Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU HONDURAS
Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par le Honduras sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le rapport du Honduras a été présenté par Mme Karla Eugenia Cueva Aguilar, Sous-secrétaire d’État aux droits de l’homme et à la justice. Mme Aguilar a indiqué que son pays était désireux de restaurer une paix civile compromise par une vague de criminalité sans précédent. L’État a donc lancé un vaste programme de restructuration et d’épuration des fonctionnaires de la justice et de la police et, parallèlement, décidé de confier de nouvelles missions de sécurité publique aux forces armées. Cette montée en puissance de l’armée, exceptionnelle et limitée à l’année 2016, s’accompagne de garde-fous, a précisé la Sous-secrétaire d’État, le Gouvernement étant tout à fait conscient des tensions qui existent naturellement entre l’action punitive de l’État et les droits de l’homme.
Mme Aguilar a précisé que le Gouvernement hondurien avait pris simultanément des mesures contre l’impunité dont bénéficient les membres des forces de l’ordre qui commettent des violations des droits de l’homme. Le Honduras a ainsi lancé de très nombreuses enquêtes contre des membres de la police nationale, des forces armées et de la police militaire. Ces mesures sont associées à des formations aux droits de l’homme organisées en collaboration avec la Croix-Rouge, a-t-elle ajouté.
La délégation hondurienne était également composée de plusieurs représentants de la Direction nationale de l’adolescence et de la famille, de l’Institut national de la femme, de la direction des droits de l’homme et des affaires humanitaires et du Congrès national ; ainsi que de l’Inspecteur général des forces armées et de membres de la mission permanente du Honduras auprès des Nations Unies à Genève.
La délégation a répondu à de très nombreuses questions des membres du Comité contre la torture portant sur la gestion des prisons honduriennes et les conditions de détention dans ces établissements. Elle a aussi répondu à des interrogations relatives au cadre juridique et institutionnel régissant la lutte contre la torture ; à la purge de la police ; à l’usage de la force par les forces de l’ordre ; aux mineurs en conflit avec la loi ; au féminicide et à la violence contre les femmes en général ; ainsi qu’aux mesures prises pour assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme.
M. Claude Heller Rouassant, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Honduras, a pris note du rôle accru des forces armées en matière de police. Il a observé que les décrets élargissant les pouvoirs des forces armées devraient être évalués à l’aune du risque d’arbitraire dont ils sont porteurs. Des plaintes ont déjà été déposées contre des membres des forces armées pour arrestations arbitraires, a-t-il noté, recommandant que l’élargissement des compétences des forces armées en matière de sécurité publique soit accompagné de formations adéquates aux droits de l’homme.
M. Jens Modvig, Président du Comité contre la torture et corapporteur pour l’examen du Honduras, s’est dit préoccupé par l’implication croissante de l’armée dans la gestion des lieux de détention. Il s’est interrogé sur les raisons ayant poussé les autorités à ouvrir des prisons dans des casernes occupées par l’armée. M. Modvig s’est dit également très préoccupé par la sécurité des défenseurs des droits de l’homme au Honduras, y compris les défenseurs de l’environnement. D’autres membres du Comité ont relevé, à ce propos, que la militante écologiste Berta Cáceres, assassinée il y a quelques mois, figurait dans une « liste noire » de personnes à abattre établie par des militaires. Des experts ont, enfin, fait part de leur inquiétude devant le niveau très élevé de violence physique et psychologique exercée contre les femmes au Honduras.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Honduras et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 12 août.
Demain à 15 heures, les membres du Comité entendront les réponses du Burundi à leurs questions et observations au sujet du rapport spécial présenté ce matin par ce pays.
Présentation du rapport
Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique établi par le Honduras (CAT/C/HND/2), sur la base d’une liste de points à traiter (CAT/C/HND/Q/2) que lui avait adressée le Comité.
MME KARLA EUGENIA CUEVA AGUILAR, Sous-secrétaire d’État aux droits de l’homme et à la justice du Honduras, a souligné la détermination de son pays à donner pleinement effet aux dispositions de la Convention, comme en témoignent plusieurs initiatives telles que la création du Comité national pour la prévention de la torture et des traitements inhumains cruels, inhumains et dégradants (CONAPREV), l’ouverture d’une antenne du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que l’accueil d’une mission d’appui de l’Organisation des États américains pour la lutte contre l’impunité et la corruption. Sept rapporteurs spéciaux de l’ONU se sont rendus ces dernières années au Honduras, a indiqué Mme Aguilar.
Le Honduras est confronté depuis plusieurs années au problème de la violence générée au plan régional par les gangs dits des maras, de même qu’à un taux très élevé de criminalité interne, a ajouté Mme Aguilar. La violence généralisée a été décrite par le Rapporteur spécial sur les personnes déplacées et par la Commission interaméricaine des droits de l’homme comme touchant toutes les catégories de la population, avec des conséquences sur la jouissance des droits de l’homme au Honduras.
C’est pourquoi le Honduras a été contraint de prendre des mesures exceptionnelles pour assurer la sécurité nationale. L’État a ainsi engagé un vaste programme de restructuration et d’épuration des fonctionnaires de la justice et de la police, et confié de nouvelles missions de sécurité publique aux forces armées. Cette montée en puissance de l’armée, exceptionnelle et limitée à l’année 2016, s’accompagne cependant de garde-fous, l’État étant conscient des tensions qui existent naturellement entre l’action punitive de l’État et les droits de l’homme : le Honduras est convaincu que ces derniers prévaudront finalement.
Mme Aguilar a indiqué encore qu’outre l’adoption d’une définition de la torture conforme aux normes internationales, le Gouvernement avait pris des mesures contre l’impunité à l’endroit des membres des forces de l’ordre qui commettent des violations des droits fondamentaux. Le Honduras a ainsi lancé de très nombreuses enquêtes, depuis plusieurs années, contre des membres de la police nationale, des forces armées et de la police militaire ; ces mesures de répression sont associées à des formations aux droits de l’homme organisées en collaboration avec la Croix-Rouge.
Mme Aguilar a présenté un certain nombre de mesures prises par le Honduras pour gérer la forte augmentation de la population carcérale, depuis 2011, dans le sillage de la montée de la criminalité. Elle a précisé que les autorités s’efforçaient d’améliorer les conditions de détention, notamment en reprenant le contrôle des prisons et en en construisant de nouvelles. Le Honduras s’emploie aussi à réduire la violence entre prisonniers et à améliorer la formation professionnelle des détenus.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. CLAUDE HELLER ROUASSANT, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Honduras, s’est félicité de l’attitude ouverte de ce pays et de sa collaboration étroite avec les organismes de droits de l’homme. M. Heller a considéré que le progrès le plus substantiel au Honduras résidait dans l’ouverture du bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Tegucigalpa, qui devrait considérablement aider le pays à s’acquitter de ses obligations. Le rapporteur a aussi salué l’adoption de la loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme et les efforts de coordination de l’action publique dans ce domaine. M. Heller s’est félicité de la volonté des agents de la fonction publique de participer à cet effort et a pris note de la réforme actuelle de l’institution policière, un mouvement de fond au sujet duquel le Comité aimerait avoir de plus amples informations.
Le rapporteur a pris note aussi de l’ampleur du problème de la violence au Honduras. Il a observé que le taux de criminalité y était toujours parmi les plus élevés au monde, même s’il est heureusement en déclin depuis 2013. La violence criminelle prospère à la faveur d’une grande impunité imputable à la faiblesse des institutions nationales et au contexte de forte pauvreté, a souligné M. Heller.
Le rapporteur a constaté que les défenseurs des droits de l’homme au Honduras étaient victimes d’agressions directes, comme en témoigne l’assassinat de la militante écologiste Berta Cáceres, il y a quelques mois. Celle-ci semble avoir figuré sur une « liste noire » de personnes à abattre établie par des militaires. Le Comité souhaite des renseignements plus précis sur cette affaire, a demandé M. Heller.
D’autre part, le rapporteur a recommandé au Honduras d’harmoniser sa définition de la torture avec les dispositions de la Convention. Il a demandé à la délégation de dire si les gardiens de prison au Honduras connaissaient les normes internationales relatives au traitement des détenus, relevant que le budget consacré à la formation des personnels pénitentiaires apparaissait insuffisant. Il s’est félicité, en revanche, des pouvoirs accordés à l’inspection des prisons, qui est autorisée à effectuer des visites inopinées dans toutes les subdivisions administratives du Honduras.
M. Heller a salué en outre la création du Conseil de la magistrature et du corps judiciaire, garant en principe de l’indépendance des magistrats. Le rapporteur a constaté à ce propos qu’il demeurait un certain nombre de lacunes dans la sélection et la révocation des magistrats et dans leur indépendance de toute influence politique. M. Heller a rappelé que la Cour interaméricaine des droits de l’homme avait récemment demandé au Honduras de réintégrer plusieurs magistrats écartés il y a plus de neuf mois au terme de procédures disciplinaires. Le rapporteur a voulu connaître les raisons empêchant les autorités honduriennes de donner suite à cette injonction.
Le rapporteur a aussi noté que le Procureur spécial aux droits de l’homme ne bénéficiait pas des moyens suffisants à la réalisation de ses missions, ce qui risque de saper la confiance du public. M. Heller a observé que les plaintes pour torture étaient peu nombreuses, ce qui pourrait signaler que les victimes craignent de saisir les tribunaux. Le rapporteur a aussi demandé des éclaircissements sur les activités de prévention de la torture mentionnées dans le rapport.
Enfin, le rapporteur a souligné que le rôle des forces armées en matière de police avait pris de l’ampleur en réaction à la violence endémique affectant le pays. Les décrets qui élargissent les pouvoirs des forces armées – notamment par la création d’un groupe de réaction chargé de « missions spéciales de sécurité » – devraient être évalués à l’aune du risque d’arbitraire dont ils sont porteurs, a souligné M. Heller. Des plaintes ont déjà été déposées contre des membres des forces armées pour arrestations arbitraires, a-t-il noté. L’élargissement des compétences des forces armées en matière de sécurité publique doit absolument s’accompagner de formations adéquates aux droits de l’homme, a-t-il recommandé.
M. JENS MODVIG, Président du Comité contre la torture et corapporteur pour l’examen du Honduras, a demandé à la délégation de décrire les contenus des enseignements dispensés aux personnels pénitentiaires ainsi que la manière dont les médecins étaient formés pour détecter rapidement les signes de torture sur un détenu. La délégation a aussi été priée de préciser si les formations mentionnaient également le droit de consulter un médecin, la possibilité d’enregistrer les interrogatoires par vidéo et l’interdiction de certaines pratiques pendant les interrogatoires : faute de précision, tous les officiers de police ne sauront pas nécessairement quels comportements sont ou non acceptables, a mis en garde M. Modvig.
S’agissant de la réduction de la surpopulation carcérale, le Comité préconise une approche centrée sur la baisse du taux d’incarcération plutôt que sur la construction de nouveaux établissements. Le Honduras suit une approche inverse, ce qui ne l’empêche pas de connaître une dégradation des conditions de détention, a constaté M. Modvig. Le Comité, a-t-il ajouté, est préoccupé par l’implication croissante de l’armée dans la gestion des prisons. Il s’interroge particulièrement sur les raisons qui ont poussé les autorités à ouvrir des lieux de détention dans des casernes occupées par l’armée de terre.
M. Modvig a aussi fait part de sa préoccupation devant le placement de nombreux mineurs en détention préventive au Honduras. Le Comité aimerait connaître les mesures spéciales qui ont été prises par le Honduras en faveur des mineurs en conflit avec la loi, s’agissant par exemple de l’aide juridictionnelle, du recours à des peines alternatives à la détention et de l’accès aux services de santé en prison.
M. Modvig a rappelé que suite à des manifestations en 2009, des allégations d’exécutions sommaires avaient été formulées à l’encontre de policiers et de militaires. Dans ce contexte, sur 19 plaintes pour meurtre, une seule peine de prison a été prononcée. L’expert a demandé à la délégation de donner des précisions sur ces procédures et de confirmer que seules trois plaintes pour violence sexiste avaient été déposées après des manifestations. Le Comité est toujours préoccupé lorsqu’il constate qu’un grand nombre de plaintes ne donnent lieu qu’à très peu de condamnations, a souligné M. Modvig. Il a demandé des informations sur la nouvelle loi octroyant des réparations aux victimes de violations des droits de l’homme et voulu savoir quelles prestations étaient prévues pour les victimes de la torture.
Le rapporteur a aussi demandé à la délégation de dire quelles mesures avaient été prises pour faire la lumière sur la mort violente de 224 lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels depuis huit ans. M. Modvig a observé que le Procureur spécial aux droits de l’homme n’était pas habilité à enquêter sur tous les abus potentiellement commis par des membres des forces armées. Très préoccupé par la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, y compris les défenseurs de l’environnement, M. Modvig a prié la délégation hondurienne de dire quelles mesures concrètes l’État-partie prenait dans ce domaine.
D’autres membres du Comité ont relevé avec satisfaction que le projet de nouveau code pénal hondurien prévoyait l’imprescriptibilité de la torture. Un expert a relevé avec étonnement qu’en l’état actuel, la disparition forcée était beaucoup moins durement sanctionnée par la loi que la torture.
Un expert a demandé quel traitement le Honduras réservait à une personne en instance d’expulsion vers un pays où elle risquerait d’être torturée, et si la Convention pouvait être invoquée pour renoncer à cette expulsion.
Les forces armées ne peuvent pas constituer une solution à long terme pour la gestion des prisons, a souligné un expert, priant le Honduras de suivre les recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme dans ce domaine. Les conditions carcérales dans les centres gérés par les forces spéciales de la police, les unités « Cobra », constituent des violations des droits de l’homme, a aussi souligné la Commission interaméricaine des droits de l’homme : quelle suite le Honduras entend-il donner à ces constatations ?
Une experte a demandé à la délégation de dire pourquoi la torture était moins sévèrement sanctionnée par le Honduras que ne le recommande la Convention. L’experte a estimé nécessaire d’améliorer le statut de la justice, afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle au sein de la société. Par ailleurs, l’État doit clarifier les responsabilités respectives de la police, de la police pénitentiaire et des agents de sécurité privée.
La même experte a regretté que les Honduriennes soient exposées au féminicide et à des mauvais traitements par les forces de sécurité. On ne sait pas si le Gouvernement prend vraiment cette question au sérieux, au vu de l’ampleur des agressions physiques et psychologiques dont les femmes sont victimes, s’est-elle interrogée.
Une autre experte a relevé que la militarisation de la police n’était pas rare en Amérique centrale. Dans le cas du Honduras toutefois, la structure de la police nationale n’est pas claire : ses hauts responsables sont-ils civils ou militaires ? Quel est le rôle assigné à l’armée dans les prisons civiles et quel est le statut des prisons préventives gérées par l’armée de terre ? Et qui surveille les activités des militaires chargés de la surveillance des détenus ? L’experte a noté que les personnes détenues en prison vivaient dans des conditions souvent dangereuses, le personnel pénitentiaire étant chargé de la sécurité à l’extérieur des quartiers de détention gérés par les détenus eux-mêmes. L’experte a aussi demandé à la délégation de donner son avis sur les obstructions systématiques opposées par des membres des forces de sécurité aux enquêtes sur les violations des droits de l’homme, obstructions signalées par la Commission Vérité et Réconciliation du Honduras.
Un expert a souligné l’importance des plaintes déposées par des particuliers auprès des organes conventionnels de l’ONU. Il a relevé que si la sécurité de l’État était certes importante, sa protection devait se faire dans le respect des garanties légales admises au niveau international, la sécurité de l’individu n’étant pas moins fondamentale. L’expert a mis en garde d’autre part contre le risque de militarisation du système pénitentiaire, avec un risque concomitant de violations des droits de l’homme.
Plusieurs experts ont recommandé que les financements votés en faveur du mécanisme national de prévention de la torture soient augmentés et effectivement dépensés. Il a été observé que les recommandations de ce mécanisme concernant l’amélioration des conditions de détention n’étaient pas toujours appliquées, notamment la recommandation concernant le renoncement à la militarisation du système carcéral.
Un expert a voulu savoir si les autorités avaient prévu de dégager les ressources nécessaires pour appliquer effectivement la loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme. L’expert a noté aussi que la restructuration des services de police en cours prévoyait la mise à pied de 2 500 agents : il va donc se poser la question des poursuites qui pourront être lancées, ou non, contre ceux des agents ayant commis des actes de torture, a dit l’expert.
Réponses de la délégation
La délégation a donné d’abord des informations concernant l’évolution du cadre juridique et institutionnel régissant la lutte contre la torture.
Le projet de nouveau code pénal à l’examen au Parlement prévoit un ensemble de peines modulées en fonction de la gravité des crimes commis et garantit l’imprescriptibilité de la torture. Le texte sanctionne également les crimes de haine, la discrimination et le féminicide. Son objectif général vise à intégrer les engagements juridiques pris par le Honduras lorsqu’il a ratifié les instruments internationaux. Aux termes du nouveau code, le Honduras pourra poursuivre des actes de torture commis dans des pays étrangers.
La loi relative au Conseil de la magistrature a pour but de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, a indiqué la délégation hondurienne. Dans sa version antérieure, la loi ne protégeait pas suffisamment ce principe d’indépendance. Le gouvernement prépare un projet de nouvelle loi sur la base d’une évaluation minutieuse des lacunes de l’ancien texte. Le code de procédure pénale a été amendé cette année : entre autres innovations importantes, il confie désormais au juge le soin de déterminer dans quelle mesure une personne peut être détenue de manière préventive, a fait savoir la délégation.
La délégation a précisé que les amnisties susceptibles d’être accordées ne concernaient jamais des personnes convaincues de crimes contre l’humanité ou d’actes de torture. Quant à la différence des peines encourues entre la torture et la disparition forcée, notée par un expert du Comité, elle ne signifie pas que la disparition soit considérée comme moins grave que la torture : elle reflète seulement le fait que la disparition forcée est en principe incriminée concomitamment à une autre infraction. La définition du crime de torture contenue dans la loi civile est conforme aux dispositions de la Convention, a assuré la délégation.
Il a été précisé également que le projet de loi portant réforme de la police nationale était à l’examen devant le Parlement, son adoption étant prévue d’ici à la fin de l’année. Un décret d’urgence a été adopté entretemps pour permettre la restructuration et la purge rapides d’un corps gangrené par la corruption, a ajouté la délégation.
Le directeur général de la police nationale hondurienne a apporté des précisions sur la purge de la police. Quarante-sept responsables de haut rang ont été mis à pied, dont six généraux sur neuf ; 35 commissaires ont été révoqués, cent quatre sous-commissaires et plus de 240 inspecteurs. Le ministère public est responsable de ces dossiers. Le dossier de chaque policier est évalué en fonction de plusieurs critères, dont l’existence ou non d’une plainte pour violation des droits de l’homme. Le Honduras compte plus de 4 000 gardes de sécurité privée, dont l’activité va être bientôt soumise à la loi organique de la police nationale, qui est en cours de révision.
Le secrétariat à la sécurité collabore avec le Comité international de la Croix-Rouge à la rédaction d’un manuel destiné aux policiers concernant l’usage de la force et des armes à feu. Dans le cadre de la formation des policiers, 90 heures au total sont consacrées aux droits de l’homme, à la prévention de la torture et au respect des libertés fondamentales. Le CONAPREV (Comité national pour la prévention de la torture et des traitements inhumains cruels, inhumains et dégradants) dispense une partie de cet enseignement.
Les méthodes de travail de la police ne prévoient pas, en principe, le port de masques ou de cagoules. Toutefois, certains membres des forces spéciales confrontés à des délinquants très dangereux peuvent cacher leur visage. Les forces armées coopèrent avec la police au maintien de l’ordre public, a expliqué le directeur général de la police, conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur. La police nationale ne dépend plus des forces armées depuis 1997, a-t-il enfin précisé.
L’inspecteur général des forces armées honduriennes a précisé pour sa part que l’État hondurien avait décidé d’intégrer les forces armées à certaines opérations de police afin de mieux garantir la sécurité des citoyens. Des mesures ont été prises - amélioration de la sélection du personnel, formation, notamment - afin d’éviter que les soldats qui participent aux missions de police ne commettent des violations des droits de l’homme. Le délit de torture n’est pas inscrit dans le code militaire, qui date de 1906 : le nouveau code intégrera une définition du délit de torture, a assuré l’inspecteur général. Pour l’instant, la justice civile applique le droit civil au militaire qui aurait commis un acte de torture.
L’armée a créé une police militaire qui poursuit les mêmes objectifs de sécurité publique. Ses membres, y compris les soldats du rang, reçoivent une formation aux exigences du maintien de l’ordre, en particulier sous l’angle du recours raisonnable à la force. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a financé la publication du manuel sur cette matière, manuel qui a déjà été distribué à 2600 policiers militaires (sur 3000). La délégation a précisé que moins de un pour-cent d’entre eux avaient été mis en cause dans des atteintes aux droits de l’homme.
La délégation a aussi précisé que la formation dispensée aux militaires contenait des modules consacrés aux droits de l’homme, au droit humanitaire et à la prévention de la torture. La formation est assurée par des fonctionnaires du Secrétariat d’État aux droits de l’homme et par des membres du Comité international de la Croix-Rouge.
Répondant aux questions du Comité sur l’organisation du système pénitentiaire, la délégation a expliqué que la réforme de l’Institut national pénitentiaire avait été décidée compte tenu des déficiences constatée dans cet organe. À titre de première mesure, le budget de l’Institut a été fortement augmenté récemment. Il s’est vu adjoindre les services d’un mécanisme de contrôle interne chargé de détecter les manquements dans les prisons.
Pour remédier rapidement à la surpopulation carcérale, l’État a d’abord entrepris de construire de nouveaux centres de détention, conformément à un avis de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. À très brève échéance, l’État s’efforce aussi de libérer certaines catégories de condamnés : plus de 900 personnes ont ainsi été élargies moyennant, parfois, paiement d’une amende, travail communautaire voire engagement à suivre des études. L’État réfléchit en outre à l’application de mesures substitutives à la détention. Le centre pénal de Santa Barbara est particulièrement surpeuplé : il sera bientôt remplacé par la nouvelle prison qui est en construction dans la même province.
Autre problème dans les prisons, l’alimentation des détenus : le budget alloué à ce poste a été multiplié par trois l’an dernier, ce qui signifie que chaque personne détenue reçoit maintenant une nourriture équilibrée et suffisante, a expliqué la délégation. S’agissant de l’éducation en prison, les autorités mettent sur pied un projet prévoyant le détachement, dans chaque prison, d’un enseignant chargé de superviser les activités d’apprentissage des détenus. La délégation a précisé aussi que chaque détenu était tenu de travailler cinq heures par jour ; les revenus de ces activités sont remis aux détenus ou à leurs familles.
Au plan sanitaire, l’Institut national pénitentiaire emploie quinze médecins et 33 infirmières à plein temps. Le service public de santé assure, aux termes d’une convention, les soins dans les établissements non desservis par l’Institut. Ce dernier investit actuellement pour mettre au moins un médecin à la disposition de chaque centre de détention.
La délégation a indiqué également que l’Institut national pénitentiaire avait commencé de dispenser aux personnels pénitentiaires une formation spécialisée à la prise en charge des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels placés en détention. Cette formation et les mesures de sensibilisation qui l’accompagnent sont gérées par l’État et par des organisations de la société civile. Ces mêmes organisations ont pris part à la révision des règles disciplinaires régissant l’ensemble des détenus au Honduras, a-t-il été précisé.
Le budget de la Commission nationale des droits de l’homme (CONADEH) a été augmenté récemment, les autorités souhaitant qu’elle puisse être bientôt accréditée par le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l’homme. En raison de difficultés administratives, le budget du Comité national de prévention de la torture n’est pas dépensé intégralement, a confirmé la délégation.
La grande majorité (plus de 90%) des quelque 600 mineurs en conflit avec la loi au Honduras appartient aux gangs de trafiquants de drogue, les maras, a indiqué la délégation. Pour l’instant, plus de 240 d’entre eux sont soumis à un régime de service communautaire associé à plusieurs limitations – interdictions de sortie, d’approcher de leurs victimes, notamment. Les sanctions les plus sévères infligées à 413 mineurs convaincus de crimes graves, tels que le viol ou l’extorsion, ne peuvent dépasser huit ans de réclusion, chaque cas étant réévalué deux fois par an. Sur ces 413 jeunes, une centaine est en détention provisoire en attente de leur jugement. La « loi anti-maras » a été amendée en 2015, a-t-il été précisé : le nouveau texte ne distingue plus entre les différents types d’organisations criminelles.
En 2015, les autorités ont adopté un décret d’urgence régissant la prise en charge médicale et scolaire des mineurs en détention. Au terme du même décret, ceux-ci sont surveillés par un personnel civil ayant reçu une formation spécialisée (premier cercle de prise en charge), épaulés par du personnel dédié à la sécurité (deuxième cercle). Les mineurs en détention bénéficient de conseils d’avocats et sont pleinement informés de toutes les procédures les concernant. Le Honduras a enfin dégagé des ressources pour améliorer le logement des mineurs détenus en fonction de leur âge et des risques qu’ils courent en détention. Les autorités élaborent actuellement une nouvelle stratégie de prise en charge des mineurs en conflit avec la loi.
Les pouvoirs publics ont pris parallèlement des mesures concrètes en faveur des enfants des 300 000 familles du Honduras vivant en situation de pauvreté extrême, consistant notamment en aides directe à l’alimentation, à l’habillement et surtout au suivi de la scolarité.
S’agissant de la répression du féminicide, la délégation a précisé que la réforme du Code pénal avait été l’occasion pour les autorités d’analyser les raisons d’un phénomène qui semble s’expliquer par une dépréciation des victimes aux yeux de leurs bourreaux. Ce délit est sanctionné par des peines allant jusqu’à trente ans de prison, sans préjudice d’incriminations et de sanctions complémentaires.
L’État a lancé des campagnes de sensibilisation à la violence contre les femmes dans les dix municipalités les plus affectées. La police a créé une unité spécialisée dans la violence contre les femmes. La loi pénale prévoit que les femmes victimes de violence sexiste bénéficient d’un régime complet de soutien matériel et psychologique. Un numéro téléphonique d’urgence pour les femmes victimes de violence a ainsi été mis en place, ainsi que plusieurs centres d’accueil spécialisés.
En réponse aux questions du Comité sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, la délégation a expliqué que le Parlement avait adopté, en 2015, un projet de loi élaboré en consultation avec les organisations non gouvernementales. La promulgation du décret d’application de la loi a été reportée de quelques mois, à la demande de 18 organisations non gouvernementales nationales et internationales, pour permettre des consultations plus approfondies. Actuellement, quinze personnes bénéficient des mesures de protection prévues par la loi. Un budget de 870 000 dollars environ est consacré à cet effet.
Des experts du Comité ayant regretté la lenteur des enquêtes concernant deux cas précis de disparition forcée, la délégation a reconnu cette lacune dans le fonctionnement de la justice qu’elle a expliquée par des raisons avant tout techniques. Ce n’est que depuis une date relativement récente, en effet, que les autorités distinguent la disparition forcée de l’assassinat dans l’action pénale, et qu’elles disposent des moyens techniques d’identifier des restes humains.
S’agissant des violations des droits de l’homme commises pendant le coup d’État de 2009, la délégation a indiqué que le parquet avait lancé des procédures et recueilli des éléments à charge, l’année 2009 étant suffisamment proche pour qu’il ait été possible de reconstituer les faits, a noté la délégation. Le procureur général a constaté que des violences sexuelles avaient bel et bien été commises à l’encontre de femmes pendant les événements.
La délégation a précisé, à la demande d’un expert, que le Honduras pouvait recourir aux « détecteurs de mensonge » (polygraph) pour recueillir des éléments de preuve dans l’évaluation de l’intégrité des fonctionnaires, en complément à d’autres éléments objectifs.
Questions et observations de suivi des membres du Comité
Après avoir entendu les réponses de la délégation, M. HELLER a constaté que le Honduras, confronté à une conjonction de difficultés, devrait sans doute adopter des mesures correctives globales. Le rapporteur a pris note d’une proposition visant à sanctionner les fonctionnaires qui se rendraient coupables de menaces contre des détenus, estimant que ce thème recoupait la prévention de la torture ; il a demandé si la révision du Code pénal en cours intégrerait cette proposition. L’expert a voulu savoir par ailleurs si tous les détenus étaient tenus de travailler en prison, ou seulement les personnes placées en détention provisoire.
M. Heller a aussi observé que l’avortement était interdit au Honduras et considéré comme un crime dans tous les cas : les autorités envisagent-elles d’adapter la loi aux exigences du droit international concernant, en particulier, le respect du droit à la vie de la mère, a-t-il demandé.
M. MODVIG a observé que pas moins de 54% des personnes détenues au Honduras étaient en détention préventive : il s’agit là sans aucun doute du premier domaine dans lequel les autorités devraient s’efforcer de réduire la population carcérale, selon lui. M. Modvig a recommandé d’autre part aux autorités de fixer des objectifs beaucoup plus ambitieux s’agissant de la prise en charge médicale dans les prisons : un seul médecin par établissement semble en effet insuffisant. Le Président du Comité a constaté aussi que seules treize plaintes par an concernaient les conditions de détention : ce chiffre très faible cache sans aucun doute des difficultés dans la remontée des problèmes à la surface, a-t-il dit. M. Modvig a estimé enfin qu’il pourrait être utile de faire participer les organisations de la société civile à l’évaluation des besoins de réparation des victimes de la torture.
Un autre expert a cité un rapport de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Honduras, dont un chapitre est consacré aux personnes privées de liberté. Il y est dit que les officiers supérieurs de l’armée étaient de plus en plus souvent chargés de la gestion des prisons, y compris s’agissant de l’élaboration des règlements et de la décision de construire de nouveaux établissements. À ce titre, a estimé l’expert, il est possible de parler de militarisation de l’appareil carcéral. Le rapport périodique mentionne d’ailleurs l’ouverture de centres de détention préventive dans quatre casernes de l’armée de terre. La Cour interaméricaine estime, dans son rapport, que cette solution n’est pas satisfaisante et que le Honduras devrait songer à rétablir un contrôle civil. L’expert a voulu savoir si l’Institut pénitentiaire carcéral dispensait des formations aux personnels employés dans les casernes mentionnées.
Un membre du Comité a voulu savoir si le code militaire qui remplacera le texte de 1906 contiendrait une définition complète de la torture ; et si les écoles de police militaire dispensaient un enseignement aux droits de l’homme et à la prévention de la torture. L’expert a calculé que le pourcentage annoncé par la délégation d’infractions commises par des militaires dans le cadre des opérations de police qui leur ont été confiées à ce jour (500 000, toujours selon la délégation) correspondait à pas moins de 5 000 infractions, ce qui appelle certes des explications. Le même expert a voulu savoir selon quels critères le gouvernement nommerait le membre du mécanisme de prévention de la torture représentant la société civile.
Une experte a fait observer que le code pénal militaire de 1906, toujours en vigueur, était particulièrement clément pour les militaires convaincus d’actes de torture. Elle a noté par ailleurs que d’autres pays d’Amérique latine disposaient d’une grande expérience de la justice transitionnelle, dont pourrait profiter le Honduras. L’experte a dit avoir confiance dans la volonté des autorités honduriennes de consolider l’État de droit.
Une autre experte s’est interrogée sur le système d’autogestion des prisons évoqué, par la délégation, comme l’une des raisons de la surpopulation carcérale. Elle a voulu savoir si la militarisation de la gestion des prisons n’avait pas, tacitement, pour but de reprendre le contrôle de prisons devenues incontrôlables du fait, justement, de ce système d’autogestion.
Réponses complémentaires de la délégation
La délégation a convenu que le problème de la surpopulation des prisons ne pourrait pas être résolu par la seule augmentation du nombre de places : il ne s’agit, en effet, que d’un moyen parmi d’autres et les autorités comptent beaucoup sur l’action des nouveaux comités de révision chargés de prononcer des mises en liberté conditionnelle toutes les fois que cela est possible et opportun. Le Congrès vient d’autre part de réviser la liste des délits pour lesquels les tribunaux peuvent prononcer des peines de substitution à la privation de liberté, a ajouté la délégation. Enfin, les autorités se préoccupent de réduire le nombre important des personnes placées en détention préventive, laquelle ne peut excéder deux ans.
Les pouvoirs publics sont conscients, en outre, de l’importance de permettre aux personnes détenues de déposer plainte si elles s’estiment victimes de mauvais traitements. Les autorités explorent des modalités alternatives telles que le dépôt de plainte en ligne ou le recours à des boîtes aux lettres. Enfin, la délégation a fait savoir que les autorités étaient en train de modifier les règlements concernant le personnel carcéral, l’objectif étant de rendre le contrôle intégral aux agents civils.
Conclusion
MME AGUILAR a conclu la présentation du rapport de son pays en assurant que son Gouvernement appliquait une politique centrée sur la défense des droits de l’homme et des droits fondamentaux de tous les citoyens, son objectif étant que chacune et chacun soit en mesure de contribuer au bien-être commun. Elle a fait valoir que le Honduras avait défendu le premier, avec la Norvège, la résolution du Conseil des droits de l’homme concernant la promotion des droits économiques, sociaux et culturels.
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CAT16/015F