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LE CONSEIL ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LES PROCÉDURES SPÉCIALES SUR LES SOCIÉTÉS TRANSNATIONALES ET SUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme - dont les délégués arboraient leurs costumes nationaux à l'occasion de la «Journée annuelle du costume national» - a achevé ce matin son dialogue interactif groupé, entamé hier, avec le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres entreprises, M. Dante Pesce et avec le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression et d'opinion, M. David Kaye.

Le respect et les moyens concrets de mise en œuvre par les États des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, adoptés par le Conseil en 2011, ont occupé une place de choix dans les discussions sur la question des droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres entreprises. Ces Principes étant non contraignants, plusieurs intervenants ont estimé que le Groupe de travail aurait pu inclure dans son rapport des dispositions sur la faisabilité d'un instrument international juridiquement contraignant. Un intervenant a estimé que le rapport ne contenait pas suffisamment de propositions sur la responsabilité extraterritoriale des États et les moyens de recours.

Les délégations ont manifesté le même souci de prévention, de protection et de voies de recours dans leurs interventions autour de la liberté d'expression et d'opinion. Plusieurs intervenants ont ainsi insisté sur l'importance d'un renforcement de la confiance entre secteurs public et privé aux fins d'œuvrer de concert à la protection de la vie privée en ligne et à la cybersécurité. D'autres ont mis en garde contre l'utilisation d'Internet à mauvais escient, notamment à des fins d'extrémisme violent et de terrorisme. À cet égard, certains pays ont indiqué qu'il importe d'exercer un contrôle sur le contenu en ligne afin d'éviter la propagation de discours de haine. Il convient néanmoins de veiller à ce que ce contrôle soit strictement régi par une législation appropriée et ne serve pas de prétexte pour une surveillance de masse, a-t-il été souligné.

En début de séance, le Président du Conseil, M. Choi Kyong-lim, a fait part de la décision du Bureau d'opérer des changements d'horaires dans le programme de travail, notamment pour s'adapter aux besoins des membres des délégations observant le jeûne du ramadan, précisant qu'à compter de la semaine prochaine, les journées de travail qui devaient commencer à 10 heures et se terminer à 18 heures débuteront à 9h30 et s'achèveront à 18H30.


Le Conseil examine en fin de matinée et dans l'après-midi les rapports des rapporteurs spéciaux sur le droit à l'éducation et sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, avec lesquels il tiendra un dialogue interactif groupé.


Fin de l'examen des rapports sur les sociétés transnationales et sur la liberté d'expression et d'opinion

Fin du dialogue interactif groupé

La Belgique a demandé au président du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. Dante Pesce, comment les sociétés privées peuvent se positionner pour éviter que leurs plateformes ne servent à la propagation de l'extrémisme violent, notamment dans les situations où le site d'hébergement du message n'est pas situé dans le pays du public visé. Le représentant a aussi demandé comment les entreprises privées peuvent éviter que leurs technologies ne soient détournées pour limiter la liberté d'expression, en particulier lors d'exportation vers des pays qui ne respectent pas pleinement la liberté d'expression.

L'Afrique du Sud a sollicité des éclaircissements sur les moyens concrets de garantir le respect des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, qui ne sont pas contraignants au plan juridique. L'Afrique du Sud a également voulu savoir quelles autres normes internationales pourraient s'appliquer directement aux activités du secteur privé, comme par exemple la criminalisation des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des actes de génocide en vertu du droit international humanitaire, comme il est mentionné dans le rapport du Rapporteur spécial sur droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres entreprises, M. David Kaye.

L'Estonie a déclaré que l'évolution très rapide du secteur digital doit être accompagnée de mesures pour protéger la vie privée, la liberté d'expression et la cybersécurité. Il importe également de renforcer la confiance entre les secteurs public et privé; et de créer des mécanismes de recours.

La Chine s'est félicitée du système de voies de recours et d'assistance judiciaire qu'elle a adoptées. Au sujet de la liberté d'expression, la Chine a préconisé une utilisation d'Internet responsable, respectueuse de la loi, de l'intérêt national et de l'ordre.

L'Australie s'est enorgueillie d'avoir été l'un des auteurs de la résolution portant adoption des Principes directeurs. L'Australie soutient la protection de la liberté d'expression et d'opinion en ligne et hors ligne, et encourage à cet égard la participation de tous.

La Libye a déclaré que compte tenu des mauvais usages possibles d'Internet, les États devraient avoir la possibilité d'exercer un contrôle sur son contenu, pour éviter la propagation des discours de haine ou de la propagande extrémiste. Ce contrôle devra s'exercer par l'adoption de lois appropriées, a plaidé la Libye.

Le Nigéria a jugé utiles les Principes directeurs, estimant que toutes les entreprises privées ou publiques doivent respecter les droits de l'homme et que les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin.

En tant que membre de la Coalition pour la liberté en ligne, la Lettonie a dit appuyer la recommandation du Rapporteur spécial visant à ce que les États s'abstiennent d'exercer un contrôle sur les contenus en ligne. La délégation a demandé au Rapporteur spécial de décrire les moyens auxquels les États peuvent recourir pour obliger les entreprises à respecter les principes de la liberté d'expression et à les intégrer dans leurs activités.

La Bolivie a estimé que le rapport du Groupe de travail ne contenait pas suffisamment de propositions en ce qui concerne la responsabilité extraterritoriale des États et les moyens de recours. Le rapport devrait contenir des dispositions sur un instrument international juridiquement contraignant, seul outil à même d'aborder correctement cette question.

L'Inde a assuré avoir pris en compte les préoccupations sur la liberté d'expression en ligne exprimées par nombre d'intervenants. La Cour suprême de l'Inde a en effet abrogé l'article 66(a) de la loi sur les technologies de l'information, qui inquiétait la société civile, de même que l'article 69(a), qui autorisait le Gouvernement à bloquer des contenus en ligne, a indiqué la délégation.

L'Égypte, soulignant que les entreprises publiques doivent respecter les droits de l'homme dans toutes leurs activités, préconise l'adoption de plans nationaux à cet égard. D'autre part, la délégation a reconnu que les technologies de l'information et de la communication peuvent contribuer à la promotion et à la protection de la liberté d'expression. Toutefois, elle n'est pas d'accord avec le fait que le secteur privé puisse endosser la responsabilité d'interpréter la loi en matière de liberté d'expression.

Le Niger a partagé les observations du Groupe de travail s'agissant de la nécessité pour les États actionnaires de donner l'exemple du respect des droits de l'homme à travers leurs entreprises publiques. S'agissant de la liberté d'expression, la délégation a constaté que beaucoup d'États restreignent cette liberté pour assurer le droit à la sécurité. Elle a demandé au Rapporteur spécial comment concilier aujourd'hui ces deux droits.

Le Burkina Faso attache un intérêt particulier à la liberté d'opinion et d'expression. Il a adopté en 2015 une loi sur le droit et la liberté d'accès par les journalistes aux sources d'information. Les peines relatives aux délits de presse ont été allégées. Le Gouvernement a mis en place un fonds de soutien à la presse privée.

Le Paraguay a précisé qu'en tant que pays enclavé en développement, il apprécie le soutien du secteur privé dans la création d'applications et de solutions informatisées, l'installation d'infrastructures, l'expansion des télécommunications et la liberté d'Internet. Tout en reconnaissant que la responsabilité première de la protection et de la promotion des droits de l'homme incombe aux États, le Paraguay relève que le secteur privé a aussi des responsabilités claires à cet égard.

Le Mozambique a souligné que les divergences entre les États membres ne devraient pas freiner les progrès du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises. Il s'est dit encouragé par l'engagement constructif, bien qu'encore insuffisant, de certaines entreprises transnationales.

Le Ghana a déclaré que les Principes directeurs adoptés en 2011 étaient devenus des références mondiales en matière de prévention et de résolution des violations des droits de l'homme résultant d'activités commerciales. Le Ghana a défendu le concept de devoir de protéger ainsi que le droit à des réparations pour les victimes de violations des droits de l'homme liées à des activités commerciales.

Le Pakistan a déclaré que le recours par les terroristes aux technologies de l'information avait obligé son Gouvernement à réviser la législation relative à Internet.

Le Brésil a salué l'approche préliminaire adoptée par le Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, et l'a encouragé à poursuivre dans cette voie. Le Brésil estime que les sociétés privées actives dans Internet doivent assumer des responsabilités particulières en raison de l'impact qu'elles ont sur la société humaine dans un monde toujours plus numérisé. Concernant la liberté d'expression, le Brésil a fustigé la surveillance de masse sur Internet.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi fait des déclarations. Helsinki Foundation for Human Rights a dénoncé la répression au Tibet, où règne un climat politique très dangereux, toute expression de la culture tibétaine étant considérée comme criminelle ou séparatiste. La nouvelle loi sur le terrorisme risque d'aggraver cette situation, a mis en garde l'organisation.

Le Service international pour les droits de l'homme a demandé au Conseil ce qu'il comptait faire pour collaborer avec les autorités du Brésil. L'organisation a souligné le rôle joué par les défenseurs des droits de l'homme dans la responsabilisation des auteurs de violations des droits de l'homme. Il a appelé le Conseil à faire en sorte que la résolution sur les défenseurs des droits de l'homme mentionne la nécessité de créer des voies de recours à leur intention.

La Fondation Al-Khoei a déclaré que les membres de la communauté chiite de Malaisie étaient discriminés par les autorités, qui les accusent de blasphème et leur interdisent de pratiquer leur religion en public. Les membres de cette communauté n'osent plus revendiquer leur foi, a dénoncé la Fondation.

International Educational Development a condamné le contrôle sur Internet exercé par la République islamique d'Iran, notamment le contrôle de l'accès aux réseaux sociaux et la répression des blogueurs. Cette répression est particulièrement active au Kurdistan: plus de 500 Kurdes sont détenus en tant que prisonniers politiques.

Article 19 - Centre international contre la censure a dit que les lois sur le blasphème n'ont pas leur place en ligne ou hors ligne. Le représentant a également dit que la Fédération de Russie, la France ou encore l'Ouganda violent la liberté d'expression en interdisant, par exemple, l'accès à certains sites Internet.

Presse Emblème Campagne a proposé au Rapporteur spécial de se pencher dans un prochain rapport sur la liberté d'expression en ligne dans les zones de conflit. La situation est particulièrement dramatique au Yémen, avec des attaques contre les médias et des meurtres de journalistes: treize d'entre eux ont perdu la vie dans l'exercice de leur métier depuis 2015, dont six cette année. Par ailleurs, quatorze journalistes sont détenus par les milices houthies et un par Al-Qaida.

Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero - Corporación Humanas a appelé le Gouvernement du Brésil à appliquer les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, en veillant notamment à consulter les populations au sujet des projets qui les concernent directement.

Solidarité des peuples pour la démocratie participative a affirmé que la République de Corée autorisait l'extraction d'informations personnelles par la police, sans mandat, de manière arbitraire et sans aucun contrôle externe. En 2013, le nombre de saisies arbitraires d'informations personnelles s'est monté à plus de 10 millions de cas, soit un cinquième de la population totale du pays. Le Gouvernement ne justifie jamais ces saisies.

La Commission internationale de juristes a soutenu les suggestions du Groupe de travail s'agissant des moyens de renforcer l'accès aux recours en cas d'abus par des entreprises transnationales, et en particulier sa recommandation de limiter au minimum la possibilité pour ces entreprises d'invoquer l'immunité d'État. Par contre, certaines prises de position du Groupe de travail pourraient avoir pour effet contraire de protéger certaines entreprises ayant commis des violations des droits de l'homme.

International Bar Association, qui représente 190 associations du barreau, a adopté en 2015 une directive portant sur les droits de l'homme et les entreprises, laquelle souligne le rôle du barreau pour l'assistance technique dans ce domaine.

Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a souligné que les technologies de l'information et de la communication jouent un rôle très important pour la société civile dans sa lutte pour les droits de l'homme et la démocratie. L'organisation s'inquiète des mesures prises pour limiter la liberté d'expression dans certains pays. Au Cambodge, deux projets de loi sur les télécommunications et la cybercriminalité visent à limiter drastiquement la liberté d'expression. En Thaïlande, le gouvernement militaire essaie lui aussi de limiter la liberté d'expression. En Malaisie enfin, le Gouvernement a proposé des amendements à la loi sur les communications qui restreindront encore la liberté d'expression en ligne.

Alsalam Foundation a fait référence aux commentaires contenus dans le rapport de M. Kaye s'agissant de l'arrestation à Bahreïn de dix personnes qui s'étaient exprimées sur les réseaux sociaux. L'une de ces personnes est Nabeel Rajab, le président du Centre pour les droits de l'homme de Bahreïn. Il a été arrêté en avril 2015 pour avoir dénoncé sur les réseaux sociaux les conditions de détention inhumaines dans la prison de Jau et la catastrophe humanitaire au Yémen. Les accusations dont il fait l'objet pourraient lui valoir jusqu'à 13 ans de prison.

Indian Council of South America a fait état de la forte mobilisation des peuples autochtones et de la société civile en Colombie autour du modèle de développement à adopter à l'issue du processus de paix, ce qui est une preuve de la vitalité de la démocratie colombienne.

Aliran Kesederan Negara National Consciousness Movement a fait part de ses préoccupations quant aux atteintes à la liberté d'expression en Malaisie, notamment l'adoption d'amendements à la loi pour museler les militants et les défenseurs des droits de l'homme.

Remarques de conclusion

Le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. DANTE PESCE, s'est félicité qu'une trentaine d'intervenants se soit prononcée en faveur du devoir de protéger, également défendu par les membres du Groupe de travail. Il a aussi remercié les pays qui se sont exprimés au sujet de l'incorporation des recommandations du Groupe de travail dans leurs plans d'action nationaux. M. Pesce a rappelé que le Haut-Commissariat avait d'ores et déjà publié un rapport sur les voies de recours, et qu'il fallait maintenant aborder l'accès des victimes à la justice. Il s'est réjoui des vues de Cuba et de l'Équateur. Le cadre des politiques publiques doit inclure la dimension des droits de l'homme dans toutes les activités commerciales, a préconisé M. Pesce.

Concernant la visite du Groupe de travail au Brésil, M. Pesce a indiqué que la majorité des conclusions et recommandations avaient été acceptées par le Gouvernement brésilien. Les membres du Groupe de travail se sont rendus au barrage de Bello Monte, en Amazonie: ils ont y constaté la présence de l'État ainsi qu'une forte représentativité d'autres parties prenantes dans la région. M. Pesce a annoncé qu'en août, en collaboration avec le Haut-Commissariat, se tiendra en Amérique latine une réunion régionale sur la responsabilité des entreprises publiques.

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du dialogue interactif: Belgique, Afrique du Sud, Estonie, Chine, Australie, Libye, Nigéria, Lettonie, Bolivie, Inde, Égypte, Niger, Burkina Faso, Paraguay, Mozambique, Ghana, Pakistan, Brésil.

**Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du dialogue interactif: Helsinki Foundation for Human Rights; Service international pour les droits de l'homme; Fondation Al-Khoei; International Educational Development; Article 19 - Centre international contre la censure; Presse Emblème Campagne; Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero - Corporación Humanas; Solidarité des peuples pour la démocratie participative; Commission internationale de juristes; International Bar Association; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Alsalam Foundation; Indian Council of South America; et Aliran Kesederan Negara National Consciousness Movement.


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HRC16/076F