Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU KOWEÏT
Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport présenté par le Koweït sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le rapport du Koweït a été présenté par M. Jamal Alghunaim, représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève. Celui-ci a indiqué d’emblée que son pays veillait à contrer le terrorisme dans le strict respect du droit, toute mesure d’exception étant exclue. Il a rejeté à ce propos les allégations d’organisations non gouvernementales politisées selon lesquelles les forces de sécurité koweïtiennes pratiqueraient la torture. Il a souligné que les commissariats de police étaient équipés de caméras de surveillance. Le droit des justiciables de consulter un avocat à n’importe quel moment de la procédure les concernant est garanti par la loi, des avocats pouvant être commis d’office par l’autorité judiciaire. S’agissant de la protection des travailleurs migrants, M. Alghunaim a indiqué que le Koweït avait ratifié plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail et qu’il cherchait actuellement des substituts au système de parrainage par les employeurs, la kafala.
Au cours de l’examen, la délégation a rejeté les accusations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme auraient été victimes de harcèlement au motif de leurs activités dans l’Émirat. Elle a rappelé qu’aucune loi ou instrument n’autorisait qui que ce soit à violer la loi pour défendre les droits de l’homme. De même, a-t-elle jugé sans fondement les accusations de harcèlement de personnes manifestant de manière illégale. Toutefois, a expliqué la délégation, les autorités gèrent les manifestations illégales de manière nuancée et dans le respect du principe de proportionnalité. Apportant enfin des précisions sur le procès des membres de la « cellule d’Abdali », décrié à tort par certaines organisations non gouvernementales, la délégation a noté que toute la procédure avait respecté strictement les termes du code pénal, le Koweït n’appliquant pas de législation spécifique contre le terrorisme.
La délégation koweïtienne était également composée de nombreux représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de l’éducation, de la justice, des affaires sociales et du travail, ainsi que de la Direction générale de la main-d’œuvre du Koweït, de l’Office central des résidents illégaux, du Comité des questions féminines et du Parquet. Elle a répondu aux questions des membres du Comité portant, entre autres, sur la formation des personnels pénitentiaires, sur la protection des travailleurs migrants contre les mauvais traitements infligés par leurs employeurs et sur le respect du principe d’interdiction de la torture dans le cadre de la lutte antiterroriste.
M. Alessio Bruni, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Koweït, a relevé que des organisations de la société civile koweïtienne s’inquiétaient du refus des autorités d’autoriser des personnes se disant victimes de mauvais traitements par les forces de l’ordre de subir des examens médicaux indépendants. Le rapporteur a demandé quelle suite avait été donnée à un rapport de la commission des droits de l’homme du Parlement koweïtien, selon lequel les prisons étaient « surpeuplées et mal aérées ». Il s’est inquiété des conditions de détention des condamnés à mort ainsi que de l’âge minimal à partir duquel la peine capitale pouvait être prononcée : la société civile déplore la condamnation à mort de personnes mineures au moment de la commission de leur crime, a noté l’expert. M. Bruni s’est dit enfin très préoccupé par les conditions de l’expulsion administrative sans supervision judiciaire, prévue par la loi koweïtienne mais exclue par la Convention.
M. Abdelwahab Hani, corapporteur, s’est enquis de la formation du personnel pénitentiaire aux dispositions de la Convention, en particulier l’interdiction absolue de la torture. M. Hani a aussi fait état de rapports d’organisations non gouvernementales pointant des pressions exercées sur des avocats de la défense et d’autres violations des droits de la défense, surtout dans des affaires récentes de terrorisme ; et de préoccupations exprimées par la société civile s’agissant de l’acceptation, par certains juges, d’aveux obtenus sous la torture. D’autres experts ont souligné que tous les médecins du Koweït, et pas uniquement les médecins légistes, devaient avoir la possibilité de dénoncer des actes de torture aux autorités compétentes, ce qui ne semble pas être le cas actuellement.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Koweït et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 12 août.
Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport présenté par le Honduras (CAT/C/HND/2).
Présentation du rapport
Le Comité était saisi du troisième rapport périodique du Koweït (CAT/C/KWT/3), établi sur la base de la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.
Le rapport a été présenté par M. JAMAL ALGHUNAIM, représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, chef de la délégation koweïtienne, qui a fait savoir d’emblée que son pays entendait tirer pleinement parti de l’expérience du Comité pour améliorer l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qu’il a ratifiée en 1996.
Depuis la présentation du dernier rapport en 2011, le Koweït s’est employé à adopter une définition de la torture conforme aux exigences de la Convention ainsi que des mesures pour mieux faire connaître cet instrument, a-t-il expliqué. Le Koweït a créé, d’autre part, plusieurs organismes publics de lutte contre la corruption dans le cadre de la protection des droits de l’homme. Il a également œuvré à la coordination de l’action publique en faveur des droits de l’homme, y compris sous l’angle de la protection de l’enfance et de la répression de la violence familiale, ainsi que de la défense des droits des travailleurs domestiques, a indiqué M. Alghunaim. Parmi d’autres mesures favorables aux droits des personnes, le Koweït a promulgué une loi donnant le droit aux particuliers de formuler des recours devant la Cour constitutionnelle.
S’agissant de la prévention de la torture, les plaintes pour torture ou mauvais traitements en détention sont traitées par des mécanismes spécialisés qui peuvent être saisis par la police ou les justiciables eux-mêmes. Les commissariats de police sont désormais équipés de caméras de surveillance, a indiqué M. Alghunaim, tandis que le droit des justiciables de consulter un avocat à n’importe quel moment de la procédure les concernant est désormais garanti par la loi, des avocats pouvant être commis d’office par l’autorité judiciaire. Le représentant permanent a précisé enfin que les lieux de détention ont toujours été ouverts aux visites du Comité international de la Croix-Rouge. Dans une volonté de transparence accrue, les autorités ont invité des organisations non gouvernementales telles que Human Rights Watch et Amnesty International à procéder elles aussi à des évaluations de l’application de la Convention contre la torture, a précisé le représentant koweïtien.
S’agissant des droits de la population immigrée – plus d’un million de personnes originaires de 160 États –, le Koweït a ratifié plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Il s’efforce en particulier de trouver des substituts au système de parrainage des travailleurs par leurs employeurs, la kafala, a indiqué M. Alghunaim. Le Koweït a ratifié en outre la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée et ses deux protocoles facultatifs.
Dans le contexte des tensions régionales et du danger terroriste qui menacent le Koweït comme d’autres pays, a ajouté le représentant permanent, le Koweït entend continuer de tout mettre en œuvre pour assurer la promotion et protection des droits de l’homme de sa population. Le site internet du Ministère de l’intérieur informe en temps réel des mesures prises pour donner effet aux instruments internationaux ratifiés par le Koweït, a conclu le représentant de l’Émirat.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. ALESSIO BRUNI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Koweït, a d’abord demandé à la délégation de préciser si le Koweït entendait ou non lever sa réserve à l’article 20 de la Convention [concernant la coopération avec le Comité lorsqu’il reçoit des renseignements qui lui semblent contenir des indications fondées selon lesquelles la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un État partie], comme il avait été suggéré lors de l’examen du dernier rapport du Koweït.
Concernant l’application de la Convention, le rapporteur a constaté que la loi koweïtienne prévoyait toujours, contre les auteurs d’actes de torture, des sanctions inférieures au quantum recommandé par le Comité, qui est de six à vingt ans d’emprisonnement. Constatant que le Koweït avait pris des mesures pour adopter une définition de la torture conforme à la Convention, M. Bruni a voulu savoir si des mesures allaient aussi être prises pour durcir les peines. Il a également demandé à la délégation de dire dans quelle mesure le Koweït entendait intégrer à la nouvelle loi sur la lutte contre le terrorisme mentionnée dans le rapport l’interdiction formelle du recours à la torture posée par l’article 2 de la Convention, et ce quelles que soient les circonstances, y compris la recrudescence des actes terroristes.
D’autre part, M. Bruni a demandé à la délégation de préciser les conditions de l’accès à un avocat par les justiciables et de dire quels services médicaux étaient offerts aux personnes détenues. L’expert a relevé à ce propos que des organisations de la société civile koweïtienne s’inquiétaient du refus des autorités d’autoriser des personnes se disant victimes de mauvais traitements par les forces de l’ordre de subir des examens médicaux indépendants. M. Bruni a voulu savoir en particulier si les gardiens de prison au Koweït connaissent le Manuel pour enquêter et documenter efficacement la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). Le rapporteur s’est interrogé sur la suite qui a été donnée au rapport (2014) de la commission des droits de l’homme du Parlement koweïtien, présenté lors de l’Examen périodique universel du Koweït, selon lequel les prisons koweïtiennes étaient « surpeuplées et mal aérées ». L’expert s’est aussi demandé pour quelles raisons ces établissements étaient soumis à l’autorité du Ministère de l’intérieur et non à celle du Ministère de la justice, comme dans la plupart des autres pays.
M. Bruni a fait part de ses préoccupations au sujet de la fin du moratoire sur l’application de la peine de mort, acté en 2015 par la première exécution depuis plusieurs années au Koweït. Il a demandé des renseignements sur les conditions de détention des condamnés à mort ainsi que sur l’âge minimal à partir duquel la peine capitale peut être prononcée : la société civile déplore, à ce propos, la condamnation à mort de personnes mineures au moment de la commission de leur crime, a noté l’expert.
M. Bruni a demandé, d’autre part, quelle autorité judiciaire était en mesure de déterminer si une personne en voie d’expulsion courait un risque de torture dans le pays de destination. M. Bruni s’est dit très préoccupé par les conditions de l’expulsion administrative sans supervision judiciaire, prévue par la loi koweïtienne mais exclue par la Convention.
Il a prié la délégation de dire si des peines avaient déjà été prononcées contre des employeurs convaincus de bafouer les droits des travailleurs migrants. L’expert a posé d’autres questions sur le degré effectif d’indépendance de l’institution nationale koweïtienne de droits de l’homme, dans la mesure où elle est placée sous l’autorité du Conseil des ministres ; sur le sort des personnes rapatriées de Guantánamo ; sur la durée et les conditions de détention des migrants retenus au centre de rétention de Talha avant expulsion ; et sur les modalités d’accueil des réfugiés syriens sans papiers.
M. ABDELWAHAB HANI, corapporteur pour le Koweït, a demandé, pour sa part, à la délégation koweïtienne d’indiquer quelles mesures avaient été prises, ou allaient être prises, pour former le personnel pénitentiaire aux dispositions de la Convention, en particulier l’interdiction absolue de la torture. L’expert s’est enquis aussi du contenu des différents programmes de formation des magistrats et des policiers. M. Hani a voulu savoir en particulier si les forces de l’ordre étaient formées au contrôle des manifestations pacifiques.
L’expert a demandé à la délégation de donner des informations sur l’affaire Vanessa, une travailleuse migrante malgache torturée par son employeur, et sur le retentissement qu’avait eu cette affaire sur la prise de conscience de leurs obligations par les employeurs du Koweït.
M. Hani a aussi fait état de rapports d’organisations non gouvernementales pointant des pressions exercées sur des avocats de la défense et d’autres violations des droits de la défense, surtout dans des affaires récentes de terrorisme. Il semble en outre, a noté le corapporteur, que tous les immigrés doivent accepter de se voir prélever un échantillon d’ADN, ce qui est problématique en matière de respect de la vie privée. M. Hani a aussi constaté que l’examen de plusieurs affaires pénales montrait que les étrangers semblaient ne pas pouvoir saisir les tribunaux aussi aisément que les Koweïtiens.
Il a souligné l’importance de créer des mécanismes nationaux de prévention et de recours contre la torture. M. Hani a relevé enfin que la peine de mort devait être réservée aux crimes les plus graves et ne pas être appliquée de manière publique ; l’expert s’est inquiété des conditions de détention des personnes en attente d’une exécution capitale. Il a aussi demandé des informations actualisées sur les poursuites engagées contre les fonctionnaires soupçonnés d’abus de pouvoir.
M. Hani a enfin fait état de préoccupations exprimée par la société civile s’agissant de l’acceptation, par certains juges au Koweït, d’aveux obtenus au moyen de la torture. Il a prié la délégation préciser le degré d’indépendance des services médico-légaux.
L’expert a voulu connaître les mesures pratiques prises pour éviter que les mineurs délinquants ne soient détenus dans les mêmes lieux que les adultes. Il a demandé à la délégation de dire si le Koweït entendait officialiser sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge dans le domaine du contrôle de la détention de ressortissants étrangers. M. Hani a aussi demandé quelle action était envisagée pour mettre un terme aux mesures disciplinaires pouvant être assimilées à des mauvais traitements en prison interdits par la Convention. L’État a le devoir d’interdire formellement tout appel à la torture, en toute circonstance, a rappelé M. Hani.
D’autres membres du Comité ont fait part de leurs propres questions et observations. Un expert a souligné la particularité de la situation du Koweït, un pays qui a longtemps subi les effets de la guerre de 1991, en particulier s’agissant du sort des personnes disparues pendant ce conflit. Mais la situation est en train de changer, a relevé l’expert, de nombreux rapports émanant d’organisations non gouvernementales, ainsi que des informations diffusées par les médias sociaux, montrant une dégradation de la situation des droits de l’homme dans l’Émirat depuis deux ou trois ans : disparitions forcées et procédures judiciaires iniques semblent en effet s’accumuler dans des affaires touchant à la liberté d’expression. L’occasion est donc bonne pour insister sur l’interdiction absolue de la torture que pose la Convention, a estimé l’expert.
Concernant le traitement des personnes détenues, il a été souligné que les médecins officiant dans les prisons et auprès des personnes en garde à vue devaient pouvoir travailler en toute indépendance. Un expert a voulu savoir s’il était prévu, à cet égard, de ne plus soumettre à l’autorité du Ministère de l’intérieur les docteurs chargés d’examiner les détenus. Tous les médecins, et pas uniquement les médecins légistes, doivent avoir la possibilité de dénoncer des actes de torture aux autorités compétentes, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, a-t-il été relevé.
Une experte a constaté qu’un employé coupable du viol de son employeuse risquait la peine de mort : elle a demandé si la même peine s’appliquait à un employeur convaincu de viol d’une employée.
Des experts ont demandé des informations sur l’institution nationale de droits de l’homme du Koweït, observant que la création de cette instance avait fait l’objet d’une recommandation pendant l’Examen périodique de ce pays par le Conseil des droits de l’homme.
Une experte s’est dite satisfaite de la présence, dans la délégation koweïtienne, de plusieurs femmes présentées comme des chercheuses, ainsi que des statistiques précises données dans le rapport qui permettent au Comité de se faire une bonne idée de la situation. L’experte a demandé des éclaircissements sur les peines prévues pour des faits de torture et sur les sanctions effectivement infligées à ce titre ; ainsi que sur les faits concrets désignés par l’expression « abus de pouvoir » commis par des policiers [aux pages 36 à 40 de la version française du rapport]. L’experte a jugé peu crédible d’autre part la mention, dans le rapport, du dépôt de cinq plaintes seulement en 2014-2015 pour des faits de violence domestique (paragraphe 23) – ne serait-ce que parce que, selon d’autres renseignements, les foyers de soutien aux femmes victimes de violence au Koweït comptaient au moins 300 places. L’experte a voulu savoir en quoi ont consisté les arrangements « à l’amiable » conclus dans deux de ces cinq cas.
La même experte a rappelé que le trafic des êtres humains poursuivait deux objectifs principaux : l’exploitation au travail et l’exploitation sexuelle. Elle a relevé que le Département d’État américain classait le Koweït au niveau 2 de gravité du phénomène de la traite des êtres humains. L’experte a demandé à la délégation de donner des indications sur le nombre de procédures engagées contre des personnes pour des faits de traite d’êtres humains et sur les sanctions appliquées ; des fonctionnaires ont-ils été condamnés à ce titre ?
Des experts ont souligné que le Comité avait été saisi de nombreuses dénonciations de mauvais traitements infligés à des travailleurs migrants – y compris à des ressortissants nord-coréens. La délégation a été priée de dire si les autorités procédaient à des inspections inopinées des lieux de travail employant des migrants. Des experts ont voulu savoir pourquoi le Koweït refusait de ratifier la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, un instrument dont ils ont souligné l’importance vu le contexte migratoire actuel au niveau régional, au même titre que d’autres instruments internationaux relatifs à la réduction de l’apatridie.
Des experts se sont enquis de la situation des bidouns (apatrides) au Koweït et de la possibilité de leur accorder une « citoyenneté économique » afin de favoriser leur intégration.
Réponses de la délégation
Le Koweït prend des mesures de précaution pour contrer le terrorisme dans le strict respect du droit, toute mesure d’exception étant exclue, a assuré le chef de la délégation en préambule aux réponses aux questions posées par les membres du Comité. M. Alghunaim a rejeté les « allégations d’organisations non gouvernementales politisées » selon lesquelles les forces de sécurité koweïtiennes pratiqueraient la torture. Compte tenu de sa situation géographique dans une région explosive, le Koweït est très en avance dans le domaine des droits de l’homme, a encore affirmé le chef de la délégation.
Un expert juridique de la délégation a indiqué que la loi du Koweït et son code pénal contenaient une définition de la torture très claire et conforme aux exigences de la Convention. S’agissant de la réserve portée par le Koweït à l’article 20 de la Convention, le chef de la délégation a expliqué que les instances responsables étudiaient la question et l’éventualité de la lever. Par ailleurs, l’Émirat ne prévoit pas d’adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. L’institution nationale de droits de l’homme du Koweït est conforme aux principes de Paris, a assuré la délégation, son indépendance étant garantie par la loi.
La Constitution interdit la traite des êtres humains sous toutes ses formes, a poursuivi la délégation, la loi prévoyant en particulier des sanctions contre quiconque se rend coupable d’esclavage. La justice veille à l’application des instruments internationaux que le Koweït a ratifiés en matière de lutte contre la traite des êtres humains, dans le cadre d’une stratégie nationale de prévention et d’assistance aux victimes préparée par un comité interministériel. La loi dispose de la création de centres d’accueil des victimes et de l’octroi de dédommagements.
L’indépendance des magistrats est garantie par la Constitution et par la loi. La désignation de juges étrangers est régie par des accords bilatéraux, a précisé la délégation en réponse à une question d’un expert du Comité. L’État du Koweït recourt aux services de ces juges pour bénéficier de leur expérience.
Des représentants du Ministère de l’intérieur du Koweït ont indiqué que les personnes placées en garde à vue bénéficiaient de garanties juridiques pour leur protection. La durée de la garde à vue, qui est normalement de 48 heures, peut toutefois être prolongée. En effet, de par le recours accru aux technologies de l’information dans la commission des crimes, les enquêtes sont devenues plus difficiles et nécessitent plus de temps, a noté la délégation.
En tout état de cause, chaque détention préventive est dûment enregistrée et, en l’absence de charge, toute personne détenue doit être libérée. Les établissements de détention sont équipés de systèmes de vidéosurveillance en circuit fermé. Les règlements interdisent toute forme de mauvais traitements. Les personnes qui s’estiment victimes d’abus de pouvoir par un fonctionnaire peuvent déposer plainte auprès du service concerné. Toute allégation de sévices doit être accompagnée d’un certificat médical. Un détenu blessé par un agent des forces de l’ordre fera établir un rapport médical sur la base duquel une enquête sera ouverte. Les services de médecine pénitentiaire dépendent du Ministère de la santé depuis quarante ans.
Le Ministère de l’intérieur projette de créer un nouveau complexe carcéral orienté sur la réintégration et répondant aux normes internationales sur les conditions de détention, conformément aux engagements du Koweït. Les prisons ne sont pas surpeuplées : elles comptent 4 800 places pour 4 000 détenus, la tendance étant à l’application de peines alternatives à la détention. En l’état actuel des choses, les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels sont d’ores et déjà détenus dans des locaux séparés, a aussi précisé la délégation en réponse à des questions des membres du Comité à ce sujet.
Les conditions de détention des femmes tiennent compte de leurs besoins spécifiques, conformément aux dispositions en vigueur et les services concernés ont recruté les personnels féminins indispensables à cette fin. Plusieurs organisations non gouvernementales sont autorisées à visiter les prisons ainsi que l’association du barreau koweïtien. Le Comité international de la Croix-Rouge a mené 80 visites depuis 2010, y compris dans des centres de détention avant expulsion, et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés quatre visites. Les visites inopinées sont permises. Le parquet a reçu pour mandat de superviser le fonctionnement des prisons.
Si le règlement pénitentiaire prévoit un certain nombre de sanctions disciplinaires envers les détenus récalcitrants, toute mesure disciplinaire doit être motivée. Cependant, a-t-il été précisé, les autorités ont renoncé depuis un certain temps à appliquer les châtiments corporels prévus par le règlement. La loi sur les établissements de détention sera révisée pour tenir compte de cette évolution. Le personnel pénitentiaire reçoit une formation à la prévention de la torture.
Les activités des médecins pénitentiaires comprennent la dénonciation des cas de torture ou de mauvais traitements. Il est inexact d’affirmer que des médecins ont refusé de faire rapport sur des allégations de torture, a assuré la délégation : les médecins sont tenus de dénoncer aux autorités les cas qu’ils constatent ; ils encourent des sanctions disciplinaires s’ils ne le font pas. L’institut de médecine légale relève du Ministère de l’intérieur pour assurer un accès rapide à l’information, a précisé la délégation.
Par ailleurs, le Koweït a lancé un programme de réhabilitation et d’intégration des personnes libérées du centre de détention américain de Guantánamo Bay. Ce programme a porté ses premiers fruits puisque trois personnes ont été relâchées et ont retrouvé un travail.
Un représentant du Parquet a confirmé que la Convention contre la torture était appliquée dans le cadre de la coopération judiciaire avec des États tiers. Il a précisé en outre que, dans le cadre des procédures judiciaires, tout suspect avait le droit de bénéficier des conseils d’un avocat, à toutes les étapes de la procédure le concernant, et de contacter une personne de son choix. La personne accusée a le droit de se taire hors de la présence d’un avocat.
La délégation a rejeté les allégations selon lesquelles la police aurait torturé des membres de la cellule dite d’Abdali pour obtenir des confessions en lien avec des activités terroristes. Les enquêtes qui ont été menées jusqu’en septembre 2015 ont montré que le code de procédure pénale avait été strictement respecté, a précisé la délégation. Le verdict a été prononcé en janvier dernier : plusieurs peines de mort et d’emprisonnement à perpétuité ont été prononcées. Pendant cette procédure, le procureur a demandé aux autorités médicales d’examiner certains accusés présentant des blessures. Il a été établi qu’aucun d’entre eux n’avait subi d’acte de torture, physique ou psychologique. Les interrogatoires ayant été filmés, le tribunal a pu constater que les accusés avaient fait des aveux spontanés. Pour toutes ces raisons, a conclu la délégation, la cour d’appel saisie en janvier a, pour l’essentiel, confirmé le premier verdict, allégeant toutefois certaines peines. Les accusés se sont depuis lors pourvus en cassation. La délégation a affirmé que la procédure avait respecté strictement les termes du code pénal, le Koweït n’appliquant pas de législation spécifique contre le terrorisme.
À l’inverse, dans une autre affaire impliquant la mort d’un détenu, des policiers ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement pour abus de pouvoir et torture ayant entraîné la mort. La délégation a cité d’autres affaires où des preuves avaient été rejetées pour avoir été obtenues sous la contrainte.
La peine de mort est réservée aux crimes les plus graves, qui portent atteinte à l’intégrité et à la sécurité de la société, a expliqué la délégation. Elle n’est pas appliquée aux personnes présentant des troubles mentaux et doit être prononcée par un tribunal spécialisé, au terme d’un procès présentant toutes les garanties d’équité. La loi garantit aux accusés le droit de demander, ou de bénéficier d’une grâce ou d’une commutation de peine. Chaque exécution doit être entérinée in fine par l’Émir.
La délégation a assuré que l’Émirat garantissait la protection des défenseurs des droits de l’homme. Toutefois, tous les citoyens étant égaux devant la loi, une personne qui viole la loi en toute connaissance de cause ne peut arguer de son statut de défenseur des droits de l’homme pour échapper à la sanction. Elle a rejeté les allégations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme auraient été victimes de harcèlement au motif de leurs activités dans l’Émirat. De même, a-t-elle jugé sans fondement les accusations de harcèlement de personnes manifestant sans autorisation. Toutefois, a expliqué la délégation, les autorités gèrent les manifestations illégales de manière nuancée et dans le respect du principe de proportionnalité, les tribunaux se contentant de sanctionner les organisateurs de ces démonstrations de rue.
Le Koweït n’entend pas ratifier les deux conventions internationales sur l’apatridie : en effet, selon les définitions données par ces instruments, un apatride est de fait un « résident illégal » en vertu de la loi koweïtienne, a précisé la délégation. En l’espèce, le Koweït a pu déterminer la nationalité d’origine de 8 000 bidouns qui entendaient profiter du statut d’apatride pour bénéficier de prestations sociales. Les autorités sont à la recherche d’une solution globale pour régulariser la situation des bidouns, a-t-il été indiqué.
Le régime d’inspection du travail au Koweït est très efficace, a assuré la délégation. Des protocoles rigoureux ont été élaborés, les inspecteurs suivant une formation de deux ans, en coopération avec l’Organisation internationale du Travail, avant d’être engagés dans la fonction publique. Quinze femmes ont été formées. La formation tient compte des obligations du Koweït au titre de la Convention contre la torture et des conventions de l’OIT qu’il a ratifiées.
Le gouvernement a pris des mesures pour garantir la protection des travailleurs migrants. Ceux-ci sont informés de leurs droits dès leur arrivée en territoire koweïtien. Un département du Ministère du travail est chargé de l’accompagnement des travailleurs domestiques. La loi interdit notamment la confiscation de leurs passeports et garantit le paiement des salaires. S’agissant de l’affaire Vanessa, travailleuse domestique victime de sévices, la délégation a précisé qu’il s’agissait d’un cas individuel qui a été réglé par un jugement aux termes duquel l’employeuse tortionnaire avait été condamnée à trois ans d’emprisonnement, dont six mois de travaux forcés, assortis d’une amende. Les autorités ont durci la loi pour donner davantage de garanties de dignité aux travailleurs domestiques. Des lignes téléphoniques directes leur permettent désormais de porter plainte auprès des administrations concernées. Le code pénal ne fait pas de distinction entre les personnes en fonction de leur nationalité : la loi s’applique à tous de la même manière.
Répondant à d’autres questions sur les travailleurs immigrés, la délégation a affirmé que les autorités de l’Émirat avaient accordé, au fil des ans, des facilités à de nombreux ressortissants de « pays frères », notamment de Palestine et du Yémen. La Direction générale de la main-d’œuvre accorde une protection totale aux personnes ainsi accueillies, notamment des prestations complètes en matière de santé. Le Koweït est aussi très engagé en faveur de l’assistance humanitaire aux réfugiés syriens.
La délégation a précisé que le centre de rétention avant expulsion de Talha n’était pas surpeuplé, grâce aux mesures de sauvegarde prises dès 2011. Le bâtiment lui-même étant assez ancien, une extension doit être construite. Les expulsions elles-mêmes sont décidées après évaluation par les services spécialisés. Chaque cas est susceptible de recours.
La loi koweïtienne érige en infraction toute forme de violence contre les femmes, y compris les violences à domicile et les insultes et le harcèlement. Le Ministère de l’intérieur a créé une ligne directe en 2008 pour le soutien psychique et social aux femmes victimes de violence. Le département de police communautaire est chargé de la prise en charge des victimes de la violence.
Questions de suivi et observations des membres du Comité
M. Bruni a relevé que l’expulsion administrative automatique présentait le risque que la personne visée soit victime d’actes de torture dans le pays de destination. Le rapporteur s’est demandé pourquoi le Koweït ne signait pas la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. M. Bruni a observé, par ailleurs, que les personnes accusées dans l’affaire de la « cellule d’Abdali » n’avaient pas pu bénéficier d’un examen médical indépendant.
Le corapporteur a demandé au Koweït de contribuer davantage au Fonds volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture, regrettant que les pays arabes en général y fassent des contributions insuffisantes. Il a dit comprendre la situation délicate dans laquelle se trouvait le Koweït, tout en estimant que l’État partie devait ne ménager aucun effort pour prévenir tout acte de torture. Le corapporteur a recommandé au Koweït de se doter d’un mécanisme national de prévention de la torture.
Une experte a souligné que le rôle du Comité était d’entretenir un dialogue constructif avec les États parties à la Convention. Elle a rappelé que le Comité encourageait toujours les États à interdire les crimes d’honneur, estimant que l’État devait s’abstenir, en toutes circonstances, de déléguer à des tiers l’infliction de la peine de mort.
Une experte a rappelé que le Comité estimait que les défenseurs des droits de l’homme jouaient un rôle essentiel. Elle a relevé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention donnaient le droit à quiconque ayant été victime de torture de déposer plainte et d’obtenir réparation.
En conclusion, M. JAMAL ALGHUNAIM a souligné le caractère ouvert de la société koweïtienne, qui sera toujours prête à répondre aux questions du Comité. Le représentant permanent les a assurés que leurs observations seraient dûment prises en compte par le Koweït dans ses efforts de promotion des droits de l’homme, dans leur lettre comme dans leur esprit.
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CAT16/014F