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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EST SAISI DU DEUXIEME RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES DROITS DE L'HOMME EN ÉRYTHRÉE

Compte rendu de séance
Ayant établi que des crimes contre l'humanité ont été commis, la Commission recommande le renvoi de la situation en Érythrée au Procureur de la CPI

Le Conseil des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, M. Mike Smith présenter le deuxième rapport de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en Erythrée – qu'il préside et qui est également composée de Mme Sheila Keetharuth et de M. Victor Dankwa.

M. Smith a notamment indiqué que, n'ayant pu se rendre en Érythrée en raison du refus des autorités de les accueillir, et après examen des déclarations et informations émanant de 833 personnes dans plus de 13 pays, les membres de la Commission ont établi que les responsables érythréens avaient commis des crimes contre l'humanité. Les crimes d'esclavage, d'emprisonnement, de disparitions forcées, de torture, de persécution, de viol, de meurtre et d'autres actes inhumains ont été commis dans le cadre d'une vaste et systématique campagne contre la population civile depuis 1991, le but de cette campagne ayant été de maintenir le contrôle sur la population et de perpétuer la domination des dirigeants en Érythrée, a précisé le Président de la Commission. M. Smith a plus particulièrement évoqué le crime d'esclavage en précisant qu'à ce sujet, la Commission avait constaté que les violations en rapport avec les programmes de service militaire/national incluaient le caractère arbitraire et indéfini de ces programmes, qui se prolongent souvent pendant des années au-delà de la durée de 18 mois fixée par la loi, ainsi que l'utilisation de conscrits pour accomplir du travail forcé, ou encore les conditions inhumaines du service national ainsi que le viol et la torture souvent associés à ce service. Le recours à la détention arbitraire reste routinier dans tout le pays, a ajouté M. Smith. La Commission a constaté que les crimes qu'elle a documentés ont été commis en premier lieu, directement ou indirectement, par des responsables de l'État et du parti au pouvoir, par des commandants militaires et par des membres du bureau national de sécurité, a-t-il précisé. La Commission a conclu que le Gouvernement de l'Érythrée n'avait ni la volonté politique, ni la capacité institutionnelle de poursuivre les crimes qu'elle a documentés, a indiqué M. Smith.

Aussi, la Commission recommande-t-elle que le Conseil de sécurité renvoie la situation en Érythrée au Procureur de la Cour pénale internationale et que l'Union africaine établisse un mécanisme de reddition de comptes. La Commission a également demandé aux États Membres de poursuivre ou extrader les suspects pouvant se trouver sur leurs territoires et au Conseil de sécurité d'imposer une interdiction de voyager et un gel de leurs biens aux individus suspectés de crimes contre l'humanité. Parmi les recommandations adressées par la Commission d'enquête au Conseil des droits de l'homme, figurent celle en faveur du renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, ainsi que celle demandant au Conseil de soutenir l'établissement au sein du Haut-Commissariat d'une structure dotée d'un mandat de protection et de promotion, en particulier pour assurer la reddition de comptes pour les crimes contre l'humanité mentionnés dans le rapport.

Aussi longtemps que ne prévaudra pas une constitution, aussi longtemps qu'il n'y aura pas de parlement où débattre de questions nationales, aussi longtemps qu'existera un service national indéfini, aussi longtemps que fera défaut une presse libre, aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'organisations de la société civile autres que celles désignées par le Gouvernement, et aussi longtemps que le peuple vivra dans la crainte et sera contrôlé par l'État, il n'y aura pas de pleine jouissance de tous les droits de l'homme ni de réel progrès pour le peuple érythréen, a conclu le Président de la Commission d'enquête.

En tant que pays concerné, l'Érythrée a déclaré que la Commission d'enquête accusait à tort le Gouvernement érythréen, sans présenter des faits ou des chiffres fiables. Aucun pays ne saurait prétendre être parfait au regard de la réalisation des droits de l'homme, mais l'Érythrée a accepté 92 recommandations issues de son Examen périodique universel, a fait valoir la délégation érythréenne. Elle a invité à adopter une approche fondée sur la coopération et le respect, dans laquelle sa position volontariste de consolidation des droits de l'homme serait pleinement reconnue.

Plusieurs délégations* ont pris part au dialogue avec les membres de la Commission d'enquête.

En fin de séance, la Turquie a exercé son droit de réponse.


Demain matin, à 9h30, le Conseil tiendra un dialogue renforcé sur le Soudan du Sud, suivi du débat général sur les situations de droits de l'homme qui requièrent son attention. Dans l'après-midi, il aura une réunion-débat sur le thème «Bilan de la contribution des parlements aux travaux du Conseil des droits de l'homme et à son Examen périodique universel et moyen de renforcer encore cette contribution».


Situation des droits de l'homme en Érythrée

Le Conseil est saisi du deuxième rapport de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en Érythrée(A/HRC/32/47).

Présentation du rapport

M. MIKE SMITH, Président de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en Érythrée, a déclaré que n'ayant pu se rendre en Érythrée en raison du refus des autorités de les accueillir, et après examen des déclarations et informations émanant de 833 personnes dans plus de 13 pays, les membres de la Commission ont établi que les responsables érythréens avaient commis des crimes contre l'humanité. Les crimes d'esclavage, d'emprisonnement, de disparitions forcées, de torture, de persécution, de viol, de meurtre et d'autres actes inhumains ont été commis dans le cadre d'une vaste et systématique campagne contre la population civile depuis 1991, le but de cette campagne ayant été de maintenir le contrôle sur la population et de perpétuer la domination des dirigeants en Érythrée, a indiqué M. Smith.

M. Smith a ensuite plus particulièrement évoqué le crime d'esclavage en précisant qu'à ce sujet, la Commission avait constaté que les violations en rapport avec les programmes de service militaire/national incluaient le caractère arbitraire et indéfini de ces programmes, qui se prolongent souvent pendant des années au-delà de la durée de 18 mois fixée par la loi, ainsi que l'utilisation de conscrits pour accomplir du travail forcé, ou encore les conditions inhumaines du service national ainsi que le viol et la torture souvent associés à ce service, sans parler de l'impact dévastateur de ces programmes sur la vie de famille et la liberté de choix. En dépit de ses promesses, le Gouvernement érythréen n'a pris aucune mesure pour traiter l'un quelconque de ces problèmes, a insisté le Président de la Commission d'enquête.

Le recours à la détention arbitraire reste routinier dans tout le pays et n'est pas réservé aux seules personnes critiques à l'égard du Gouvernement, a poursuivi M. Smith. Ces actes sont continus et constituent des crimes contre l'humanité, a-t-il insisté. La Commission a également documenté plusieurs actes de violence sexuelle et basée sur le genre, a ajouté M. Smith. Dans les camps de formation militaire et au sein de l'armée, certaines jeunes femmes sont utilisées comme esclaves pour s'acquitter de tâches domestiques et sont également violées, a-t-il précisé. Le viol est également commis dans les lieux de détention par des fonctionnaires et des gardiens, non seulement sur un nombre significatif de femmes mais aussi sur des hommes. La Commission a constaté que les crimes qu'elle a documentés ont été commis en premier lieu, directement ou indirectement, par des responsables de l'État et du parti au pouvoir, par des commandants militaires et par des membres du bureau national de sécurité. La Commission a identifié certains auteurs présumés et a compilé les données sur ces individus pour aider de futurs mécanismes de reddition de comptes, a précisé le Président de la Commission d'enquête.

La Commission a conclu que le Gouvernement de l'Érythrée n'avait ni la volonté politique, ni la capacité institutionnelle de poursuivre les crimes qu'elle a documentés, a indiqué M. Smith. Aussi, la Commission recommande-t-elle que le Conseil de sécurité renvoie la situation en Érythrée au Procureur de la Cour pénale internationale et que l'Union africaine établisse un mécanisme de reddition de comptes. La Commission a également demandé aux États Membres de poursuivre ou extrader les suspects pouvant se trouver sur leurs territoires et au Conseil de sécurité d'imposer une interdiction de voyager et un gel de leurs biens aux individus suspectés de crimes contre l'humanité. Parmi les recommandations adressées par la Commission d'enquête au Conseil des droits de l'homme, figurent celle en faveur du renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, ainsi que celle visant à ce que le Conseil maintienne la situation en Érythrée à son ordre du jour et invite le Haut-Commissaire à faire rapport périodiquement sur cette situation des droits de l'homme. La Commission recommande en outre au Conseil de soutenir l'établissement au sein du Haut-Commissariat d'une structure dotée d'un mandat de protection et de promotion, en particulier pour assurer la reddition de comptes pour les crimes contre l'humanité mentionnés dans le rapport, a souligné M. Smith.

Aussi longtemps que ne prévaudra pas une constitution, aussi longtemps qu'il n'y aura pas de parlement où débattre de questions nationales, aussi longtemps qu'existera un service national indéfini, aussi longtemps que fera défaut une presse libre, aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'organisations de la société civile autres que celles désignées par le Gouvernement, et aussi longtemps que le peuple vivra dans la crainte et sera contrôlé par l'État, il n'y aura pas de pleine jouissance de tous les droits de l'homme ni de réel progrès pour le peuple érythréen, a conclu le Président de la Commission d'enquête.

Pays concerné

L'Érythrée a déclaré que le 20 juin était un jour de mémoire pour le peuple érythréen, qui a rendu hommage aux milliers de personnes tombées pour l'indépendance du pays. Aujourd'hui à Genève, des Érythréens ont aussi apporté une pétition pour marquer cette date historique pour leur pays, a ajouté la délégation érythréenne. Elle a ensuite estimé que la Commission d'enquête accusait à tort le Gouvernement érythréen de commettre des crimes, des viols et des actes de violence à l'endroit de sa population. La Commission n'a pas pour autant présenté des faits ou des chiffres fiables, a-t-elle insisté. Au contraire, cette Commission d'enquête a recouru à une méthodologie qui manque de rigueur et ses accusations sont juridiquement indéfendables, a affirmé l'Érythrée. Aucun pays ne saurait prétendre être parfait au regard de la réalisation des droits de l'homme, mais l'Érythrée a accepté 92 recommandations issues de son Examen périodique universel, a-t-elle ajouté. D'autre part, le pays voit émerger un paysage économique prometteur et compte faire face à ses responsabilités en mobilisant ses ressources. Toute cette démarche est bien différente de celle de la Commission d'enquête, dont la publication du rapport coïncide avec le pire épisode d'hostilité à la frontière avec l'Éthiopie, a poursuivi la délégation érythréenne. Elle a donc invité à adopter une approche fondée sur la coopération et le respect, dans laquelle sa position volontariste de consolidation des droits de l'homme serait pleinement reconnue.

Débat interactif

L'Union européenne a remercié la Commission d'enquête pour son travail basé sur des entretiens et des documents écrits, regrettant à ce propos que les autorités de l'Érythrée n'aient pas autorisé ladite Commission à se rendre sur place. L'Union européenne prend note du fait que la Commission a de bonnes raisons de croire, sur la base de ses travaux, que des crimes contre l'humanité ont été commis en Érythrée, notamment à l'encontre de citoyens accomplissant le service militaire. Elle demande que les auteurs de violations des droits de l'homme soient traduits en justice. L'Union européenne invite par ailleurs l'Union africaine à se saisir de la situation des droits de l'homme en Érythrée par le biais de ses propres institutions. L'Union européenne appelle l'Érythrée à prendre des mesures concrètes pour améliorer sa situation des droits de l'homme, en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, en particulier en appliquant les recommandations issues de l'Examen périodique universel.

La Suisse a dit sa préoccupation devant les violations des droits de l'homme qui auraient été commises de manière systématique et flagrante en Érythrée . La Suisse soutient les travaux de la Commission d'enquête, ainsi que ceux de la Rapporteuse spéciale. Elle appelle le Gouvernement érythréen à pleinement coopérer avec les mécanismes du Conseil des droits de l'homme et à leur garantir l'accès au pays, en particulier dans les prisons et autres institutions pertinentes, afin de permettre une évaluation approfondie de la situation sur place. Le fait de ne pas autoriser l'accès au pays pour les procédures spéciales du Conseil ne peut que renforcer la présomption que l'Érythrée «a quelque chose à cacher», a fait observer la Suisse. Elle a aussi appelé l'Érythrée à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale

Cuba a dit privilégier la coopération et le dialogue dans l'examen des droits de l'homme, ainsi que la création de passerelles et la prise en compte des situations et des problèmes tels qu'ils se posent. Il s'agit de la seule manière de promouvoir les droits de l'homme des populations concernées, a estimé Cuba. Cuba a recommandé au Conseil des droits de l'homme de ne pas favoriser les prises de position qui ne contribuent pas à la réalisation des mandats. La délégation cubaine a condamné les politiques de sanctions qui empêchent d'envisager des mesures plus constructives telles que la coopération technique avec les pays.

Le Royaume-Uni a exigé des évolutions tangibles en Érythrée, en particulier la libération des personnes détenues et l'amendement du système de service militaire national. Le pays a en outre exhorté la Rapporteuse spéciale et le Gouvernement érythréen à explorer les voies et moyens de coopérer.

L'Allemagne s'est dite déçue de la non-coopération du Gouvernement érythréen avec les membres de la Commission d'enquête et a relevé que cette dernière avait indiqué qu'il existe des raisons de croire que des crimes contre l'humanité ont été commis en Érythrée depuis 1991. L'Allemagne a demandé que ces crimes ne demeurent pas impunis.

L'Australie a souligné que si la Commission d'enquête avait été autorisée à se rendre en Érythrée, les choses seraient plus faciles. Le deuxième rapport de la Commission fait état de crimes présumés contre l'humanité, a relevé la délégation australienne. Il faut que le Gouvernement érythréen permette à ses citoyens d'exercer pleinement leurs libertés, ce qu'il pourrait aisément faire par l'application de la Constitution de 1997, et respecte le droit international relatif aux droits de l'homme et le droit humanitaire international.

La Norvège a notamment encouragé le Gouvernement érythréen à garantir un environnement sûr et propice aux activités des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes.

La Chine a déclaré que la communauté internationale devait tenir compte de la situation particulière de l'Érythrée et de ses capacités à mettre en œuvre les droits de l'homme. Les mécanismes des droits de l'homme doivent faire preuve d'impartialité et de non-sélectivité lorsqu'ils examinent la situation des droits de l'homme dans des pays, a rappelé la délégation chinoise.

Le Portugal a déploré que la Commission d'enquête n'ait pu se rendre en Érythrée pour s'acquitter de son mandat. Il n'y a eu aucune évolution quant à la situation dans le pays depuis le dernier rapport de la Commission en juin 2015, a déploré la délégation portugaise. Dans ce contexte, le Portugal est d'avis que le Conseil de sécurité devrait se saisir de la question et le Conseil des droits de l'homme renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée.

Le Bélarus a pour sa part défendu sa position de principe, à savoir que les mandats pays sont contre-productifs et que seule la coopération permet de régler les questions relatives aux droits de l'homme. Le Bélarus note que l'Érythrée est ouverte au dialogue, en particulier avec le Haut-Commissariat et attend que cette coopération apporte une assistance technique à l'Érythrée.

La France a regretté le manque de coopération des autorités érythréennes avec la Commission d'enquête et a estimé que les conclusions auxquelles parvient cette Commission méritent un examen du Conseil de sécurité. La France rappelle son attachement à la lutte contre l'impunité et estime que les auteurs de ces crimes doivent en répondre devant la justice. La France soutient à cet égard le renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale et se félicite par ailleurs des contacts pris entre le Haut-Commissariat et les autorités érythréennes, qui ont permis des visites de terrain ces dernières années. La France attend maintenant que l'Érythrée mette en œuvre les recommandations issues de l'Examen périodique universel.

Djibouti a dit soutenir la création au sein du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme d'une structure dotée d'un mandat pour établir les responsabilités en matière d'atteintes aux droits de l'homme en Érythrée. Djibouti demande à l'Érythrée de rendre compte du sort de tous les prisonniers, y compris les prisonniers de guerre djiboutiens disparus depuis 2008. La République de Djibouti exige ainsi le retour de ses treize soldats qui manquent toujours à l'appel et demande l'arrêt des tentatives répétées de déstabilisation à sa frontière.

Le Venezuela a fait savoir une nouvelle fois qu'il rejetait les mandats relatifs à des pays, qui sont, selon lui, des outils politisés ne respectant ni la souveraineté des États, ni le droit à l'autodétermination, tous deux consacrés par la Charte des Nations Unies.

Les États-Unis ont demandé au Gouvernement de l'Érythrée de dialoguer avec la communauté internationale et avec les organismes des Nations Unies pour remédier aux problèmes qu'il rencontre dans le domaine des droits de l'homme. Les États-Unis demandent à l'Érythrée d'organiser des élections, de créer un système judiciaire indépendant et de libérer les personnes détenues de façon arbitraire – prisonniers politiques, journalistes et membres de groupes religieux, notamment. Les États-Unis estiment que les mécanismes du Conseil des droits de l'homme, notamment le mandat de la Rapporteuse spéciale, sont des outils importants pour renforcer l'engagement de la communauté internationale avec l'Érythrée.

L'Espagne encouragé l'Éthiopie et l'Érythrée à résoudre leurs différends par des moyens pacifiques. Elle a demandé que des comptes soient rendus pour les crimes commis dans ce pays et identifiés par la Commission, comme l'esclavage, les détentions arbitraires, la torture, les assassinats, et les viols d'hommes et de femmes. La délégation espagnole a également appuyé les mécanismes de l'Union africaine comme la Cour africaine des droits de homme et des peuples.

Le Ghana a relevé une nette amélioration de la situation depuis la présentation du dernier rapport de la Commission, citant à ce propos la libération de plusieurs prisonniers de guerre et la collaboration accrue avec les organes des droits de l'homme. Le Ghana a prié l'Érythrée de répondre comme il se doit aux allégations de la Commission d'enquête pour permettre à ses citoyens de vivre libres et sains.

Le Botswana a relevé certaines des violations des droits de l'homme citées dans le rapport de la Commission d'enquête. La démocratie fait défaut en Érythrée; il faudrait que les autorités mettent en œuvre les recommandations contenues dans le rapport. La délégation estime que la coopération avec la Commission permettrait de résoudre une situation qui semble bloquée.

La Somalie a exprimé ses préoccupations face à la situation des droits de l'homme en Érythrée. À l'instar de la Commission d'enquête, elle s'alarme que le nombre de réfugié érythréens en Europe ait doublé par rapport à l'année dernière. Tout en saluant la libération de quatre prisonniers de guerre djiboutiens, elle appelle l'Érythrée à donner des informations sur le sort des autres prisonniers de guerre.

L'Ukraine a estimé qu'au vu du manque de progrès depuis 1991, le rapport de la Commission d'enquête devrait être transmis à l'Assemblée générale, au Secrétaire général et au Conseil de sécurité. Tous les mécanismes dont dispose le Conseil de sécurité, y compris les sanctions ciblées, devraient être considérés pour assurer la mise en œuvre des recommandations de la Commission, a estimé la délégation.

Le Nicaragua condamne «la politisation des questions relatives aux droits de l'homme» et les mandats spécifiques de pays. Sa délégation soutient que la coopération est le moyen le plus efficace pour promouvoir les droits de l'homme.

Le Kenya a constaté que la question se pose de la manière d'engager le Gouvernement érythréen à appliquer ses obligations en matière de droits de l'homme, sachant que ce Gouvernement est seul responsable du bien-être de son peuple. Le Kenya recommande la création par l'Union africaine d'un mécanisme de redevabilité pour traiter des allégations des violations des droits de l'homme dont la Commission d'enquête a établi la potentielle gravité.

La Belgique a déploré le refus du Gouvernement de l'Érythrée d'accueillir la Commission d'enquête. Elle a estimé que seule une visite de la Commission sur place permettrait de vérifier les faits et d'éventuellement situer le contexte dans lequel ces dysfonctionnements éventuels persistent afin d'y apporter des solutions durables. La Belgique a souligné qu'une problématique récurrente dans tous les rapports est la durée indéterminée du service militaire, une cause importante de la migration clandestine au départ de l'Érythrée. La Belgique a demandé à la Commission de dire dans quelle mesure les rumeurs d'assouplissement du service militaire sont confirmées.

Le Soudan a souligné l'importance du respect des principes de neutralité et d'impartialité dans les travaux du Conseil. Le Soudan encourage l'Érythrée à poursuivre sa coopération avec les mécanismes de droits de l'homme. Il relève que les accusations formulées par la Commission d'enquête sont mal étayées. Enfin, il est opposé à la saisine de la Cour pénale internationale, qui cible l'Afrique à l'exclusion des autres continents.

L'Éthiopie a remarqué que le rapport contient une analyse complète des violations commises en Érythrée depuis son indépendance il y a 25 ans. Elle souligne qu'il existe des motifs raisonnables de penser que des crimes contre l'humanité y ont été commis. Elle fait observer que le Conseil manquerait à son devoir s'il n'exigeait pas des comptes pour ces crimes ou si leurs auteurs restaient impunis. «Le regard des victimes est posé sur nous», a déclaré la délégation, appelant à prendre des mesures fermes pour les victimes.

L'Irlande s'est dite profondément troublée par les informations contenues dans le rapport de la Commission qui font penser que des crimes contre l'humanité sont commis en Érythrée. Elle a invité le Gouvernement à coopérer pleinement avec les mécanismes des droits de l'homme, à se pencher d'urgence sur les allégations de la Commission, à faire cesser immédiatement tous les crimes décrits dans le rapport, à lever les restrictions à l'encontre des médias indépendants, et à donner accès aux centres de détention à des observateurs indépendants.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. Conscience and Peace Tax international a indiqué qu'il n'existe aucune règle pour l'objection de conscience en Érythrée et que le Gouvernement organise souvent des «rafles» pour l'incorporation dans le service militaire. Ces rafles touchent aussi des personnes handicapées, a précisé l'ONG, avant d'appeler le Gouvernement à mettre en place des garanties pour l'objection de conscience et limiter la durée du service militaire obligatoire.

Center for Global Nonkilling a déclaré que la culture de l'impunité s'étant installée en Érythrée, elle soutient la recommandation visant à ce que la situation soit référée à la Cour pénale internationale.

Le Mouvement international de la réconciliation a fait observer qu'avec les rapports de la Commission d'enquête et le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, il n'est plus possible d'ignorer ce qu'il se passe dans ce pays. Les diplomates doivent maintenant agir, a insisté l'ONG, les appelant à transférer le dossier à la Cour pénale internationale.

Human Rights Watch a déclaré que les violences dont fait état le rapport de la Commission d'enquête constituent sans aucun doute possible des violations des droits de l'homme ainsi que des traités que l'Érythrée a ratifiés. La Commission d'enquête aboutit aux mêmes constatations que Human Rights Watch s'agissant de la persistance de schémas répressifs en Érythrée. L'organisation demande aux États de tirer parti du principe de juridiction universelle pour faire des enquêtes sur les violations des droits de l'homme en Érythrée et, le cas échéant, en poursuivre les auteurs qui se trouveraient sur leur territoire.

CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens a demandé au Conseil de renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée et de faire en sorte que la titulaire ait l'autorité nécessaire pour faire rapport sur l'application des recommandations de la Commission d'enquête. Civicus a indiqué qu'un nombre impossible à établir de jeunes conscrits avaient été tués le 3 avril dernier par des soldats au cœur de la capitale, Asmara.

United Nations Watch a demandé au Conseil d'adopter une résolution par laquelle il renouvelle le mandat de la Rapporteuse spéciale et la dote d'une mission élargie à l'application des recommandations faites par la commission d'enquête. Le Conseil pourrait aussi y appeler à la création, au sein du Haut-Commissariat, d'une structure ayant le mandat d'établir les responsabilités des auteurs de crimes contre l'humanité. Ces mesures doivent être accompagnées de sanctions contre les responsables de crimes contre l'humanité en Érythrée, a demandé l'ONG.

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a dénoncé la violence sexuelle à laquelle les femmes et les filles sont confrontées en Érythrée ainsi que le harcèlement sexuel pendant le service militaire. L'ONG a expliqué que la fréquence de ces abus a accru le nombre de mariages précoces, qui sont devenus un moyen d'éviter le service militaire.

East and Horn of Africa Human Rights Project a appuyé le renouvellement du mandat de la Commission, ainsi que la mise sur pied d'une structure au sein du Haut-Commissariat aux fins d'assister dans la reddition de comptes pour les violations des droits de l'homme susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité.
Intervenant à la fin du débat, l'Érythrée a remercié les délégations qui ont apporté leur contribution à la discussion, en particulier celles qui appuient et ont toujours appuyé la coopération comme moyen de promouvoir les droits de l'homme. La délégation rappelle que la Commission d'enquête n'a apporté aucune preuve des allégations qu'elle rapporte. L'Érythrée reconnaît qu'il y a des problèmes et des défis, mais affirme qu'il n'y a pas de crimes de masse ni de crimes contre l'humanité commis dans le pays.

Remarques de conclusion

En réponse à une demande de l'Union européenne concernant la portée du mandat de la Commission, M. SMITH a précisé que le premier rapport n'avait pas porté explicitement sur le problème des crimes contre l'humanité faute de mandat et de compétence technique. Mais, suite à une demande ultérieure du Conseil, la Commission s'est adjointe les compétences d'experts dans ce domaine et a recueilli plusieurs centaines de témoignages supplémentaire, ce qui a permis de donner substance aux soupçons que des crimes contre l'humanité avaient été commis en Érythrée.

La communauté internationale peut aider l'Érythrée à lutter contre les violations des droits de l'homme, a admis le Président de la Commission d'enquête. Mais encore faut-il qu'une volonté politique existe en Érythrée, a-t-il souligné. Dans ce contexte, il importe que l'Érythrée se dote d'une constitution compatible avec les normes du droit international ainsi que d'une autorité capable de déterminer les responsabilités en cas de violations des droits de l'homme. Des crimes ont bel et bien été commis en Érythrée, a insisté M. Smith, pour lesquels des comptes devront être rendus, y compris, s'il le faut, devant la Cour pénale internationale.

La Commission avait élaboré, dans son premier rapport, une recommandation contre l'émigration forcée d'une partie de la jeunesse, a par ailleurs rappelé M. Smith. Il a indiqué ne pas être en mesure de confirmer les rumeurs s'agissant de l'assouplissement du service militaire. Enfin, il a remercié les centaines de personnes qui ont accepté de témoigner devant la Commission – une démarche douloureuse pour beaucoup.

Droit de réponse

La Turquie a rejeté les allégations portées par le «régime syrien» à son encontre, affirmant que l'on cherche ainsi à détourner l'attention de la communauté internationale. La Turquie lutte contre le terrorisme et en particulier contre l'arrivée de combattants étrangers – qu'elle appréhende et expulse de son territoire. Le «régime syrien» est classé parmi les soutiens du terrorisme et a favorisé la création de Daech, a ajouté la délégation turque.

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat sur la situation des droits de l'homme en Érythrée: Union européenne, Suisse, Cuba, Royaume-Uni, Allemagne, Australie, Norvège, Chine, Portugal, Bélarus, France, Djibouti, Venezuela, États-Unis, Espagne, Ghana, Botswana, Somalie, Ukraine, Nicaragua, Kenya, Belgique, Soudan, Éthiopie, Irlande.

*Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat sur la situation des droits de l'homme en Érythrée: Conscience and Peace Tax International; Mouvement international de la réconciliation; Human Rights Watch; CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens ; United Nations Watch; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; et East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC16/083F