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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT SA JOURNÉE ANNUELLE DE DISCUSSION SUR LES DROITS HUMAINS DES FEMMES

Compte rendu de séance
La première partie de cette journée est consacrée à la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones et ses causes profondes

Le Conseil des droits de l'homme a entamé, ce matin, sa journée annuelle de débat sur les droits humains des femmes en tenant une première réunion-débat consacrée à la question de la violence contre les femmes et les fillettes autochtones et ses causes profondes.

Ouvrant cette journée, Mme Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a observé que les femmes autochtones sont particulièrement exposées aux mariages forcés, à la violence sexuelle et au viol et qu'elles accèdent difficilement à la santé, y compris à la santé procréative. Ces formes de violence exposent les femmes autochtones à d'autres problèmes comme les grossesses précoces, la mortalité infantile ou encore des taux d'infection par le VIH/sida supérieurs à la moyenne. Au Canada, les femmes autochtones courent cinq fois plus de danger de mourir de la violence; en Australie, on estime qu'elles risquent six fois plus que les autres femmes d'être victimes de violences domestiques; au Guatemala, 40% des femmes de la communauté maya sont mariées avant l'âge de 18 ans, a fait observer Mme Gilmore. Elle a déploré que ces violences restent trop souvent impunies et que les victimes aient toujours des difficultés à accéder aux voies de recours.

Les panélistes de ce débat étaient le Chef Wilton Littlechild, membre du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones; Mme Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences; Mme Tarcila Rivera Zea, fondatrice et directrice du Centre de cultures autochtones du Pérou (CHIRAPAQ), journaliste et défenseuse des droits des peuples autochtones; Mme Josephine Cashman, avocate, fondatrice et directrice de Riverview Global Partners; et Mme Jennifer Koinante, directrice exécutive du Yiaku Laikipiak Trust.

Le mode de socialisation des fillettes est au cœur de la violence exercée contre les femmes, a affirmé Mme Koinante, pour qui la trame socioculturelle des sociétés traditionnelles africaines génère la violence contre les femmes en l'intégrant aux normes culturelles. Elle a souligné que les femmes autochtones souffrent d'une triple marginalisation: en tant qu'autochtones, en tant que personnes pauvres et enfin en tant que femmes. Mme Cashman a quant à elle constaté qu'en Australie, en dépit des investissements dans la lutte contre la violence, les statistiques restent effrayantes (s'agissant de la question débattue ce matin), notamment du fait du chômage, de la violence familiale et des normes sociales. Dans le Territoire du Nord australien, le taux d'hospitalisation pour agression physique par un membre de la famille des femmes autochtones est 86,5 fois supérieur à celui des non-autochtones.

Pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes autochtones, Mme Rivera Zea a pour sa part préconisé de promouvoir la participation et l'inclusion. Pour cela, il faut un système éducatif inclusif, valorisant la diversité culturelle et l'apport des peuples premiers; ce faisant, les enfants non autochtones changeront de regard sur les peuples autochtones et verront que ces peuples auparavant méprisés ont des choses à leur apporter. Plusieurs instruments internationaux offrent un cadre de compréhension des obligations spécifiques liées à la réalisation des droits des femmes, a quant à elle rappelé Mme Šimonović. Pour conclure, le Chef Littlechild a demandé à toutes les parties concernées de prendre des mesures concrètes pour améliorer la sûreté et le bien-être des femmes et des filles dans le monde entier. «Chaque fois qu'une femme est victime de violence, voire assassinée, nous sommes tous responsables de ne pas avoir veillé à sa sécurité», a-t-il souligné.

Dans le cadre du débat qui a suivi ces présentations, nombre de délégations se sont exprimées*. Elles ont notamment évoqué les moyens possibles de lutter contre la violence qui frappe les femmes et les filles autochtones. Elles ont entre autres préconisé de promouvoir l'autonomisation des femmes autochtones; d'améliorer leur accès aux informations les concernant, notamment en matière de santé; de renforcer activement l'éducation des enfants autochtones; de garantir la participation des femmes aux décisions; et de lutter contre les stéréotypes et pratiques néfastes à l'encontre des autochtones. D'une manière plus générale, des intervenants ont relevé l'importance de s'atteler aux causes structurelles de ces violences – en particulier la pauvreté et la marginalisation. Enfin, il a été constaté qu'alors qu'elle devrait être un outil puissant de protection des droits des femmes et des filles, la loi devient, dans beaucoup de pays, un outil d'assujettissement. Une intervenante a regretté que dans 18 pays, la loi en vigueur n'offre encore aucune protection contre la violence domestique et le harcèlement sexuel.


La journée consacrée aux droits fondamentaux des femmes se poursuivra, à 15 heures, par une réunion-débat relative à la place accordée aux droits des femmes dans le Programme de développement durable à l'horizon 2030. Lors d'une séance de mi-journée, le Conseil doit conclure son dialogue groupe, entamé hier, avec la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats et l'Experte indépendante sur les droits de l'homme et la solidarité internationale, avant d'entamer l'examen de rapports portant sur la liberté d'expression et d'opinion, d'une part, et la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales, de l'autre.


Journée annuelle de discussion sur les droits humains des femmes: la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones et ses causes profondes

Déclarations liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a dit que cette journée annuelle de discussion sur les droits humains des femmes, avec la présence de représentants de peuples autochtones, donne le sentiment formidable d'être dans une maison commune. Elle fournit aussi l'occasion de chercher et comprendre les causes profondes, mais aussi les conséquences, de la violence à l'encontre des femmes autochtones et de trouver des solutions. Cette violence place ces femmes dans un cercle vicieux de marginalisation et de pauvreté, en particulier dans des cas de perte ou de spoliation de terres, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. L'imposition de mariages forcés, l'exposition à la violence sexuelle et au viol, la difficulté d'accès à la santé, y compris reproductive et génésique, et à l'éducation sont autant de formes de violence qu'elles subissent et qui les exposent à d'autres fléaux comme les grossesses précoces, la mortalité infantile ou encore des taux d'infection par le VIH/sida plus élevés que la moyenne, a indiqué Mme Gilmore.

Mais en dépit du manque de statistique précises, on en sait assez, a assuré la Haut-Commissaire adjointe. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a montré qu'au Canada, les femmes autochtones ont cinq fois plus de chances de mourir de la violence, a-t-elle notamment rappelé. En 2014, la Police royale a publié une étude menée sur 30 ans qui montre que si les femmes autochtones ne représentent que 4,3 % de la population, elles comptent pour 16% dans les victimes d'homicides et 11,3% dans les cas de disparition. En Australie, le bureau des crimes et statistiques a pour sa part relevé que les femmes autochtones risquent six fois plus que les autres femmes d'être victimes de violences domestiques. Au Guatemala, 40% des femmes de la communauté Maya sont mariées avant l'âge de 18 ans, a ajouté Mme Gilmore.

Face à toutes ces violences, l'impunité reste globalement répandue, en plus de la difficulté d'accès aux moyens de recours, a souligné Mme Gilmore. Les défenseurs des droits de l'homme agissant dans ce domaine subissent des attaques, sont arrêtés ou carrément tués, comme ce fut le cas pour la militante Berta Caceres au Honduras, a-t-elle rappelé. Tous ces défis exigent que l'on analyse scrupuleusement les conséquences de cette violence, a conclu Mme Gilmore.

Le Chef WILTON LITTLECHILD, animateur du débat et membre du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, a présenté les quatre panélistes, précisant que la première, Mme Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, fournirait un aperçu du contexte juridique des obligations étatiques en matière de protection, de prévention, d'enquête, de poursuites et de voies de recours face à la violence à l'égard des femmes et filles autochtones. Mme Tarcilia Rivera Zea, militante des droits des femmes autochtones, interviendra ensuite sur la manière dont les peuples autochtones pourraient contribuer à la prévention et à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et filles autochtones. De son côté, Mme Josephine Cashman, avocate autochtone et fondatrice de Riverview Global Partners, proposera des pistes quant à la façon de garantir la sûreté des femmes autochtones, de même que des mesures de prévention à prendre pour remédier au comportement violent des auteurs de violence à l'égard de ces femmes. D'autre part, Mme Jennifer Koinante, Directrice exécutive du Yiaku Laikipiak Trust, se penchera sur les défis mais aussi sur les pratiques prometteuses dans la lutte contre cette forme de violence en Afrique.

Le Chef Littlechild a ensuite rappelé qu'il avait tenté de sensibiliser sur les meurtres de femmes et filles autochtones au Canada, pour la première fois, devant l'Instance permanente sur les questions autochtones à New York il y a déjà bien des années. Il a précisé qu'il avait alors été approché par la délégation du Mexique qui avait révélé que ce pays vivait le même phénomène. Depuis, a-t-il ajouté, «nous nous sommes rendu compte qu'il s'agissait d'un problème mondial pour les femmes et les filles autochtones». Le Chef Littlechild a ensuite évoqué l'Article 22 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (axé sur l'attention particulière à accorder aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones dans l'application de la Déclaration), ainsi que la prise de conscience des répercussions du colonialisme et de la marginalisation socioéconomique actuelle des femmes et des filles autochtones. Le Chef Wilton Littlechild a lancé le défi à tous les hommes de prendre des mesures concrètes pour améliorer la sûreté et le bien-être des femmes et des filles dans le monde entier maintenant et dans le futur, soulignant que chaque fois qu'une femme est victime d'abus ou assassinée, nous sommes tous responsables de ne pas avoir veillé à sa sécurité.

Déclarations des panélistes

MME DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a rappelé que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, examinée conjointement avec la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, offre une perspective sexospécifique, un cadre de compréhension des obligations spécifiques liées à la réalisation des droits des femmes. En outre, l'article 22 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones stipule notamment que les États doivent prendre des mesures pour protéger les femmes et les enfants autochtones contre toutes les formes de violence et de discrimination. De ce cadre normatif découlent deux formes d'obligation pour les États, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. La première concerne la violence perpétrée par l'État lui-même: pour l'éviter, l'État doit s'abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l'égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation; il doit s'assurer que les lois, politiques, programmes et procédures ne sont pas discriminatoires et qu'un cadre légal existe pour lutter contre la violence basée sur le genre. La seconde obligation porte sur la violence commise par les acteurs non étatiques: face à cela, l'État doit prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l'égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque; il doit veiller à ce qu'un système de lutte contre la violence commise par des acteurs privés soit mis en place. Mme Šimonović a complété ce tableau en rappelant également les responsabilités de l'État en matière d'autonomisation des femmes et de participation des femmes autochtones, citant certains des instruments internationaux pertinents à cet égard.

MME TARCILA RIVERA ZEA, Fondatrice du Centre de cultures autochtones du Pérou (CHIRAPAQ), journaliste et militante pour les droits de l'homme des peuples autochtones, a souligné que lutter contre la violence à l'encontre des femmes autochtones implique que l'on lutte d'abord contre «l'idéologie raciste et colonialiste» qui frappe sa région d'origine. L'une des façons de le faire est de promouvoir la participation et l'inclusion, a-t-elle ajouté. Pour cela, il faut un système éducatif inclusif, valorisant la diversité culturelle et l'apport des peuples premiers, a-t-elle indiqué; ce faisant, les enfants non autochtones changeront de regard sur les peuples autochtones et verront que ces peuples auparavant méprisés ont des choses à apporter, a-t-elle expliqué.

Mme Tarcila Rivera Zea a ensuite assuré que les peuples autochtones sont opposés à la violence, mais n'en veulent pas moins défendre leurs droits individuels et collectifs. Les femmes autochtones veulent se prémunir de la violence domestique, disposer librement de leur corps ou encore décider du nombre d'enfants qu'elles veulent; elles veulent aussi avoir un droit de regard sur leurs terres et entendent utiliser tous les forums mis à leur disposition au plan international, a insisté la militante.

MME JOSEPHINE CASHMAN, fondatrice et Directrice gérante de Riverview Global Partners, s'est présentée comme une femme Worimi de la Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, avocate, femme d'affaires et Présidente du Sous-comité sur la sécurité des communautés du Conseil consultatif sur les autochtones. Mme Cashman a souligné que beaucoup de militants autochtones estiment que la surpopulation carcérale autochtone est le produit d'une politique raciste. La réalité inconfortable montre qu'en dépit des investissements accrus dans la lutte contre la violence, en particulier au travers du programme «Closing the Gap» (Réduire le fossé) dont le budget a doublé depuis 2008, les statistiques restent effrayantes, notamment du fait du chômage, de la violence familiale et des normes sociales qui laissent à désirer. Dans le Territoire du Nord (Australie), le taux d'hospitalisation pour agression physique par un membre de la famille des femmes autochtones est 86,5 fois supérieur à celui des non-autochtones et ce chiffre est supérieur dans certaines parties de ce Territoire.

Mme Cahsman a déploré que cette forme de violence soit perpétuée et encouragée par beaucoup de défenseurs des droits des autochtones qui dépeignent les auteurs des violences comme des victimes au lieu de promouvoir la responsabilité personnelle et une réforme encourageant un changement de normes sociales en vue de l'instauration d'une société sûre pour tous. Elle a recommandé que la législation protège les victimes et d'aider les délinquant à changer de comportement. Il est essentiel que la sécurité des victimes devienne la priorité majeure, a-t-elle conclu.

MME JENNIFER KOINANTE, Directrice exécutive du Yiaku Laikipiak Trust, a fait observer que la violence à l'encontre des femmes prend sa forme la plus terrible lorsque ces brutalités, ces actes et cette violence se déroulent dans des régions peu sûres. Elle a constaté que les États semblent chercher des solutions qui leur échappent. Pour elle, la socialisation des fillettes dans la société est à la base des causes profondes de la violence contre les femmes et les fillettes. Selon elle, la trame socioculturelle des sociétés traditionnelles africaines a généré la violence contre les femmes en l'intégrant dans les normes culturelles. Dès l'âge de quatre ans, en particulier au sein des communautés autochtones, les fillettes africaines sont soumises aux mariages forcés, a-t-elle souligné. Citant une récente étude de Plan International, Mme Koinante a indiqué qu'au Kenya, une fillette sur quatre tombera enceinte avant l'âge de 18 ans. Alors que les pratiques traditionnelles néfastes sont connues pour la violence qu'elles imposent souvent aux femmes et aux fillettes, très peu d'efforts sont faits pour prévenir et répondre efficacement aux violences visant les femmes, en particulier les femmes autochtones, a déploré Mme Koinante. Elle a souligné que les femmes autochtones souffrent d'une triple marginalisation: elles sont marginalisées tout d'abord en tant qu'autochtones, puis en tant que personnes pauvres et enfin en tant que femmes. Enfin, les femmes autochtones sont privées de l'opportunité d'être représentées dès lors qu'elles sont considérées comme des personnes secondaires. Dans ce contexte, Mme Koinante a déploré l'absence de mécanismes de coordination intégrant la participation et la représentation des femmes autochtones. D'une manière générale, elle a dénoncé le manque de coordination dans les interventions visant à éliminer la violence à l'encontre des femmes.

Débat

Nombre de délégations ont reconnu les défis auxquels leurs pays sont confrontés en termes de violences contre les femmes et filles autochtones et ont présenté les mesures prises pour combattre cette violence. En Australie, où une femme est tuée chaque jour par un compagnon ou un ancien compagnon et où le nombre de femmes autochtones hospitalisées après des faits de violence est 35 fois plus élevé que chez les non autochtones, le Gouvernement a investi dans la prévention et la répression. Le Gouvernement australien est également d'avis qu'il faut très tôt investir dans l'éducation des plus jeunes. Il est en effet vital que les États investissent dans l'éducation des jeunes filles et garçons, a poursuivi le Danemark, au nom des Pays nordiques, avant de demander aux panélistes comment s'assurer que les droits à la santé sexuelle et génésique des femmes autochtones sont bien préservés. Dans les pays de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), c'est la promotion des droits des femmes et des jeunes filles qui est la priorité des gouvernements, a affirmé la République dominicaine au nom de ces pays, avant de demander quelles mesures supplémentaires peuvent être prises pour préserver ces droits.

Les États-Unis ont eux aussi reconnu que cette violence était présente chez eux, notamment en Alaska, par exemple, où des mesures ont été prises en coordination avec les autorités locales. En Namibie aussi le Gouvernement travaille avec les communautés autochtones, notamment pour ce qui a trait aux questions foncières. La Namibie est en outre engagée à mettre en œuvre la Déclaration d'Addis-Abeba pour l'accélération de la mise en œuvre du Programme d'action de Beijing et invite les États parties à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes à en faire autant.

Les pays du Groupe africain, par la voix de l'Afrique du sud, ont admis que la violence à l'égard des femmes avait des spécificités régionales, enracinées dans des coutumes et des pratiques culturelles. En dépit de la lutte contre ces phénomènes, des défis persistent, a reconnu la délégation sud-africaine. Aucun pays ne devrait se garder de faire son autocritique s'agissant de ces questions, a souligné le Canada, au nom du CAN (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande). Pour ces trois pays, la question des violences à l'égard des femmes est une question de justice et de justice sociale et ces questions doivent être frontalement abordées. Les États doivent adopter des politiques de tolérance zéro face à ces violences, a plaidé le Panama, pays dans lequel une loi définissant spécifiquement le féminicide a été adoptée.

Toutes ces situations de violence et les solutions qu'elles appellent exigent une démarche pluridimensionnelle, incluant une approche culturelle et des moyens de recours, a souligné le Honduras, avant d'indiquer que dans le cadre de l'enquête sur la mort de la militante Berta Caceres, cinq hommes ont déjà appréhendés et que les investigations se poursuivent. L'Union européenne a souhaité que les panelistes en disent davantage sur les défis spécifiques que les femmes autochtones rencontrent pour défendre leurs droits et les mesures spécifiques que les États peuvent prendre pour relever ces défis.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a pour sa part souligné la responsabilité du racisme et du colonialisme dans les violences subies par les peuples autochtones et par les femmes autochtones. L'OCI est d'avis qu'une résolution consensuelle sur la violence à leur encontre est nécessaire et que les délégations devraient faire taire toute divergence sur le sujet. La République islamique d'Iran a aussi insisté sur l'origine historique de cette violence, qui aujourd'hui conduit aux stéréotypes, au manque de respect des langues et cultures autochtones et exposent ces populations à l'exclusion, au chômage, à l'exploitation ou même au risque de traite. Pour y remédier, il faut que les États mettent en place des plans sociaux, mais aussi s'interrogent sur les origines de ce phénomène, a insisté l'Iran.

Le Chili a indiqué avoir créé une Unité de la femme et du genre pour promouvoir le développement et la représentation des femmes autochtones. La délégation chilienne a par ailleurs insisté sur l'importance de permettre aux femmes autochtones, en particulier celles vivant dans les communautés rurales, d'avoir accès à des informations les concernant, notamment en matière de santé.

Le Paraguay a quant à lui estimé que la meilleure manière de lutter contre les multiples discriminations qui frappent les femmes et les fillettes autochtones était de renforcer activement l'éducation des enfants autochtones, de garantir l'accès à des soins de santé pour les communautés autochtones, et de poursuivre les personnes qui promeuvent la prostitution, la traite et la violence à leur encontre. Pour l'Indonésie également, l'autonomisation des femmes et des filles est la meilleure arme contre la violence.

Pour la Chine, les peuples autochtones sont des témoins de l'histoire de l'humanité; ils y ont apporté une contribution unique et ils méritent que leurs droits fondamentaux soient respectés. La délégation chinoise invite les pays à considérer le Programme de développement durable à l'horizon 2030 comme une opportunité pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La Suisse a préconisé d'intégrer systématiquement une perspective soucieuse du genre et des droits des femmes dans toutes les mesures de mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Elle a indiqué s'être d'ailleurs fortement mobilisée en faveur d'un solide dispositif de contrôle et de suivi basé sur des données ventilées par sexe - engagement qu'elle entend honorer en rendant compte de ses efforts de mise en œuvre dès 2018.

Le Pérou est d'avis qu'il faut s'attaquer aux causes structurelles que sont la pauvreté et la marginalisation, en déployant davantage d'efforts en matière de santé, d'éducation et de participation publique et politique. Les autorités péruvienne ont également créé un poste de Vice-Ministre en charge de l'interculturalité, dont l'objectif est de promouvoir la construction d'une citoyenneté interculturelle à partir de la reconnaissance de la diversité.

L'Italie a souligné que la pauvreté demeure l'une des principales causes de la vulnérabilité des femmes autochtones. Elle a par ailleurs fait observer que les discriminations fondées sur le genre continuent d'entretenir les stéréotypes, les préjugés et les pratiques néfastes – et vice-versa.

L'Organisation internationale de droit du développement a fait remarquer que la loi est un outil puissant pour promouvoir et protéger les droits des femmes et des filles. Or, dans beaucoup de pays, la loi devient un outil d'assujettissement. Pour l'Organisation, il faut veiller à traduire les normes internationales en droit interne, alors que 18 pays n'ont toujours aucune protection contre la violence domestique et le harcèlement sexuel.

El Salvador a indiqué avoir adopté une amendement à la Constitution par lequel les peuples autochtones sont reconnus et qui établit l'engagement des autorités à adopter des politiques pour maintenir et développer leur identité ethnique et culturelle, leurs valeurs et leur spiritualité. Cette réforme règle une dette historique, a souligné la délégation salvadorienne. Le Suriname s'est targué d'avoir fait des progrès considérables dans le domaine des droits des femmes, notamment en matière de participation aux décisions. Le nombre de femmes au Parlement est passé de 6 à 13, sur un total de 51 parlementaires. Parmi les mesures prises par les autorités pour lutter contre la violence fondée sur le genre, la délégation a mentionné qu'un projet de recherche sur la nature et les causes des comportements violents des hommes à l'égard de leurs partenaires a été mené dans les quartiers ruraux.

L'éradication de la violence contre les femmes est une priorité pour la Bolivie. Les autorités travaillent à l'élimination de la colonisation et du patriarcat de la société. Le pays sanctionne les féminicides, la violence familiale et domestique, la stérilisation forcée, les actes sexuels abusifs, ainsi que la violence économique et patrimoniale, a précisé la délégation bolivienne.

L'Espagne a constaté que la lutte contre les discriminations ciblant les femmes est un défi que connaissent tous les pays et que ce défi se révèle encore plus grand lorsqu'il s'agit des femmes autochtones. Leur rôle en tant qu'agent de changement dans leurs communautés doit être connu et soutenu par tous, a insisté la délégation espagnole.

L'Afrique du Sud a fait observer que la violence contre les femmes et les filles autochtones s'enracine dans le racisme, la marginalisation et la pauvreté. Pour éliminer ces violences, la délégation souligne que le soutien des communautés est crucial, les gouvernements ne pouvant agir seuls. La Fédération de Russie estime également que la lutte contre ces violences ne pourra se faire que par les efforts conjoints des États et de la société civile. La délégation russe a par ailleurs indiqué que les autorités russes avaient mis en place une stratégie pour les années 2017-2022 qui contient des mesures visant à prévenir la violence contre les femmes.

Plusieurs organisations non gouvernementales sont également intervenues. Penal Reform international, au nom également de Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers, a déclaré que la surreprésentation des femmes dans les prisons canadiennes et néo-zélandaises, avec respectivement un tiers et la moitié des détenues qui sont des femmes autochtones, est une forme de violence. Les États devraient appliquer les règles de Bangkok qui préconisent la prise en compte de facteurs relatifs à la violence pour atténuer les sentences. Pour la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, on ne peut en effet pas comprendre les discriminations subies par les femmes autochtones sans comprendre le contexte. La présence d'industries minières ou agraire est un de ces facteurs, a souligné l'ONG. Pour Indian Law Resource Centre, au nom également de Native American Rights Fund, l'une des autre causes de la violence à l'égard des femmes est le caractère discriminatoire des systèmes judiciaires, voire la limitation des pouvoirs judiciaires des autorités autochtones locales qui ne peuvent efficacement protéger les femmes de leurs communautés.

La Commission arabe des droits de l'homme a souhaité que l'on s'intéresse aussi aux violences commises contre les femmes dans les conflits armés, non pas uniquement de la part des gouvernements mais aussi de la part des groupes terroristes. Daech est en train de commettre les pires violences contre les femmes, a indiqué cette organisation.

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a déploré la lenteur des procédures de soutien aux femmes victimes de violence. L'ONG a par ailleurs rendu hommage à Berta Cáceres qui a été récemment assassinée, doublement victime en tant que femme et autochtone.

Conclusions des panélistes

MME ŠIMONOVIĆ a souligné que la violence affecte les femmes et filles autochtones de différentes manières mais que dans tous les cas, elle est disproportionnée. Cette violence est rarement documentée en raison de l'absence de données statistiques fiables, ni même punie. Mme Šimonović a toutefois observé que l'enquête se poursuit au Honduras sur le meurtre de Berta Caceres, ce qui veut dire que l'impunité n'est plus de mise. Il est important de s'attaquer aux racines du mal et de rechercher les causes de cette violence, a exhorté la Rapporteuse spéciale. Elle a insisté sur le caractère primordial de la prévention et a souligné qu'il est nécessaire de créer des formules de coopération entre les différentes instances régionales et internationales impliquées dans la prévention et la lutte contre la violence en général et contre les femmes et les filles autochtones en particulier. Les femmes et filles autochtones se trouvent souvent au milieu de conflits et font l'objet d'une violence militarisée, a en outre rappelé Mme Šimonović.

Évoquant plus particulièrement l'objectif 5.2 du Programme de développement durable (élimination de la violence contre les femmes), Mme Šimonović a appelé de ses vœux la mise en place de mécanismes de suivi pour l'ensemble des objectifs du Programme, ainsi qu'une utilisation plus cohérente des mécanismes d'ores et déjà existants. Elle a également demandé l'abolition des lois et mesures discriminatoires à l'égard des femmes et a préconisé de les remplacer par des lois susceptibles de garantir l'égalité.

MME RIVERA ZEA a fait observer que les violences faites aux femmes sont historiques, multiples et proviennent souvent des structures même de l'État. L'exploitation, la réduction à l'esclavage dans le cadre du travail domestique, l'enlèvement d'enfants dans des contextes de dictatures, le déplacement forcé du territoire, sans parler du facteur aggravant que constitue le changement climatique, privent les autochtones de l'exercice de leurs droits légitimes, a-t-elle souligné. Une femme autochtone qui est pauvre ne parle que sa propre langue, est perçue comme la honte de sa société et n'a pas accès à la justice, ne disposant ainsi d'aucun espace de recours, a poursuivi Mme Rivera Zea. Elle a plaidé pour la création de mécanismes spécifiques permettant aux femmes autochtones d'être des sujets de droits à part entière.

Mme Rivera Zea a ensuite donné lecture d'une longue liste de défis rencontrés par les femmes et les filles autochtones, soulignant que leurs cultures sont sources de solutions face à ces défis. Elle a réfuté la notion de «groupes collectifs d'assistés» et exigé de «décoloniser les esprits» par la mise en place, en particulier, d'un système de justice tenant compte du droit coutumier. La journaliste et militante péruvienne a également encouragé à la participation des hommes dans la promotion des capacités politiques, sociales et économiques des femmes autochtones. Pour Mme Rivera Zea, le Programme de développement durable à l'horizon 2030, s'il est mis en œuvre d'une façon inclusive, conduira sans équivoque à la résolution de la violence à l'égard des femmes autochtones, en leur donnant la maîtrise de leur propre destin.

MME CASHMAN a affirmé qu'il y avait beaucoup d'abus sexuels au sein des communautés autochtones en Australie, soulignant que les autochtones sont soumis aux mêmes lois que le reste des Australiens. Les victimes autochtones rencontrent des problèmes très graves: en témoignant, par exemple, elles risquent d'être ostracisées par leur propre communauté, de perdre leur logement, voire la garde de leurs enfants. En conséquence, il est indispensable que les femmes qui viennent témoigner soient protégées, a souligné Mme Cashman. Les Nations Unies et le Conseil devraient centraliser les données sur la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones, car il est très difficile de connaître les taux de violence, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est des exemples de bonnes pratiques requis par nombre de délégations, Mme Cashman a indiqué que le programme «Un emploi au lieu de la prison» vise à la responsabilisation des délinquants, en se concentrant sur l'alphabétisation. Certains prisonniers en sont sortis ingénieurs, a-t-elle fait valoir. Les hommes autochtones ayant participé à ce programme ont vu leur taux de récidive réduit, a-t-elle insisté.

Pour ce qui est des solutions concrètes à apporter au problème de la violence contre les femmes et filles autochtones, MME KOINANTE a recommandé aux Nations Unies d'éliminer les mariages forcés en Afrique en ayant recours à des processus participatifs permettant d'accélérer les efforts de lutte contre cette violence. Il faudrait aussi créer des groupes consultatifs qui collaboreraient avec les pouvoirs publics, avec des noyaux de femmes qui pourraient entrer en contact directement avec le Haut-Commissariat à Genève. Une session spéciale de l'Instance permanente sur les questions autochtones pourrait favoriser la coopération avec les gouvernements en vue de l'éradication de cette violence, a ajouté Mme Koinante. Elle a en outre rappelé qu'en cas de viol, produire des preuves est souvent impossible, que cette impossibilité soit intentionnelle ou forcée.

Mme Koinante a par ailleurs plaidé pour une évaluation des programmes mis en place, notamment par les Nations Unies et leurs partenaires. La violence fondée sur le sexe doit devenir une priorité étatique à tous les niveaux en vue de la bannir de la société, a-t-elle déclaré. Sur le continent africain, la lutte contre le VIH/sida est cruciale pour les femmes rurales, alors qu'elles vivent dans des zones où il existe peu de structures sanitaires.

Animateur du débat, le CHEF LITTLECHILD a rappelé le devoir des États et des organismes interétatiques, ainsi que la nécessité d'encourager la responsabilité personnelle face au défi de la violence contre les femmes et filles autochtones. Il a relevé que les panélistes et les délégations avaient mis l'accent sur le rôle que pourront jouer les Objectifs du développement durable à l'horizon 2030. Il a cependant noté que la violence environnementale a généralement été omise dans les discussions alors que, parallèlement, celle due à la militarisation a été évoquée. Il a invité à œuvrer davantage en vue d'un engagement accru des hommes et des garçons sur la base des normes juridiques existantes. Le rôle des femmes et des filles autochtones est fondamental pour que les choses aillent mieux pour les peuples autochtones dans leur ensemble, a-t-il souligné. Il importe de présenter un front uni pour en finir avec la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones, a-t-il insisté.

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif: Australie,
Danemark (au nom des Pays nordiques), République dominicaine (au nom de la CELAC), États-Unis, Namibie, Afrique du sud (au nom du Groupe africain et en son nom propre), Canada (au nom du CAN), Panama, Honduras, Pakistan (au nom de OCI), République islamique d'Iran, Chili, Paraguay, Indonésie, Chine, Suisse, Pérou, Italie, Organisation internationale de droit du développement, El Salvador, Suriname, Bolivie, Espagne, Fédération de Russie.


**Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif: Penal Reform International (au nom également de Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers); Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté ; Indian Law Resource Centre (au nom également de Native American Rights Fund); Commission arabe des droits de l'homme et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.



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HRC16072F