenir les enfants victimes de harcèlement, a ajouté la délégation. En Écosse et au Pays de Galles, par exemple, toutes les écoles sont censées avoir élaboré des directives contre le harcèlement en les adaptant aux circonstances locales. L’exclusion permanente ne doit rester qu’une sanction de dernier recours. Les statistiques montrent que les élèves de certaines catégories – Noirs, Antillais et Roms - sont davantage susceptibles d’être exclus, contrairement à ceux d’origine asiatique par exemple, a reconnu la délégation.
Le taux d’emploi pour l’ensemble de la population dépasse 73%, alors que pour les minorités ethniques il se situe autour de 63%, a ensuite indiqué la délégation. Cette situation peut s’expliquer par le degré de connaissance de la langue anglaise ou par une appréciation erronée des besoins du marché du travail de la part de certains membres des minorités. Des mesures ont été prises afin de remédier à ces lacunes, a assuré la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que l’emploi des termes «Noirs» et «minorités ethniques» était d’usage courant dans le traitement de ces questions.
La délégation a ensuite indiqué que le Gouvernement britannique n’avait pas de projet spécifique pour marquer le Décennie internationale de l’ONU pour les personnes d’ascendance africaine, ce qui n’enlève rien au fait qu’il soit déterminé à lutter contre la discrimination raciale et la xénophobie.
La délégation a d’autre part indiqué que des programmes avaient été mis en place afin d’augmenter le nombre de sites d’accueil pour les gens du voyage et d’agrandir ceux qui existent.
La délégation a d’autre part assuré que les ONG avaient été consultés lors de l’élaboration du rapport, tout en se disant ouverte à toute suggestion pour améliorer cette concertation.
La délégation a évoqué la loi sur le «localisme» (ou délocalisation) de 2011 (Localism Act) – qui s’applique en Angleterre et au Pays de Galles – en expliquant qu’elle avait accru les compétences des collectivités locales qui ont ainsi toute latitude pour prendre des initiatives innovantes et envisager des actions allant au-delà de la direction indiquée par le Gouvernement central. Ce texte permet aux citoyens au niveau local de mieux contrôler les services locaux et de développer des projets de voisinage. La délégation a attiré l’attention sur le fait que les enquêtes visant à mesurer le taux de satisfaction de la population montraient une remarquable stabilité, alors que des réductions de budget significatives, rendues nécessaires, ont été opérées. Lorsque l’on aborde la question spécifique de l’intégration, on constate que le pourcentage des personnes qui considèrent que leur localité est un lieu où les diverses communautés s’entendent bien est passé de 86% en 2014-2015 à 89% à l’heure actuelle, a fait valoir la délégation.
Le Gouvernement britannique considère que les dispositions de la Convention sont respectées au Royaume-Uni. La discrimination est interdite dans des domaines tels que l’emploi et l’éducation. En outre, les propos et comportements abusifs ou insultants, notamment sur le plan racial, sont passibles de poursuites. Une représentante de l’Écosse a précisé que le Gouvernement local était compétent pour l’application des instruments internationaux dans la limite de ses compétences reconnues dans le contexte de la dévolution de pouvoirs. Au Pays de Galles, le bien-être des générations futures a fait l’objet d’un texte de loi spécifique. L’Irlande du Nord dispose quant à elle d’une législation sur la discrimination raciale dont la première version a été adoptée en 1997 et qui a été amendée à deux reprises par la suite. La discrimination à l’embauche et en matière de licenciement, notamment, constitue un délit dans cette province. S’agissant des discriminations fondées sur la caste, la délégation a souligné la difficulté d’insérer le terme «caste» dans la loi sur l’égalité, en raison notamment du caractère flou de cette notion.
Étant doté d’un cadre juridique solide, permettant notamment le dépôt de plaintes, le Royaume-Uni n’est pas convaincu de l’utilité de prévoir la possibilité que des plaintes puissent être déposées auprès du Comité. On constate en effet que peu de plaintes concernant le Royaume-Uni sont déposées auprès d’autres organes conventionnels comparables, comme le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ou le Comité des droits des personnes handicapées, a expliqué la délégation.
Par ailleurs, le Royaume-Uni a l’intention de maintenir sa déclaration interprétative à l’égard de l’article 4 de la Convention, a indiqué la délégation, rappelant que le pays avait une longue tradition de liberté d’expression, y compris lorsque celle-ci peut paraître offensante ou de mauvais goût. Il ne saurait toutefois être question de permettre les appels à la haine, le Gouvernement s’efforçant donc de maintenir un équilibre sur les limites à ne pas franchir. Le Gouvernement britannique ne fait montre d’aucune tolérance envers l’antisémitisme et l’islamophobie, a en outre assuré la délégation.
S’agissant des contrôles d’identité accompagnés de fouilles au corps, cette prérogative
de la police est utile à la condition expresse qu’elle ne relève pas de l’arbitraire, a déclaré la délégation. La police écossaise, par exemple, a établi des directives afin de distinguer les fouilles obligatoires de celles qui ne le sont pas. Les statistiques font état d’une forte diminution de cette pratique, a poursuivi la délégation.
La délégation a par ailleurs indiqué que 25% des détenus en Angleterre et au Pays de Galles appartiennent à des minorités ethniques alors que ces minorités ne représentent que 14% de la population totale; en revanche, il n’y a pas de surreprésentation de ces populations dans les prisons écossaises, a indiqué la délégation.
Le Gouvernement a adopté une définition de l’extrémisme qui doit permettre d’élaborer un futur projet de loi contre le terrorisme, a ensuite fait savoir la délégation.
Le Royaume-Uni s’est engagé à ce que des enfants non accompagnés arrivés en Grèce dans le cadre de la vague actuelle d’afflux des réfugiés en Europe puissent bénéficier d’une possibilité de réinstallation au Royaume-Uni, a d’autre part fait valoir la délégation.
Une représentante des territoires d’outre-mer a affirmé que ces territoires ne comptaient pas de peuples autochtones. Quant au Gouvernement des îles Turques et Caïques, il fait partie des territoires qui sont dotés de leur propre commission des droits de l’homme ; en l’occurrence, celle de cet archipel mène des actions visant notamment à lutter contre la discrimination raciale envers la communauté haïtienne immigrée, a indiqué la délégation.
S’agissant de l’attitude de la police, la délégation a indiqué que la police était consciente de la nécessité d’améliorer les relations avec les diverses communautés du pays en établissant des liens, en jetant des ponts avec elles. La création de polices de proximité a visé cette objectif, tandis que dans le même temps le recrutement de membres issus des «minorités visibles» a été accru, particulièrement dans le Grand-Londres où en ont bénéficié environ un quart des policiers.
Si le Royaume-Uni considère que le commerce des esclaves a constitué un crime contre l’humanité auquel il a pris part, il estime avoir joué un rôle majeur pour abolir l’esclavage au dix-neuvième siècle, a d’autre part souligné la délégation. Le pays soutient activement aux Nations Unies les initiatives visant à entretenir le devoir de mémoire envers le coût humain de la traite transatlantique. Par ailleurs, un Musée international de l’esclavage a été inauguré en 2007 à Liverpool, ce port ayant joué un rôle historique dans la traite transatlantique. La délégation a rappelé qu’aujourd’hui encore perduraient des formes contemporaines d’esclavage contre lesquelles il était essentiel de lutter, un combat auquel le Royaume-Uni s’efforce de prendre toute sa part pour que les auteurs soient traduits en justice.
Remarques de conclusion
M. KUT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, a jugé encourageants les signes positifs et la volonté politique affichés par la délégation. Il existe en revanche des domaines où les choses se détériorent, a-t-il ajouté, en indiquant que le Comité en ferait part dans ses observations finales.
Le chef de la délégation britannique, M. DOWNIE, Directeur adjoint pour l’intégration et la foi du Département des communautés et des autorités locales du Royaume-Uni, a dit avoir le sentiment d’avoir été bien compris et a indiqué attendre avec intérêt les observations finales du Comité.
MME ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité, a quant à elle remercié les membres de la société civile pour leur participation active.
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CERD16/015F