Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU KOWEÏT
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par le Koweït sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Présentant ce rapport, M. Jamal Alghunaim, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, a notamment indiqué qu'une commission avait été constituée afin d'étudier la possibilité de retirer les réserves formulées par le Koweït à l'égard de certaines dispositions du Pacte. La femme au Koweït jouit de tous les droits fondamentaux, a-t-il poursuivi, faisant valoir que la place de la femme koweïtienne sur le marché du travail approche les 50% dans les secteurs public et privé, ce qui constitue un record parmi les pays arabes. L'État koweïtien assure par ailleurs la gratuité de la santé, en tant que droit fondamental de la personne, a fait valoir M. AlghunaiM. Il veille également à assurer des conditions de vie en prison aussi bonnes que possible, les centres de détention étant régulièrement inspectés par la Commission parlementaire des droits de l'homme. Le Koweït a progressé ces dernières années en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, a insisté le Représentant permanent.
Aucune censure préalable n'existe au Koweït, a par ailleurs assuré M. Alghunaim. La liberté d'expression ne connaît aucune restriction en dehors de celles qui relèvent d'exigences en matière de sécurité nationale, a-t-il ajouté. Le Koweït est une société ouverte, pluriculturelle et ouverte aux migrants, a expliqué son Représentant permanent. Les migrants, au nombre de 1,5 million de personnes originaires de 164 pays, représentent les deux tiers de la population, a-t-il précisé, avant de rappeler qu'une loi de 2013 avait consolidé les droits des travailleurs. Le Koweït a accepté la totalité des recommandations qui lui ont été adressées à l'issue de son Examen périodique universel par le Conseil des droits de l'homme, a d'autre part rappelé M. Alghunaim.
La délégation koweïtienne était également composée, entre autres, de M. Abdulrahman Almahana, Procureur, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'éducation, du Ministère des affaires sociales et du travail, de l'Autorité de la main-d'œuvre, Secrétariat général du Conseil suprême pour la planification et le développement, du Bureau central des résidents illégaux, de la Commission des affaires féminines et de l'Autorité des télécommunications et de l'information.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne; des personnes sans papiers et des questions de nationalité; de l'incrimination de l'homosexualité; de la peine de mort; des ONG; de la liberté d'expression; du droit de rassemblement pacifique; des questions carcérales; du régime du «kafil» (garant); ou encore des questions d'égalité entre les sexes.
Un expert a reconnu que le Koweït s'était toujours distingué par un respect des droits fondamentaux, exprimant l'espoir qu'il persévèrerait dans cette voie. Il s'est toutefois interrogé sur le statut du Pacte dans la législation nationale, notamment lorsque surgissent des contradictions avec la loi koweïtienne. S'agissant des femmes, il s'est inquiété de l'existence de dispositions discriminatoires. Il a en outre été jugé souhaitable que le Koweït relève l'âge minimum du mariage, actuellement fixé à 15 ans révolus pour l'épouse et à 17 ans pour l'époux. La charia est au service de l'homme et non l'inverse, a pour sa part souligné un membre du Comité.
Un autre expert a relevé l'illégalité des relations homosexuelles dans l'Émirat, ce qui –a-t-il souligné – paraît difficilement compatible avec le Pacte. Un membre du Comité s'est quant à lui inquiété de l'application automatique de la peine de mort pour certains crimes, sans tenir compte d'éventuelles circonstances atténuantes. Des préoccupations ont en outre été exprimées s'agissant du traitement des travailleurs domestiques et de la réticence des employés à porter plainte à la suite d'abus. Il a en outre été relevé que le Koweït ne disposait pas d'une législation nationale entièrement conforme aux normes internationales concernant le traitement des réfugiés.
Un expert a mentionné l'arrestation de plusieurs personnalités, dont celle d'un ancien député de l'opposition, M. Musallam al-Barrak, qui a été emprisonné pour insultes à l'Émir, à la suite de critiques qu'il avait émises. Un membre du Comité a estimé à au moins une douzaine le nombre de manifestations pacifiques qui ont été dispersées par la force, notamment un rassemblement en soutien à M. al-Barrak en 2014.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Koweït et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 15 juillet.
Cet après-midi, le Comité entamera l'examen du rapport du Kazakhstan.
Présentation du rapport du Koweït
Le Comité est saisi du rapport périodique du Koweït, ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.
M. JAMAL ALGHUNAIM, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué qu'une commission avait été constituée afin d'étudier la possibilité de retirer les réserves formulées par le Koweït à l'égard de certaines dispositions du Pacte. Un Bureau pour les droits de l'homme a été créé au sein du Ministère des affaires étrangères afin notamment de faire le lien avec les organisations non gouvernementales, a-t-il ajouté. La femme au Koweït jouit de tous les droits fondamentaux, a poursuivi M. Alghunaim, rappelant que son pays avait adhéré à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La place de la femme koweïtienne sur le marché du travail approche les 50% dans les secteurs public et privé, ce qui constitue un record parmi les pays arabes, a-t-il fait valoir. La loi du travail de 2010 accorde protection et privilège à la femme, qui ne peut notamment pas occuper des postes de travail de nuit. Chaque province de l'Émirat dispose, par ailleurs, d'un tribunal pour les affaires familiales, a ajouté le Représentant permanent. Le législateur a accordé une importance particulière aux droits de l'enfant à la suite de la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant, a-t-il en outre fait observer.
L'État koweïtien assure par ailleurs la gratuité de la santé, en tant que droit fondamental de la personne, a fait valoir M. Alghunaim. Il veille également à assurer des conditions de vie en prison aussi bonnes que possible, les centres de détention étant régulièrement inspectés par la Commission parlementaire des droits de l'homme. Le Koweït a progressé ces dernières années en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, a insisté le Représentant permanent. Une loi de 2013 a mis en place les dispositions permettant de lutter contre la traite des êtres humains, a-t-il notamment précisé.
L'Émirat assure la diversité culturelle du pays, où plus d'une centaine d'associations ont pignon sur rue, alors qu'une quinzaine de chaînes de télévision diffusent dans le pays, a poursuivi M. Alghunaim. Aucune censure préalable n'existe et, selon Reporters sans frontières, le Koweït se situe dans le peloton de tête en matière de liberté de la presse, a-t-il fait valoir, rappelant que la Constitution garantit la liberté d'expression et de conviction. La liberté d'expression ne connaît aucune restriction en dehors de celles qui relèvent d'exigences en matière de sécurité nationale, a ajouté le Représentant permanent. Des organisations de défense des droits de l'homme comme Human Rights Watch effectuent régulièrement des visites dans le pays, a-t-il en outre souligné.
Le Koweït est une société ouverte, pluriculturelle et ouverte aux migrants, a expliqué son Représentant permanent. Les migrants, au nombre de 1,5 million de personnes originaires de 164 pays, représentent les deux tiers de la population, a-t-il précisé, avant de rappeler qu'une loi de 2013 avait consolidé les droits des travailleurs. On peut ainsi constater un renforcement constant des droits de l'homme dans le pays, a insisté M. Alghunaim. Les magistrats sont sensibilisés aux instruments internationaux des droits de l'homme et le taux d'alphabétisation atteint 98%, a-t-il en outre fait valoir.
Le Koweït a accepté la totalité des recommandations qui lui ont été adressées à l'issue de son Examen périodique universel par le Conseil des droits de l'homme, a d'autre part rappelé le Représentant permanent. Le pays est confronté à des défis sécuritaires, a-t-il souligné, mentionnant l'attentat commis pendant le mois du ramadan de 2015. Malgré ces défis, l'existence d'un état de droit garantissant la promotion et la protection des droits de l'homme est un choix irréversible pour l'Émirat, a assuré M. Alghunaim.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un expert a reconnu que le Koweït s'était toujours distingué par un respect des droits fondamentaux, exprimant l'espoir qu'il persévèrerait dans cette voie. Il s'est toutefois interrogé sur le statut du Pacte dans la législation nationale, notamment lorsque surgissent des contradictions avec la loi koweïtienne; dans ce dernier cas, les tribunaux semblent avoir la latitude de ne pas tenir compte des dispositions du Pacte, a relevé l'expert. S'agissant des femmes, il s'est inquiété de l'existence de dispositions discriminatoires. Le Koweït a-t-il l'intention de retirer ses réserves vis-à-vis du Pacte, a par ailleurs demandé ce même expert? Il a jugé trop limitée la sensibilisation de la société et insuffisante la formation des magistrats quant aux dispositions des instruments internationaux. L'expert a ensuite souhaité savoir où en était la mise sur pied d'une institution nationale des droits de l'homme, soulignant qu'il s'agissait là d'un l'engagement pris par le pays lors de son Examen périodique universel. Des précisions ont été requises s'agissant des prérogatives de la Commission parlementaire des droits de l'homme.
Un autre membre du Comité s'est enquis de l'éventuelle intention du Koweït de lever certaines des réserves émises par l'Émirat à l'égard du Pacte. Cet expert s'est ensuite enquis de la législation en vigueur relativement à l'âge du mariage, ainsi que des possibilités pour les femmes de demander le divorce, alors que les lois de l'Émirat s'inspirent de la charia. Il a notamment souhaité savoir comment étaient régis les mariages mixtes, notamment entre un ressortissant koweïtien musulman et une personne non musulmane. L'expert s'est enquis des mesures prises pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l'égard des «bidounes», s'agissant notamment des progrès réalisés en matière de naturalisation, de délivrance de documents d'identité et de voyage et d'intégration dans la société de ces personnes. Le même expert s'est aussi inquiété de la situation des «expatriés illégaux», nombreux dans le pays, selon lui.
Un expert a reconnu qu'il ne serait pas difficile d'accorder de bonnes notes au Koweït, si l'on se contentait de le comparer à ses voisins, dont certains n'ont pas ratifié le Pacte. Il a toutefois relevé l'illégalité des relations homosexuelles dans l'Émirat, ce qui –a-t-il souligné – paraît difficilement compatible avec le Pacte. Il a rappelé que les personnes homosexuelles ne font pas le choix de leur sexualité, pas plus qu'un individu ne choisit la couleur de sa peau. Le Pacte interdit tout langage discriminatoire pour des raisons de genre, a-t-il rappelé, notant que cela pouvait concerner les relations homosexuelles. Le Koweït ne semble pas avoir évolué sur ce sujet depuis l'examen de son précédent rapport et continue de considérer qu'il s'agit de comportements «déviants», a-t-il déploré. Il s'est étonné que soit érigée en infraction «l'imitation du sexe opposé»: des personnes ont-elles été poursuivies sous ce motif, a-t-il demandé? Des sanctions ont-elles été prises contre des personnes qui en auraient agressé d'autres en raison de leur orientation sexuelle jugée non conforme?
S'agissant d'éventuels excès commis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le même expert a souhaité connaître le nombre d'enquêtes, voire de condamnations judiciaires, pour torture ou mauvais traitements. Quelles sont les limitations envisagées pour ce qui est de la durée des détentions provisoire et préventive, a-t-il demandé? À quel moment le pouvoir judiciaire intervient-il lorsqu'une personne est placée en détention provisoire, a-t-il demandé, indiquant avoir le sentiment que les dispositions du Pacte recommandant que la présentation à un juge intervienne le plus tôt possible n'étaient pas respectées? L'expert s'est en outre inquiété que les délinquants mineurs ne soient pas séparés des adultes.
Un autre membre du Comité a demandé à la délégation de préciser s'il y avait eu un réexamen complet des lois, réglementations et pratiques en vue de déterminer et d'abroger toutes celles qui ont un caractère discriminatoire à l'égard des femmes, notamment sur des questions telles que la nationalité, la polygamie, le mariage, le divorce, les successions, l'autorité parentale ou encore la valeur du témoignage des femmes (par rapport à celui des hommes) devant les tribunaux. Des mesures ont-elles été prises pour que les femmes koweïtiennes aient le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants et leur époux étranger au même titre que les hommes? Le même expert a souhaité savoir si des mesures étaient prises pour faire reculer les stéréotypes concernant le rôle des femmes dans la famille et dans la société en général. Une participation et une meilleure représentation des femmes dans la vie publique et politique, ainsi qu'au sein du judiciaire, est-elle promue, a en outre demandé l'expert? Il a par ailleurs souhaité savoir si a été abrogée la disposition en vertu de laquelle un homme qui tuerait sa femme, sa sœur ou sa fille surprises en train de commettre un adultère bénéficierait de circonstances atténuantes. Le même expert s'est ensuite inquiété de l'application automatique de la peine de mort pour certains crimes, sans tenir compte d'éventuelles circonstances atténuantes. Est-il possible d'infliger la peine capitale à des mineurs, a-t-il demandé, rappelant que cela contreviendrait aux dispositions du Pacte?
Un autre expert a noté que si le viol conjugal est considéré comme répréhensible, il ne fait l'objet d'aucun texte spécifique. Il s'est félicité des mesures prises contre la violence domestique, souhaitant avoir communication de statistiques sur le nombre de poursuites éventuelles engagées pour de tels délits. Dans le cadre des mesures antiterroristes, le Koweït a rendu obligatoire l'identification génétique de tout visiteur, a-t-il par ailleurs rappelé, se demandant si des précautions avaient été prises pour empêcher l'utilisation ultérieure sans contrôle de ces données.
Un autre expert a abordé la question des interruptions volontaires de grossesse, souhaitant avoir des statistiques, s'agissant notamment des refus opposés soit par le conjoint, soit par la commission de trois médecins qui doit obligatoirement donner son aval pour une telle interruption de grossesse. Une estimation du nombre d'avortements clandestins a-t-elle été faite, a demandé l'expert? Pour quelle raison la commission médicale tripartite doit-elle être composée uniquement de médecins musulmans?
Un expert a souhaité que le Koweït ratifie le Protocole facultatif au Pacte, ce qui constituerait un excellent exemple pour les pays voisins.
Un expert a demandé des précisions sur l'octroi des contrats de travail, rappelant que ceux-ci dépendaient d'un parrainage des employeurs, système qui a été critiqué. Il s'est inquiété plus particulièrement du traitement des travailleurs domestiques et a noté la réticence des employés à porter plainte à la suite d'abus. Des mesures ont-elles été prises pour prévenir ces abus? L'expert a par ailleurs souligné combien il est difficile d'obtenir des preuves s'agissant des affaires de traite de femmes à des fins d'exploitation sexuelle. Le même expert a noté que le Koweït ne disposait pas d'une législation nationale entièrement conforme aux normes internationales concernant le traitement des réfugiés. L'Émirat a indiqué dans ses réponses écrites (à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité préalablement à l'examen du rapport) qu'il n'y avait pas de réfugiés sur son territoire; or, quelque 1800 personnes en provenance d'Iran, d'Iraq et de Somalie sont entrés au Koweït ces dernières années, ainsi que des Syriens dans la toute dernière période, a fait observer l'expert. Quelle est donc la situation juridique de ces personnes, a-t-il demandé, attirant l'attention sur leur vulnérabilité face à la traite et à l'exploitation. Il a en outre mentionné l'imposition d'amendes à des résidents illégaux.
Un expert, qui s'est dit impressionné par la transparence dont fait preuve l'État partie en ce qui concerne les conditions carcérales, en permettant notamment les visites des lieux de détention par des organisations, a souhaité avoir des précisions sur les échanges de prisonniers avec d'autres pays: ces échanges se font-ils avec l'accord des intéressés, ainsi que le stipulent les recommandations onusiennes? L'expert s'est ensuite enquis des mesures prises pour lutter contre les actes hostiles envers des minorités, chiites par exemple. Par ailleurs, si les religions du Livre peuvent pratiquer leur culte, en va-t-il de même pour d'autres religions, s'agissant des bouddhistes ou des sikhs par exemple? Ce même expert a ensuite mentionné l'arrestation de plusieurs personnalités, dont celle d'un ancien député de l'opposition, M. Musallam al-Barrak, qui a été emprisonné pour insultes à l'Émir, à la suite de critiques qu'il avait émises.
Un autre membre du Comité a demandé si l'Émirat avait l'intention d'abroger la loi de 1979 sur les rassemblements publics qui interdit aux non-Koweïtiens de participer à des rassemblements publics; en outre, la loi interdit tout rassemblement public non autorisé par le Ministère de l'intérieur, a fait observer cet expert. Il a estimé à au moins une douzaine le nombre de manifestations pacifiques qui ont été dispersées par la force, notamment un rassemblement en soutien à M. al-Barrak en 2014. Il s'agit d'une entrave au droit de rassemblement pacifique, a insisté l'expert.
Quelle a été la contribution des ONG à la préparation du rapport, a-t-il en outre été demandé?
Il a en outre été jugé souhaitable que le Koweït relève l'âge minimum du mariage, actuellement fixé à 15 ans révolus pour l'épouse et à 17 ans pour l'époux.
La charia est au service de l'homme et non l'inverse, a pour sa part souligné un membre du Comité. Les choses changent, a-t-il rappelé: jadis, les femmes ne pouvaient participer à la vie politique, par exemple, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La charia évolue et se développe, a insisté l'expert, ajoutant que certains pays avaient même interdit la polygamie, personne n'étant en mesure d'affirmer qu'une telle interdiction va à l'encontre de la charia. Quant aux orientations sexuelles différentes, on sait pertinemment qu'il s'agit d'un phénomène qui a toujours existé; on pourrait d'ailleurs citer nombre d'émirs ou de dignitaires musulmans ayant eu ce type de pratiques sexuelles dans l'histoire, a-t-il observé. Si la charia a son mot à dire, la science aussi et l'incrimination n'est pas la meilleure réponse à apporter à cette question, a-t-il insisté.
Une experte a rappelé que la société civile devait être consultée et participer physiquement au dialogue avec le Comité et a jugé préoccupant que des ONG aient pu préférer s'abstenir de venir à Genève par crainte de représailles.
Réponses de la délégation
Le Koweït ne prétend pas être parfait, a déclaré la délégation. Le pays se trouve dans un environnement régional extrêmement difficile, a-t-elle souligné, rappelant que l'Émirat avait été envahi dans un passé pas si lointain. Le Koweït n'est donc pas un laboratoire qui pourrait être étudié en ignorant le contexte régional, a indiqué la délégation. La protection des libertés et des droits fondamentaux demeure néanmoins une priorité pour le Koweït, a-t-elle assuré.
S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a souligné que la Constitution pose comme principe général que les instruments ratifiés par l'État du Koweït deviennent partie intégrante de la législation nationale koweïtienne; tous les pouvoirs publics et les citoyens sont tenus de s'y conformer et la justice doit veiller à leur respect. Les dispositions du Pacte s'appliquent directement dans l'ordre juridique et le système judiciaire internes, a insisté la délégation. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont statué que les dispositions des traités internationaux ratifiés par le Koweït peuvent être invoquées directement devant les tribunaux nationaux. Les dispositions du Pacte ne doivent toutefois pas être en conflit avec la charia, qui constitue l'une des principales sources du droit koweïtien, a ajouté la délégation.
La sensibilisation du personnel judiciaire (aux droits relevant des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme) a lieu dans le cadre d'ateliers, l'un d'entre eux s'étant même tenu à Genève sous les auspices du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a ensuite indiqué la délégation. La formation aux droits de l'homme a été introduite dans les établissements d'éducation, y compris à l'école militaire, ainsi que pour le personnel pénitentiaire, a ensuite souligné la délégation.
La création d'un Bureau des droits de l'homme composé de 11 experts s'est faite après consultation du Haut-Commissariat aux droits de l'homme afin que cette instance soit conforme aux Principes de Paris; ses statuts ont été soumis à l'Assemblée nationale qui les a entérinés, a ajouté la délégation.
Près de 100 000 documents d'identité ont été délivrés depuis 2011 à des personnes sans papiers valides, afin qu'elles puissent bénéficier des services et privilèges dont jouissent les ressortissants koweïtiens, a ensuite fait valoir la délégation. Quelque 50 000 personnes sans nationalité devraient être naturalisées cette année, a-t-elle ajouté. La délégation a énuméré un grand nombre de statistiques s'agissant des personnes en situation irrégulière; elle a souligné combien le pays se souciait de la situation dans laquelle se trouvent ces personnes, afin de faire en sorte que leur dignité soit respectée. Peu de pays en font autant (pour ces personnes), notamment en termes de soins de santé ou d'éducation, a-t-elle estimé. Les personnes sans-papiers légalement enregistrées par l'administration disposent des mêmes droits sociaux que le reste de la population, à l'éducation et à la santé en particulier; elles peuvent obtenir des documents de voyage en cas de besoin, a-t-elle insisté.
Tout acte contraire à l'ordre public ou le mettant en danger, ainsi que tout acte ayant des incidences sur les relations du pays avec l'étranger peut conduire au retrait de la nationalité, a précisé la délégation. Les décisions en la matière peuvent faire l'objet de recours, a-t-elle fait valoir.
S'agissant des questions de nationalité, la délégation a rappelé que le droit du sang par filiation paternelle est appliqué au Koweït. Toutefois, pour des raisons humanitaires, la nationalité koweïtienne est également accordée aux enfants nés d'une mère koweïtienne dans un certain nombre de cas: ainsi, est koweïtienne toute personne née au Koweït ou à l'étranger d'une mère koweïtienne et de père inconnu ou dont la paternité ne peut être établie. Les enfants nés de mère koweïtienne peuvent aussi acquérir la nationalité koweïtienne si la mère est définitivement divorcée, si le père est décédé ou en prison.
Les notions d'«apatride» ou de «bidoune» ne correspondent à aucune réalité au Koweït, où l'on ne connaît que la notion de résident en situation irrégulière, a en outre indiqué la délégation.
La délégation a expliqué que l'incrimination de l'homosexualité était d'inspiration à la fois religieuse et sociale. On se doit d'éduquer les enfants en fonction des valeurs de la société et on ne saurait en aucun cas faire entorse à ces valeurs, a-t-elle déclaré. La délégation a expliqué que des traitements médicaux étaient disponibles pour ces personnes, l'incrimination concernant essentiellement la pratique de cette sexualité dans les lieux publics. Il n'existe pas d'accord au plan international sur les droits sexuels, a ensuite souligné la délégation. Il n'existe pas non plus de dispositions précises à cet égard dans le Pacte, a-t-elle ajouté. Celui-ci précise que «la famille est l'élément naturel et fondamental de la société» et qu'elle «a droit à la protection de la société et de l'État»; le Pacte précise aussi que «le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l'homme et à la femme à partir de l'âge nubile», a également rappelé la délégation.
La loi permet de dénoncer anonymement tout cas de violence envers des enfants, a poursuivi la délégation. Une ligne de téléphone gratuite est mise à la disposition des citoyens à cette fin, ainsi que pour le signalement des cas de violence domestique et l'assistance à apporter dans ce contexte. Les statistiques en matière de violence domestique sont insignifiantes, totalisant moins d'une dizaine de cas par an, selon la police, a ensuite précisé la délégation. Une ligne verte permet aux victimes de se signaler, une unité spéciale de la police étant chargée de ce type de cas, a-t-elle insisté.
Les cas de traite ou de mariages précoces sont très limités eux aussi, a assuré la délégation.
La détention des mineurs peut uniquement avoir lieu dans les centres de détention pour mineurs, qui sont au nombre de cinq dans l'Émirat, a ensuite indiqué la délégation.
Des mesures ont été prises pour diminuer la population carcérale, notamment par l'échange de prisonniers avec l'Iran et l'Inde, a poursuivi la délégation. La loi pénitentiaire stipule que le droit à une vie digne des détenus doit être respecté. Les locaux de détention doivent répondre aux critères d'hygiène, compte tenu du climat, ainsi qu'à des critères en ce qui concerne la surface minimum, l'éclairage, le chauffage et l'aération.
Si un moratoire de fait est en vigueur pour ce qui est de la peine de mort, son abolition serait en contravention avec la charia islamique, a d'autre part expliqué la délégation. Elle a en outre rappelé qu'aucun texte international n'interdisait formellement la peine capitale. Les personnes condamnées à mort peuvent solliciter une grâce ou une commutation de peine, la demande devant se faire dans le mois qui suit le jugement. La peine n'est exécutoire que lorsqu'elle a reçu l'aval de l'Émir. En outre, les malades mentaux et les femmes enceintes sont épargnés. Depuis 2011, trois personnes ont été exécutées seulement, a précisé la délégation koweïtienne, mentionnant notamment un tueur en série, ainsi qu'un meurtrier ayant brûlé vif un couple et ayant tenté d'en assassiner un second de la même manière. La peine capitale n'est ainsi infligée que pour des crimes particulièrement monstrueux, a insisté la délégation.
La délégation a relevé que certains, y compris certaines organisations, affirmaient qu'il existait une discrimination entre hommes et femmes dans de nombreux domaines au Koweït, s'agissant du mariage, des droits à l'héritage ou encore des témoignage en justice, par exemple. La loi sur le statut personnel, inspirée de la charia islamique, privilégie la famille. Tout mariage doit donner lieu au consentement des deux parties. L'homme se doit d'assurer l'aisance matérielle de son épouse, quels que soient les biens personnels de celle-ci. La polygamie est légale sous réserve du respect d'une stricte égalité entre les épouses de la part du mari, ce qui est pratiquement impossible à atteindre et ce qui explique par conséquent qu'il n'y ait pratiquement pas d'unions polygames au Koweït. Si le divorce est une prérogative théoriquement réservée à l'homme, une femme peut demander la séparation dans quatre cas, notamment si le mari n'assure pas les besoins matériels du couple ou s'il n'y a pas consommation de l'union. Il n'existe pas de discrimination en matière de logement: toute femme veuve ou divorcée peut obtenir un prêt bancaire pour se loger, à hauteur de 70 000 dinars (200 000 euros). La garde de l'enfant revient systématiquement à la femme, à l'épouse ou à sa mère – la grand-mère du ou des enfants – voire à une tante.
De façon générale, les tribunaux koweïtiens reconnaissent la pleine capacité juridique des femmes et n'empêchent pas celles-ci d'apporter leurs témoignages devant les tribunaux ordinaires, a poursuivi la délégation. La situation est différente, toutefois, pour ce qui est des tribunaux du statut personnel (tribunaux de la charia), où la valeur accordée au témoignage d'une femme équivaut à la moitié de celle accordée au témoignage d'un homme, a précisé la délégation.
En ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, la Constitution a utilisé une formule générale pour désigner les justiciables, sans aucune distinction fondée sur le sexe, la couleur, la religion ou la langue, a insisté la délégation.
Les femmes ne connaissent plus aucune limitation à leur participation à la vie politique et si le Parlement ne compte aucune députée, cela ne tient pas à la législation, a ensuite souligné la délégation.
Le Comité vient d'apprendre que les ONG qui avaient l'intention de venir à Genève à l'occasion de l'examen du présent rapport avaient finalement décidé de n'en rien faire par crainte de représailles, a indiqué un expert. La délégation a alors jugé très grave, voire très dangereux, de formuler de telles accusations. Qui sont les personnes qui les ont proférées, a-t-elle demandé? Elle a prié le Comité de vérifier la véracité de telles informations et a précisé que dix-sept conférences préparatoires à l'examen du présent rapport avaient été organisées. La délégation a démenti tout risque de représailles envers les ONG au Koweït. A-t-on jamais entendu parler de telles représailles par le passé, a-t-elle demandé? Elle a fait valoir que des organisations comme Human Rights Watch ou Amnesty International effectuaient régulièrement des visites dans le pays. Pour le reste, les ONG prennent librement la décision de venir ou pas devant le Comité et leur absence à la présente session peut s'expliquer par le ramadan par exemple, a fait observer la délégation, rappelant que des ONG avaient été présentes lors de l'Examen périodique universel du Koweït.
S'agissant des allégations de restrictions à la liberté d'expression, la délégation a rappelé que le Code pénal prévoyait des poursuites pour propagation de la haine par exemple. Toute poursuite en justice se fait sur la base de la conduite d'une enquête en bonne et due forme, a-t-elle ajouté. Près de 8000 plaintes pour diffamation ont été examinées par les tribunaux en 2012, dont 2,5% des cas concernaient des fonctionnaires, a-t-elle précisé. Ces plaintes, qui ne donnent pas lieu à incarcération, peuvent faire l'objet de demandes de réparations au civil, a-t-elle souligné. L'analyse des plaintes permet de constater qu'il ne s'agit pas de cas concernant l'Émir ou les dignitaires des pays voisins, a ensuite fait observer la délégation.
Le droit de publication, par écrit ou sur Internet, est garanti et il n'existe plus de contrôle préalable à cet égard, a en outre fait valoir la délégation. Toute personne a le droit d'exprimer son opinion sur Internet, sous réserve de ne pas porter atteinte à l'honneur ou à la réputation d'autrui, a-t-elle précisé.
Par ailleurs, le droit de rassemblement pacifique est reconnu par la Constitution, a indiqué la délégation. La délivrance des autorisations en la matière se fait en veillant à ce que la circulation ne soit pas entravée, a-t-elle souligné. Toute personne, qu'elle soit koweïtienne ou non, se doit de respecter à la loi dans le domaine. La délégation a rappelé que dans tous les pays, y compris en Suisse à Genève, le droit de manifester est régi par une réglementation – généralement par le dépôt d'une demande d'autorisation, s'agissant notamment de l'itinéraire du défilé envisagé par les organisateurs.
Au Koweït, la justice est indépendante, la Constitution prévoyant la séparation des pouvoirs, a par ailleurs souligné la délégation, rappelant que c'est un conseil judiciaire supérieur qui avait la charge de nommer les juges et les procureurs. À la suite d'accord bilatéraux avec d'autres États, des magistrats étrangers peuvent être recrutés pour une période de quatre années, renouvelable pour trois ans, a-t-elle ajouté. Quelque 250 juges étrangers, sur un total de 640, travaillent actuellement dans le système judiciaire koweïtien, a-t-elle précisé.
La loi contre la traite de personnes vise à protéger les travailleurs immigrés, notamment les employés de maison, a ensuite souligné la délégation. Ce texte est appliqué de manière rigoureuse et un refuge pour les victimes a été créé, a-t-elle précisé. Le régime du kafil (garant) a été instauré dans le but de garantir de bonnes opportunités de travail aux immigrés, a-t-elle en outre expliqué; mais au fil du temps, le fonctionnement de ce système a connu une dérive, a-t-elle reconnu. Une série d'amendements apportés au système - en concertation avec l'Organisation internationale pour les migrations – ont donc eu pour objet de remédier à ces dérives. Un haut-conseil chargé de cette question a été mis en place afin de régler les contentieux; il est aussi en charge du transfert entre garants des travailleurs souhaitant changer de kafil, d'employeur ou d'activité. Une coordination avec les pays d'origine est aussi en place.
L'exercice des rites religieux est garanti, à condition de ne pas porter atteinte à l'ordre public, ce qui est conforme au Pacte, a par ailleurs fait observer la délégation.
Concluant ce dialogue, le chef de la délégation koweïtienne a exprimé ses remerciements aux ONG ayant contribué au rapport du Koweït, ce qui – a-t-il ajouté – confirme l'énergie et la vigueur de la société civile. Tout texte de loi au Koweït fait l'objet d'une procédure parlementaire en bonne et due forme, a souligné M. Alghunaim. Il a rappelé aux membres du Comité qu'il fallait tenir compte de la situation géographique du pays et du défi sécuritaire qu'il affronte; le Koweït n'est pas une île à l'abri des bouleversements qui se produisent dans son voisinage, a-t-il insisté.
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CT16/019F