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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L’AZERBAÏDJAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par l’Azerbaïdjan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, M. Khalaf Khalafov, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a souligné que l’égalité des citoyens est garantie par la Constitution et que toute discrimination de quelque nature que ce soit est interdite par la loi. Les traités internationaux ratifiés par l’Azerbaïdjan étant inclus dans le système juridique national, les dispositions de la Convention s’appliquent directement, a-t-il en outre fait valoir. Les délits pour discrimination raciale sont rares en Azerbaïdjan, puisque une seule personne a été inculpée pour ce chef l’an dernier, a indiqué M. Khalafov.

Évoquant le conflit militaire avec l’Arménie et l’occupation de la région du Haut-Karabakh par ce pays, le Vice-Ministre a mentionné un jugement de 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme qui a condamné l’Arménie pour la violation du droit de propriété de personnes qui résidaient dans le district de Latchine et qui en ont été expulsées en 1992 à la suite de l’agression militaire contre l’Azerbaïdjan. La Cour a conclu que du fait que l’Arménie exerçait le contrôle effectif des territoires azerbaïdjanais occupés, elle était responsable de la violation des droits des personnes déplacées de l’Azerbaïdjan, a-t-il souligné. De fait, l’Azerbaïdjan n’est pas en mesure de remplir ses obligations internationales dans la domaine de la protection des droits de l’homme dans ces territoires à la suite du conflit arméno-azerbaïdjanais, a-t-il indiqué. M. Khalafov a dénoncé la destruction par l’Arménie de 738 monuments historiques, dont 67 mosquées, ainsi que le pillage de 192 sites sacrés. Il a en outre condamné la violation systématique du cessez-le-feu par l’Arménie, dont le dernier avatar s’est produit au début avril et qui visait à provoquer une nouvelle vague de déplacements de populations. Le Vice-Ministre des affaires étrangères a appelé la communauté internationale à appliquer des mesures préventives envers l’Arménie afin de la contraindre à faire la paix et à retirer ses forces armées de tous les territoires occupés de l’Azerbaïdjan, y compris le Haut-Karabakh.

La délégation azerbaïdjanaise était également composée de M. Oruj Zalov, Vice-Ministre de l’intérieur; de M. Toghrul Musayev, Vice-Ministre de la justice; de Mme Sevda Mammadaliyeva, Vice-Ministre de la culture et du tourisme; de M. Firudin Gubanov, Vice-Ministre de l’éducation; et de M. Vaqif Sadiqov, Représentant permanent de l’Azerbaïdjan auprès des Nations Unies à Genève.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du conflit avec l’Arménie; de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne; de la liberté d’expression; de la place des femmes; de la situation des minorités; des questions religieuses, d’éducation et de justice; de la situation des migrants, apatrides et demandeurs d’asile; ou encore des organisations non gouvernementales.

M. Aydin Safikhanli, Chef du Bureau du Commissaire des droits de l’homme de la République d’Azerbaïdjan, est également intervenu.

M. Nourredine Amir, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l’Azerbaïdjan, a noté qu’à la suite du conflit du début des années 1990, la totalité de la population arménienne d’Azerbaïdjan avait quitté le pays. Le pays compte aujourd’hui plus de 600 000 personnes déplacées, dont la majorité vivaient au Karabakh et dans les territoires adjacents, a-t-il ajouté, avant de rappeler que le Secrétaire général des Nations Unies a exhorté les belligérants à respecter le cessez-le-feu afin d’épargner la population civile. Le rapport, s’il donne des statistiques sur la composition ethnique de la population, n’offre aucune information sur les mesures concrètes prises contre les discriminations, a ensuite fait observer M. Amir. La politique affichée de non-discrimination ne correspond pas aux dispositions et aux mesures spéciales prévues par la Convention, a-t-il ajouté. Il a par ailleurs déploré l’absence de structures consultatives représentant les minorités. Par ailleurs, des discours incendiaires par des responsables politiques se font couramment entendre, a relevé M. Amir. Le rapporteur a cité nommément plusieurs défenseurs des droits de l’homme qui sont poursuivis pour leurs écrits dénonçant la discrimination contre les groupes minoritaires ou exprimant leur dissidence sur le conflit du Haut-Karabakh. Il a ainsi mentionné M. Hilal Mammadov, éditeur du journal Tolyshi Sado et M. Eybullah Fatullayev.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Azerbaïdjan et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 13 mai prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité procèdera à l'examen du rapport initial présenté par la Namibie (CERD/C/NAM/13-15).



Présentation du rapport de l’Azerbaïdjan

Présentant le rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CERD/C/AZE/7-9), M. KHALAF KHALAFOV, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a précisé que le document avait été préparé par un groupe de travail composé de représentants des ministères et agences pertinentes. L’institution nationale des droits de l’homme et des représentants d’organisations non gouvernementales ont aussi été impliqués dans son élaboration, a-t-il ajouté. L’égalité des citoyens est garantie par la Constitution et toute discrimination de quelque nature que ce soit est interdite par la loi, a poursuivi le chef de la délégation. Les traités internationaux ratifiés par l’Azerbaïdjan étant inclus dans le système juridique national, les dispositions de la Convention s’appliquent directement, a-t-il en outre fait valoir.

Le Code pénal rend passible de poursuites l’incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse, la haine, l’humiliation de la dignité nationale, ainsi que les restrictions ou les privilèges en vertu de l’origine nationale, raciale ou religieuse. Les délits pour discrimination raciale sont rares en Azerbaïdjan, puisque une seule personne a été inculpée pour ce chef l’an dernier, a précisé M. Khalafov. Dix langues sont enseignées dans les 14 régions du pays, dont le russe, le géorgien, l’hébreu et le kurde, a-t-il ajouté.

Le Centre international du multiculturalisme de Bakou créé par décret présidentiel en 2014 vise à étudier le patrimoine culturel et religion des différentes régions du pays et 2016 a été déclarée «Année du multiculturalisme» par décret présidentiel, a poursuivi le Vice-Ministre des affaires étrangères. Le Forum pour le dialogue interculturel, lancé en 2008 par le Président de la République, et connu sous la désignation de «Processus de Bakou», se tient tous les deux ans dans la capitale azerbaïdjanaise; il entend être une plateforme en faveur de la coordination des efforts internationaux visant à renforcer la compréhension mutuelle et la tolérance, le combat contre la discrimination, l’extrémisme et la xénophobie dans la société. En reconnaissance des efforts de l’Azerbaïdjan, le septième Forum mondial des Nations Unies pour l’Alliance des civilisations s’est tenu le mois dernier à Bakou à l’initiative du Président de la République. Par ailleurs, la Fondation Heydar Aliyev apporte une contribution considérable au développement du multiculturalisme et de la tolérance dans le pays. Celle-ci est à l’origine de la restauration de nombreuses mosquées, églises et temples, aussi bien en Azerbaïdjan que dans d’autres pays. Elle a ainsi contribué à la restauration des vitraux de la cathédrale de Strasbourg en France.

Passant aux questions institutionnelles, M. Khalafov a indiqué qu’afin d’assurer l’indépendance de la justice et d’améliorer son fonctionnement, des investissements importants ont été faits pour moderniser les infrastructures judiciaires. En outre, le Gouvernement prend des mesures dans le domaine de la lutte contre la corruption, l’une des grandes priorités des politiques publiques, a indiqué le Vice-Ministre, attirant notamment l’attention sur les mesures disciplinaires prises à l’encontre de plusieurs magistrats.

M. Khalafov a par ailleurs évoqué la mise en œuvre du troisième programme public de développement socioéconomique des régions, où vivent de nombreuses minorités nationales, à l’horizon 2018 ; il a cité les grandes lignes de ce programme. La pauvreté est en diminution et son taux se situe désormais à 5%, soit le même niveau que celui du chômage, a indiqué le Vice-Ministre des affaires étrangères.

Par ailleurs, la mise en œuvre du troisième Plan d’action contre la traite est en cours, a poursuivi M. Khalafov. L’an dernier, 38 personnes ont été inculpées pour traite, 63 personnes ayant été identifiées comme victimes. Dans le même temps, des mesures ont été prises dans le domaine de la migration: 181 personnes apatrides se sont vu octroyer la nationalité azerbaïdjanaise, tandis que 73 recevaient une autorisation temporaire de résidence, 103 un titre de séjour permanent et 63 autres étaient reconnues comme réfugiées.

Le Vice-Ministre a conclu son intervention en évoquant le conflit militaire avec l’Arménie et l’occupation de la région du Haut-Karabakh par ce pays. Il a mentionné un jugement de 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme qui a condamné l’Arménie pour la violation du droit de propriété de personnes qui résidaient dans le district de Latchine et qui en ont été expulsées en 1992 à la suite de l’agression militaire contre l’Azerbaïdjan. La Cour a conclu que du fait que l’Arménie exerçait le contrôle effectif des territoires azerbaïdjanais occupés, elle était responsable de la violation des droits des personnes déplacées de l’Azerbaïdjan, a-t-il souligné. De fait, l’Azerbaïdjan n’est pas en mesure de remplir ses obligations internationales dans la domaine de la protection des droits de l’homme dans ces territoires à la suite du conflit arméno-azerbaïdjanais, a-t-il indiqué.

Après avoir dénoncé la destruction par l’Arménie de 738 monuments historiques, dont 67 mosquées, ainsi que le pillage de 192 sites sacrés, M. Khalafov a condamné la violation systématique du cessez-le-feu par l’Arménie, dont le dernier avatar s’est produit au début avril et qui visait à provoquer une nouvelle vague de déplacements de populations. En conclusion, il a appelé la communauté internationale à appliquer des mesures préventives envers l’Arménie afin de la contraindre à faire la paix et à retirer ses forces armées de tous les territoires occupés de l’Azerbaïdjan, y compris le Haut-Karabakh.



Examen du rapport

Déclaration du Chef du Bureau du Commissaire des droits de l’homme de l’Azerbaïdjan
M. AYDIN SAFIKHANLI, Chef du Bureau du Commissaire des droits de l’homme de la République d’Azerbaïdjan, a expliqué que son pays était un État plurinational et pluriconfessionnel soutenant le principe de «l’unité dans la diversité». «Nous sommes fiers de n’avoir eu à connaître aucun cas d’intolérance et de discrimination sur la base de l’appartenance ethnique, religieuse, linguistique et culturelle à aucun moment de l’histoire de l’Azerbaïdjan - vieille d’un siècle», a-t-il déclaré. Après avoir énuméré les articles de la Constitution garantissant l’égalité de tous les citoyens, il a indiqué que quatorze ans après la création de l’institution du Médiateur, celui-ci constituait l’un des principaux mécanismes de protection des droits de l’homme et des libertés en Azerbaïdjan. Son rôle consiste à combattre les discriminations, à en éliminer les causes et à réaliser des actions de sensibilisation. Il s’agit d’une institution indépendante établie par une loi constitutionnelle, a-t-il insisté. Il s’agit d’une institution nationale des droits de l’homme jouissant du statut «A», octroyé en 2006 par le Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales de droits de l’homme. Elle est entièrement indépendante de tous les autres organes de l’État, qu’ils soient nationaux ou locaux et joue un rôle essentiel en jetant des ponts entre les organes étatiques et la société civile. Tout citoyen, quelles que soient son origine, sa religion ou sa langue peut en appeler au médiateur.

M. Safikhanli a indiqué que cette institution du médiateur fournissait des recommandations aux autorités afin de régler les questions qu’elle soulève auprès d’elles. Le médiateur analyse la législation et les traités auxquels l’Azerbaïdjan est partie et suggère des amendements au Parlement lorsqu’il le juge utile. Il rencontre régulièrement par ailleurs les représentants des minorités nationales. L’institution a ouvert quatre antennes régionales dans des zones où sont implantées de fortes minorités. Le médiateur a par ailleurs proposé au Parlement de ratifier la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Il a en outre conclu des accords de coopération avec 14 institutions nationale des droits de l’homme, ainsi qu’avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, a indiqué M. Safikhanli. Le Programme national d’action visant à accroître l’efficacité de la protection des droits de l’homme et des libertés a été approuvé par décret présidentiel à la fin 2011, a-t-il poursuivi. Chaque 16 novembre, des activités sont organisées autour de la Journée internationale de la tolérance.

En dépit de l’agression arménienne contre l’Azerbaïdjan, plusieurs dizaines de milliers

d’Arméniens vivent en Azerbaïdjan et y jouissent des mêmes droits que le reste de la population, y compris celui de faire appel au médiateur, ce dont ils ne se privent pas, a fait valoir M. Safikhanli. En conclusion, il a insisté sur la nécessité de promouvoir un environnement favorable à la coexistence pacifique des différentes communautés et permettant aux réfugiés expulsés et aux personnes déplacées internes de rentrer chez eux dans la dignité et la sécurité.

Questions et observations des membres du Comité

M. NOUREDDINE AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l’Azerbaïdjan, a noté que le rapport du pays ne présentait pas de définition de la discrimination conforme à la Convention. Évoquant le conflit avec l’Arménie, il a noté qu’à la suite du conflit du début des années 1990, la totalité de la population arménienne d’Azerbaïdjan avait quitté le pays. Le pays compte aujourd’hui plus de 600 000 personnes déplacées, dont la majorité vivaient au Karabakh et dans les territoires adjacents. Le Secrétaire général des Nations Unies a exhorté les belligérants à respecter le cessez-le-feu afin d’épargner la population civile, a-t-il en outre rappelé.

Le rapport, s’il donne des statistiques sur la composition ethnique de la population, n’offre aucune information sur les mesures concrètes prises contre les discriminations, a ensuite fait observer M. Amir. Il a par ailleurs déploré l’absence de structures consultatives représentant les minorités. Y a-t-il un dialogue entre les minorités et les autorités, a-t-il demandé? Quant aux langues qui sont censées être enseignées, on ne dispose pas d’information sur le nombre d’établissements qui le feraient, a-t-il souligné.

La politique affichée de non-discrimination ne correspond pas aux dispositions et aux mesures spéciales prévues par la Convention, a poursuivi M. Amir. Quant aux femmes, elles sont sous-représentées dans les instances décisionnelles, particulièrement dans la magistrature de rang élevé, a-t-il fait observer.

La non-discrimination n’est pas garantie car l’utilisation des langues minoritaires n’est pas réglementée, a ajouté le rapporteur.

Par ailleurs, des discours incendiaires par des responsables politiques se font couramment entendre, a relevé M. Amir, avant de demander si ces discours étaient sanctionnés. Des plaintes ont-elles été déposées devant les tribunaux pour discrimination raciale, a demandé le rapporteur, constatant que le rapport n’en fait pas état alors que, comme chacun sait, tous les pays connaissent ce phénomène?

M. Amir a aussi évoqué les restrictions à la liberté d’expression, la fermeture de médias, et les atteintes au droit d’informer, souhaitant savoir si la délégation pouvait confirmer ces allégations. Il a cité nommément plusieurs défenseurs des droits de l’homme qui sont poursuivis pour leurs écrits dénonçant la discrimination contre les groupes minoritaires ou exprimant leur dissidence sur le conflit du Haut-Karabakh. Il a ainsi mentionné M. Hilal Mammadov, éditeur du journal Tolyshi Sado et M. Eybullah Fatullayev. En conclusion, M. Amir a souligné que son exposé était celui d’un expert et non d’un juge.

Un autre membre du Comité, qui a indiqué avoir fait ses études avec le Président de l’Azerbaïdjan, a relevé que la délégation était de haut niveau, ce qui indique bien le sérieux avec lequel cet État partie prenait à cœur ses engagements au titre de la Convention. Le rapport est approfondi et, malgré une présentation tardive, il a le mérite d’exister, a ajouté cet expert, relevant que l’Azerbaïdjan n’a jamais omis de présenter les rapports exigés. Cet expert a toutefois attiré l’attention sur la situation compliquée dans laquelle se trouvent les enfants d’apatrides, du fait de l’absence de documents d’identité de leurs parents.

Un autre expert s’est enquis de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne de l’Azerbaïdjan. Les tribunaux la prennent-ils en compte, a-t-il demandé? L’infraction de haine – notamment religieuse – qu’a mentionnée la délégation dans son discours de présentation du rapport n’englobe pas toutes les formes – directes et indirectes – de discrimination, a-t-il en outre relevé. Il s’est en outre enquis de la politique publique en matière de soutien aux institutions de la société civile.

Une experte a cité des informations faisant état du renvoi de migrants et s’est demandée ce qu’il advenait alors des enfants lorsque ceux-ci étaient scolarisés. S’agissant des minorités, elle a souhaité savoir si Africains étaient présents dans le pays; même s’ils sont peu nombreux, elle a rappelé qu’il est toujours souhaitable de promouvoir la sensibilisation visant à contrer l’afrophobie.

Relevant le faible taux moyen de chômage, un autre membre du Comité a souhaité disposer de données ventilées permettant de connaître le taux de chômage chez les différentes minorités. De même, serait-il souhaitable d’avoir des statistiques précises concernant le droit à l’éducation. Qu’en est-il, par exemple, de l’accès des réfugiés à ce droit, a demandé l’expert? Il a noté que si les personnes déplacées internes étaient plutôt bien prises en charge, il n’en allait pas de même pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. Une experte s’est pour sa part enquise de la procédure permettant aux réfugiés d’obtenir la nationalité azerbaïdjanaise. Elle s’est également enquise des langues pouvant être diffusées dans les médias – en dehors de l’azéri.

Un membre du Comité a abordé la question du Haut-Karabakh, souhaitant savoir combien d’Arméniens de souche vivaient toujours en Azerbaïdjan. Dans son rapport, le Médiateur mentionne ses contacts avec les différents communautés ethniques du pays et les Arméniens n’y figurent pas, a-t-il relevé. Il semble que des Arméniens aient saisi le Médiateur pour discrimination, ce qui n’apparaît pas non plus dans le rapport de l’État partie, a-t-il ajouté.

Notant la longue liste de langues nationales reconnues, une experte s’est interrogée sur la possibilité pour les justiciables appartenant à des minorités d’avoir accès à des interprètes.

Un autre membre du Comité a noté que l’on constatait un nombre bien plus important de naissances de garçons que de filles – 128 garçons pour 100 filles – ce qui indique une intervention humaine dans le choix du sexe des enfants à naître et ce qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour l’avenir du pays. Cet expert a par ailleurs demandé si l’Azerbaïdjan prenait des mesures suffisamment énergiques contre la traite.

Constatant qu’une seule femme figurait au sein de la délégation, une experte a émis l’espoir que lors de l’examen du prochain rapport du pays, ce puisse être une femme qui soit à la tête de la délégation. Cette experte s’est néanmoins félicitée que la fonction de Médiateur soit assurée par une femme.

Une experte a attiré l’attention sur le fait que l’absence de plaintes pour discrimination raciale ne signifiait pas nécessairement que le problème n’existait pas.

Un membre du Comité a rappelé que si les Azéris étaient passés à l’alphabet latin, la minorité des Lezghis souhaitaient conserver le cyrillique à l’instar des Russes. Quelle est la position gouvernementale à ce sujet ?



Réponses de la délégation

Dans une longue introduction consacrée au conflit avec l’Arménie, la délégation a rappelé que ce conflit avait commencé pendant la période soviétique, alors que le Haut-Karabakh avait un statut d’autonomie au sein de l’Azerbaïdjan. Une lutte armée a commencé pour détacher ce territoire de l’Azerbaïdjan avec le soutien de l’Arménie. Non seulement, ce territoire a-t-il fait sécession, mais sept autres districts sont passés sous le contrôle de l’Arménie, soit 20% au total du territoire azerbaïdjanais, a rappelé la délégation. La communauté internationale, dans le cadre du Groupe de Minsk, a lancé un processus de négociations, mais malheureusement, il n’a pas été possible d’aboutir à quoi que ce soit de positif dans le cadre de ce processus, a regretté la délégation. Le cessez-le-feu lui-même est périodiquement violé dans le cadre de l’agression armée contre l’Azerbaïdjan.

Un million de personnes ont été déplacées par ce conflit et ne peuvent regagner leurs terres ancestrales, a poursuivi la délégation. Ce conflit est un facteur important empêchant l’Arménie et l’Azerbaïdjan de jouir des fruits de leur indépendance et de développer la région, a-t-elle souligné. Dès que des avancées se produisent, l’Arménie lance des offensives, a indiqué la délégation. Pas plus tard qu’hier, deux écoles ont été détruites par l’artillerie arménienne, a-t-elle précisé. Cette situation a des répercussions graves en matière sociale et économique. Un million de personnes déplacées sont victimes de nettoyage ethnique, 700 000 d’entre elles étant originaires des territoires adjacents occupés ainsi que du Haut-Karabakh proprement dit, a indiqué la délégation azerbaïdjanaise.

Ce problème ne peut être résolu que par la rétrocession des territoires occupés et par le retour des personnes déplacées de leurs terres, a déclaré la délégation. Avant le début du conflit, 145 000 Arméniens et 40 000 Azéris cohabitaient dans le Haut-Karabakh. Aujourd’hui, de par l’épuration ethnique, il n’y aurait plus un seul Azéri dans ce territoire, a affirmé la délégation.

Compte tenu du fait que la situation s’éternise, de nombreux réfugiés et personnes déplacées internes ne vivent plus dans des camps et ont pu s’intégrer au reste de la population, à Bakou comme en province, a poursuivi la délégation. Ils ont des activités diverses, dans l’agriculture en particulier, ce qui leur permet d’avoir une vie digne, des allocations étant versées à ceux qui n’ont pas de travail, a-t-elle précisé. Mais sans l’aide du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), leur situation serait beaucoup plus précaire, a-t-elle reconnu, avant de répéter que seul leur retour dans leurs foyers d’origine leur permettrait de renouer avec la normalité. L’Azerbaïdjan ne se considère pas en guerre avec le peuple arménien mais avec un Gouvernement belliqueux; ces problèmes ont une influence sur les droits de l’homme et sur la défense des droits de l’homme, a expliqué la délégation. Dans les territoires qu’il contrôle, l’Azerbaïdjan s’efforce de lutter contre toute forme de discrimination, a-t-elle assuré.

Du temps de l’Union soviétique, a par la suite rappelé la délégation, de nombreux Azéris vivaient en Arménie. Avant même l’URSS, plus de 40% de la population de la capitale arménienne, Erevan, était azérie. Les aléas de l’histoire, les déportations de l’époque soviétique, le terrorisme arménien par la suite ont entraîné le départ des Azéris. Ceux-ci, qui étaient 250 000 en Arménie, sont partis quand ils n’ont pas été tués, a indiqué la délégation. Elle a cité le cas d’un village rayé de la carte en 24 heures, la population, soit plus de 600 personnes, ayant été anéantie. À l’école, on inculque aux enfants arméniens que l’ennemi est l’Azerbaïdjan, a affirmé la délégation. Les Arméniens eux-mêmes souffrent de ce conflit, ce qui est illustré par l’émigration massive affectant ce pays, a-t-elle ajouté.

Les Arméniens vivant en Azerbaïdjan, en dehors du territoire du Haut-Karabakh occupé, sont au nombre de 30 000, a précisé la délégation, ajoutant qu’il y a dans ce pays un certain nombre de mariages mixtes. Le passeport azerbaïdjanais ne contient pas de rubrique «nationalité», a souligné la délégation; les Arméniens vivant en Azerbaïdjan ne sauraient être distingués du reste de la population, a-t-elle assuré. L’Azerbaïdjan est un pays pluriethnique et multiconfessionnel, une caractéristique qu’il souhaite conserver, a insisté la délégation. Quelque 4000 étrangers ont participé au Forum mondial de Bakou 2016 pour l’Alliance des civilisations, événement qui conforte cette tradition de tolérance, a-t-elle fait valoir. Bien que l’Azerbaïdjan ne tienne pas de statistiques ethniques, il ne fait aucun doute que des représentants des minorités siègent dans de nombreuses institutions, a en outre assuré la délégation.

De nombreux centres culturels – mais aussi trois théâtres – permettant de représenter la culture des minorités ont des locaux à Bakou et en province, a fait valoir la délégation. La plupart des théâtres jouent des pièces en russe, langue que comprend la majorité des habitants. Un festival des minorités culturelles a lieu tous les ans, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, la délégation a indiqué que cet instrument l’emporte sur la législation interne, à l’exception des textes adoptés par référendum. Tout instrument international ratifié par le pays est automatiquement incorporé dans le corpus législatif et est d’application immédiate (NDLR: régime moniste), a-t-elle expliqué.

L’égalité de droits de tous est garantie et elle a un caractère universel, a poursuivi la délégation azerbaïdjanaise. Le principe de l’égalité de tous devant la loi est pris en compte dans le Code pénal, lequel réprime le crime de génocide, le crime d’apartheid, les crimes pour raisons raciales ou religieuses, ainsi que l’atteinte à la dignité du citoyen, a-t-elle précisé. La loi prévoit en outre le droit d’être défendu dans sa propre langue, l’État fournissant gratuitement des interprètes en cas de besoin. Toutefois, a ajouté la délégation, le fait est qu’un grand nombre de citoyens comprennent et parlent l’azéri ou le russe.

Par ailleurs, la liberté de parole est garantie par la Constitution, a ajouté la délégation. Plus de 50 000 organes d’information sont enregistrés dans le pays, ce qui confirme qu’il n’existe pas de problème particulier à cet égard, a-t-elle déclaré. La loi sur la radiodiffusion est conforme aux normes et règles internationales, a-t-elle ajouté, précisant en outre que toutes les minorités nationales disposent de leurs propres radios et télévisions. Il existe aussi des programmes en langues étrangères, notamment en russe et en anglais, a insisté la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que le directeur de publication M. Hilal Mammadov avait été condamné à cinq ans de prison pour incitation à la haine nationale et pour trafic de stupéfiants; il a bénéficié récemment d’une grâce et a été libéré.

Quant à la place des femmes, la délégation a souligné que plus de 20% de femmes – dont des membres des minorités nationales – travaillaient dans le secteur judiciaire.

Les femmes azerbaïdjanaises participent activement à la vie publique, a ensuite ajouté la délégation. Des femmes participent au Gouvernement ; les femmes constituent 16% des députés et le Recteur de la Faculté d’architecture est une femme, tout comme la Vice-Première Ministre d’une des républiques autonomes. Plusieurs femmes députées président les associations parlementaires d’amitié avec divers pays, dont la France. Parmi les 271 diplomates azerbaïdjanais, 81 sont des femmes. La proportion des femmes approche les 80% au Ministère de la santé et 70% au Ministère de la culture. Les femmes représentent 27% des employés dans les entreprises privées et 53% dans les entreprises publiques. Ces statistiques sont éloquentes, a souligné la délégation.

S’agissant des religions représentées dans le pays, la délégation a indiqué que 96% de la population est musulmane, les 4% restants étant principalement des chrétiens orthodoxes, des juifs et des bahaïs. Les communautés religieuses reçoivent des subventions gouvernementales, l’État considérant qu’aucune religion, pas même l’islam, n’a de prééminence en Azerbaïdjan, a souligné la délégation.

Selon les estimations, les musulmans d’Azerbaïdjan seraient chiites à 65% et sunnites à 35%, a indiqué la délégation, précisant toutefois qu’il n’existait pas de statistiques officielles à ce sujet. Il y a aussi des salafistes, apparus dans la période récente, ainsi que trois ou quatre autres obédiences musulmanes, a-t-elle ajouté.

En matière d’éducation, chacun a le droit d’utiliser sa langue maternelle, a par ailleurs indiqué la délégation. Dans la mesure du possible, les langues des minorités nationales sont enseignées, à raison de deux heures hebdomadaires, dans les régions où des minorités sont plus présentes ; ainsi, 250 écoles dans quatre régions fournissent un tel enseignement, a précisé la délégation. Il y a aussi des écoles bilingues azéri/russe, ainsi qu’une école enseignant en yiddish à Bakou. À la suite de l’occupation du Haut-Karabakh, le Gouvernement a créé des établissements d’enseignement destinés aux personnes déplacées, a en outre fait valoir la délégation. Par ailleurs, on compte quelque 300 enfants de migrants dans le secondaire. L’État a le souci que les enfants soient éduqués dans un esprit multiculturel, a ajouté la délégation.

S’agissant de la présence de personnes d’ascendance africaine, la délégation a indiqué qu’un peu moins d’une centaine d’Africains étaient enregistrés dans le pays.

La traite est un fléau que connaît lui aussi l’Azerbaïdjan, comme de nombreux autres pays. L’Azerbaïdjan a ratifié en 2010 la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Le pays s’emploie à renforcer sa législation en la matière et un fonds d’aide aux victimes a été créé par le Ministère du travail et de la protection sociale, a indiqué la délégation. Un troisième plan national de lutte contre la traite, qui couvre la période 2014-2018, est actuellement appliqué, a-t-elle ajouté. Des renseignements sur les mesures prises en matière de traite des personnes sont affichés sur le site internet du Département de la lutte contre la traite des êtres humains (www.iaqmi.gov.az) afin de sensibiliser le public.

Plus de 3000 organisations non gouvernementales sont enregistrées dans le pays, dont 500 œuvrent dans le domaine judiciaire et une cinquantaine concernent les minorités nationales, a ensuite indiqué la délégation. Aucun obstacle ne limite leurs activités, ni leur enregistrement, a-t-elle assuré, soulignant que le Ministère de la justice n’a enregistré aucune plainte concernant d’éventuelles entraves. Les ONG peuvent bénéficier de subventions de l’État et la loi sur la participation sociale vise à favoriser leurs activités, a-t-elle ajouté, avant de préciser que plus de 120 millions de manats ont été consacrés au développement des ONG sur deux ans.

S’agissant de la justice, le Conseil de la magistrature, organe autonome du pouvoir judiciaire, a vu ses prérogatives élargies, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a d’autre part fait valoir que des moyens importants ont été débloqués, qui ont permis de revaloriser considérablement le salaire des magistrats et de moderniser les tribunaux, notamment en les informatisant. Par ailleurs, une ligne téléphonique gratuite permet aux citoyens de dénoncer les cas de corruption, a ajouté la délégation, avant de souligner que plusieurs juges ont été démis de leurs fonctions. L’Union européenne s’est félicitée des mesures prises en faveur de l’indépendance et de la transparence de la justice, a fait valoir la délégation.

Les migrants, les apatrides et les demandeurs d’asile reçoivent une carte d’identité spéciale prouvant qu’ils résident légalement sur le territoire azerbaïdjanais, a ensuite indiqué la délégation. En attendant qu’une décision soit prise quant à leur séjour en Azerbaïdjan, ils peuvent être hébergés dans des centres d’accueil temporaires et bénéficier de cours de langue, ainsi que de soins de santé, a-t-elle expliqué. La délégation a par ailleurs indiqué n’avoir pas connaissance d’éventuelles plaintes de migrants pour discrimination raciale.

L’Azerbaïdjan n’est certes pas un pays idéal, a reconnu la délégation, avant de rappeler que l’indépendance de ce pays n’avait qu’un quart de siècle. Il lui a fallu établir un corpus juridique en conformité avec les normes internationales, ce qui n’a pas été une tâche aisée, a-t-elle ajouté. Il s’agit d’un processus continu et avec l’aide d’organes tels que le Comité, l’Azerbaïdjan entend continuer d’aller de l’avant, a-t-elle affirmé. La délégation a insisté sur la société inclusive que l’Azerbaïdjan entend édifier et a souligné que les normes adoptées ont un caractère préventif. Les concours de recrutement des fonctionnaires, particulièrement dans le secteur de la justice, impliquent la connaissance des instruments internationaux, principalement des conventions de l’ONU et du Conseil de l’Europe.

Remarques de conclusion

M. AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l’Azerbaïdjan, s’est félicité que la délégation ait traité de tous les sujets. Il a remarqué qu’elle avait mis en avant l’unité de la nation et a noté que la mention de la nationalité ne figurait pas sur le passeport azerbaïdjanais. Il s’est aussi félicité que certains des cas qu’ils avaient soulevés aient bénéficié de mesures de grâce. Il s’est enfin félicité de la place occupée par les femmes, déplorant que les statistiques les concernant ne figuraient pas dans le rapport.

La délégation de l’Azerbaïdjan a montré les progrès accomplis en matière de lutte contre la discrimination raciale, a poursuivi M. Amir. Mais il reste encore beaucoup à faire, a-t-il déclaré.

La Présidente du Comité, MME ANASTASIA CRICKLEY, s’est dite consciente que l’Azerbaïdjan n’était pas en mesure d’appliquer la Convention sur toute l’étendue de son territoire. Le pays doit néanmoins faire le maximum là où c’est possible, a-t-elle souligné.



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