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LE COMITÉ TIENT UN DÉBAT GÉNÉRAL SUR LE DROIT À L'AUTONOMIE ET À L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES

Compte rendu de séance

Le Comité des droits des personnes handicapées a tenu aujourd'hui, en fin de matinée et dans l’après-midi, un débat général sur le droit à l'autonomie et à l'inclusion dans la société des personnes handicapées. Ce débat vise à contribuer à l'élaboration ultérieure, par le Comité, d'une observation générale sur l'article 19 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui traite de l’autonomie de vie et de l’inclusion dans la société et prévoit notamment que les États Parties reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes.

Des déclarations liminaires ont été faites par la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas Aguilar, qui a fait observer que la Convention est le premier traité international qui reconnaisse aux personnes handicapées le droit de vivre de manière indépendante; par Mme Sonia Viñas, Sous-Directrice de la Fondation Universia, qui a notamment souligné que l’indépendance des personnes handicapées est un droit personnel et individuel qui requiert, pour sa réalisation, l’engagement de toute la communauté; et par Mme Maria Virginia Brás Gomes, Membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui a rappelé qu’il est de la responsabilité de tous de faire en sorte que l’esprit de la Convention soit respecté et d’assurer la participation des personnes concernées.

Le Comité a ensuite tenu trois discussions portant successivement sur les trois thèmes suivants: «les modes de vie indépendants: autonomie, autodétermination et choix personnel dans la loi, les politiques et les programmes»; «la diversité et la fourniture des services et la dimension financière pour la mise en œuvre effective de l’article 19»; et «la désinstitutionnalisation et les services communautaires : marche à suivre». Ces débats étaient animés, respectivement, par Mme Theresia Degener, M. Damjan Tatic, et M. Stig Langvad, tous trois membres du Comité des droits des personnes handicapées.

Ont participé à ces débats: M. Klaus Lachwitz, représentant de l’Alliance internationale des personnes handicapées; M. Michael Njenga, Directeur exécutif de Users and Survivors of Psychiatry in Kenya; Mme Rannveig Traustadóttir, Professeur et Directrice du Centre d’études sur le handicap de l’École des sciences sociales de l’Université d’Islande; Mme Martha Sticklings, du Département de l’égalité et des droits des citoyens de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne; M. Javier Arroyo Mendez, de Foro de Vida Independiente y Divertad; Mme Bhargavi Davar, de Transforming Communities for Inclusion Asia; M. Peter Mittler, de Dementia Alliance International; Mme Shantha Rau Barriga, de Human Rights Watch; M. Adolf Ratzka, Directeur du Independent Living Institute et membre du Réseau européen pour la vie autonome; M. Gerard Quinn, Directeur du Centre pour les lois et la politique en matière de handicap de l’Université nationale de Galway et co-président de EU Structural Funds Watch Research Initiative; Mme Jamie Bolling, Directrice exécutive du Réseau européen pour la vie autonome; M. Facundo Chavez Penillas, conseiller sur les questions de handicap au Haut-Commissariat aux droits de l'homme; Mme Fadia Farah, Vice-Présidente de Inclusion International; M. Abner Manlapaz, Président de Life Haven; M. Oliver Lewis, Directeur exécutif du Mental Disability Advocacy Center; Mme Rosangela Berman Bieler, Cheffe de la Section du handicap au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); Mme Senada Halilcevic, Présidente de European Platform of Self-Advocates; M. Renan Jorge Chuaqui Kettlun, Professeur au Département de Sociologie de l’Université de Valparaiso; Mme Sookkyung Park, Professeure d’éducation civique au Collège Humanitas de l’Université Kyung Hee; M. Juan Cobeñas, de l’Asociación Azul (pour un mode de vie indépendante pour les personnes handicapées); et Mme Kapka Panayotova, Directrice exécutive du Center for Independent Living Sofia et co-Présidente du Réseau européen pour la vie autonome. Un représentant d’Israël ainsi que représentants de la société civile ont également pris part aux débats.

Synthétisant les débats du jour, M. Estefan Tromel, conseiller sur les questions de handicap à l’Organisation internationale du Travail, a souligné la formidable contribution de l’article 19, non seulement pour la Convention, mais également pour le système de droits de l'homme en général. Une constatation relayée par Mme Degener qui a fait observer que cet article consacre le droit le plus élémentaire, qui est celui de chacun de pouvoir choisir où et avec qui il souhaite vivre. En conclusion, Mme Brás Gomes s’est dite convaincue que la future observation générale du Comité des droits des personnes handicapées relative à cet article apporterait une contribution incontestable.

La liste complète des contributions à cette journée est disponible sur la page web consacrée aux travaux du Comité.

Le Comité doit clore les travaux de sa quinzième session après-demain, jeudi 21 avril, à midi, en rendant publiques ses observations finales sur les rapports des sept pays examinés durant cette session : Serbie, Thaïlande, Chili, Slovaquie, Portugal, Lituanie, Ouganda.

Déclarations liminaires

S’exprimant par vidéotransmission, MME CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a ouvert le débat en faisant notamment observer que la Convention est le premier traité international qui reconnaisse aux personnes handicapées le droit de vivre de manière indépendante. Pour que ce droit soit pleinement réalisé, les personnes handicapées doivent bénéficier d’un soutien, notamment dans les communautés, a-t-elle souligné.

MME SONIA VIÑAS, Sous-Directrice de la Fondation Universia, a fait observer que l’indépendance des personnes handicapées est un droit personnel et individuel qui requiert, pour sa réalisation, l’engagement de toute la communauté: en effet, chacun d’entre nous a la responsabilité de mettre sur pied les conditions permettant la participation pleine et effective des personnes handicapées. Pour Mme Viñas, le droit à l’indépendance est lié à deux autres droits consacrés par la Convention: le droit à l’éducation et le droit à l’emploi. Dans ce contexte, il est crucial de mettre en place un système d’éducation inclusive, a-t-elle souligné. En matière d’emploi, il faut que les personnes handicapées aient la possibilité d’être productives et puissent choisir un travail, a-t-elle indiqué.

MME MARIA VIRGINIA BRÁS GOMES, Membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a expliqué que l’absence de disposition liée au handicap dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels tient au fait qu’au moment de l’élaboration de cet instrument, la communauté internationale n’était pas pleinement consciente de la nécessité de traiter le handicap de manière explicite. Le Comité a, dès 1994, publié une observation générale pour y remédier (observation générale n°5 relative aux personnes souffrant d’un handicap). Mme Brás Gomes a rappelé qu’il est de la responsabilité de tous de faire en sorte que l’esprit de la Convention soit respecté et d’assurer la participation des personnes concernées à la réalisation de son objectif affiché, qui découle du précepte selon lequel «rien ne se fera pour nous sans nous».


Débat sur les modes de vie indépendants: autonomie, autodétermination et choix personnel dans la loi, les politiques et les programmes


Exposés des panélistes


M. KLAUS LACHWITZ, représentant de l’Alliance internationale des personnes handicapées, a fait observer que beaucoup de personnes handicapées vivent dans des institutions, souvent les unes sur les autres, sans aucune vie privée ni intimité, sous tutelle, en contradiction avec les articles 12 et 19 de la Convention. Il faut fermer ce type d’institutions psychiatriques pour personnes handicapées, a-t-il souligné. En outre, il faut apporter un soutien à ces personnes et par conséquent établir des services à cette fin là où il n’y en a pas. M. Lachwitz s’est félicité de la flexibilité de l’article 19 de la Convention (traitant de l’autonomie de vie et de l’inclusion dans la société), arguant que cette souplesse permet la mise en œuvre des meilleures solutions au cas par cas.

M. MICHAEL NJENGA, Directeur exécutif de l’organisation Users and Survivors of Psychiatry in Kenya, a expliqué qu’en Afrique, les personnes handicapées vivent traditionnellement dans leur famille et dans les communautés. Il n’y a pas d’institutions, a-t-il indiqué, précisant que cela ne signifie pas pour autant que ces personnes soient incluses dans la société. Le taux de chômage, très élevé chez les personnes handicapées, explique aussi pourquoi elles sont conduites à dépendre de leur famille, a-t-il souligné. M. Njenga a attiré l’attention sur certaines violations des droits des personnes handicapées qui entravent leur possibilité de vivre de manière indépendante et d’être incluses dans la société. Il a fustigé certaines «pratiques traditionnelles très néfastes», déplorant à cet égard que les personnes handicapées soient souvent considérées comme inférieures, soient séquestrées et vivent isolées, en marge de la société. Enfin, le soutien apporté à ces personnes par leur famille est souvent inadéquat, a souligné M. Njenga.

MME RANNVEIG TRAUSTADÓTTIR, Professeur et Directrice du Centre d’études sur le handicap de l’École des sciences sociales de l’Université d’Islande, a énuméré certaines des conditions nécessaires pour la bonne mise en œuvre de l’article 19 de la Convention. Elle a plaidé pour une législation nationale forte. Elle a insisté sur la nécessité de renforcer la mise en œuvre des dispositions de cet article aux plans local et national, dans le cadre d’une collaboration nationale pour le renforcement de laquelle des ressources doivent être allouées. Les personnes handicapées doivent en outre être activement impliquées et consultées. D’une manière générale, Mme Traustadóttir a rappelé qu’il subsiste encore une grande méconnaissance des questions relatives aux personnes handicapées.

MME MARTHA STICKLINGS, du Département de l’égalité et des droits des citoyens de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, a fait observer que plusieurs articles de la Convention intéressent directement l’article 19, la réalisation de certains droits conditionnant en effet la mise en œuvre de ce dernier. Selon elle, il faut des normes claires et cohérentes pour la mise en œuvre de l’article 19 et il convient à cet égard d’identifier des objectifs très clairs. Il faut observer les pratiques effectives, a-t-elle ajouté, tout en reconnaissant la difficulté de cette tâche. Elle a rappelé que l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne s’attelle à développer des indicateurs relatifs aux droits de l'homme; grâce à de tels indicateurs, il sera possible de véritablement mesurer les différentes étapes de la mise en œuvre de l’article 19.

M. JAVIER ARROYO MENDEZ, de l’organisation Foro de Vida Independiente y Divertad, a souligné la difficulté de faire pression pour la mise en œuvre de l’article 19, puisque la réalisation de ce droit induit toute une série d’éléments et de services. Selon lui, la réalisation effective de l’autonomie et de l’inclusion des personnes handicapées dans la société ne se limite pas aux décisions portant sur l’endroit où l’on aimerait vivre, mais porte aussi sur toute une série d’aspects de la vie quotidienne. Aux fins de la mise en œuvre de l’article 19, M. Mendez a insisté sur l’importance d’impliquer les personnes handicapées pour qu’elles prennent en main les rênes de leur propre vie.

MME BHARGAVI DAVAR, de l’organisation Transforming Communities for Inclusion Asia, a estimé que pour réaliser le droit des personnes handicapées à l’autonomie et à l’inclusion dans la société, il faut que les droits de ces personnes puissent prévaloir et s’épanouir au sein des petites unités locales, comme les familles, les communautés et les écoles. Il faut par ailleurs instaurer des passerelles entre les différents services offerts aux personnes handicapées. Il importe à cet égard que ces services s’institutionnalisent, a ajouté Mme Davar. Elle a attiré l’attention sur certains exemples positifs d’inclusion qui pourraient servir d’inspiration, comme les modes de vie fondés sur la communauté, le compagnonnage ou les relations de proximité avec le voisinage. Elle a également cité en exemple la mise sur pied de services de santé mentale offerts au niveau des communautés.

M. PETER MITTLER, de l’organisation Dementia Alliance International, a brièvement présenté le travail de son organisation, avant d’expliquer que la démence et le handicap sont deux planètes différentes qui se rapprochent parfois, sans pour autant disposer de moyens de communication entre elles. Il a souligné qu’il a fallu dix ans pour que son organisation s’adresse au Comité des droits des personnes handicapées. Les personnes atteintes de démence ne se considèrent pas comme handicapées et rechignent généralement à se joindre au mouvement de plaidoyer en faveur des droits des personnes handicapées, a-t-il fait observer. M. Mittler a conclu son intervention en déplorant que les différentes équipes chargées de toutes ces questions au sein de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne communiquent pas entre elles, cette Organisation étant pourtant le forum idoine pour les aborder.

MME SHANTHA RAU BARRIGA, de l’organisation Human Rights Watch, a déploré la persistance de lois qui autorisent la détention des personnes handicapées dans plusieurs régions du monde. Elle a fait observer que le respect de l’article 19 ne se limite pas au fait de ne pas vivre en institution ou en hôpital psychiatrique, mais inclut également le droit d’aller à l’école, le droit d’avoir un travail ou encore le droit aux loisirs. Pour illustrer son propos, elle a cité le cas d’un jeune homme qui est consigné à domicile parce qu’il ne peut accéder aux transports publics. Il y a beaucoup d’aspects à prendre en compte pour faire en sorte que les personnes handicapées soient pleinement intégrées dans la société, a-t-elle insisté. Mme Barriga a souhaité que, dans sa future observation générale (sur ces questions), le Comité fasse explicitement référence aux conséquences des traitements forcés sur le droit des personnes handicapées de vivre au sein de la communauté et d’être intégrées.

Débat sur la diversité et la fourniture des services et la dimension financière pour la mise en œuvre effective de l’article 19

Exposés des panélistes


M. ADOLF RATZKA, Directeur du Independent Living Institute et membre du Réseau européen pour la vie autonome, a relevé l’importance du rôle joué par les aides personnelles, qui apportent un soutien non seulement pour la survie mais aussi pour permettre aux personnes handicapées de vivre la vie qu’elles auraient vécue sans handicap. Indiquant avoir vu des personnes âgées souffrant terriblement, il s’est demandé pourquoi l’on ne propose pas ce système d’aide personnelle à ces personnes. Les droits de l'homme ne sont pas une question d’âge, a-t-il conclu.

M. GERARD QUINN, Directeur du Centre pour les lois et la politique en matière de handicap de l’Université nationale de Galway et co-président de EU Structural Funds Watch Research Initiative, a relevé les vertus d’une avancée progressive dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention, tout en insistant sur la nécessité de rester vigilant face à d’éventuelles régressions. Il a rappelé que les États ont l’obligation immédiate de commencer à planifier et par conséquent d’identifier les obstacles à la mise en œuvre de la Convention. Il faut des délais très clairs, réalistes, ainsi que des ressources planifiées pour passer d’un système inefficace à un système efficace, a-t-il insisté. Enfin, il a invité les États à considérer l’aide qui leur est offerte dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale. Les États doivent être conscients des obligations qui leur incombent, a conclu M. Quinn.

MME JAMIE BOLLING, Directrice exécutive du Réseau européen pour la vie autonome, a expliqué que l’on a tendance à croire que l’indépendance des personnes handicapées est un concept qui concerne uniquement les pays riches. Or, c’est faux, a-t-elle souligné. À partir du moment où le droit à une vie indépendante est consacré comme un droit particulier, sa réalisation doit concerner tous les pays, toutes les cultures. D’autre part, une aide personnelle coûte bien moins cher que d’autres mesures prises pour les personnes handicapées, comme le placement en institution, a-t-elle fait observer.

M. FACUNDO CHAVEZ PENILLAS, conseiller sur les questions de handicap au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a insisté sur l’importance de contrôler la façon dont les services sont fournis aux personnes handicapées, y compris dans le système d’aide personnelle. Il a constaté qu’il y a beaucoup de défis dans l’application des obligations qui incombent aux États en matière de fourniture de services aux personnes handicapées. Aussi, a-t-il invité le Comité à inclure dans sa future observation générale (sur ces questions) d’autres voies possibles pour accéder à des services de soutien, dans le respect des dispositions de l’article 19. L’observation générale doit permettre de donner des orientations concrètes, a-t-il conclu.

MME FADIA FARAH, Vice-Présidente de Inclusion International, a fait observer que les familles sont généralement les premières à apporter un soutien aux personnes handicapées. La façon dont la famille appuie un enfant handicapé peut se répercuter de manière positive ou négative sur le développement de cet enfant, a-t-elle affirmé, relevant à cet égard l’importance pour ces familles d’accéder à un maximum d’informations sur les questions de handicap. Elle a par ailleurs plaidé pour une éducation inclusive, notant à cet égard que les personnes handicapées placées en institution n’y reçoivent aucune éducation.

M. ABNER MANLAPAZ, Président de Life Haven, a donné quelques précisions sur les activités de son organisation en matière de promotion de la vie autonome des personnes handicapées aux Philippines. Il a indiqué que les personnes handicapées qui vivent avec leur famille ne peuvent concrètement jouir de leur droit à l’indépendance et à l’autonomie, notamment du fait qu’elles dépendent non seulement de la capacité de leur famille à leur apporter un soutien, mais également du temps que les membres de la famille ont à disposition pour les aider. Il a déploré que les services d’assistance personnelle ne soient pas considérés aux Philippines comme relevant des droits de l'homme, même après que ce pays eut ratifié la Convention. Il s’agit là d’un déni du droit à une vie indépendante, a souligné M. Manlapaz.

M. OLIVER LEWIS, Directeur exécutif du Mental Disability Advocacy Center, a déclaré que le manque de reconnaissance dans le droit interne des pays des dispositions contenues dans l’article 19 de la Convention constitue un vrai problème. Il a invité le Comité à donner aux États quelques indications et directives en la matière. La désinstitutionnalisation est un processus très long, a-t-il rappelé. Selon lui, les gouvernements devraient considérer les personnes placées en institution comme des victimes de traitement inhumain et dégradant. Ces victimes relèvent du droit international et ont le droit de bénéficier de services des réhabilitation, a-t-il affirmé.

Aperçu du débat

Au cours du débat qui a suivi ces présentations, les participants ont reconnu l’importance, pour la pleine réalisation du droit à l’autonomie, de sortir les personnes handicapées des institutions où elles sont enfermées. Une représentante de la société civile a rappelé à cet égard que les personnes soumises à des traitements forcés ou à l’enfermement forcé ne sauraient en aucun cas être considérées comme des membres indépendants de la communauté. L’attention a par ailleurs été attirée par une intervenante sur les besoins particuliers des personnes âgées handicapées. Les personnes âgées connaissent très peu la Convention et sont peu consultées, a souligné cette oratrice, invitant le Comité à y remédier dans le cadre d’une observation générale ou d’une journée de débat général. Le Comité a en outre été invité par une autre représentante de la société civile à réfléchir à un possible modèle d’inclusion sociale dans les contextes où il n’y a pas de services offerts aux personnes handicapées. Enfin, une intervenante s’est demandée s’il est acceptable qu’il y ait, dans certains pays, des listes d’attente pour les personnes handicapées ayant besoin de services de soutien.

Intervenant dans cette discussion, Israël a apporté son soutien à la campagne en faveur d’une ratification universelle de la Convention. Israël travaille pour sa part à la mise en œuvre concrète de l’article 19, comme en témoigne notamment une loi qui stipule que les personnes handicapées ont le droit de participer aux activités de la société au même titre que les autres personnes.




Débat sur la désinstitutionnalisation et les services communautaires : la marche à suivre

Exposés des panélistes


MME ROSANGELA BERMAN BIELER, Cheffe de la Section du handicap au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a relevé l’importance de tenir compte des enfants handicapés et d’entendre leurs voix. Selon elle, il ne faut pas placer les enfants handicapés en institution, notamment parce que ce placement entrave, selon une récente étude, leur potentiel de développement cérébral; en outre, les enfants y manquent d’attention et d’amour. Les familles devraient être soutenues pour qu’elles gardent leurs enfants avec elles. Il faut investir dans les services offerts au niveau des communautés, a insisté la représentante de l’UNICEF.

MME SENADA HALILCEVIC, Présidente de European Platform of Self-Advocates, a fait observer que les lois en vigueur dans beaucoup de pays empêchent les personnes handicapées de vivre de manière indépendante. Beaucoup de personnes handicapées souhaiteraient travailler, mais n’ont pas accès à un emploi; alors, beaucoup abandonnent (la recherche d’un emploi) et restent dans le système de prise en charge sociale. Or, trouver un emploi est crucial pour pouvoir vivre de manière indépendante, a souligné Mme Halilcevic. Elle a plaidé pour une mise en œuvre effective de la Convention, y compris dans ce domaine de l’emploi.

M. RENAN JORGE CHUAQUI KETTLUN, Professeur au Département de Sociologie de l’Université de Valparaiso, a insisté sur l’importance de faire en sorte que les personnes handicapées soient bien prises en charge. Il faut un système différencié, au cas par cas, l’idéal étant que toutes les personnes puissent être prises en compte. Or, les choix sont limités: les places en foyer manquent et les personnes vivant avec leur famille ne sont souvent pas écoutées. Par conséquent, les personnes handicapées deviennent souvent passives et ne peuvent pas contester l’autorité. Pour M. Kettlun, il faut adopter une nouvelle approche permettant aux personnes handicapées de bénéficier d’une véritable aide.

MME SOOKKYUNG PARK, Professeure d’éducation civique au Collège Humanitas de l’Université Kyung Hee, a indiqué agir pour la désinstitutionnalisation en République de Corée. Selon elle, il faut lutter contre l’idée répandue selon laquelle le placement en institution serait la meilleure solution pour les personnes handicapées. Elle a souligné que les institutions coréennes pour les personnes handicapées commettent de sérieuses violations des droits de l'homme. Dans ce contexte, elle a proposé quelques principes pour mettre un terme à ces pratiques: il faut tout d’abord mettre au point une feuille de route pour la désinstitutionnalisation au niveau national; il faut ensuite limiter l’expansion des institutions et démanteler les établissements existants; en outre, il faut assurer que les personnes concernées participent activement au processus; enfin, il faut mettre en place des services sociaux de haute qualité et accessibles à tous.

Pour M. JUAN COBEÑAS, de l’Asociación Azul (pour un mode de vie indépendant pour les personnes handicapées), il faut que la voix des personnes handicapées soit entendue. Sans possibilité de s’exprimer, les personnes handicapées ne peuvent pas décider, a-t-il souligné. M. Cobeñas a jugé fondamental de renforcer le soutien et les aides accordés aux personnes handicapées, notamment lorsque ces dernières passent de l’enfermement à une vie indépendante. Ces soutiens et aides doivent en outre pouvoir être contrôlés. Pour une vie indépendante, les personnes handicapées ont besoin de services, mais aussi de pouvoir exercer un contrôle sur ces services, a-t-il insisté. Enfin, le soutien personnel est fondamental.

MME KAPKA PANAYOTOVA, Directrice exécutive du Center for Independent Living Sofia et co-Présidente du Réseau européen pour la vie autonome, a relevé l’importance du soutien par les pairs, plutôt que des soins par des professionnels. En effet, rien de tel que le soutien par ceux qui comprennent, qui peuvent ouvrir la voie vers l’indépendance, a-t-elle fait observer. Un autre élément fondamental pour les personnes handicapées est l’autonomisation, un objectif qui implique que ces personnes croient en elles-mêmes, aient confiance en elles-mêmes et en leur vie, a souligné Mme Panayotova. Elle a d’autre part plaidé pour un soutien plutôt que pour des soins, faisant remarquer que l’on considère souvent que les personnes handicapées ont besoin de soins, alors qu’elles souhaitent un soutien. Enfin, l’intervenante a plaidé pour la mise sur pied de collectivités véritablement inclusives.

Conclusions

M. ESTEFAN TROMEL, conseiller sur les questions de handicap à l’Organisation internationale du Travail (OIT), a souligné la formidable contribution de l’article 19, non seulement pour la Convention, mais également pour le système de droits de l'homme en général. Il a constaté que les débats du jour ont démontré les liens existants entre cet article et toute une série de dispositions de la Convention relevant, entre autres, du droit à l’éducation et du droit au travail. Il a invité le Comité à clarifier la terminologie, afin de pouvoir mieux comprendre les aspects liés à l’article 19: en effet, très souvent, les pays changent les services tout en prétendant respecter l’article 19 alors qu’en réalité cela n’est pas le cas. Dans son observation générale, le Comité devrait s’atteler à définir clairement quels services et quels systèmes respectent véritablement la Convention; il devrait aussi souligner les principes – tels que celui d’autonomie, du droit à participer, du droit à prendre des décisions – qui devraient être respectés quel que soit le système mis en place. Enfin, pour M. Tromel, la participation active des personnes handicapées est essentielle.

MME BRÁS GOMES a partagé certaines difficultés rencontrées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans la rédaction de ses observations générales. Elle a rappelé que l’objectif de ces observations générales est d’orienter les États et de les aider à surmonter les lacunes législatives, à mieux comprendre les dispositions de la Convention et à respecter leurs obligations en vertu de cet instrument. Elle a fait observer que l’article 19 pourrait être un élément de transformation important pour réaliser l’aspiration des personnes handicapées à un mode de vie indépendant. Selon elle, les observations générales fournissent une bonne occasion de renforcer le dialogue entre les membres du Comité, ainsi qu’avec toutes les parties intéressées. Aucune observation générale n’est parfaite, mais il est incontestable que chacune constitue une interprétation actualisée des droits consacrés dans les instruments internationaux visés. Mme Brás Gomes s’est dite convaincue que la future observation générale du Comité des droits des personnes handicapées apporterait une contribution incontestable.

MME DEGENER a constaté que les personnes handicapées ne veulent pas être enfermées dans des institutions et ne souhaitent pas davantage être forcées de vivre avec leur famille. Toute une série d’éléments sont importants pour permettre aux personnes handicapées de vivre de manière indépendante, a souligné la Vice-Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, faisant notamment observer que l’inaccessibilité aux services exclue de fait les personnes handicapées et les rend dépendantes. Elle a conclu son intervention en soulignant que l’article 19 de la Convention est l’un des plus modernes en matière de droits de l'homme: il conjugue la liberté et l’égalité et montre que ces droits ne sont pas en conflit avec d’autres mais complémentaires. C’est le droit le plus élémentaire que celui de chacun de pouvoir choisir où et avec qui il souhaite vivre, a rappelé Mme Degener, ajoutant que cela ne vaut pas uniquement pour les personnes handicapées, mais qu’il aura fallu une Convention relative aux droits des personnes handicapées pour le consacrer.



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CRPD16/011F