Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU KAZAKHSTAN
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Kazakhstan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Présentant ce rapport, Mme Elvira Azimova, Vice-Ministre de la justice du Kazakhstan, a déclaré que l'état de droit est de la plus haute importance si l'on entend impulser un processus de développement durable; elle a indiqué que le Kazakhstan entendait figurer parmi les trente pays les plus développés à l'horizon 2050. La réglementation des manifestations a permis aux citoyens d'exprimer leurs aspirations sans restriction, a-t-elle ensuite affirmé. S'agissant des relations sociales, a été mis en place un système de collaboration tripartite entre les partenaires sociaux, travailleurs et employeurs, et les organes étatiques, a-t-elle en outre fait valoir. La cheffe de la délégation kazakhe a ensuite énuméré une série de mesures prises par son pays afin d'approfondir le respect des droits fondamentaux, développer le pays et assurer sa stabilité. Elle a ainsi indiqué que le régime des visas avait été supprimé pour les touristes et les investisseurs. Un conseil des dirigeants religieux et traditionnels a par ailleurs été créé afin de préserver l'harmonie et la cohésion sociales, en réponse notamment à la menace terroriste, a-t-elle ajouté. L'éducation gratuite pour tous a été instaurée et des mesures ont été prises en faveur des personnes à mobilité réduite, a fait valoir Mme Azimova.
Le Kazakhstan est l'un des pays les plus sûrs du monde et il jouit d'un des meilleurs taux de bien-être; il a d'ores et déjà atteint ses objectifs en matière de réduction de la pauvreté, d'accès à l'éducation et d'égalité de genre, a souligné la Vice-Ministre de la justice.
L'imposante délégation kazakhe était également composée, entre autres, de Mme Zhanar Aitzhanova, Représentante permanente du Kazakhstan auprès des Nations Unies à Genève; de M. Marat Azilkhanov, Vice-Ministre de la culture et des sports; et de M. Birzhan Nurymbetov, Vice-Ministre de la santé et du développement social. Elle comprenait aussi des représentants du Ministère des affaires intérieures; du Ministère de l'information et des communications; du Ministère de l'éducation et de la science; du Ministère des affaires étrangères de la Commission des droits de l'homme; du Centre national des droits de l'homme; de la Cour suprême; du bureau du Procureur général; et de la Commission électorale centrale.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des instruments internationaux ratifiés par le Kazakhstan; de l'institution du Médiateur; de l'indépendance de la justice; de l'interdiction de la discrimination; de l'égalité entre les sexes; de la violence domestique; des droits des détenus; des suicides en prison; de l'incrimination de l'extrémisme; de l'interdiction de la torture; de la peine de mort; du droit de rassemblement pacifique; de la liberté de conscience et de religion; de la liberté d'expression; de la règlementation des partis politiques et des syndicats; du permis obligatoire de résidence (propiska); de la lutte contre la traite de personnes et contre le travail des enfants; ou encore de la loi sur les ONG.
Un expert a noté qu'il n'y avait pas au Kazakhstan de loi unique contre la discrimination, particulièrement envers les femmes; des sanctions spécifiques ne sont d'ailleurs pas prévues, a-t-il insisté. En outre, l'orientation sexuelle n'est pas considérée comme un motif de discrimination, a ajouté l'expert, déplorant les discours homophobes de responsables politiques et de la société en général, qui rendent la situation des personnes LGBT particulièrement problématique.
Une experte a relevé le faible nombre de plaintes pour violence sexuelle et violence domestique, le sujet demeurant tabou au sein de la société kazakhe. Cette experte a par ailleurs relevé qu'une personne soupçonnée d'avoir commis un délit pouvait être détenue trois jours avant d'être présentée à un juge; en outre, l'heure de l'interpellation telle qu'enregistrée étant parfois fantaisiste, cette durée est fréquemment plus longue. Une autre experte s'est inquiétée du caractère par trop «élastique» de l'incrimination pour extrémisme.
Un membre du Comité s'est félicité du moratoire sur la peine de mort observé au Kazakhstan, tout en déplorant que le pays n'envisage pas d'abolir cette peine, des voix s'étant même élevées en faveur de la levée du moratoire à la suite d'un attentat terroriste. La situation des prisons demeure préoccupante s'agissant de la situation des mineurs et des relations des détenus avec leurs avocats, a-t-il en outre été souligné. Selon certaines sources, les atteintes à la liberté de la presse se sont considérablement aggravées ces dernières années et le nombre de poursuites en diffamation est en hausse, selon Human Rights Watch, a fait observer un membre du Comité. Un expert s'est pour sa part inquiété de la pratique traditionnelle de l'enlèvement des jeunes filles en zone rurale à fins de mariage.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kazakhstan et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 15 juillet prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra au Palais des Nations (salle XVII) une réunion conjointe exceptionnelle avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dans le cadre du cinquantième anniversaire des deux Pactes (Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).
Présentation du rapport du Kazakhstan
Le Comité est saisi du rapport périodique du Kazakhstan, ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.
Présentant ce rapport, MME ELVIRA AZIMOVA, Vice-Ministre de la justice du Kazakhstan, a indiqué que l'élaboration du rapport avait donné lieu à une large concertation avec la société dans toutes les régions du pays. L'état de droit est de la plus haute importance si l'on entend impulser un processus de développement durable, a-t-elle affirmé, précisant que le Kazakhstan entend figurer parmi les trente pays les plus développés à l'horizon 2050. Chaque année, les membres du Gouvernement doivent rendre des comptes à la population, la société kazakhe accordant une grande importance à la gouvernance, a-t-elle poursuivi. Soixante-dix pour cent de l'information relative aux organes d'État est publiée sur Internet, a-t-elle précisé. La réglementation des manifestations a permis aux citoyens d'exprimer leurs aspirations sans restriction. En 2015, a été adoptée une loi sur l'autoréglementation afin de favoriser la participation citoyenne aux décisions des pouvoirs publics, a-t-elle insisté. S'agissant des relations sociales, a été mis en place un système de collaboration tripartite entre les partenaires sociaux, travailleurs et employeurs, et les organes étatiques.
Le Kazakhstan s'est doté d'une institution du Médiateur qui mène une action qui est publique et largement présentée dans les médias et sur son site officiel, a poursuivi la Vice-Ministre. Ce mécanisme de protection des droits de l'homme a été renforcé par le lancement de l'ombudsman plus en le dotant de départements spécialisés dans les droits de l'enfant, des affaires et de la finance. L'accès à la justice et la transparence du judiciaire sont facilités par l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, a-t-elle souligné. La formation des juges est assurée par l'Académie de droit, tandis que des mesures sont régulièrement prises pour améliorer le système judiciaire, a ajouté Mme Azimova. Au pénal, les jugements sont prononcés par des jurés populaires, a-t-elle précisé. Le Kazakhstan a pris des mesures strictes contre la pratique de la torture, les victimes pouvant prétendre à des indemnisations et à des dommages et intérêts, a en outre fait valoir la Vice-Ministre de la justice. Par ailleurs, un nouveau Code civil est entré en vigueur au début de cette année.
La cheffe de la délégation kazakhe a ensuite énuméré une série de mesures prises par son pays afin d'approfondir le respect des droits fondamentaux, développer le pays et assurer sa stabilité. Elle a ainsi indiqué que le régime des visas avait été supprimé pour les touristes et les investisseurs. Un conseil des dirigeants religieux et traditionnels a par ailleurs été créé afin de préserver l'harmonie et la cohésion sociales, en réponse notamment à la menace terroriste, a-t-elle ajouté. L'éducation gratuite pour tous a été instaurée et des mesures ont été prises en faveur des personnes à mobilité réduite, notamment lors des élections, a poursuivi Mme Azimova. Les femmes représentent un tiers des députés et près du quart des élus locaux, dans le cadre des mesures prises en faveur de l'égalité de genre, a-t-elle fait valoir. En conclusion, la Vice-Ministre de la justice a indiqué que le Kazakhstan entendait approfondir les conditions régissant le respect des droits de l'homme. Mme Azimova a expliqué que son pays faisait coexister paisiblement quelque 130 ethnies et 18 confessions religieuses. Le Kazakhstan est l'un des pays les plus sûrs du monde et il jouit d'un des meilleurs taux de bien-être; il a d'ores et déjà atteint ses objectifs en matière de réduction de la pauvreté, d'accès à l'éducation et d'égalité de genre.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un expert a évoqué un certain nombre de difficultés qui se font jour à la lecture du rapport du Kazakhstan et des réponses écrites du pays à la liste de questions écrites que lui a adressée le Comité préalablement à l'examen de ce rapport. L'expert a tout d'abord cité la Constitution kazakhe, en vertu de laquelle les traités internationaux sont censés prévaloir sur les lois nationales et être directement applicables, sauf dans les cas où la promulgation d'un texte de loi spécifique est nécessaire – ce qui apparaît comme une restriction d'importance, a estimé l'expert. Normalement, a-t-il rappelé, les traités internationaux sont impératifs et ce sont les lois locales susceptibles de les contredire qui doivent être amendées. Il a donc souhaité savoir dans quels cas des lois spécifiques doivent être adoptées pour rendre les traités applicables. En outre, d'après les ONG kazakhes, les tribunaux n'appliquent pratiquement jamais le Pacte et n'y font quasiment jamais référence, a fait observer cet expert. D'ailleurs, dans ses réponses aux questions écrites du Comité, le Kazakhstan indique lui-même que le Pacte n'a été appliqué qu'une seule fois par la justice du pays.
Le même expert a ensuite évoqué le statut du Médiateur en s'interrogeant sur les modalités de sa désignation et sur les ressources dont il dispose. Cette institution s'est d'ailleurs vu accorder le statut B auprès du Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales de droits de l'homme, ce qui signifie qu'elle n'est pas pleinement conforme aux Principes de Paris, a-t-il fait observer. Il apparaît que le Médiateur ne peut statuer sur des décisions du chef de l'État, du Parlement, du Conseil constitutionnel, du Procureur général et de la Commission électorale. Le Gouvernement estime toutefois avoir amélioré les choses, notamment grâce à un plus grand engagement de la société civile et au fait que le Médiateur disposera d'antennes régionales; mais il reconnaît qu'il faudra augmenter à l'avenir ses ressources financières et humaines, a poursuivi l'expert. Le Kazakhstan considère cependant que ce renforcement devra relever d'une «approche évolutive et être dûment réfléchi et préparé, compte tenu notamment des besoins en formation du personnel approprié et du cadre normatif et institutionnel», a relevé l'expert – citant ici le rapport du pays. L'expert a par ailleurs estimé que les citoyens kazakhes devraient pouvoir exercer un recours direct auprès du Conseil constitutionnel.
Un autre membre du Comité a noté qu'il n'y avait pas de loi unique contre la discrimination, particulièrement envers les femmes. Des sanctions spécifiques ne sont d'ailleurs pas prévues, a-t-il insisté. En outre, l'orientation sexuelle n'est pas considérée comme un motif de discrimination, les homosexuels, lesbiennes et transsexuels n'étant pas protégés contre les atteintes à leur identité. Cet expert s'est ensuite félicité que le Kazakhstan ait ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et a salué les mesures prises afin de scolariser les enfants handicapés; mais dans la réalité, peu d'enfants ont accès à une éducation inclusive et les enseignants ne disposent ni du matériel, ni de la formation pour instruire les enfants handicapés, a fait observer l'expert. Par ailleurs, la société est peu sensible à la nécessité de mieux prendre en compte ces personnes, a-t-il ajouté. Il a ensuite déploré les discours homophobes de responsables politiques et de la société en général, qui rendent la situation des personnes LGBT particulièrement problématique. En matière d'égalité entre les sexes, l'objectif visant à ce que les femmes occupent 30% des postes à responsabilité est loin d'être atteint et l'écart salarial entre hommes et femmes demeure considérable, a d'autre part souligné l'expert.
Une experte a relevé le faible nombre de plaintes pour violence sexuelle et violence domestique, le sujet demeurant tabou au sein de la société kazakhe. Est-il exact que c'est aux victimes de viol d'apporter la preuve de ce qu'elles ont subi, a-t-elle demandé? Est-il exact qu'elles ne peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, contrairement aux auteurs de ce type d'agression, a-t-elle insisté? Cette même experte s'est ensuite interrogée sur la notion de «secret d'État» qui permet de tenir des audiences à huis clos et a souhaité savoir si la délégation pouvait citer des cas justifiant l'absence de publicité des débats. Elle a par ailleurs relevé qu'une personne soupçonnée d'avoir commis un délit pouvait être détenue trois jours avant d'être présentée à un juge; en outre, l'heure de l'interpellation telle qu'enregistrée étant parfois fantaisiste, cette durée est fréquemment plus longue. Est-il par ailleurs exact que le Procureur peut proroger la durée de détention préventive pour la porter à douze mois?
Une autre experte s'est inquiétée du caractère par trop «élastique» de l'incrimination pour extrémisme, notamment vis-à-vis d'individus poursuivis exclusivement en fonction de leur statut ou de leurs convictions religieuses et de la manifestation de celles-ci. Combien de procès à huis clos ont-ils eu lieu dans ce cadre, a-t-elle demandé? Tout en se félicitant des mesures prises contre la torture, elle s'est inquiétée que peu de cas fassent l'objet de poursuites. Elle a fait observer que des personnes mises en cause avant d'être finalement relâchées avaient affirmé avoir été torturées pendant leur détention. La délégation est-elle en mesure de préciser le nombre de plaintes pour torture, de poursuites et d'inculpations pour ce crime, ainsi que les peines prononcées, le nombre de personnes ayant eu droit à des indemnisations et le montant de ces dernières?
Un membre du Comité s'est félicité du moratoire sur la peine de mort observé au Kazakhstan, tout en déplorant que le pays n'envisage pas d'abolir cette peine, des voix s'étant même élevées en faveur de la levée du moratoire à la suite d'un attentat terroriste. Dans quel sens le Kazakhstan entend-il aller en la matière, a demandé l'expert, faisant observer que le pays n'a pas adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui vise l'abolition de la peine de mort. Cet expert a par ailleurs demandé à la délégation kazakhe d'apporter des précisions sur le taux de suicide, qui est dans ce pays l'un des plus élevés au monde. Dans ses réponses écrites, le Kazakhstan indique sans autres précisions que des mesures ont été prises avec succès contre le suicide des enfants; quelles sont ces mesures? La délégation peut-elle en outre apporter un commentaire concernant les suicides en prison, a demandé l'expert, citant nommément un certain nombre de cas et souhaitant savoir si des enquêtes avaient eu lieu.
Un expert s'est inquiété de la pratique traditionnelle de l'enlèvement des jeunes filles en zone rurale à fins de mariage, estimant que cette coutume pouvait impliquer un mariage précoce sans consentement. Les efforts de la police pour y mettre fin sont-ils proportionnés à cette pratique apparemment profondément enracinée, a demandé l'expert?
Une experte a évoqué plusieurs cas de personnes interpellées à l'occasion de manifestations pacifiques, le Kazakhstan ayant affirmé dans ses réponses écrites qu'il s'agissait de procéder auprès d'elles à un rappel de la loi. Elle s'est interrogée sur la nécessité d'incarcérer des citoyens pour ce motif. Elle a souhaité savoir s'il était exact que des juges pouvaient être sanctionnés pour des interprétations de la loi faites par eux et a rappelé le principe de l'indépendance du judiciaire. Elle a aussi demandé à la délégation de préciser la réglementation gouvernant la profession d'avocat. Elle a dit disposer d'informations selon lesquelles des avocats faisaient l'objet de pressions et de menaces.
Un membre du Comité a relevé les efforts déployés par le Kazakhstan en faveur de la réduction de la population carcérale, par des réformes ayant dépénalisé certains délits, notamment des délits économiques, ainsi que par la construction de prisons. Il y a aussi eu des enquêtes à la suite d'allégations de torture, a poursuivi l'expert. En outre, le Kazakhstan dément tout intervention des forces armées pour rétablir l'ordre dans certains centres pénitentiaires, alors que le Comité dispose d'informations indiquant le contraire. La situation des prisons demeure préoccupante s'agissant de la situation des mineurs et des relations des détenus avec leurs avocats, a souligné l'expert. Si la détention préventive d'un mineur ne peut légalement dépasser six mois, il est arrivé que cette durée ait été dépassée. Il apparaît par ailleurs que des détenus ont été empêchés ou dissuadés de prendre contact avec leurs avocats, le Médiateur lui-même s'en étant ému.
Le Kazakhstan considère que, le service militaire étant obligatoire, l'objection de conscience n'est admise que dans quelques rares cas prévus par la loi, a poursuivi le même expert. Tout en se félicitant du sommet des grands dignitaires religieux du monde qui s'est tenu l'an dernier à Astana, à l'initiative du Kazakhstan, l'expert a estimé que l'on pouvait s'interroger sur les modalités d'enregistrement des associations religieuses au Kazakhstan, modalités qui reviennent à opérer une discrimination entre confessions. Seuls l'islam sunnite et les églises orthodoxe et catholique sont reconnus et ont un statut d'associations religieuses valable pour l'ensemble du pays, a fait observer l'expert.
Les partis politiques sont soumis au même régime d'enregistrement que les associations. La loi réglementant les partis politiques fixe un seuil élevé de membres adhérents fondateurs (40 000) pour pouvoir être enregistré, a-t-il été souligné. Cette autorisation est donnée par le Ministre de la justice, alors que lui-même appartient à la formation au pouvoir. Ne serait-il pas plus juste de créer un organe indépendant qui serait chargé de l'enregistrement des partis politiques, a-t-il été demandé? Par ailleurs, a-t-il été relevé, le concept d' «incitation à la discorde» peut aisément être employé contre les partis politiques d'opposition, ce qui s'est d'ailleurs déjà produit. Quel a été le motif de la décision de suspension du Parti communiste en 2014, a-t-il été demandé?
Le régime politique se caractérise par un parti dominant qui obtient un score extrêmement favorable à chaque scrutin, a poursuivi le même expert, se demandant si les députés des deux autres formations politiques représentées au Parlement pouvaient véritablement jouer un rôle d'opposition.
Un autre expert a évoqué le système de la propiska – ou déclaration obligatoire du lieu de résidence qui existait déjà du temps de l'Union soviétique. Le défaut d'enregistrement peut donner lieu à de lourdes sanctions, y compris, semble-t-il, une détention administrative de dix jours à trois mois, a fait observer l'expert. Est-il exact qu'il soit nécessaire d'obtenir un visa de sortie pour quitter le pays, a-t-il en outre demandé? Relevant qu'il était fait état de l'existence de très nombreux organes de presse au Kazakhstan, ce même expert s'est toutefois interrogé sur les conditions de travail des journalistes. Selon certaines sources, les atteintes à la liberté de la presse se sont considérablement aggravées ces dernières années et le nombre de poursuites en diffamation est en hausse, selon Human Rights Watch. Les accusations de soutien au terrorisme ne sont pas exceptionnelles non plus. Plusieurs journaux ainsi que des sites Internet ont été fermés, a poursuivi l'expert, citant en outre les cas d'un responsable de l'opposition et d'une journaliste condamnés à la prison. Les lois entravant la liberté de la presse doivent faire l'objet d'une rédaction très précise, a-t-il rappelé. La loi kazakhe est-elle conforme aux normes internationales en la matière, s'est-il demandé? Il a relevé que la diffusion d'informations mensongères et le délit d'atteinte à l'honneur du chef de l'État étaient passibles de lourdes condamnations. Par ailleurs, lors de son Examen périodique universel, le Kazakhstan a refusé de revoir sa loi sur la discrimination, a relevé l'expert.
Un autre expert a indiqué que le Kazakhstan avait annoncé lors de ses deux Examens périodiques universels qu'il reverrait la loi réglementant la liberté de manifester et a donc souhaité savoir où en était le projet. Il a relevé les entraves à l'utilisation des médias sociaux, des poursuites pouvant être engagées contre les personnes qui diffuseraient des messages appelant à manifester. Comment ces mesures sont-elles compatibles avec le Pacte, a-t-il demandé? Par ailleurs, il a relevé les restrictions au droit de grève. Les membres de la société civile sont préoccupés par la nouvelle loi sur les ONG, qui crée un organe central de contrôle et qui risque notamment d'entraver la possibilité de mobiliser des fonds à l'extérieur du pays, a-t-il poursuivi.
Une experte a demandé à la délégation de préciser sur quelles arguments reposait précisément l'incrimination pour «extrémisme». La même experte a demandé si des mesures avaient été prises pour empêcher les abus envers les travailleurs migrants. Elle a relevé que les inspecteurs du travail devaient notifier leurs visites à l'avance auprès des entreprises. Par ailleurs, les migrants auraient uniquement accès à des soins d'urgence. L'experte a ensuite souhaité que la délégation précise les consignes données aux gardes frontière pour traiter les demandes d'asile. Elle a fait état de retours forcées de demandeurs d'asile avant que leur dossier n'ait été traité, notamment vers l'Ukraine, l'Ouzbékistan et la Chine.
Réponses de la délégation
Tout instrument international ratifié par le Kazakhstan est applicable dès lors qu'un texte de loi l'entérine, a expliqué la délégation. S'il appert que certaines lois contredisent un traité, la Cour constitutionnelle est saisie afin d'y remédier.
Aucune contradiction n'ayant été établie entre les instruments internationaux ratifiés par le pays et des lois locales, aucun texte n'a fait l'objet d'une suspension, d'amendements ou d'une abrogation, a ensuite précisé la délégation.
Bien que n'ayant que le statut B auprès du CIC des institutions nationales de droits de l'homme, l'institution du Médiateur du Kazakhstan respecte la plupart des Principes de Paris, a par ailleurs assuré la délégation. Des progrès ont été accomplis en ce sens et le Kazakhstan est déterminé à persévérer sur cette voie, a-t-elle ajouté. Elle a précisé que cette institution s'était dotée de départements spécialisés, dont l'un est consacré aux droits de l'enfant. Toutefois, des restrictions budgétaires ont entravé l'ouverture d'antennes régionales de l'institution, a souligné la délégation.
Tout type de discrimination est interdit par la Constitution et la législation du Kazakhstan, a ensuite indiqué la délégation. Le pays a ratifié les traités pertinents, en particulier la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Toute violation est passible d'une traduction en justice, y compris la violation des droits des personnes LGBT, a souligné la délégation. Un plan d'action est en cours d'élaboration, qui doit également prendre en compte le cas des minorités sexuelles, a-t-elle précisé.
Le Kazakhstan poursuit ses efforts pour promouvoir l'égalité entre les sexes, particulièrement au niveau des postes à responsabilité, a poursuivi la délégation. Il n'existe pas de discrimination sur le lieu de travail dans ce pays, a-t-elle assuré. Les écarts de salaire entre hommes et femmes s'expliquent par le fait que les femmes travaillent plus fréquemment dans les secteurs publics de la santé et de l'éducation, où les rémunérations sont plus faibles que dans le privé. Les femmes représentent 49% de la main-d'œuvre totale du pays, a précisé la délégation.
Des mesures concrètes ont été prises en faveur de l'éducation inclusive, par la création notamment de zones sans obstacles, a en outre fait valoir la délégation. Le pays s'est doté de six centres de ressources disposant de psychologues et de pédagogues, a-t-elle ajouté. Le programme de développement de l'éducation prévoit que les enfants nécessitant une assistance particulière bénéficient d'un encadrement spécialisé. Est promue une approche systémique de la formation des pédagogues qui se destinent à l'enfance ayant des besoins spécifiques.
La loi sur la violence domestique a permis la mise en place de centres et de services de police spécialisés, a d'autre part indiqué la délégation. L'accent est mis sur l'intervention préventive en la matière et plus de 26 000 femmes ont fait appel aux centres spécialisés en 2015. Les statistiques font état d'une réduction de moitié des cas de violence domestique, a fait valoir la délégation. La violence sexuelle étant considérée comme un crime grave, contrairement à ce qu'a cru comprendre un expert, il n'est exigé en aucun cas des victimes qu'elles supportent la charge de la preuve de ce qu'elles ont subi, a par ailleurs souligné la délégation. Les victimes peuvent en outre bénéficier de soins et d'une aide juridictionnelle gratuits.
En matière de violence domestique, les pressions psychologiques de l'auteur sur la victime sont aussi prises en compte par la justice. En cas de circonstances aggravantes, la conciliation n'est pas possible entre les deux parties, a ensuite précisé la délégation.
Des mesures disciplinaires sont prévues en cas de violation des droits des détenus, a ensuite expliqué la délégation. Un système en ligne permet de suivre tout au long de la procédure le dossier de toute personne placée en détention. De l'avis de la délégation, ce système permet d'identifier rapidement une éventuelle violation des droits du détenu. La délégation a par ailleurs souligné que les aveux n'étaient pas considérés comme un élément de preuve suffisant. Elle a en outre fait observer que le parquet n'avait pas le pouvoir de proroger la durée de la détention provisoire.
Les suicides en prison font systématiquement l'objet d'enquêtes, notamment quant à l'éventuelle responsabilité des surveillants et de la direction, a assuré la délégation. Il y a eu six suicides en 2015 contre 16 en 2012, soit une division par presque trois du nombre de cas, a-t-elle fait valoir.
Les conditions d'incarcération ont été améliorées ces dernières années, s'agissant de la nourriture et de l'espace disponible qui est désormais de cinq mètres carrés par détenu, a fait valoir la délégation. Les détenus ont accès à des psychologues, aux ONG et peuvent avoir des activités professionnelles et culturelles, a-t-elle ajouté. Les détenus travaillent, notamment afin de rembourser des sommes qu'ils doivent; on ne peut toutefois pas considérer cette situation comme du travail forcé, a-t-elle expliqué. Les personnes libérées font l'objet d'un contrôle probatoire, afin de bénéficier d'une assistance à la réinsertion.
Quant au nombre de mineurs en prison, il a été divisé par quatre, a fait valoir la délégation. Des détentions préventives de mineurs ayant excédé six mois ont en effet été constatées à la suite d'une enquête qui a conclu à la violation de la réglementation en la matière, a ajouté la délégation.
Le moratoire sur la peine de mort demeure en vigueur jusqu'à nouvel ordre, a indiqué la délégation. Un débat a lieu quant à l'opportunité d'appliquer à nouveau cette peine, notamment dans le cadre des affaires de terrorisme, la question n'étant pas tranchée à ce stade, a-t-elle précisé.
L'incrimination de l'extrémisme a été définie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a par ailleurs indiqué la délégation. La définition de cette notion est large, en effet, afin de prendre notamment en compte l'incitation à la haine, a-t-elle précisé, tout en attirant l'attention sur le caractère problématique d'avoir une définition trop précise. Toute enquête doit donner lieu à une expertise – effectuée par des philologues, des psychologues, des politologues – afin de disposer de l'analyse la plus précise des faits et de permettre d'éviter toute interprétation arbitraire de la part du juge, a souligné la délégation. Être membre d'une organisation interdite n'est pas en soi un délit dès lors qu'aucun acte concret constitutif d'un crime n'a été commis, a précisé la délégation. Elle a indiqué que des poursuites avaient été intentées, par exemple, contre des membres d'une organisation qui prétendait instaurer un califat au Kazakhstan.
La torture est passible de peines de prison pouvant aller jusqu'à douze ans. Ce crime est imprescriptible et ne peut être amnistié, a souligné la délégation. Le Parlement kazakhe examine actuellement la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes et il est en outre prévu d'élaborer une stratégie de tolérance zéro à l'égard de la torture, a-t-elle ajouté. Les indemnisations en cas de torture peuvent atteindre l'équivalent de 10 000 dollars, a ensuite précisé la délégation.
Les secrets d'État concernent des violations susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la nation, sur les plans politique, économique, militaire et autres, a expliqué la délégation.
S'agissant du droit de rassemblement pacifique, sont interdites les manifestations susceptibles de constituer un trouble social et risquant de présenter un danger pour l'intégrité physique des participants lorsqu'est signalée la présence de personnes armées, a expliqué la délégation qui a cité un cas récent à l'occasion d'une manifestation contre la réforme du régime foncier. Plusieurs manifestants ont été soumis à une détention administrative qui peut faire l'objet d'un recours. Les restrictions au droit de manifester doivent rester exceptionnelles et dûment justifiées, a reconnu la délégation. Les forces de l'ordre suivent une formation sur les normes internationales de contrôle des rassemblements.
Les juges sont sélectionnés à l'issue d'un concours dont les résultats sont examinés de manière collégiale pour le Conseil de la magistrature, a en outre indiqué la délégation. Depuis l'an dernier, ce Conseil est un organe d'État indépendant et ne relève plus de l'autorité du chef de l'État. C'est sur la base d'une éventuelle «inconduite disciplinaire» qu'une sanction peut être prise à l'encontre d'un magistrat.
Huit procès sur dix sont enregistrés, a en outre indiqué la délégation, ajoutant que les parties doivent donner leur aval à toute diffusion éventuelle du procès à la télévision.
Au Kazakhstan, la liberté de conscience est garantie par la Constitution et chacun a le droit de pratiquer sa propre religion, a souligné la délégation. L'enregistrement d'associations religieuses répond à des normes réglementaires qui encadrent les activités de ce type et ne portent pas atteinte à la liberté de tout un chacun de pratiquer sa foi quelle qu'elle soit, a-t-elle indiqué. Il n'existe aucune discrimination en la matière, a-t-elle en outre assuré. Le nombre de personnes détenues pour la violation de la loi sur les associations religieuses est passé d'une centaine en 2013 à huit cette année, a-t-elle précisé.
Le Kazakhstan a l'intention d'élaborer une nouvelle loi sur les médias qui prendra en compte les diverses recommandations qui ont été adressées au pays en matière de liberté d'expression, a poursuivi la délégation. Ces deux dernières années, a-t-elle précisé, quelque 300 poursuites pour diffamation ont été intentées. S'agissant d'Internet, la délégation a précisé que la protection des données devait être assurée par les fournisseurs d'accès. Par ailleurs, tout usager a droit de se présenter sous un pseudonyme. D'une manière générale, 30 à 40% des procédures pour diffamation, qui sont majoritairement intentées au civil par des citoyens ordinaires, se concluent par une condamnation; toutefois, de nombreuses plaintes sont retirées, a ensuite précisé la délégation.
Il est vrai que les partis politiques doivent avoir 40 000 membres pour pouvoir avoir pignon sur rue, un chiffre qui était de 50 000 précédemment, a poursuivi la délégation, estimant qu'il s'agit là d'un chiffre raisonnable, une formation politique n'étant pas une ONG. Quant au Parti communiste, le nombre de ses adhérents était en diminution constante, sa direction avait été renouvelée et certains de ses responsables s'étaient prononcés eux-mêmes en faveur de sa suspension, a-t-elle affirmé. Quant à la présence de trois formations (politiques) seulement au Parlement, la délégation a répondu qu'il serait souhaitable en effet qu'il y en ait plus, tout en attirant l'attention sur le fait que ce nombre dépendait des scores électoraux obtenus.
La loi sur les syndicats, adoptée il y a moins de deux ans, a vu l'enregistrement de 400 organisations, dont trois fédérations nationales qui rassemblent 3,5 millions de membres, a ensuite indiqué la délégation. L'Organisation internationale du Travail (OIT) doit fournir au pays une assistance technique cette année afin d'examiner la conformité de la loi kazakhe avec les normes internationales en la matière, a-t-elle ajouté. Toute grève doit faire l'objet d'un préavis, a par ailleurs rappelé la délégation; auparavant, l'employeur doit avoir examiné les griefs de ses employés, a-t-elle ajouté, précisant que s'il ne leur donne pas satisfaction, une commission de conciliation doit être organisée, puis un arbitrage en cas d'échec. Les employés ont le droit de cesser le travail si l'employeur ne respecte pas la décision prise à l'issue de cet arbitrage.
Quant à l'obligation d'avoir un permis de résidence, la délégation a expliqué que toute personne non titulaire de cette propiska pendant plus de trois mois se trouve de fait en infraction avec la loi, de même que les personnes qui les logent.
La politique du Kazakhstan face à la traite de personnes se fonde principalement sur la prévention, sur la protection des victimes et sur la poursuite des auteurs, en collaboration avec les partenaires internationaux. Il ne s'agit pas d'un fléau de grande ampleur dans le pays, a assuré la délégation. Le Code pénal dans ce domaine est conforme aux conventions internationales en la matière. Une campagne de sensibilisation a permis d'en finir avec le travail des enfants dans certaines plantations de tabac, a en outre indiqué la délégation, précisant que l'action à cette fin se poursuit dans le sud du pays.
Les ONG peuvent fonctionner grâce aux subventions qu'elles reçoivent, ce qui est susceptible de permettre de garantir leur autonomie par rapport aux pouvoirs publics, a ensuite souligné la délégation. La réforme de leur financement, y compris si les fonds proviennent de l'étranger, n'a pas entraîné de modification à cet égard, a-t-elle assuré.
La délégation a par ailleurs indiqué que cette année, le nombre de réfugiés était de 167 personnes disposant de ce statut. L'aide médicale est fournie à tout étranger et elle est gratuite pour dix-neuf pathologies, a fait valoir la délégation.
Concluant ce dialogue, la Vice-Ministre de la justice du Kazakhstan a souligné que si des problèmes existent incontestablement au Kazakhstan, celui-ci est désireux de les résoudre avec les conseils et l'aide des organes internationaux et des organisations de la société civile.
Remarques de conclusion
M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité des droits de l'homme, s'est félicité d'un échange qu'il a qualifié de plus constructif que le précédent. Il est important que le Kazakhstan dispose d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris, a-t-il souligné.
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