Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DU SÉNÉGAL
Le Comité des droits des travailleurs migrants a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Sénégal sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Présentant ce rapport, M. Mame Baba Cissé, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le Sénégal a «la particularité d'être à la fois un pays de départ, de transit et de destination des migrants». L'une des grandes réformes engagées par le pays concerne l'amélioration de l'efficacité du système de l'assurance maladie obligatoire avec pour objectif d'atteindre la couverture maladie universelle, a-t-il indiqué. En outre, le Sénégal a engagé des discussions pour la conclusion de conventions en matière de sécurité sociale avec des pays tels que la France, l'Espagne, l'Italie, l'Afrique du Sud, le Maroc et le Qatar, a-t-il ajouté. Par ailleurs, a poursuivi le Représentant permanent, «la couverture sociale des travailleurs de l'économie informelle constitue un enjeu pour les pouvoirs publics qui l'ont inscrite comme priorité» du «Plan Sénégal émergent». M. Cissé a ensuite fait état d'un avant-projet de loi visant à compléter le Code du travail. Est prévue la création d'un observatoire national chargé de la discrimination au travail qui sera chargé de promouvoir et de coordonner les politiques et programmes de lutte contre les pratiques de discrimination dans le monde du travail, a-t-il indiqué.
La situation des enfants mendiants continue de retenir l'attention des autorités sénégalaises qui ont adopté, fin 2013, une Stratégie nationale de protection de l'enfant «qui constitue le document de référence de tous les politiques de protection de cette catégorie vulnérable», a par ailleurs indiqué le Représentant permanent du Sénégal. L'État sénégalais a «pris des dispositions pour mettre un terme à leur exploitation et des programmes sont en cours pour leur retrait de la rue en vue de leur réinsertion sociale», a-t-il souligné. Un projet de Code de l'enfant a été mis en route, a ajouté M. Cissé.
La délégation sénégalaise était également composée, entre autres, de représentants du Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur; du Ministère de la justice; du Ministère de la femme, de la famille et de l'enfance; ainsi que du Ministère du travail, du dialogue social, des organisations professionnelles et des relations avec les institutions.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des modalités d'élaboration du rapport; de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne; de la vulgarisation de la Convention en langue wolof; de l'émigration de Sénégalais, y compris par voie maritime et vers l'Amérique latine; de l'accès à l'éducation pour tous les enfants, quelles que soient leur origine et les lacunes dans leur enregistrement à l'état civil; de la mendicité des jeunes étudiants en religion (talibés); des agences privées de placement; des déficiences de l'assistance consulaire; des mesures d'incitation à revenir au pays; des transferts financiers effectués par les migrants et du versement des pensions de retraite; ou encore de la loi sur le séjour irrégulier des étrangers.
Mme Fatoumata Abdourhamane Dicko, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, a affirmé que les droits de l'homme sont bien mieux respectés au Sénégal que dans la plupart des pays du continent. Elle s'est enquise de ce que faisait l'État pour lutter contre la mendicité infantile et son exploitation, un phénomène en pleine expansion dans les pays de la région. Elle a relevé que des textes avaient effectivement été édictés sur ces questions, mais a souligné qu'il pouvait y avoir un fossé entre les textes et leur application. La rapporteuse a d'autre part déclaré que le fonctionnement de la sécurité sociale semblait problématique. Mme Dicko a par ailluers jugé tout à fait insuffisante l'assistance consulaire fournie par les représentations sénégalaises à l'étranger.
Corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, M. Abdelhamid El Jamri, a souligné l'importance du rôle joué par le Sénégal sur le plan international, estimant nécessaire que ce pays continue de défendre certains concepts visant notamment à refuser la différenciation qui est trop souvent faite entre réfugiés et migrants économiques.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Sénégal et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 22 avril prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial présenté par la Turquie (CMW/C/TUR/1).
Présentation du rapport du Sénégal
Présentant le rapport périodique du Sénégal (CMW/C/SEN/2-3), établi sur la base de la liste de points adressée au pays par le Comité (CMW/C/SEN/QPR/2-3), M. MAME BABA CISSÉ, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a précisé que sa délégation était composée pour l'essentiel des représentants des principaux départements techniques ayant participé aux concertations interministérielles en vue de la préparation du présent dialogue. Le Sénégal maintient «la tradition de concertation avec les acteurs concernés, y compris ceux de la société civile, dans le cadre de l'élaboration des rapports, suivant une dynamique participative», a ajouté le Représentant permanent.
Le Sénégal, qui a adhéré à la Convention en 1999, a «la particularité d'être à la fois un pays de départ, de transit et de destination des migrants», a indiqué M. Cissé. L'une des grandes réformes engagées par le pays concerne l'amélioration de l'efficacité du système de l'assurance maladie obligatoire avec pour objectif d'atteindre la couverture maladie universelle, a-t-il souligné. En outre, le Sénégal a engagé des discussions pour la conclusion de conventions en matière de sécurité sociale avec des pays tels que la France, l'Espagne, l'Italie, l'Afrique du Sud, le Maroc et le Qatar, a-t-il ajouté. Par ailleurs, a poursuivi le Représentant permanent, «la couverture sociale des travailleurs de l'économie informelle constitue un enjeu pour les pouvoirs publics qui l'ont inscrite comme priorité» du «Plan Sénégal émergent»; elle «consiste en une intégration des acteurs de l'économie informelle dans le système de sécurité sociale par le biais notamment de la mise en place d'un régime simplifié pour les petits contribuables».
Pour ce qui est de la lutte contre la discrimination dans le milieu du travail, un arrêté interdit depuis 2014 la stigmatisation pour cause de VIH/sida, a d'autre part fait valoir M. Cissé. Il a en outre fait état d'un avant-projet de loi visant à compléter le Code du travail. Est prévue la création d'un observatoire national chargé de la discrimination au travail qui sera chargé de promouvoir et de coordonner les politiques et programmes de lutte contre les pratiques de discrimination dans le monde du travail, a-t-il indiqué.
M. Cissé a souligné que l'engagement de son pays allait au-delà de la Convention protégeant les travailleurs migrants et s'étendait à la promotion et la protection de tous les droits de l'homme, sans distinction. Dans le secteur de la santé, un programme de couverture maladie universelle a été lancé en 2013 qui concerne aussi les immigrés, a-t-il fait valoir. Le Sénégal a adopté une loi d'orientation sociale et mis en place en 2014 un programme national à base communautaire pour les personnes handicapées qui bénéficient aussi aux migrants et à leur famille, a-t-il souligné.
Par ailleurs, le Sénégal a engagé le processus de ratification de la Convention n°183 de l'Organisation internationale du Travail (relative à la protection de la maternité) qui participe à la lutte contre la discrimination en milieu de travail, a ajouté le Représentant permanent.
La situation des enfants mendiants continue de retenir l'attention des autorités sénégalaises qui ont adopté, fin 2013, une Stratégie nationale de protection de l'enfant «qui constitue le document de référence de tous les politiques de protection de cette catégorie vulnérable», a par ailleurs indiqué le Représentant permanent du Sénégal. L'État sénégalais a «pris des dispositions pour mettre un terme à leur exploitation et des programmes sont en cours pour leur retrait de la rue en vue de leur réinsertion sociale», a-t-il souligné. Un projet de Code de l'enfant a été mis en route, avec la création d'un Défenseur des enfants, d'une Autorité centrale chargée de l'adoption internationale, ainsi que d'un Parlement des enfants, a précisé M. Cissé.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
MME FATOUMATA ABDOURHAMANE DICKO, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, a rappelé que le Sénégal avait ratifié pratiquement tous les instruments internationaux relatifs à la promotion et la protection des droits de l'homme et qu'il bénéficiait d'une excellente cote à cet égard en Afrique de l'Ouest. Les droits de l'homme sont bien mieux respectés au Sénégal que dans la plupart des pays du continent, a-t-elle estimé.
Mme Dicko a ensuite souhaité savoir s'il existait dans ce pays un cadre de concertation pour la gestion de la migration. Elle a également souhaité que la délégation précise la manière dont le rapport a été élaboré et a demandé si la société civile avait joué un rôle dans ce processus. Elle a aussi demandé s'il existait un observatoire de l'emploi et de la formation permettant de disposer de statistiques sur le marché du travail et de connaître la place qu'y occupent les migrants.
La rapporteuse a en outre souhaité savoir si la Convention était traduite en wolof, langue parlée par plus de 85% de la population sénégalaise, ainsi que dans les langues utilisées par les étrangers installés dans le pays.
Des bureaux privés de placement ont-ils servi d'intermédiaires entre employeurs et employés ou encore existe-t-il des conventions bilatérales entre le Sénégal et des pays d'accueil, a demandé Mme Dicko? Existe-t-il un mécanisme permettant d'informer les expatriés des mesures prises par le Gouvernement qui sont susceptibles de les inciter à revenir au pays, a-t-elle également voulu savoir?
Mme Dicko a par ailleurs souhaité savoir ce qui était fait en faveur des mineurs non accompagnés. Elle a aussi souhaité savoir ce que faisait l'État pour lutter contre la mendicité infantile et son exploitation, un phénomène en pleine expansion dans les pays de la région. Elle a relevé que des textes avaient effectivement été édictés sur ces questions, mais a souligné qu'il pouvait y avoir un fossé entre les textes et leur application.
La rapporteuse a d'autre part déclaré que le fonctionnement de la sécurité sociale semblait problématique: est-il envisagé de conclure des conventions avec tous les États accueillant des travailleurs sénégalais, a-t-elle demandé? Les soins d'urgence sont-ils gratuits, comme c'est le cas dans de nombreux pays? L'accès à l'éducation des enfants des étrangers vivant au Sénégal est-il libre, y compris pour ceux qui sont sans papiers?
Mme Dicko a ensuite jugé que l'assistance consulaire fournie par les représentations sénégalaises à l'étranger était tout à fait insuffisante, pour ne pas dire quasiment inexistante dans les pays d'émigration où vivent pourtant des ressortissants sénégalais, y compris dans des pays africains. Elle a demandé si les fonctionnaires confrontés aux questions de migration disposaient des ressources suffisantes, que ce soit dans les consulats ou dans les inspections du travail. Elle a enfin estimé nécessaire que les émigrés sénégalais soient informés de l'existence de la Convention, même s'ils sont installés dans des pays ne l'ayant pas ratifiée.
Une autre membre du Comité a constaté que les trois-quarts des migrants sénégalais quittaient leur pays pour des raisons économiques. Dans le même temps, plus de 244 000 étrangers sont venus dans le pays, a-t-elle fait observer, avant de s'enquérir des possibilité d'emplois que ces derniers y trouvent. Elle a par ailleurs fait état d'estimations concernant la mendicité enfantine selon lesquelles ce phénomène toucherait 70 000 jeunes mendiants. Comment la délégation estime-t-elle que l'on peut leur venir en aide, a-t-elle demandé? Par ailleurs, quelles mesures sont-elles envisagées pour dissuader les trop nombreux jeunes qui, attirés par le rêve d'une vie meilleure, prennent la mer au péril de leur vie, a-t-elle demandé? Comment peut-on les inciter à rester au Sénégal?
Une autre experte a évoqué une augmentation exponentielle des migrants sénégalais franchissant l'Atlantique pour s'installer en Amérique du Sud, plus particulièrement au Brésil et en Équateur. Le Sénégal envisage-t-il de conclure des conventions avec ces pays, a-t-elle demandé, exprimant ses craintes que se soit mis en place un réseau de traite des êtres humains vers ces deux pays, en faisant payer jusqu'à 10 000 dollars le passage.
Une experte a demandé si le Sénégal s'intéressait au sort des migrants en transit dans des pays tiers – comme la Libye, par exemple – qui, parfois, trouvent la mort dans leur odyssée; le cas échéant, des mesures ont-elles été prises pour rapatrier les corps?
Comment sont traités les étrangers détenus en attendant leur expulsion, a par ailleurs demandé un membre du Comité?
Une experte a demandé si le Sénégal envisageait de faire les déclarations ou de ratifier les protocoles facultatifs qui permettent de présenter des plaintes individuelles. Elle a demandé à la délégation de préciser les mesures prises en matière de lutte contre la traite de personnes, s'interrogeant notamment sur l'éventuelle mise sur pied de refuges (centres d'accueil) pour les victimes. Quelles formations sont-elles assurées pour les fonctionnaires, les magistrats en particulier, a-t-elle demandé?
Toute personne expulsée du Sénégal qui y reviendrait ou qui ne quitterait pas le territoire serait passible d'une lourde peine, pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, ainsi que d'une amende substantielle, s'est pour sa part inquiété un expert.
Un expert a demandé quelle évaluation faisait le Sénégal des conventions bilatérales signées avec des pays comme la France et la Maroc, les deux principales destinations des émigrés sénégalais en Europe et en Afrique. Il a souhaité savoir quel bilan en faisait la délégation. Il a aussi attiré l'attention sur le fait qu'en dépit des textes visant à régler le problème posé par les enfants «talibés», le problème demeurait irrésolu et nécessitait des mesures concrètes supplémentaires. L'expert a par ailleurs demandé si le Gouvernement avait évalué le coût de sa politique migratoire. Il a rappelé au passage que le Comité était opposé au principe de la «double peine» - condamnation à la prison suivie de l'expulsion du pays.
Réponses de la délégation
La délégation s'est félicitée que les membres du Comité aient reconnu les efforts déployés par le Sénégal.
L'élaboration du rapport s'est faite dans le cadre d'une plateforme de concertation avec des représentants de la société civile et d'une forte implication des ministères concernés, ainsi qu'à partir de la réflexion sur la migration menée au sein de la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest, a indiqué la délégation.
Sur le plan juridique, le Sénégal est de tradition moniste, c'est-à-dire que les traités internationaux dûment ratifiés par le pays sont d'application directe (sauf là où des exceptions sont prévues qui exigent une harmonisation préalable) et priment sur les dispositions du droit interne.
Le Conseil consultatif national des droits de l'homme est chargé de veiller à l'harmonisation de la législation interne avec les textes internationaux, a indiqué la délégation.
Dans le secteur de la justice, les séminaires de formation sont organisés à l'intention des magistrats afin de les initier aux conventions internationales signées par le Sénégal; en effet, bien qu'elles soient d'application directe, ces conventions sont trop souvent méconnues des juges, a reconnu la délégation.
Des modules de formation sont organisés auprès des fonctionnaires, a également indiqué la délégation. Les recommandations du Comité sont diffusées dans les ministères concernés, a-t-elle souligné. Il reste toutefois à procéder à la vulgarisation de la Convention en langue wolof afin qu'elle soit davantage connue des Sénégalais.
S'agissant de la migration par voie maritime, depuis la mise en place de l'agence européenne Frontex pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, il n'y a plus de départs depuis le Sénégal vers l'Europe ou l'Amérique latine, a déclaré la délégation. En revanche, des départs – notamment de jeunes Sénégalais – se font depuis deux pays situés au sud du Sénégal. Le Sénégal estime que ces jeunes ont mieux à faire en restant au pays. Ils sont souvent diplômés et n'ont rien à gagner à aller faire des «petits boulots» en Europe, selon l'expression consacrée, a affirmé la délégation. Le Sénégal s'efforce notamment d'inciter à un retour à la terre. Pour ce qui concerne l'Amérique latine, a ensuite expliqué la délégation, l'apparition de contacts avec les réseaux d'outre-Atlantique remonte à une dizaine d'années, lorsque les trafiquants de drogue ont choisi l'Afrique de l'Ouest pour y faire transiter leurs marchandises. C'est le cas du Brésil, a précisé la délégation, ajoutant ne pas avoir d'information à ce stade sur le cas de l'Équateur.
L'Argentine et le Brésil sont les deux principaux pays d'émigration depuis le Sénégal vers l'Amérique latine, a ensuite indiqué la délégation. Les migrants passent éventuellement par l'Equateur qu'ils utilisent comme pays de transit, a-t-elle ajouté. L'assistance consulaire est insuffisante dans certains pays et même inexistante dans un pays comme la Libye compte tenu de la situation qui prévaut dans ce pays, où le consulat du Sénégal a dû être fermé, a d'autre part reconnu la délégation, avant d'exprimer l'espoir que la situation s'améliorerait avec le rétablissement de la situation en Libye.
L'assistance consulaire est sans doute parfois insuffisante, ce qui s'explique par une insuffisance générale de moyens, un problème récurrent pour le pays, a ensuite affirmé la délégation. Le Sénégal en est conscient et entend tenir compte de la critique du Comité à cet égard. La délégation a tenu toutefois à rappeler que des Sénégalais avaient été rapatriés de divers pays en crise ces dernières années; la dernière opération a concerné la Libye et a aussi bénéficié à des ressortissants d'autres pays d'Afrique de l'Ouest.
Des programmes de formation à l'intention des jeunes ont été lancés pour les dissuader de partir, a ensuite indiqué la délégation.
Il n'existe aucune discrimination en matière d'accès à l'éducation des enfants, quelle que soit leur origine, a d'autre part assuré la délégation. Dans les zones frontalières par exemple, les écoles sont couramment fréquentées par des enfants de ressortissants des pays voisins, ceux-ci étant même parfois plus nombreux que les locaux, a-t-elle fait valoir.
L'État sénégalais s'efforce de mettre de l'ordre dans l'action des officines privées de placement qui n'agissent pas toujours dans l'intérêt des travailleurs migrants, a poursuivi la délégation. Ont pu être constatés des comportements que le Sénégal ne saurait tolérer, mais ces officines ont de plus en plus de difficultés à agir en dehors de la loi, a-t-elle déclaré.
A la suite de l'épidémie d'Ebola, le Sénégal n'a pas pris de mesures spécifiques qui auraient pu donner lieu à des discriminations, a d'autre part assuré la délégation.
Le Sénégal est une terre d'accueil, a rappelé la délégation, ajoutant ne pas avoir connaissance d'un seul cas de refoulement d'un ressortissant étranger qui serait menacé dans son pays; dans un tel cas, a-t-elle précisé, il est demandé à la personne en voie d'expulsion pour des activités incompatibles avec son séjour au Sénégal de choisir vers quel pays elle souhaite être envoyé. S'agissant du cas d'un blogueur tchadien expulsé par la Tunisie et ayant demandé l'asile au Sénégal, la délégation a indiqué que ce statut (de réfugié) a été refusé à cette personne car il a été estimé qu'elle ne courait aucun risque dans son pays. Se trouvant en situation irrégulière au Sénégal à la suite du rejet de sa demande, cette personne a finalement été expulsée vers la Guinée, conformément au choix qu'elle a exprimé.
Les cas d'enfants non enregistrés à l'état civil ne concernent pas uniquement les migrants, un nombre non négligeable de jeunes Sénégalais étant aussi concernés, a d'autre part souligné la délégation. Le Gouvernement est conscient du problème, qui est particulièrement courant dans les campagnes, et il veille à y remédier, a-t-elle déclaré.
Un programme conjoint mené par le Bureau international du Travail et par l'Union africaine vise la transposition des principales normes internationales en matière de main-d'œuvre; il prévoit une plus grande implication des employeurs dans la gouvernance de la main-d'œuvre, a par ailleurs indiqué la délégation.
Quant aux mesures visant à inciter les migrants à revenir au pays, la délégation a indiqué qu'un important programme d'aide à la réinsertion des migrants a été lancé de concert avec la France en 2009. Les deux pays ont signé une convention de financement pour la mise en œuvre d'un Programme d'Appui aux Initiatives de Solidarité pour le Développement (PAISD). Ce Programme comporte deux volets: le soutien à la création de projets d'entreprenariat et l'appui aux initiatives de développement. Près de 400 projets et plus de 1100 emplois ont été créés à ce jour. Les deux pays se sont entendus pour renforcer les synergies afin de sécuriser et de pérenniser ce dispositif d'aide. Il s'agit de mobiliser l'expertise de la diaspora sénégalaise en France et ceux de ses membres qui ont des projets dans leur région d'origine. La capitalisation d'expériences et la réalisation de partenariats vise à lancer des projets en s'inspirant de ce qui a réussi. La Banque africaine de développement a décidé de soutenir ces initiatives, a précisé la délégation. Un partenariat d'inspiration similaire existe avec l'Italie, avec la même finalité d'aide au retour. À terme, l'objectif est d'inciter à ne plus migrer, surtout pas en mettant sa vie en péril, et de soutenir le développement d'activités au pays.
Quant aux pensions de retraite, elles sont devenues «exportables», alors que le paiement et le transfert des pensions étaient assujettis auparavant à une convention de sécurité sociale avec les pays concernés, a fait valoir la délégation. Le versement des pensions pour les travailleurs installés à l'étranger et ayant cotisé au Sénégal peut désormais se faire par des virements bancaires et postaux classiques. La Conférence interafricaine de la prévoyance sociale, la CIPRES, a mis en place en 1993 un système de prévoyance pour 14 pays africains. Son objectif est de fixer les règles communes de gestion, ainsi que d'instituer un contrôle de la gestion des organismes de prévoyance sociale.
Les transferts des retraites se font par le biais de conventions bilatérales, a ensuite indiqué la délégation.
Il a parfois été dit que les transferts financiers effectués par les migrants vers leur pays d'origine, comme le Sénégal, dépassaient tous les autres transferts financiers vers l'Afrique, a poursuivi la délégation, avant d'attirer l'attention sur le fait que ces rentrées n'étaient pas toutes connues de l'État, du fait de l'utilisation de canaux parallèles.
Si on réussissait à capter ne serait-ce qu'un faible pourcentage des transferts des émigrés, on estime que l'on pourrait se passer de l'aide publique au développement, a ensuite déclaré la délégation. Le Gouvernement encourage des institutions publiques telles que la Poste à permettre des transferts de fonds afin d'en réduire le coût pour les Sénégalais émigrés, les tarifs pratiqués par les sociétés de transfert de fonds étant élevés, a-t-elle par ailleurs indiqué.
S'agissant des possibilités de plaintes individuelles, le Sénégal est ouvert à la saisine directe par des particuliers; il a été parmi les premiers pays à ratifier la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui permet une saisine directe de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, a souligné la délégation. Les citoyens ont aussi la possibilité de saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
L'État est préoccupé par le phénomène de la mendicité des enfants sous couvert de religion, a ensuite indiqué la délégation. Se posent le problème de la tenue de statistiques sur ce phénomène et celui de l'inscription à l'état civil des enfants concernés. Une plateforme multisectorielle, accompagnée d'une cellule d'appui à la protection de l'enfant, ont été mises en place, l'objectif visé étant d'assurer une protection accrue des enfants. Cette volonté concerne toutes les problématiques liées à l'enfance, y compris celle des enfants migrants non accompagnés. Le Gouvernement s'efforce d'agir de manière globale en faveur de l'enfance, a insisté la délégation.
Revenant par la suite sur la question des talibés, la délégation a expliqué que la plupart des jeunes mendiants étant des élèves des écoles coraniques, il s'est avéré inefficace de lancer des opérations répressives. Les autorités promeuvent des projets de «daaras modernes»; ces écoles coraniques (daara signifie «école» en wolof) sont invitées à conclure des conventions avec l'État en vertu desquelles la mendicité des élèves est déclarée interdite, en échange de quoi l'État finance la construction d'au moins deux salles de classe et la fourniture de matériel pédagogique. Ce programme, malgré des critiques de départ, connaît un grand succès, plus d'un millier de demandes d'accréditation ayant été déposées par des écoles coraniques, a fait valoir la délégation.
En outre, des accords ont été signés avec le Mali, la Gambie et la Guinée-Bissau afin de favoriser le retour des jeunes originaires de ces pays; il appert en effet que plus de 40% des jeunes mendiants sont originaires des pays voisins du Sénégal, a ajouté la délégation.
Bien que toujours en vigueur, la loi sur le séjour irrégulier des étrangers, qui prévoit une peine pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement, peut être considérée comme obsolète, a poursuivi la délégation. La majorité des étrangers venant au Sénégal sont originaires des États de la CEDEAO et bénéficient à ce titre de la libre circulation instaurée dans la sous-région; et même si la durée du séjour est limitée à 90 jours, elle est en fait facilement renouvelable, a précisé la délégation. Elle a indiqué n'avoir connaissance d'aucune peine de prison ferme qui aurait été prononcée pour ce délit dans le passé, les peines infligées ayant bénéficié du sursis. La délégation a ajouté prendre bonne note de la suggestion du Comité visant l'abolition du texte de loi visé.
En cas de condamnation en justice à la suite d'un délit, une fois la peine accomplie, l'étranger est libéré de prison dans l'attente de son expulsion, a d'autre part expliqué la délégation; il est alors généralement retenu dans les cours des commissariats de police et non pas dans une cellule, a-t-elle précisé. Le Sénégal devra sans doute envisager de se doter d'un centre de rétention pour loger ces personnes en attente d'expulsion, compte tenu du problème logistique actuel et de la nécessité de se mettre en conformité avec les normes d'un État moderne, a ajouté la délégation.
L'État sénégalais a la volonté de réprimer les abus sexuels et une campagne est menée par voie d'affichage par le Ministère de la justice à ce sujet depuis un mois. La population est avertie que le crime est passible d'une peine de prison de dix ans, a par ailleurs indiqué la délégation.
La migration a toujours été existé, depuis l'aube des temps, et existera toujours; elle doit être un facteur de rapprochement entre les peuples, a déclaré la délégation. Pour cela, il convient qu'au sein des Nations Unies on mette un terme au débat visant à savoir si ces personnes qui partent sont des migrants ou des réfugiés. Ce débat «philosophique» ne mène nulle part et n'offre aucune solution, a-t-elle affirmé.
La première solution est de faciliter la migration régulière, a déclaré la délégation. Comment peut-on promouvoir la libre circulation des biens tout en interdisant celles des personnes, a-t-elle demandé? Il faut lever toutes les barrières à la migration légale, tout en offrant des alternatives (dans leur pays d'origine) aux migrants potentiels, a-t-elle affirmé. Il faut inciter les jeunes à rester dans leur pays; le programme des «domaines agricoles communautaires» permet ainsi aux jeunes diplômés de se voir octroyer un hectare de terre et des aides à la création d'activités, comme l'aquaculture, par exemple. Par ailleurs, l'idée est en train d'émerger d'offrir la possibilité à des retraités ayant une expérience professionnelle dans des secteurs déficitaires, notamment des infirmiers/ères, de reprendre une activité au Sénégal.
Les Sénégalais de l'extérieur peuvent participer à toutes les élections.
À l'issue de ce dialogue, le Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève a apprécié les échanges fructueux noués autour de l'examen du rapport de son pays, trouvant normal que l'on mette «la pression» sur un État partie. On n'attend aucune félicitation à l'ONU face à trois instances: les organes de suivi des traités tels que le Comité, les rapporteurs spéciaux et experts indépendants et les ONG, a-t-il rappelé. Il s'est néanmoins félicité de l'appréciation très positive qui a été portée quant aux efforts déployés par le Sénégal, pays qui est déterminé à continuer d'œuvrer à la mise en œuvre de la Convention. Les réflexions du Comité feront l'objet d'un examen attentif de la part des autorités compétentes – ainsi que de la société civile et des organisations de migrants qui seront pleinement associés à cet examen. C'est par la mise en œuvre de la Convention que l'on peut convaincre les États qui n'ont pas encore ratifié ce traité de le faire, a fait observer M. Cissé. Le Sénégal, terre d'accueil, est déterminé à continuer à recevoir des migrants et à leur assurer le même traitement qu'à ses propres ressortissants, a-t-il conclu.
Remarques de conclusion
MME DICKO, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport sénégalais, a souligné que, si de nombreux efforts ont été faits sur le plan légal au Sénégal, le Comité est avant tout soucieux de l'application qui est faite des décisions prises.
M. ABDELHAMID EL JAMRI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, a souligné que le Sénégal constituait un véritable État nation; on ne sent pas de différences ethniques lorsque l'on séjourne à Dakar, a-t-il dit. Lui-même de nationalité marocaine, M. El Jamri a relevé qu'il existait notamment une communauté d'origine marocaine parfaitement assimilée au Sénégal, ayant oublié l'arabe marocain de ses ancêtres et parlant le wolof. Il a souligné l'importance du rôle joué par le Sénégal sur le plan international, estimant nécessaire que ce pays continue de défendre certains concepts visant notamment à refuser la différenciation qui est trop souvent faite entre réfugiés et migrants économiques. Le Sénégal, pays leader dans la région, nation dynamique, se doit de mieux défendre une Convention qui, même si elle n'est pas ratifiée par de trop nombreux pays, est néanmoins respectée et souvent appliquée dans les faits, a insisté le corapporteur. Le Sénégal doit jouer un rôle leader sur la question de la migration, a-t-il ajouté. Il a jugé crucial le travail de sensibilisation à mener face aux juges, rappelant qu'un avocat défendant des migrants pouvait et se devait d'invoquer la Convention devant les tribunaux pour demander son application. M. El Jamri a ajouté que les droits des migrants étaient mieux pris en compte lorsque ceux-ci votaient.
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CMW16005F