Aller au contenu principal

LE CONSEIL EXAMINE LES SITUATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN UKRAINE ET AU BURUNDI

Compte rendu de séance

Ce matin, le Conseil des droits de l'homme s'est penché, ce matin, sur les situations des droits de l'homme en Ukraine et au Burundi.

Présentant le rapport périodique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Ukraine, M. Ivan Šimonović, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux droits de l'homme, a indiqué que le conflit a fait 31 292 victimes selon le dernier bilan au 25 juin, dont 9449 morts et 21 843 blessés; il a précisé que l'on comptait jusqu'à 2000 civils parmi les personnes tuées. Si le nombre de victimes civiles a nettement diminué depuis le cessez le feu du 1er septembre 2015, des motifs de préoccupation subsistent, notamment en raison de la présence d'armes interdites par l'Accord de Minsk et d'armements lourds à proximité de la ligne de contact, ce qui fait craindre un risque de grave escalade. Le rapport s'inquiète également des restrictions à la liberté de circulation sur la ligne de contact et de la recherche des centaines de personnes portées disparues dans les deux zones, sous contrôle du Gouvernement ou des groupes armés. En ce qui concerne la Crimée, contrôlée par la Fédération de Russie depuis deux ans, la situation des droits de l'homme s'y est fortement détériorée et M. Šimonović a exhorté la Cour suprême russe d'abroger l'interdiction frappant l'assemblée consultative des Tatars. La situation en Ukraine est face à trois scénarii possibles: une escalade du conflit, un conflit gelé avec un environnement prolongé d'instabilité, ou une paix durable.

De nombreuses délégations* ont pris part au débat. En tant que pays concerné, l'Ukraine a souligné que quatorze rapports du Haut-Commissariat confirment l'afflux de combattants étrangers, de munitions et d'armes lourdes depuis la Fédération de Russie; en outre, la Mission de suivi en Ukraine a constaté que des crimes graves ont été commis par les autorités d'occupation russes à l'encontre des citoyens ukrainiens en Crimée et par les militaires russes dans la région du Donbass. L'Ukraine a donc exhorté la Fédération de Russie à cesser ses actes d'agression, à retirer les forces armées russes du territoire ukrainien, à arrêter d'armer les groupes illégaux et à s'abstenir de tout acte visant à légitimer l'annexion illégale de la péninsule de Crimée. Intervenant à son tour, la Fédération de Russie a attiré l'attention sur les informations du rapport faisant état de nombreuses violations des droits de l'homme commises par les autorités ukrainiennes et leurs forces de sécurité.

Entamant le débat sur la situation au Burundi, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, a indiqué que les droits du peuple du Burundi se sont détériorés de manière tragique dans la foulée de la crise politique d'avril 2015. Les violations dont ils sont victimes incluent des exécutions extrajudiciaires, meurtres, disparitions forcées, arrestations et détentions arbitraires, torture et violence sexuelle. Depuis le 20 juin, près de 270 000 personnes ont été forcées à fuir le pays; 100 000 seraient déplacées dans le pays. L'économie est en chute libre, mettant en péril les progrès réalisés grâce à près de huit années de croissance soutenue. En dépit des mesures positives prises par le Gouvernement – notamment la libération de plusieurs détenus – les arrestations arbitraires, les détentions et la torture continuent, a fait observer M. Zeid. Il s'est en outre inquiété de l'arrestation d'écoliers et d'étudiants qui auraient gribouillé des photos du Président. Il s'alarme aussi des perspectives très réelles d'escalade de la violence ethnique et des propos aux forts relents ethniques d'incitation à la violence contre des opposants politiques. Compte tenu de l'histoire récente du Burundi, ces actes d'incitation sont potentiellement explosifs, a averti le Haut-Commissaire.

Intervenant en tant que pays concerné, le Burundi a déploré que le rapport ait passé sous silence certains évènements et faits antérieurs qui constituent pourtant des faits avant-coureurs du mouvement insurrectionnel organisé par certains radicaux, politiciens activistes de la société civile qui ont pris pour prétexte la candidature de M. Pierre Nkurunziza à sa propre succession. Les autorités burundaises n'ont jamais cessé de dénoncer le Rwanda, pays voisin, pour avoir recruté, entraîné militairement et armé les réfugiés burundais, ainsi que le rôle de la Belgique, ancienne puissance coloniale qui a semé le venin de la division au Burundi et attisé le feu entre les Hutus et les Tutsi. Le Gouvernement et la délégation du Burundi jugent donc que le rapport présenté au Conseil est non équilibré, d'autant qu'il se base sur des informations confidentielles qui peuvent être sujettes à manipulation et que le Haut-Commissariat reconnaît lui-même avoir peu consulté le Gouvernement .


Plusieurs délégations** se sont exprimées dans le cadre de ce débat sur le Burundi, qui se poursuivra cet après-midi, à 15 heures.


Coopération avec l'Ukraine et assistance apportée à ce pays dans le domaine des droits de l'homme

Présentation du rapport

M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Secrétaire général adjoint pour les droits de l'homme, a présenté son rapport périodique portant sur situation des droits de l'homme en Ukraine (A/HRC/32/CRP.7) pour la période du 16 février au 15 mai 2016. Le rapport fait le bilan de la situation actuelle des droits de l'homme en Ukraine, basée également sur une mission conduite du 28 mai au 4 juin et qui s'est concentrée sur les zones de conflit, dans l'est et des deux côtés de la ligne de contact.

Le conflit a fait 31 292 victimes selon le dernier bilan au 25 juin, dont 9449 morts et 21 843 blessés, a indiqué M. Šimonović , précisant que l'on comptait jusqu'à 2000 civils parmi les personnes tuées. Il a ajouté que, selon les estimations du Haut-Commissariat, ce nombre est probablement plus élevé. La plupart des victimes civiles ont été tuées par des bombardements sur des zones résidentielles, surtout en 2014 et au début de 2015. Depuis le cessez le feu du 1er septembre 2015, le nombre de victimes civiles a nettement diminué mais des motifs de préoccupation subsistent. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a enregistré 67 victimes civiles depuis le 15 mai et a constaté une nouvelle escalade ainsi que l'usage d'armes interdites par l'Accord de Minsk. Depuis la mi-avril, des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont constaté la présence d'armements lourds à proximité de la ligne de contact, ce qui fait craindre un risque de grave escalade. Durant la mission, M. Šimonović a plaidé pour une coordination des deux parties pour délimiter les zones minées, pour leur décontamination et une aide aux victimes des mines et autres engins explosifs abandonnés.

Par ailleurs, la liberté de circulation est encore entravée pour les vingt à trente mille civils qui, chaque jour, tentent de franchir la Ligne de contact. Ces restrictions ont une conséquence directe sur la vie des civils, y compris dans l'accès aux services médicaux et sociaux. De plus, de nombreuses personnes sont portées disparues, dont 14 865 personnes dans la région de Donetsk contrôlée par le Gouvernement et 496 dans celle contrôlée par les groupes armés. Des centaines de personnes sont portées disparues dans la région de Lubantsk. Le Haut-Commissariat a recommandé au Gouvernement de mettre sur pied une autorité impartiale, indépendante et centralisée pour retrouver les disparus et identifier les dépouilles et a vivement conseillé au Gouvernement et aux groupes armés de coopérer sur cette question.

Concernant la Crimée, contrôlée par la Fédération de Russie depuis deux ans, la situation des droits de l'homme s'est fortement détériorée depuis cette date. Le Haut-Commissaire adjoint a déploré les lois anti-extrémistes et antiterroristes qui ont été utilisées pour criminaliser les activités non violentes et les dissidents. La police est également instrumentalisée pour faire taire l'opposition. Les Tatars sont les plus touchés, et leur parlement, le Mejlis, a été interdit. M. Šimonović a exhorté la Cour suprême de Russie d'abroger cette interdiction.

La situation en Ukraine est face à trois scénarios possibles: une escalade du conflit, un conflit gelé avec un environnement prolongé d'instabilité, ou une paix durable. Minsk n'est pas un accord très populaire dans les zones contrôlées par le Gouvernement mais il offre les meilleures chances de paix durable, a-t-il commenté.

Les libertés fondamentales, la liberté d'expression et la liberté d'association sont restreintes pour les 2,7 millions de personnes vivant dans des zones sous contrôle des groupes armés, et aucune forme de dissidence n'est admise. Partant, seul le respect des droits civils et politiques peut conduire à des élections dont les résultats seront reconnus, a souligné M. Šimonović. L'Ukraine doit procéder à une réforme de son système de justice pour résoudre les conflits et lutter contre la corruption. Aucun progrès n'a été enregistré jusqu'à présent pour traduire en justice les responsables de violences et les enquêtes sont entachées d'irrégularité. Néanmoins, l'adoption récente d'amendements constitutionnels liés à l'administration de la justice offre une occasion rare de rompre avec le passé, est-il relevé dans le rapport.

Le Haut-Commissariat a déploré que les organisations internationales soient toujours privées du droit de visite des lieux de détention. Il dispose d'informations crédibles faisant état de privation illégale de liberté par les groupes armés et de cas de tortures et mauvais traitement par les services de sécurité ukrainiens, en particulier dans les zones de conflit. La condition préalable à toute amnistie est un système de justice plus fiable, les crimes contre l'humanité ne pouvant en faire l'objet.

L'affaiblissement des services sociaux demeure également un motif de préoccupation et il est indispensable que les Ukrainiens puissent bénéficier d'une protection sociale sur un pied d'égalité. Les personnes déplacées à l'intérieur doivent continuer d'en être récipiendaire, sans discrimination. A Donetsk, le Haut-Commissariat a exhorté à cesser de priver la population d'assistance humanitaire mais n'a pas pu faire la même chose à Lubantsk, où il n'a pas été autorisé à se rendre.

En conclusion, de part et d'autre de la ligne de contact, les dirigeants vont devoir entendre leur population. Le Haut-Commissariat renforcera son appui au gouvernement ukrainien par le biais d'une assistance juridique et technique afin de parvenir à la paix, au respect des droits de l'homme et de l'état de droit.

Pays concerné

L'Ukraine a souligné que quatorze rapports du Haut-Commissariat aux droits de l'homme confirment l'afflux de combattants étrangers, de munitions et d'armes lourdes depuis la Fédération de Russie. Elle a rappelé que la Mission de suivi en Ukraine a constaté que des crimes graves ont été commis par les autorités d'occupation russes à l'encontre des citoyens ukrainiens en Crimée et par les militaires russes dans la région du Donbass. La délégation partage l'avis de M. Šimonović quant à la nécessité de restituer aux résidents locaux leurs droits civils et politiques avant la tenue d'élections locales dans certaines parties des régions de Donetsk et Luhansk. Elle a souligné que la situation dans la Crimée occupée s'aggrave encore. Détentions illégales, enlèvements et restrictions à la liberté d'expression et d'association, sont aujourd'hui monnaie courante dans la péninsule. L'Ukraine réitère son appel aux autorités d'occupation russes pour qu'elles permettent un accès aux missions de suivi, lèvent leur interdiction de l'Assemblée des Tatars de Crimée (Mejlis), enquêtent sur toutes les allégations de torture, mauvais traitements, enlèvements et disparitions, et veillent à ce que les responsables de ces actes rendent des comptes. Elle fait observer que le retour de deux citoyens ukrainiens détenus illégalement, MM. Afanasyev et Soloshenko, a permis de montrer au monde les actes d'intimidation, de torture et de pression psychologique infligés par les officiels russes. Leur témoignage ne laisse aucun doute sur le fait que des mauvais traitements similaires sont infligés à d'autres citoyens ukrainiens, a souligné la délégation, ajoutant qu'il montre l'ampleur de l'anarchie actuelle et des très graves violations des droits de l'homme commises par la Russie. La position de l'Ukraine est ferme: toutes les violations des droits de l'homme doivent être punies, quels que soient leurs auteurs. Les rapports d'allégations d'abus commis par les forces armées ukrainiennes sont d'ailleurs scrupuleusement examinés. L'Ukraine exhorte la Russie à cesser ses actes d'agression, à retirer les forces armées russes du territoire ukrainien, à arrêter d'armer les groupes illégaux et à s'abstenir de tout acte visant à légitimer l'annexion illégale de la péninsule de Crimée.

Débat interactif

M. ANDRIUS KRIVAS, Vice-ministre des affaires étrangères de la Lituanie s'est déclaré préoccupé par la détérioration de la situation des droits de l'homme en Ukraine et en Crimée depuis son annexion par la Fédération de Russie. Pour la Lituanie, les seuls moyens de sortir du conflit résident dans la cessation des hostilités, l'application des accords de Minsk et le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. La Lituanie est en outre préoccupée par les discriminations à l'égard des Tatars de Crimée, en particulier par l'interdiction des activités du parlement tatar, le Mejlis, que la Lituanie considère comme une violation des droits de l'homme. En dépit de cela, la délégation se félicite des efforts de la Mission de suivi, mais estime aussi que d'autres mécanismes devraient pouvoir accéder au territoire. Le Vice-ministre a également souhaité savoir s'il y avait eu des progrès dans les relations entre les deux pays concernés.

L'Union européenne est préoccupée par les informations contenues dans le rapport sur les violations persistantes des droits de l'homme, notamment les restrictions à la liberté d'expression, de mouvement, la torture, le refus d'accorder un accès humanitaire ou encore les violences sexuelles et les discriminations à l'égard des Tatars de Crimée. La délégation prend note de la libération de Nadia Savchenko mais demande que les autres prisonniers politiques soient également libérés, notamment Oleh Sentsov, Akthtem Chiihoz et Oleksandr. L'Union européenne souligne en outre la nécessité d'une mise en œuvre totale de l'Accord de Minsk par toutes les parties, et réitère son plein soutien au respect de l'intégrité territoriale et à la souveraineté de l'Ukraine.

L'Allemagne aussi s'est inquiétée de la situation dans l'est de l'Ukraine, où torture, représailles contre la société civile, disparitions forcées, discriminations contre les Tatars sont légions, notamment l'interdiction de leurs assemblées. La délégation a exigé le respect par toutes les parties de l'Accord de Minsk et l'ouverture d'enquêtes pour tous ces actes.

La Fédération de Russie s'est dite préoccupée par les informations mises à jour dans le rapport et qui font état de nombreuses violations des droits de l'homme commises par les autorités ukrainiennes et leurs forces de sécurité. On parle de prisons secrètes où des individus sont soumis à la torture, a dit le représentant, déplorant qu'aucune enquête ne soit menée y compris pour les évènements qui ont eu lieu il y a deux ans à Maïdan Au contraire, juges et avocats, journalistes et partis d'opposition sont empêchés de faire leur travail et le Gouvernement encourage l'activité de groupes violents, notamment dans le Donbass. La Fédération de Russie a invité le Haut-Commissariat à faire son travail sur ces informations et demandé à ses «partenaires» de cesser de fermer les yeux sur la gravité de ces informations.

L'Estonie est gravement préoccupée par les violations des droits de l'homme et abus commis dans l'Ukraine occupée. Elle demande à ce qu'un accès immédiat soit accordé aux missions de suivi et aux organisations internationales dans les zones qui ne sont plus contrôlées par l'Ukraine, ainsi que dans la Crimée annexée illégalement. Elle s'inquiète des cas de violences sexuelles rapportés par le personnel des Nations Unies et demande que ces faits fassent l'objet d'enquête. En outre, la délégation estonienne souligne que la persécution des minorités de Crimée par la Fédération de Russie doit cesser.

La Pologne a attiré l'attention sur le lourd tribut payé par les civils victimes d'exécutions sommaires, de disparitions forcées, de torture, de mauvais traitements, d'enlèvements et de violences sexuelles. Elle a fait observer que depuis deux ans, la situation est instable et fragile dans l'Est de l'Ukraine et en Crimée, suite à son annexion illégale par la Fédération de Russie. Enfin, la délégation polonaise a manifesté son inquiétude devant les intimidations et les persécutions systématiques à l'encontre des Tatars de Crimée.

Les États-Unis ont insisté sur l'importance de bien se souvenir de la cause profonde de la crise, à savoir l'agression par la Russie et la violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, qui ont commencé avec l'occupation de la Crimée il y a plus de deux ans. La délégation américaine a constaté que les pires abus qui ont lieu dans l'Est de l'Ukraine se passent dans les zones contrôlées par les séparatistes. Elle est également préoccupée par la dégradation de la situation dans la péninsule de Crimée occupée par la Russie. Elle demande qu'un accès y soit garanti à la Mission de suivi.

Le Royaume-Uni a souligné les «conséquences meurtrières» de la poursuite de la crise dans l'Est de l'Ukraine. Plus de 650 personnes sont mortes ces trois derniers mois. La délégation a relevé que le rapport du Haut-Commissariat contenait des informations sur les moyens par lesquels les groupes séparatistes soutenus par la Russie ont systématiquement bafoué les droits de l'homme de presque 3 millions de personnes. Le Royaume-Uni est également préoccupé par l'interdiction de l'Assemblée des Tatars de Crimée et par le recours à des législations supposément anti-extrémistes pour faire taire les voix dissidentes.

La Norvège a chiffré à 2,5 millions, le nombre «d'Européens» vivant en Crimée, et à 2,7 millions d'autres ceux dans les zones sous contrôle des séparatistes du Donbass. Ce sont dans ces régions que les droits de l'homme se sont considérablement détériorés, a dit la représentante, appelant les autorités de facto, et la Fédération de Russie, à permettre un accès humanitaire à ces zones. Par contre, la situation des droits de l'homme est bien meilleure dans les zones sous contrôle gouvernemental, même si des défis persistent. A cet égard, la délégation s'est félicitée de la réforme judicaire adoptée par le Gouvernement et espère que celle-ci améliorera l'efficacité de la justice et reconstruira sa légitimité aux yeux de la population. En revanche, peu de progrès ont été faits en ce qui concerne les enquêtes sur les évènements de Maïdan et d'Odessa, et la Norvège est également préoccupée par les allégations de prisons clandestines.

L'Autriche a déploré «le mépris flagrant» des droits de l'homme, du droit international et des libertés fondamentales de la part des séparatistes. Cela rend peu probable la tenue des élections prévues par l'Accord de Minsk, a estimé le représentant.

A l'instar des autres délégations, l'Espagne a condamné «sans distinction» la persistance des violations des droits de l'homme en Ukraine, en particulier les violences sexuelles et la destruction de biens. Comment les victimes peuvent-elles faire pour demander réparation, s'est enquis le représentant.

En tant que partenaire de l'Ukraine et un de ses premiers donateurs internationaux, la Suède a déploré que le Conseil se voit encore obligé à examiner la situation en Ukraine avec ce rapport qui fait état de 9371 morts et 1,78 million de personnes déplacées depuis le début du conflit. La Suède a mis en exergue le rôle des femmes dans la résolution du conflit. La délégation a également fait valoir la nécessité de respecter l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine, et appelé à cesser aussi bien l'annexion illégale de la Crimée que les violations des droits de l'homme commises par les séparatistes en Crimée et au Donbass.

La Roumanie a fait remarquer que la communauté internationale assiste, depuis plus de deux ans, à des violations des droits de l'homme et des abus commis à l'Est de l'Ukraine, dans un climat déplorable de manque de justice et d'absence de reddition de comptes. La situation aujourd'hui, en dépit de la baisse notable des décès, continue de soulever de grandes préoccupations. Elle a dénoncé les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, tout particulièrement contre les femmes, les filles et les personnes âgées. La situation dans la Crimée illégalement annexée est également préoccupante aux yeux le Roumanie.

L'Australie s'est inquiété des violations persistantes du cessez-le-feu dans l'Est de l'Ukraine. Elle a souligné que les attaques indiscriminées et disproportionnées mettent la vie des civils en danger, et exhorté toutes les parties à mettre un terme aux hostilités. Enfin, elle s'est alarmée des informations transmises par le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires s'agissant de l'utilisation d'armes à sous-munitions et de mines antipersonnel dans les zones de conflit.

Les Pays-Bas ont déploré la mort de près de 10 000 personnes, y compris des 298 passagers et membres d'équipage du vol MH17, depuis le début du conflit. Ils ont demandé un accès libre, complet et sans entrave des acteurs humanitaires à tous les territoires. La délégation a également plaidé pour le déminage de la zone de contact, et demandé la libération immédiate des prisonniers politiques détenus en Russie.

Le Conseil de l'Europe a indiqué que sa coopération avec l'Ukraine est axée sur deux priorités: la réforme constitutionnelle et l'efficacité de la justice, d'une part, et la protection des personnes déplacées à l'intérieur du pays, d'autre part. Le 2 juin dernier, le Parlement ukrainien a adopté des amendements constitutionnels qui ont permis, entres autres, de réduire la dépendance des juges à l'égard des pouvoirs exécutifs. Le Conseil de l'Europe a organisé une réunion de haut niveau à Strasbourg sur le déplacement interne en Ukraine, dans la foulée de la création d'un nouveau Ministère ukrainien sur les territoires temporairement occupés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays.

La Lettonie a réitéré son appui à la Mission de suivi du Haut-Commissariat en Ukraine et s'est inquiétée qu'elle n'ait pas accès à la Crimée, compte tenu de la «très mauvaise situation» des droits de l'homme sur la péninsule. Comme le fait apparaître le rapport, il est déplorable que les personnes ayant refusé de se soumettre à des lois sur la citoyenneté imposées par la Russie soient harcelées et discriminées, a déclaré la délégation lettone. Il est également regrettable de noter que les dissidents se voient parfois privés de leur droit à l'accès aux soins de santé et aux services sociaux. La délégation a demandé la levée de l'interdiction frappant le Mejlis des Tatars.

La Géorgie s'est dite très préoccupée par les conclusions du rapport sur la situation dans l'est de l'Ukraine, loin du contrôle effectif du Gouvernement. Le désarmement et le retrait des groupes étrangers est nécessaire, a affirmé la délégation géorgienne, qui a appelé Moscou à honorer ses engagements en vertu des Accords de Minsk. Au sujet de l'annexion illégale de la Crimée, elle a exigé que le Haut-Commissariat puisse avoir un accès non limité, et sans entrave, à tout le territoire ukrainien, y compris la Crimée. Condamnant l'agression de la Russie en Ukraine et en Géorgie, la délégation a réitéré son plein appui à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

L'Irlande a rappelé qu'il est de l'obligation de toutes les parties d'honorer leurs engagements en vertu des Accords de Minsk, minés par les détentions arbitraires, la violence sexuelle, la torture et les mauvais traitements dans les territoires contrôlés par les séparatistes dans l'est de l'Ukraine. Le fait que les organisations internationales se voient refuser l'accès à la péninsule de Crimée sape la protection des droits de l'homme et est inacceptable, a déploré la délégation, qui a également critiqué le harcèlement et la discrimination dont les Tatars sont victimes.

La Finlande est favorable à la souveraineté de l'Ukraine et ne reconnaît pas «l'annexion illégale de la Crimée». Il est indispensable que toutes les parties mettent pleinement en œuvre les Accords de Minsk. La délégation s'est dite préoccupée par le lourd tribu que paient les Ukrainiens à ce conflit. Le système arbitraire de règles, les mauvais traitements et la torture doivent cesser. Elle est également préoccupée par lois utilisées en Crimée pour ériger en infraction des actes non violents et interdire toute voix dissidente, de même que par les lois visant les Tatars. Elle a pris note de la création en Ukraine d'un ministère chargé de s'occuper des personnes déplacées.

L'Albanie a loué La coopération fructueuse du Haut-Commissaire avec le Gouvernement ukrainien afin d'améliorer la situation des droits de l'homme dans les zones sous contrôle gouvernemental. La délégation s'est félicité que les autorités ukrainiennes aient adopté une loi visant à dépolitiser les forces de police, mais lui demande d'adopter une loi sur la liberté d'expression et d'ouvrir des enquêtes sur les violations des droits de l'homme qui ont eu lieu ou sont encore commises sur son territoire, notamment pour les évènements de Maïdan et d'Odessa.

Le Japon a déploré que des civils aient été victimes de mines antipersonnel en tentant de traverser la zone de contact. Sa délégation déplore aussi les restrictions à la liberté d'expression et l'interdiction des assemblées tatares. Elle demande un plein accès de l'aide humanitaire aux zones sous contrôle séparatiste.

La République tchèque aussi est préoccupée par les allégations de violation des droits de l'homme commises dans les zones sous contrôle gouvernemental, notamment les prisons secrètes qui seraient tenues par des groupes armés. En outre, la délégation a déploré les actes discriminatoires commis par les autorités de facto de Crimée contre les Tatars. Si l'Ukraine doit être félicitée pour sa coopération avec le Haut-Commissariat, on doit se préoccuper des lenteurs en ce qui concerne les enquêtes sur les évènements de Maïdan et d'Odessa, a conclu le représentant.

Le Danemark est également d'avis que la pleine mise en œuvre des Accords de Minsk est un des moyens de sortir du conflit. L'annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie a marqué le début des violations des droits de l'homme commises sur les 2,5 millions de personnes qui vivent dans cette région, a déclaré la représentante, qui s'est jointe à l'Union européenne pour demander à la Fédération de Russie de respecter le droit international et de permettre la libération des prisonniers politiques.

La Suisse est préoccupée par les violations et abus de droits de l'homme et du droit international humanitaire commises par toutes les parties. Elle estime inquiétant de constater l'impunité dont jouissent les auteurs de ces violations. En particulier, la Suisse s'inquiète des disparitions forcées, des détentions arbitraires et au secret, et des cas de torture. Elle rappelle au Gouvernement ukrainien qu'il est tenu, en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture de permettre aux mécanismes de suivi d'effectuer des visites dans les établissements pénitentiaires.

Le Canada a estimé que les violations des droits de l'homme commises par les deux parties au conflit et détaillées dans les rapport du Haut-Commissariat et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires soulèvent de sérieuses préoccupations. Demandant que soit mis un terme au conflit armé, la délégation canadienne a souligné que l'amnistie ne veut pas pour autant dire impunité. Enfin, elle a exprimé ses préoccupations s'agissant du traitement des minorités ethniques et religieuses en Crimée.

La Nouvelle-Zélande a noté avec préoccupation que, 18 mois après la signature des Accords de Minsk, la communauté internationale en soit encore à appeler au respect du cessez-le-feu et au retrait des armes lourdes, premières conditions préalables à toute solution pacifique. Elle a prié les parties de permettre à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) d'effectuer son mandat de suivi du processus de paix. Elle a précisé, enfin, qu'elle n'a pas oublié l'annexion de la Crimée, il y a deux ans et demi, contraire au droit international.

La Turquie a mis l'accent sur l'ampleur des violations des droits de l'homme et des abus commis dans le sud-est du pays et dans la «République autonome de Crimée», qu'elle considère comme partie intégrante de l'Ukraine. La délégation s'est inquiétée en particulier de la situation des Tatars de Crimée dont les organes de presse sont réduits au silence, les symboles nationaux interdits, et les mosquées et les écoles perquisitionnées. Pour la Turquie, la décision d'interdire l'Assemblée des Tatars de Crimée est la dernière manifestation des pressions et d'intimidations systématiques à l'encontre des Tatars.

La Chine a dit que la question de l'Ukraine est complexe et que toute résolution doit tenir compte des intérêts légitimes de chaque région et chaque groupe ethnique, pour trouver un équilibre. La délégation a espéré que les parties impliquées soutiendront le consensus et les obligations en vertu des Accords de Minsk pour parvenir à la paix le plus vite possible.

La France a indiqué que la poursuite des graves violations et atteintes aux droits de l'homme dans les zones de l'Est ukrainien sous contrôle séparatiste était très préoccupante. Les cas de disparitions forcées, de détentions arbitraires et de torture rapportés dans le rapport sont intolérables et doivent faire l'objet d'enquêtes pour traduire les auteurs en justice. La délégation reste également préoccupée par la situation en Crimée, et a condamné l'interdiction imposée au Medjlis, l'assemblée des Tatars de Crimée. Elle a réitéré son appel à la libération de tous les otages et personnes illégalement détenues et appelé toutes les parties à respecter leurs engagements liés aux Aaccords de Minsk, seule voie vers une résolution globale de la crise.

L'Islande a dit que le rapport donnait des indications précieuses pour l'amélioration de la situation des droits de l'homme en Ukraine. La délégation s'est inquiétée des graves violations des droits de l'homme qui continuent dans l'est du pays, notamment les violences sexuelles, et par l'impunité des forces de l'ordre, demandant des enquêtes pour que les auteurs soient traduits en justice. Par ailleurs, la délégation a demandé à la Fédération de Russie de mettre un terme immédiat à son annexion illicite de la péninsule de Crimée et de mettre un terme, avec les séparatistes, aux combats dans l'Est de l'Ukraine, conformément aux Accords de Minsk.

Parmi les organisations non gouvernementales ayant participé au débat, l'Association internationale des juristes démocrates a dénoncé l'absence de partialité et d'objectivité du rapport, qui ne mentionne pas l'interdiction du Parti communiste d'Ukraine, les actions violentes menées par des groupes d'extrême droite et néonazis, l'occupation du ministère de l'information par des membres, le projet de licenciement de centaines de juges sous le prétexte d'une réforme judiciaire et la destruction de monuments aux soldats ayant combattu le nazisme durant la seconde guerre mondiale.

Minority Rights Group est revenu sur les représailles et violences frappant la minorité tatare, dont des enlèvements de ses leaders ces trois derniers mois, en prémices à l'interdiction des assemblées tatares. Cette organisation a demandé la révocation de cette interdiction et le respect des droits de cette minorité.

La Fondation de la Maison des droits de l'homme a mis en garde contre un risque de «conflit gelé» si les Accords de Minsk n'étaient pas appliqués par les parties. Les séparatistes et la Fédération de Russie restreignent la liberté d'expression et la société civile dans les zones sous leur contrôle sous prétexte de combattre le terrorisme, a dit la représentante. Elle s'est aussi déclarée inquiète du manque de progrès concernant les enquêtes sur les évènements de Maïdan, même si quelques progrès ont été faits en ce qui concerne Odessa.

United Nations Watch a plaidé pour un accès humanitaire aux zones sous contrôle séparatistes pro- russes. Elle a également demandé que les droits à la liberté d'expression soient garantis à la société civile et aux journalistes, car ce «n'est pas du luxe pour les populations».

World Federation of Ukrainian Women's Organization a déclaré qu'en dépit des Accords de Minsk, les bombardements continuent sur les civils, dont 1, 7 millions ont dû fuir. Si l'organisation se félicite de la libération de Mme Nadia Sovchenko, elle appelle à la libération des autres détenus politiques. Elle demande aussi à la Fédération de Russie d'ouvrir un accès humanitaire aux zones sous contrôle séparatistes.

La Fédération internationale des journalistes a alerté le Conseil sur la situation des journalistes travaillant en Ukraine ou dans les zones sous contrôle des séparatistes. Depuis novembre 2013, au moins 200 d'entre eux ont été victimes de toutes sortes de violence, ayant conduit à la mort de dix d'entre eux, des arrestations, disparitions forcées et de la torture dans les zones séparatistes. Dans la zone gouvernementale, la situation est identique. Les autorités s'en sont prises à 17 journalistes russes, que le Gouvernement accuse de soutenir le terrorisme, a dit le représentant.

Réponses du Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme

M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme, a répondu aux questions qui lui ont été adressées. À l'attention de la Lettonie au sujet de la Crimée, il a précisé que le Haut-Commissariat avait demandé l'accès au territoire et l'ouverture d'un bureau régional, ce qui a été refusé. À une question de l'Union européenne sur l'impact, à long terme, des violations des droits de l'homme, il a rappelé qu'il existait plusieurs types de violations afférentes aux droits à la sécurité, aux droits civils et aux droits économiques et sociaux. En matière de sécurité, cela touche à l'utilisation disproportionnée de la force et les limitations aux droits civils et politiques et, concernant les droits économique et sociaux, à la privation de prestations sociales. Ces violations creusent le fossé dans la population ukrainienne entre zones contrôlées par le Gouvernement ou par les groupes armés. M. Šimonović a estimé que cela n'avait pas atteint un point de retour mais qu'il fallait renforcer les efforts visant à combler le fossé pour justement ne pas atteindre ce point.

Aux États-Unis, au Royaume-Uni ou à l'Irlande, qui se demandaient que faire de plus pour empêcher les violations des droits de l'homme dans les zones contrôlées par les groupes armés, M. Šimonović a dit qu' il serait essentiel de passer à la mise en œuvre des Accords de Minsk. Même s'ils ne sont pas assez précis, ces accords donnent de bonnes orientations. Autrement dit, il faut un calendrier clair avec des points de référence, y compris le respect des droits de l'homme. Actuellement, les négociations de Minsk sont bloquées car l'une des parties donne la priorité à la question de la sécurité, alors que l'autre privilégie l'organisation d'élections dans les zones contrôlées par les groupes armés, a précisé le Secrétaire général adjoint, qui a renvoyé à la volonté politique.

A l'Australie, qui s'interrogeait sur l'application rétroactive de certaines mesures législatives, M. Šimonović a rappelé qu'un seul cas avait été constaté, et qu'on ne pouvait pas en faire une généralité.

L'Irlande s'est interrogée sur la tenue d'élections locales dans les zones contrôlées par les groupes armés et M. Šimonović a indiqué que s'il n'y avait pas de sécurité pour que les personnes s'expriment librement par des élections, il n'y aurait pas non plus de rassemblements autorisés, et de telles élections ne pourraient pas être considérées comme légitimes.

Sur la question des indemnisations pour les propriétés foncières endommagées ou pillées posée par l'Espagne, M. Šimonović a précisé que le nouveau ministre chargé des personnes déplacées a déclaré envisager apporter des changements juridiques qui permettraient de demander une indemnisation, y compris pour les dégâts causés par l'armée ukrainienne. Sur les difficultés rencontrées par les déplacés internes, en particulier les handicapés, évoquées par la Finlande, M. Šimonović a indiqué qu'il existait une différence selon que le territoire est contrôlé par les groupes armés, où l'accès humanitaire est l'élément crucial, et les zones sous contrôle gouvernemental, où une assistance humanitaire ciblée pour déplacés handicapés est possible.

La République tchèque avait posé une question sur la stratégie de suivi. Le Haut-Commissaire adjoint a dit que le Haut-Commissariat faisait déjà beaucoup dans l'Est, précisant que les défenseurs des droits de l'homme menacés pouvaient prendre contact avec la mission du Haut-Commissariat. En Crimée, la situation est différente: la seule chose possible est d'établir des contacts avec les défenseurs des droits de l'homme et d'informer le public des difficultés auxquelles ceux-ci sont confrontés. Sur les mécanismes internationaux et l'évaluation indépendante et objective des droits de l'homme en Crimée, évoqués par le Canada, M. Šimonović a précisé que les mécanismes intergouvernementaux et l'Examen périodique universel (EPU) s'inscrivent dans la durée. Rien ne peut se substituer à un accès sans entrave au terrain, ce qui est aujourd'hui impossible, a-t-il ajouté.

Enfin, pour répondre à l'Association internationale des juristes démocratiques, qui appelait à en faire davantage, M. Šimonović a signalé que le Haut-Commissariat ne saurait être neutre car il prend toujours le parti des victimes, mais qu'il est impartial sur les violations des droits de l'homme, prenant tous les cas suffisamment étayés. Il a ainsi d'ores et déjà pris en considération plusieurs actes violents commis par des groupes d'extrême droite.

Coopération technique et renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme au Burundi

Présentation du rapport

Le Conseil était saisi du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Burundi (A/HRC/32/30 – à paraître en Français).

M. ZEID RA'AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a indiqué que les droits de l'homme du peuple du Burundi se sont détériorés de manière tragique dans la foulée de la crise politique d'avril 2015. Les violations incluent des exécutions extrajudiciaires, des meurtres, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que la torture et la violence sexuelle. Les auteurs de ces actes seraient les membres des forces de sécurité et du renseignement, les membres d'un groupe armé lié aux Imbonerakure – lui-même associé aux forces gouvernementales - et d'autres groupes et individus armés, a précisé le Haut-Commissaire. Il a souligné que les attaques, les restrictions aux libertés fondamentales, les violations et les abus ont créé un climat de peur. Des membres des organisations de la société civile, des journalistes, des membres de l'opposition et des manifestants ont été attaqués, ont disparu ou ont été emprisonnés. Selon les derniers chiffres, depuis le 20 juin, près de 270 000 personnes ont été forcées à fuir le pays; 100 000 seraient déplacées dans le pays. M. Zeid a également souligné que les personnes qui voyagent vers et depuis les pays voisins risquent d'être arrêtées et détenues, sous prétexte d'appartenance à des groupes rebelles. L'économie est en chute libre, ce qui menace les progrès réalisés au cours de près de huit années de croissance soutenue. Enfin, la violence entrave sérieusement l'accès à l'emploi, à l'éducation et aux services de santé.

Le Haut-Commissaire a précisé que depuis février dernier, le Gouvernement a pris toute une série de mesures positives. Des mandats d'arrêts internationaux ont été suspendu pour 15 membres de la société civile, membres de l'opposition et employés des médias, et deux stations radiophoniques ont pu reprendre leurs activités. Suite à la visite du Secrétaire général de l'ONU, plusieurs détenus ont été libérés et les 47 personnes arrêtées dans le contexte des manifestations d'opposition au troisième mandat du Président Nkurunziza ont été provisoirement libérées. Toutefois, des centaines de personnes sont encore emprisonnées en raison de leur opposition, réelle ou supposée, au Gouvernement. Depuis avril 2016, soit la fin de la période couverte par le rapport, les arrestations arbitraires, les détentions et la torture continuent. M. Zeid s'inquiète notamment de l'arrestation d'écoliers et d'étudiants qui auraient gribouillé des photos du Président. Il s'alarme aussi des risques très réels d'escalade de la violence ethnique: ces dernières six semaines, plusieurs membres des anciennes Forces armées burundaises (ex-FAB) ont été assassinés, peut-être en raison de leur appartenance à l'ethnie tutsie. Des membres de l'Imbonerakure auraient aussi tenu des propos d'incitation à la violence contre des opposants politiques, aux forts relents ethniques. Compte tenu de l'histoire récente du Burundi, ces actes d'incitation sont potentiellement explosifs, a mis en garde le Haut-Commissaire.

Pays concerné

M. MARTIN NIVYABANDI, Ministre des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre du Burundi, a déclaré que son pays avait pris bonne note du rapport du Haut-Commissaire le concernant. Le Burundi regrette que ce document passe sous silence des évènements antérieurs qui constituent des faits avant-coureurs du mouvement insurrectionnel organisé par certains radicaux, politiciens activistes de la société civile qui ont pris pour prétexte la candidature de M. Pierre Nkurunziza à sa propre succession. Cette candidature avait été reconnue conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle et par la Cour de justice de la Communauté des États de l'Afrique de l'est, a assuré le Ministre.

Ignorer que les déçus de l'élection de 2010, réunis dans la coalition appelée ADC Ikibiri, ont voulu créer un climat d'insécurité; passer sous silence les actes de terrorisme et manœuvres de sabotage des élections de 2015 ne peut conduire qu'à une mauvaise interprétation de la situation politique et sécuritaire du Burundi, a poursuivi M. Nivyabandi. Les autorités burundaises n'ont jamais cessé de dénoncer le Rwanda, pays voisin, pour avoir recruté, entraîné et armé des réfugiés burundais pour les transformer en «machines à tuer».

Le rôle de la Belgique, ancienne puissance coloniale, ne peut non plus être passé sous silence, a estimé le Ministre. Outre qu'elle est à l'origine de toutes les souffrances présentes et passées, la Belgique a semé le venin de la division au Burundi et attisé le feu entre les Hutus et les Tutsi. Les putschistes et autres malfaiteurs ont élu domicile sur son territoire et y vivent comme des princes, a déclaré le Ministre, ajoutant que ces faits ont été mentionnés dans les commentaires de son pays, mais ignorés dans le rapport, alors qu'ils devraient constituer une référence dans la réflexion sur les échecs et les avancées dans la lutte mondiale pour les droits de l'homme. Le Gouvernement du Burundi juge donc que le rapport présenté au Conseil est non équilibré, d'autant qu'il se base sur des informations confidentielles qui peuvent être sujettes à manipulation.

Le Ministre a également déploré que le rapport tente d'attribuer presque tous les maux du mal burundais à la jeunesse Imbonerakure, proche du parti au pouvoir, alors que tous les partis politiques au Burundi ont créé des ligues de jeunesse. Cette stigmatisation a coûté la vie à certains jeunes, comme Leonidas Misago, brûlé vif le 7 mai dernier à Nyakabiga, et Jacqueline Hakizimana, violée avant d'être sauvagement tuée. Le rapport ne fait en outre pas mention des jeunes insurgés qui se sont rendus aux autorités et ont révélé qu'ils avaient été recrutés, entraînés et armés dans le but de créer un chaos au Burundi. Le rapport ne mentionne pas non plus le rôle du Rwanda, à qui divers rapports internationaux attribuent un rôle logistique en faveur des groupes armés. Le rapport met en revanche en cause la crédibilité de la Commission nationale des droits de l'homme du Burundi, qui est pourtant conforme aux Principes de Paris. Tout cela tend à montrer le manque d'impartialité du rapport, selon le Ministre.

Cela dit, le Gouvernement est satisfait que le rapport ne fasse pas mention d'un prétendu génocide qui aurait actuellement cours au Burundi, après des mois de manipulation de l'opinion internationale, a dit le Ministre. M. Nivyabandi a affirmé enfin, suite à l'attentat qui a frappé l'aéroport d'Istanbul, que le terrorisme ne devait avoir le dernier mot dans aucun pays.

Débat interactif

L'Union européenne reste très préoccupée par l'absence d'améliorations notables de la situation des droits de l'homme au Burundi. Elle constate qu'en dépit d'une baisse des exécutions extrajudiciaires, des cas d'arrestations arbitraires, de torture, de disparitions forcées et des assassinats ciblés continuent de se produire. Les intimidations et harcèlements continuent à l'encontre des membres de l'opposition et des défenseurs des droits de l'homme. L'Union européenne condamne avec la plus grande fermeté le cycle de violences en cours; elle estime impératif que toutes les parties burundaises renoncent à la violence.

La République de Corée a souligné que la situation politique tendue au Burundi avait provoqué de graves violations des droits de l'homme dans un climat d'impunité totale. Elle est préoccupée des nombreux cas d'assassinats, de disparitions forcées, d'arrestations arbitraires, de discours de haine ethnique à l'encontre des Tutsis et des persécutions à l'encontre des acteurs de la société civile. Cette situation grave crée un climat de peur qui pose le risque d'accroître encore la crise, a souligné la délégation coréenne.

Le Royaume-Uni a rappelé que le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires avait fourni des informations actualisées sur la situation au Burundi en mars dernier. Depuis avril 2015, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a répertorié 500 assassinats, 1 700 arrestations et détentions arbitraires et vingt disparitions forcées au Burundi. Au 31 mai 2016, plus de 265 000 Burundais ont été forcés de fuir le pays et plus de 41 000 personnes ont été déplacées, dont 58 pourcent d'enfants, a ajouté la délégation, avant de préciser que le véritable nombre des déplacés est bien plus élevé.

Le Canada a fait observer que des violations des droits de l'homme se poursuivent au Burundi en toute impunité. Ces violations, connues et documentées, elles comprennent des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, l'usage de la torture et des limites inacceptables imposées à la liberté d'expression. La crise a déjà fait plus de 500 morts et 260 000 réfugiés dans les pays voisins. La délégation canadienne s'est interrogée sur les mesures spécifiques que pourrait prendre le Burundi pour démontrer son engagement à mettre fin aux violations constatées.

L'Estonie s'est félicitée des progrès dans les droits de l'homme au Burundi mais reste préoccupée par la situation sécuritaire, de plus en plus mauvaise, et par l'escalade de la violence. Mentionnant les arrestations d'écoliers, l'usage de la torture, les exécutions arbitraires, les disparitions forcées et la violence sexuelle, la délégation a appelé le Burundi à renforcer sa coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et à garantir les droits de tous les individus.

Pour l'Allemagne, le dialogue est la seule voie pour éviter l'escalade de la violence: elle s'est donc félicitée des efforts des partenaires africains et du processus de médiation. L'Allemagne est préoccupée par la détérioration de la situation au Burundi et par les limites imposées à la société civile. Les défenseurs des droits de l'homme doivent être protégés contre les détentions arbitraires, a souligné l'Allemagne, demandant au Conseil de prendre, si aucune amélioration n'était constatée en septembre, d'autres mesures telles que l'envoi d'un Rapporteur spécial. La délégation s'est demandé comment améliorer la coopération entre l'Union africaine et le Haut-Commissariat. Elle a indiqué que l'Allemagne renouvellera cette année sa contribution financière pour les activités du Haut-Commissariat au Burundi.

La Norvège est préoccupée par les informations crédibles du rapport faisant état de violations des droits de l'homme commises par toutes les parties, étatiques et non étatiques. Elle a estimé qu'un dialogue inclusif était nécessaire pour résoudre la crise et encouragé toutes les parties à un dialogue constructif sans condition préalable. La Norvège a exhorté le gouvernement burundais à participer au déploiement de forces de police des Nations Unies et à coopérer pleinement avec la communauté internationale pour la reprise d'un dialogue intercommunautaire.

Le Portugal est très préoccupé par l'escalade de la violence et par les exactions commises au motif de l'appartenance ethnique. Le Portugal exhorte les parties à mettre un terme à toutes les formes de violence, et le Gouvernement burundais à mener des enquêtes impartiales et indépendantes pour poursuivre les auteurs de ces crimes. Le Portugal demande également au Gouvernement de coopérer avec la communauté internationale et d'appliquer les recommandations formulées dans le dernier rapport du Haut-Commissariat.

La Suisse est comme les autres délégations préoccupée par les allégations présentées dans le rapport et demande par conséquent au Gouvernement burundais de prendre toutes les mesures pour mettre immédiatement fin à ces abus et violations des droits de l'homme. La Suisse reste convaincue que seul un dialogue qui inclut toutes les parties concernées peut mettre un terme à la crise.

L'Espagne aussi est alarmée par la gravité des allégations contenues dans le rapport et qui font état de violences sexuelles contre des femmes. Il est difficile d'accepter que le viol soit devenu un phénomène social avec plus de 10 000 cas répertoriés, a insisté la délégation espagnole. Elle s'est en outre dite préoccupée par les cas de torture, notamment aux mains des services de sécurité, principalement contre les opposants et la société civile.

La Grèce se félicite que le Haut-Commissariat ait décidé d'établir en décembre dernier un mécanisme d'enquête sur le Burundi qui permettra de recueillir des informations sur toutes les violations des droits de l'homme commises au Burundi depuis avril 2015. La délégation appelle le Burundi à se conformer à ses obligations internationales, y compris en ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Sénégal a attiré l'attention sur certaines améliorations, comme la diminution des exécutions extrajudiciaires, la levée de la fermeture des stations de radios et des mesures de grâce en faveur des personnes détenues. Toutefois, il reconnaît que la situation reste fragile et requiert un esprit de dépassement de tous les acteurs qui doivent garder à l'esprit que la paix n'a pas de prix et vaut tous les sacrifices. Le Sénégal, dont le Président est membre du Groupe de haut niveau de l'Union africaine envoyé au Burundi pour relancer le dialogue politique, réitère son appel à privilégier le dialogue et la concertation.

L'Albanie s'inquiète des violations des droits de l'homme répertoriées dans le rapport du Haut-Commissaire, dont notamment les restrictions à la liberté d'expression et à la liberté d'association, les violences sexuelles, les détentions arbitraires et les exécutions extrajudiciaires. L'Albanie soutient fermement les efforts d'assistance au Burundi pour mettre un terme à la crise. Elle recommande de renoncer à la violence par le biais d'un véritable dialogue politique inclusif.

La Croatie condamne fermement la violence, en particulier lorsqu'elle est utilisée comme un outil politique par certains groupes dans la poursuite de leurs objectifs. Le climat de peur qui prévaut au sein de la société civile, des journalistes et des membres de l'opposition empêche l'amélioration de la situation des droits de l'homme au Burundi. La Croatie s'inquiète que la situation sécuritaire actuelle ne génère un cercle vicieux du conflit et paralyse le pays. Elle demande au Gouvernement burundais de lutter contre l'impunité et de traduire en justice tous les responsables.

L'Angola est préoccupé par la crise politique et par la dégradation de la situation des droits de l'homme au Burundi. Il salue les efforts de la communauté internationale pour rétablir la paix et la réconciliation nationale. La délégation angolaise rappelle à cet égard que les chefs d'État et de gouvernement rassemblés lors du sixième Sommet de la Conférence internationale de la Région des Grands Lacs, qui s'est tenu à Luanda le 14 juin dernier, ont encouragé le Gouvernement du Burundi et les partis d'opposition à s'engager dans un dialogue.

Cuba a considéré qu'il était impératif que la participation de la communauté internationale pour trouver une solution reste guidée par le dialogue constructif, pour trouver un consensus entre les parties concernées et en répondant aux intérêts du peuple du Burundi. La délégation s'est dite convaincue que, grâce à la participation de toutes les forces politiques, il sera possible de créer le processus de réunification du peuple et de rétablir la paix dans le pays et la région.

Le Japon est préoccupé par la déplorable situation des droits de l'homme au Burundi et a demandé que soient mises en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil. La délégation japonaise a considéré qu'il est très important d'accroître la présence de la communauté internationale pour empêcher une nouvelle aggravation de la crise. Elle a indiqué compter sur le déploiement d'observateurs de l'Union africaine et d'une police des Nations Unies, comme discuté au Conseil de sécurité.

La Belgique a souligné que le cycle de violence décrit dans le rapport du Haut-Commissaire est «extrêmement inquiétant». Elle condamne fermement les actes de violence, quels qu'en soient les auteurs. Elle souligne que le manque d'enquêtes judiciaires crédibles et l'incapacité de la justice d'arrêter les auteurs des crimes forment un passif lourd qu'il sera de plus en plus difficile de gérer. Des rapports «indépendants et dignes de foi» font état encore au mois de juin de presque 500 arrestations arbitraires, y compris de mineurs, a en outre déploré la délégation belge. Elle rappelle que le niveau d'insécurité persistant a des conséquences négatives pour les conditions de vie déjà précaires de la population burundaise. Enfin, la Belgique s'est enquise des mesures à prendre pour diminuer les tensions ethniques qui semblent augmenter, particulièrement au sein de l'armée.

________

*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif sur l'Ukraine: Union européenne, Allemagne, Fédération de Russie, Estonie, Pologne, États-Unis, Royaume-Uni, Norvège, Autriche, Espagne, Suède, Roumanie, Australie, Pays-Bas, Conseil de l’Europe, Lettonie, Géorgie, Irlande, Finlande, Albanie, Japon, République tchèque, Danemark, Suisse, Canada, Nouvelle-Zélande, Turquie, Chine, France, Islande,

*Les institutions nationales et organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif sur l'Ukraine: Association internationale des juristes démocrates; Minority Rights Group; Fondation de la Maison des droits de l'homme; United Nations Watch; World Federation of Ukrainian Women's Organizations; et la Fédération internationale des journalistes.

**Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif sur le Burundi: Union européenne, République de Corée, Royaume-Uni, Canada, Estonie, Allemagne, Norvège, Portugal, Suisse, Espagne, Grèce, Sénégal, Albanie, Croatie, Angola, Cuba, Japon, Belgique.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC16/100F