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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA TURQUIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport de la Turquie sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant ce rapport, Mme Gülser Ustaoğlu, Directrice générale de la Direction générale de la condition de la femme auprès du Ministère de la famille et des politiques sociales de la Turquie, a d'emblée précisé que l'égalité entre tous les individus était garantie par l'article 10 de la Constitution de son pays. Plusieurs modifications ont été faites ces dernières années pour renforcer les droits humains. Par exemple, la disposition prévoyant que les femmes ne pouvaient donner leur nom de famille à leurs enfants suite à un divorce a été abrogée. Divers amendements ont été apportés au Code pénal, au Code de procédure pénale, à la loi antiterroriste et la loi sur la presse, afin de prévenir encore davantage la discrimination. La représentante turque a affirmé que son Gouvernement appliquait le principe de tolérance zéro face aux violences contre les femmes.

Mme Ustaoğlu a reconnu que la discrimination à l'encontre des femmes ne pouvait être totalement éliminée par les seules régulations administratives et juridiques. Des activités de sensibilisation ont ainsi été mises en œuvre en Turquie, dont des formations à l'attention du personnel des institutions publiques. S'agissant de la participation des femmes aux mécanismes de prise de décision, la représentante turque a parlé de progrès tout en admettant que la situation n'était toujours pas satisfaisante. En conclusion, Mme Ustaoğlu a indiqué que son pays pratiquait une «politique de la porte ouverte» à l'attention des réfugiés. Les plus de 2,5 millions de Syriens qui sont sous protection temporaire de la Turquie bénéficient des mêmes droits que les citoyens turcs, a-t-elle assuré.

Outre d'autres membres du Ministère de la famille et des politiques sociales, la délégation turque était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de l'intérieur; du Ministère du travail et de la sécurité sociale; du Ministère de la justice; du Ministère de l'éducation nationale; du Ministère de la santé; et du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de l'élevage. De nombreux conseillers de la Mission permanente de la Turquie auprès des Nations Unies à Genève complétaient cette délégation.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité portant, notamment, sur la collaboration entre les autorités et les organisations non gouvernementales; les conditions régissant les examens génitaux et les tests de virginité autorisés par les juges; la situation des nombreux réfugiés dans le pays; l'élaboration d'un nouveau Plan d'action relatif à l'égalité des sexes; les mesures et le budget dévolus à la prévention de la violence à l'encontre des femmes; l'aide apportée aux victimes de violence; les crimes d'honneur; la lutte contre les mariages précoces; et la législation en matière d'avortement. Une experte s'inquiétant des taux plutôt bas de la représentation des femmes en politique, la délégation a au contraire fait observer que la participation ne cessait d'augmenter: 81 membres du Parlement sont des femmes, un taux moyen de représentation en politique de 17% destiné à progresser.

Tout en notant que le principe d'égalité était formellement reconnu dans la Constitution turque, une experte a observé que ce principe se heurtait à une vision beaucoup plus conservatrice de la société qui s'éloigne des engagements internationaux et du modèle que la Turquie a su forger depuis le début du siècle dernier. Cette évolution, a précisé l'experte, passe par la valorisation quasi-exclusive du rôle des femmes en tant que mères de famille. Elle passe aussi par la condamnation politique de l'avortement et les obstacles au planning familial. L'experte a mis en garde contre une vision patriarcale qui réduirait le rôle des femmes à la sphère privée, alors que les succès de la Turquie ces dernières années ont pour beaucoup été liés à l'implication des femmes dans la sphère publique.

Le Comité rendra publiques en fin de session des observations finales sur les rapports examinés durant cette session, y compris celui de la Turquie.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Uruguay (CEDAW/C/URY/8-9) en salle XVIII du Palais des nations.


Présentation du rapport de la Turquie

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Turquie (CEDAW/C/TUR/7), ainsi que des réponses de l'État-partie (CEDAW/C/TUR/Q/7/Add.1) à une liste de sujets à traiter que lui a adressée le Comité (CEDAW/C/TUR/Q/7). MME GÜLSER USTAOĞLU, Directrice générale de la Direction générale de la condition de la femme auprès du Ministère de la famille et des politiques sociales de la Turquie, a précisé que le rapport présenté par son pays aujourd'hui avait été rédigé en collaboration avec les organisations non gouvernementales, les universités et les responsables des institutions publiques. Elle a rappelé d'emblée le double défi auquel son pays était confronté: la Turquie a accueilli un grand nombre de migrants ces dernières années et elle mène un dur combat contre le terrorisme. Ces défis n'ont pas affaibli le processus de réformes en cours pour faire des droits de l'homme une réalité, a-t-elle toutefois assuré. Elle a précisé que l'égalité entre tous les individus était garantie par l'article 10 de la Constitution turque.

Plusieurs modifications ont été effectuées pour renforcer les droits de l'homme. Par exemple, la disposition prévoyant que les femmes ne pouvaient donner leur nom de famille à leurs enfants suite à un divorce a été éliminée. Divers amendements ont été apportés au Code pénal, au Code de procédure pénale, à la loi antiterroriste et la loi sur la presse, afin de prévenir encore davantage la discrimination. Aujourd'hui, le crime de haine a été incorporé au Code pénal turc et des sanctions plus lourdes sont prévues pour les actes de discriminations et de haine. Mme Ustaoğlu a expliqué par ailleurs que l'Institution nationale des droits de l'homme de la Turquie avait été restructurée et remplacée par l'Institution nationale de défense des droits de l'homme et de l'égalité en 2016. Un Bureau du Médiateur du peuple a été établi en 2012; une femme y est responsable des questions liées aux femmes et aux enfants.

La représentante turque a ensuite informé le Comité des mesures prises pour réaliser les droits des femmes. La Turquie a activement participé au processus de Beijing + 20. Le pays s'est également engagé en faveur de l'établissement d'un Objectif de développement durable exclusivement consacré à l'égalité des sexes. La Direction générale de la condition de la femme a été réorganisée de sorte à inclure dans son champ d'activités toute une gamme de services sociaux. Mme Ustaoğlu s'est félicitée à cet égard que son budget ait été multiplié par 15, l'objectif étant de fournir des services sociaux de qualité et de mieux prévenir toutes les formes de violence et de discriminations à l'encontre des femmes.

Elle a assuré, en effet, que le Gouvernement appliquait le principe de tolérance zéro face aux violences contre les femmes. La Turquie a d'ailleurs été l'un des premiers pays à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique, dite «Convention d'Istanbul». La «loi 6284» sur la protection de la famille et la prévention de la violence à l'encontre des femmes a été adoptée dans la foulée de l'adhésion à la Convention d'Istanbul, a précisé la Directrice générale. En vertu de celle-ci, il est prévu d'établir des centres de prévention et de surveillance de la violence chargés d'offrir des services sans interruption, sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Des centres pilotes ont été créés dans 14 provinces; ils ont fourni des services à plus de 84 000 personnes en 2013. De plus, des centres d'accueil ont été créés: ils sont aujourd'hui au nombre d'une centaine contre 43 en 2011. La cheffe de la délégation turque a indiqué qu'une analyse d'impact de la loi 6284 avait été menée en 2012. Des ajustements sont prévus pour renforcer son efficacité. Enfin, un plan d'action national – le troisième – sur la lutte contre la violence à l'encontre des femmes sera mis en œuvre d'ici à 2019.

Mme Ustaoğlu a reconnu que la discrimination à l'encontre des femmes ne pouvait être totalement éliminée par les seules régulations administratives et juridiques. Par conséquent, des activités de sensibilisation ont été mises en œuvre en Turquie, dont notamment des formations à l'attention du personnel des institutions publiques: ces ateliers ont permis la formation de 71 000 agents de police, 65 000 employés du domaine médical, 326 juges et procureurs de la famille et 47 600 dignitaires religieux. En outre, 463 000 militaires ont été sensibilisés aux questions de la violence de genre.

S'agissant de la participation des femmes aux mécanismes de prise de décision, la représentante turque a parlé de progrès tout en admettant que la situation n'était toujours pas satisfaisante. En 2009, il n'y avait aucune femme maire d'une grande ville; en 2014, le pourcentage de femmes élues a atteint 10%. Dans la diplomatie, 37 des 232 ambassadeurs de Turquie et 9 des 74 consuls généraux sont des femmes. Par ailleurs, Mme Ustaoğlu a mentionné des amendements apportés à la loi en février 2016 qui ont permis de donner aux employés le droit de travailler à temps partiel en raison de leur parentalité. Ces régulations, a-t-elle précisé, visent à protéger les droits des femmes au travail, tout en garantissant leur maternité et en équilibrant les responsabilités entre les parents. S'agissant du pourcentage de femmes dans le monde du travail, il est passé de 23% en 2004 à plus de 31% en 2015. En matière d'éducation, le taux d'illettrisme des femmes a baissé ces dernières années. En 2012, le niveau de l'enseignement secondaire a intégré le principe de l'éducation obligatoire, ce qui a permis d'accroître le nombre de filles. Enfin, les autorités sont en train d'étudier la question des inégalités à l'école en vue d'en éliminer les discriminations de genre.

Pour conclure, la représentante turque a indiqué que son pays pratiquait une «politique de la porte ouverte» à l'attention des réfugiés. Les plus de 2,5 millions de Syriens qui sont sous protection temporaire de la Turquie bénéficient des mêmes droits que les citoyens turcs. Quelque 270 000 Syriens vivent dans les 26 refuges temporaires où leurs besoins en matière de santé, sécurité, éducation et alimentation sont satisfaits. Après un entretien individuel, ils sont dirigés vers la structure qui leur convient; 100 000 personnes vivant dans ces centres bénéficient de soins psycho-sociaux. Enfin , les Syriens qui vivent en dehors de ces structures sont aussi sous protection et peuvent bénéficier de soins de santé et des possibilités offertes en matière d'éducation. Le budget interne alloué à l'aide aux réfugiés syriens vivant en Turquie atteint près de 11 milliards de dollars, a précisé la représentante turque.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte s'est inquiétée des tentatives de la part des autorités de museler les voix dissidentes en jetant en prison les personnalités critiques du Gouvernement, particulièrement les journalistes. Elle a rappelé l'importance de pouvoir discuter librement des questions de discrimination. Une membre du Comité a déploré que les motifs de discriminations prévus par la loi ne comprenaient pas la discrimination basée sur l'orientation sexuelle, bien que la Turquie ait ratifié la Convention d'Istanbul qui y fait référence. La nouvelle Institution nationale de défense des droits de l'homme et de l'égalité respectera-t-elle les Principes de Paris garantissant son indépendance, a demandé une experte.

La délégation a également été invitée à donner des détails sur plusieurs éléments qui préoccupent des membres du Comité, telle que la pratique de tests de virginité et la loi sur le planning familial qui prévoit qu'une femme doive bénéficier du consentement de son mari pour interrompre une grossesse.

Une experte s'est inquiétée de l'accent mis par le Ministère de la famille et des politiques sociales – et sa Direction générale de la condition de la femme – sur la femme en tant que membre de la famille et non comme individu. Elle a fait observer que cette orientation cantonnait les femmes à un seul rôle. La délégation a également été interrogée sur les liens entre la Direction générale de la condition de la femme du Ministère de la famille et des politiques sociales et le Médiateur du peuple, d'une part, et la nouvelle Institution nationale de défense des droits de l'homme et de l'égalité, d'autre part.

Constatant que le deuxième Plan d'action national pour l'égalité couvrant la période 2015-2020 n'était toujours pas élaboré, une experte a fait observer que le fait d'avoir eu un plan d'action par le passé n'exonérait pas de la responsabilité d'en créer un nouveau pour couvrir la période actuelle et poursuivre les actions entreprises.

Une membre du Comité a demandé à la délégation de donner un complément d'informations sur les possibilités pour les femmes de souche kurde de porter plainte pour motif de discrimination. La délégation a également été invitée à s'exprimer sur les pratiques de mariages précoces et/ou forcés, ainsi que des crimes d'honneur qui visent les femmes et les jeunes filles. Une experte s'est inquiétée que des filles soient encouragées à se suicider pour l'honneur de leur famille, et que celles ayant subi un viol soient obligées d'épouser leurs violeurs pour préserver l'honneur de la famille.

Tout en notant que le principe d'égalité était formellement reconnu dans la Constitution, une experte a observé que celui-ci se heurtait à une vision beaucoup plus conservatrice de la société qui s'éloigne des engagements internationaux et du modèle que la Turquie a su forger depuis le début du siècle dernier. Cette évolution, a précisé l'experte, passe par la valorisation quasi-exclusive du rôle des femmes en tant que mères de famille. Elle passe aussi par la condamnation politique de l'avortement et les obstacles au planning familial. L'experte a mis en garde contre cette vision patriarcale qui réduit le rôle des femmes à la sphère privée, alors que les succès de la Turquie ces dernières années ont pour été liés en grande partie à l'implication des femmes dans la sphère publique.

La Turquie fait partie des pays dans lesquelles la prostitution est légale, a relevé une experte, ajoutant que l'on pourrait, par conséquent, s'attendre à ce que les autorités disposent d'informations précises à ce sujet. Or, le rapport turc est totalement silencieux sur ce point. Se référant à la fermeture récente d'une maison close, elle a souhaité savoir ce qu'il était advenu des femmes qui y travaillaient et si elles s'étaient vu offrir une aide à la reconversion. Elle a également souhaité avoir davantage d'informations sur les cas de prostitution forcée, notamment dans le contexte actuel de la crise migratoire sans précédent.

Une experte a constaté que bien qu'une loi de lutte contre la violence à l'encontre des femmes existe en Turquie, ce pays est classé en 105e position sur 146 pays répertoriés pour ce qui est de la violence à l'encontre des femmes. Existe-t-il des mécanismes permettant aux femmes de dénoncer les cas de maltraitance, a-t-elle demandé.

Alors que le taux d'emploi des femmes en Turquie est inférieur à la moyenne européenne et tout en saluant la réglementation permettant aux employés de pouvoir travailler à temps partiel en raison de leur parentalité, une experte s'est demandée comment les autorités comptaient faire en sorte que les femmes ne seraient pas les seules à faire valoir cette possibilité.

En matière de contraception, une experte a regretté l'accès limité aux services gratuits de planification familiale, alors qu'il semble que la tendance actuelle soit de décourager l'avortement.

Une membre du Comité s'est en particulier inquiétée de l'accès à la santé des femmes issues de la minorité kurde. Selon elle, 60% des femmes kurdes enceintes ne sont pas suivies par un médecin contre un quart des femmes turques en général.

Il y a en Turquie au moins 400 000 Kurdes déplacés, dont une large majorité de femmes et d'enfants, a souligné une experte. Ces personnes sont confrontées à des arrestations et des abus et souffrent des restrictions des couvre-feux. Les femmes redoutent, en outre, les violences sexuelles. Face au caractère dramatique d'une telle situation, l'experte a souhaité savoir si le Gouvernement avait l'intention de reprendre langue avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Envisage-t-il aussi d'autoriser la conduite d'enquêtes indépendantes sur les allégations de violations des droits de l'homme, de violences sexuelles en particulier ?

L'attention de la délégation a en outre été attirée sur les discriminations au motif de l'orientation sexuelle. Une experte s'est alarmée que 41 personnes aient été tuées pour ce motif, alors même que les informations manquent puisque ce type de discrimination n'est pas reconnu.

Les autres questions posées par le Comité ont porté, notamment sur l'aide juridique offerte aux femmes, en particulier en matière de droit de la famille; sur les cas de polygamie et la manière dont ces pratiques sont considérées par la loi; sur les mariages contractuels qui concernent les réfugiées syriennes mineures; sur les actions menées pour augmenter la présence des femmes à des postes de responsabilité, notamment en politique; sur les taux d'abandon scolaire des filles; et sur le respect des droits des femmes détenues.

Réponses de la délégation

S'agissant de l'application de la Convention, la délégation a expliqué que les instruments internationaux primaient sur la législation nationale.

Pour toute question relative à la discrimination à l'encontre des femmes, les personnes peuvent s'adresser au Bureau du Médiateur du peuple. L'Institution nationale de défense des droits de l'homme et de l'égalité est également une instance à laquelle il est possible de s'adresser.

La Turquie a mis en œuvre un Plan d'action relatif à l'égalité des sexes entre 2008 et 2013. Celui-ci comprenait plusieurs volets, dont l'éducation, la santé, l'autonomisation, et les médias. Des représentants de la société civile ont été consultés pour chacun de ces sujets. Le nouveau Ministère est en train d'élaborer un nouveau Plan d'action sur l'égalité des sexes, a précisé la délégation.

Des consultations sont en cours pour l'adoption d'un plan national d'action pour l'application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, a précisé la délégation en réponse à une question.

Une experte s'inquiétant des taux plutôt bas de la représentation des femmes en politique, la délégation a observé, au contraire, que la participation ne cessait d'augmenter. Le nombre de députées femmes au Parlement a connu une augmentation de 10% depuis 2002, s'est félicitée la délégation qui a assuré que cette tendance irait en se confirmant: 81 membres du Parlement sont des femmes, un taux moyen de représentation en politique de 17% qui peut encore s'accroître à l'avenir. La délégation a affirmé qu'il y avait une réelle sensibilisation des partis politiques à ce sujet.

Quant à la participation des femmes en général, la délégation a indiqué que 43% des étudiants à étaient des femmes et elles comptent pour un tiers des professeurs d'université - 40% des titulaires de doctorat sont des femmes. Elles représentent 44% des architectes, 31% des banquiers et un juge sur quatre est une femme.

Au titre des mesures spéciales temporaires, les autorités turques ont mis en place un système d'assistance financière à l'attention des veuves tombées dans la pauvreté. Une allocation mensuelle équivalente à 86 dollars leur est versée.

En matière d'accès à la justice, la délégation a souligné que la Turquie étant un État de droit, les personnes indigentes financièrement pouvaient demander une aide. En outre, la législation a été modifiée pour permettre aux personnes qui souhaitent se défendre devant les tribunaux de s'exprimer dans une autre langue, dont le kurde.

Plusieurs articles du Code de procédure pénale prévoient un certain nombre de conditions pour procéder à des examens des organes intimes. En vertu du Code de procédure pénale, l'autorisation d'un juge est nécessaire pour l'obtention d'échantillons de sang, de salive, ou de cheveux, par exemple et il en va de même pour les tests de virginité, aucun individu ne pouvant être contraint à subir un tel examen, y compris par sa propre famille.

Concernant les réfugiés, la délégation a indiqué l'existence d'un régime de protection temporaire leur permettant de travailler. Elle a assuré, par ailleurs, qu'il n'y avait aucun obstacle à la scolarisation des enfants réfugiés syriens, au moins 200 000 d'entre eux étant scolarisés. La gestion de la migration ne relève pas de la police mais d'une Autorité civile, a assuré la délégation en réponse à une question à ce sujet. Elle a précisé que la loi relative à cette Autorité avait été adoptée en 2013 au cœur de la crise syrienne. C'est une législation moderne et visionnaire. Par ailleurs, la Turquie, à l'instar d'autres pays, accorde la citoyenneté à certaines personnes migrantes présentant des compétences particulières, comme les Syriens au bénéfice d'une formation supérieure. La Turquie n'étant pas un pays arabophone, elle a besoin de personnel bilingue pour fournir des soins aux réfugiés.

Pour ce qui est de la prévention de la violence à l'encontre des femmes, la délégation a souligné que le 25 novembre – Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes – des campagnes de sensibilisation et de mobilisation de l'opinion publique seraient lancées, l'accent étant mis sur la participation des hommes. En 2015, les autorités ont organisé un atelier concernant la lutte contre la violence, un projet de prévention de la violence a été lancé, et des spots publicitaires ont été diffusés à la télévision. Enfin, des tracts clamant «non à la violence contre les femmes !» sont distribuées avant les matchs de basket-ball et de football. La délégation a par ailleurs précisé que le budget pour la prévention de la violence de la Direction générale sur le statut des femmes était d'un peu plus de 48 millions de dollars pour 2016.

Une aide est apportée aux victimes de violence, les cas sont traités de manière individuelle par des travailleurs sociaux, des nouvelles possibilités de vie leur sont offertes, une formation professionnelle leur est proposée, a expliqué la délégation turque, précisant qu'il s'agissait d'aider les victimes à façonner leur avenir. Ces dernières bénéficient également d'une aide juridique. La Turquie compte 137 foyers qui peuvent accueillir plus de 3 000 personnes. Il existe également des centres de surveillance de la violence. Enfin, lorsque des menaces vitales se posent, la sécurité des personnes est assurée.

Les organisations non gouvernementales sont des partenaires très importants pour le Gouvernement turc, a assuré la délégation. Des consultations sont menées avec la société civile pour l'organisation de la Journée de la femme, pour les projets de lutte contre la violence et pour la rédaction de rapports. Une quarantaine d'organisations de la société civile ont été invitées à une réunion sur la lutte contre la violence à l'encontre des femmes organisée en partenariat avec l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-femmes), a indiqué la délégation.

Par ailleurs, des activités de formation ont été déployées pour sensibiliser à la lutte contre les discriminations et la prévention de la violence à l'égard des femmes. Des séminaires ont été organisés à l'attention du personnel de justice, en coopération avec d'autres ministères. La formation permanente des magistrats tient par ailleurs compte d'une perspective de genre.

La délégation a indiqué que l'âge minimum pour le mariage des filles avait été relevé de 15 à 18 ans, pour l'aligner sur celui des hommes. De plus, il n'est plus possible de contraindre au mariage un violeur et sa victime par souci d'éviter opprobre et déshonneur. Des mesures sont prises pour éviter les mariages précoces: une aide financière est accordée aux filles pour les encourager à poursuivre leur scolarité et des programmes visent à sensibiliser les familles aux dommages des unions précoces qui, en tout état de cause, sont interdits par la loi. La disposition qui interdisait les mariages religieux a été annulée car elle portait atteinte à la sphère privée, a indiqué la délégation en réponse à une question. Quant au concubinage, il ne s'agit pas d'un délit.

Un Département spécial a été mis sur pied pour fournir des services et une assistance aux victimes de la traite. Parmi les mesures qui leur sont offertes, la délégation a notamment mentionné qu'un permis de résidence de 30 jours leur était octroyé afin de garantir leur sécurité physique et psychologique – ce permis peut être prolongé jusqu'à trois mois, voire trois ans. De plus, une ligne téléphonique leur est accessible 24 heures sur 24. En 2016, la traite concernait environ 1 200 personnes, a précisé la délégation.

En matière de prostitution, une unité gère les procédures et services proposés aux travailleurs du sexe, notamment en matière de contrôle médical. Cette activité n'est pas réprimée à condition qu'elle soit exercée volontairement.

Selon le nouveau Code pénal turc, les crimes d'honneur font partie des crimes intentionnels les plus graves, ce qui n'était pas le cas précédemment. Les crimes d'honneur relèvent d'un article stipulant que tout meurtre intentionnel est punissable d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Actuellement 87 personnes sont détenues pour ce motif. Quant à la question des circonstances atténuantes, notamment pour cause de «provocation», la délégation a expliqué que la provocation ne pouvait être invoquée que si l'événement lui-même était une provocation, les crimes d'honneur n'entrant pas dans cette catégorie.

L'éducation en Turquie s'est améliorée en qualité et en quantité, selon la délégation. La scolarité obligatoire est passée de huit à 12 ans. Les enfants peuvent choisir le type de scolarité qu'ils souhaitent suivre, entre les différents établissements, religieux ou non. S'agissant de la fréquentation, la délégation a précisé qu'en 2015-2016, 96% des filles étaient scolarisées au niveau primaire, un pourcentage plus élevé que celui des garçons. Par ailleurs, elle a indiqué qu'un cours d'éducation sexuelle était donné dans le cadre des cours sur la science et la santé. Enfin, des programmes sur l'égalité des sexes dans les écoles ont été mis en place dans dix provinces. Des programmes similaires sont menés dans 70 universités.

Les femmes en Turquie ne sont pas toutes au foyer et celles qui sont sur le marché du travail sont présentes dans tous les secteurs d'activité. En matière d'emploi, la délégation a expliqué que la stratégie actuellement mise en œuvre par le Gouvernement prévoyait d'atteindre un taux de participation des femmes dans le monde du travail de 40%. Par ailleurs, les femmes victimes de violence qui se trouvent dans les refuges et centres d'accueil reçoivent un soutien et peuvent suivre des formations professionnelles pour accroître leurs chances de trouver un travail. Plusieurs protections sont prévues pour les femmes dans le domaine de l'emploi, comme la possibilité de travailler à temps partiel. Les femmes qui ont des enfants handicapés peuvent par exemple prendre une retraite anticipée. Des sanctions administratives et financières sont prévues pour les personnes employant illégalement des femmes. Enfin, la délégation a affirmé que la loi sur le travail stipulait l'égalité entre tous: toute discrimination due au sexe est interdite par la loi. Tout travailleur doit recevoir au moins le salaire minimum, sans aucune discrimination. Le principe de salaire égal pour travail égal est appliqué, a assuré la délégation.

Le tiers de la population vit dans les zones rurales et 46% des personnes qui travaillent dans le domaine de l'agriculture sont des femmes. Plusieurs coopératives ont été créées par des femmes.

Toutes les femmes ont un accès sans restriction aux services de santé, a assuré la délégation. Elle a souligné que 97% des femmes recevaient des soins prénataux et que la mortalité infantile avait fortement diminué.

S'agissant de l'avortement, la délégation a précisé que la législation en la matière datait des années 1980 et qu'elle permettait d'avorter jusqu'à la dixième semaine de grossesse. Il n'est pas prévu de la restreindre.

La Turquie est aux prises avec le terrorisme, a souligné la délégation et les autorités font le maximum pour rétablir la sécurité. Les couvre-feux temporaires imposés dans ce cadre ont pour but de protéger les civils dans des zones où se trouvent des membres de l'organisation terroriste. Quant aux allégations de violations des droits de l'homme, elles sont traitées sans délai par le Ministère de l'intérieur, a assuré la délégation.

La délégation a affirmé que les terroristes du PKK avaient pris l'initiative de violer l'accord de cessez-le-feu en assassinant deux policiers. Elle a également rappelé que le PKK était considéré comme une organisation terroriste par de nombreux États. La délégation a rejeté toutes les accusations proférées contre les forces de l'ordre qui font leur travail de protection et respectent les droits de l'homme. Elle a estimé que le Comité devait vérifier la fiabilité de ses sources, s'il entendait conserver sa crédibilité. Plusieurs expertes ont rétorqué que le Comité connaissait ses sources et que celles-ci étaient fiables et vérifiées.

Une experte s'étant inquiétée des recommandations discutables contenues dans un rapport sur le divorce rédigé par une commission parlementaire, la délégation a expliqué ce document n'était pas finalisé. La délégation a estimé qu'il sera plus pertinent de débattre de son contenu, une fois qu'il aura été publié.

En conclusion, MME GÜLSER USTAOĞLU, Directrice générale de la Direction générale de la condition de la femme du Ministère de la famille et des politiques sociales de la Turquie, a remercié le Comité de l'accueil fait au rapport de son pays. Elle a pris note des commentaires du Comité et assuré que le Gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour éviter toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.


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CEDAW16.024F