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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA FRANCE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport périodique présenté par la France sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, Mme Elisabeth Laurin, Représentante permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève, a reconnu que la situation n'était «pas parfaite», des efforts restant à accomplir dans certains domaines, même si «des progrès ont été obtenus» depuis l'examen du précédent rapport de la France par le Comité, en 2010. Les «trois points majeurs d'évolution concernent: le renforcement des prérogatives du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en tant qu'institution; la lutte contre la surpopulation carcérale; et la prise en charge des demandeurs d'asile», a-t-elle précisé. Attirant l'attention sur les importantes actions engagées pour lutter contre la surpopulation carcérale, Mme Laurin a indiqué qu'un programme, en cours de mise en œuvre, prévoit la création de 6500 places et la fermeture de près de 1100 places vétustes. Elle a reconnu que la lutte contre la surpopulation carcérale passait aussi par le développement des alternatives à l'incarcération et a assuré que la France menait une politique volontariste en la matière. Une loi adoptée en 2014 a créé la «peine de contrainte pénale, qui est une peine de probation en milieu ouvert», a-t-elle indiqué. Cette loi prévient aussi la récidive par des sorties anticipées de prison et la généralisation de l'exécution de la peine en milieu ouvert. Mme Laurin a concédé que «ces mesures ne paraissaient pas avoir encore porté pleinement leurs fruits», ainsi que l'a relevé le Comité européen pour la prévention contre la torture.

Quant à l'asile, il a été réformé l'an dernier par un texte visant à renforcer les droits des demandeurs d'asile et à offrir des conditions d'accueil dignes et plus égalitaires, a poursuivi Mme Laurin. La procédure prioritaire qui existait a été remplacée par une procédure accélérée offrant les mêmes garanties d'examen que la procédure normale, y compris celle d'un recours suspensif, a-t-elle notamment indiqué. Par ailleurs, le maintien en rétention d'un demandeur d'asile n'est plus automatique, a-t-elle fait valoir. Mme Laurin a également évoqué la loi, adoptée le 7 mars dernier, relative aux droits des étrangers en France, qui «vise à mieux accueillir et intégrer les étrangers autorisés à s'établir en France, à mieux attirer les talents et les compétences et à répondre aux nécessités de la lutte contre l'immigration irrégulière».

La délégation française était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et du développement international; du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur; et du Ministère des affaires sociales et de la santé.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la surpopulation carcérale et des conditions de détention; des suicides en prison; des fouilles de détenus; des «détenus particulièrement signalés»; de la rétention de sûreté; des mesures alternatives à l'incarcération; de lutte contre la radicalisation; des sanctions disciplinaires; des questions d'asile, y compris pour ce qui est de la situation des migrants à Calais et de l'accord signé le 18 mars dernier entre l'Union européenne et la Turquie; des allégations d'abus sexuels visant des militaires français en République centrafricaine; ou encore des interventions chirurgicales pratiquées sur des enfants intersexués.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, M. Alessio Bruni, a rappelé que si la Convention ne requiert pas que la torture soit érigée en infraction imprescriptible, il s'agit là néanmoins d'une recommandation du Comité. Aussi, a-t-il relevé qu'il ressort du rapport soumis au Comité que la France considère que la torture est imprescriptible seulement lorsqu'elle constitue un crime contre l'humanité. En matière de prévention des mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté, le Comité reste préoccupé – tout comme le Comité des droits de l'homme – par le fait que le Code de procédure pénale prévoit le report jusqu'à 72 heures de l'accès à un avocat pour les personnes soupçonnées de se livrer au trafic de stupéfiants ou à des activités terroristes, a poursuivi M. Bruni. Il a par ailleurs noté la persistance d'un problème de surpopulation carcérale en France, la situation la pire étant en Polynésie française. Le corapporteur a ensuite constaté que le taux français de suicides en prison demeurait l'un des plus élevés d'Europe malgré le Plan de prévention lancé en 2009 pour y remédier. L'isolement cellulaire est appliqué fréquemment en France, non seulement en détention mais aussi dans les hôpitaux psychiatriques, pendant plus de vingt heures par jour et pendant plusieurs mois, a par ailleurs déploré M. Bruni. Il a par ailleurs demandé s'il était envisagé de supprimer la mesure de rétention de sûreté, comme cela a été recommandé par la Commission sur la refonte des peines. Il a aussi souhaité que la délégation explique l'utilité du régime de détention réservé aux «détenus particulièrement signalés», qui peut être considéré comme un traitement cruel et dégradant en raison des ravages psychiques et physiques qu'il provoque.

M. Jens Modvig, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, a quant à lui félicité la France pour les mesures qu'elle a prises en faveur de la réduction de la population carcérale mais a constaté que celle-ci demeurait néanmoins en constante augmentation depuis 2002. S'enquérant des éventuelles sanctions ou actions en justice engagées contre des agents de la force publique pour usage excessif de la force, M. Modvig a relevé que les victimes semblent hésiter à porter plainte en raison de la lourdeur de la procédure ou du sentiment que ce serait là un effort inutile car peu susceptible d'aboutir.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances privées, ses observations finales sur le rapport de la France et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 13 mai prochain.


Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation tunisienne aux questions que lui ont adressées les experts ce matin.


Présentation du rapport de la France

Le Comité est saisi du rapport périodique de la France (CAT/C/FRA/7), ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CAT/C/FRA/Q/7).

MME ELISABETH LAURIN, Représentante permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève, a salué «l'appui essentiel des organisations non gouvernementales et de la société civile dans la lutte constante des autorités françaises contre la torture», avant de saluer la présence de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Rappelant que son pays avait été le troisième État à ratifier la Convention il y a trente ans, elle a rappelé qu'il avait adhéré au Protocole facultatif se rapportant à cet instrument en 2008. La France a été par ailleurs très active dans l'adoption de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en 2006 et a activement promu la ratification de cet instrument. La France au aussi ratifié en 2014 la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, a rappelé Mme Laurin.

La Représentante permanente de la France a toutefois reconnu que la situation n'était «pas parfaite» et que des efforts restaient à accomplir dans certains domaines, même si «des progrès ont été obtenus» depuis l'examen du précédent rapport de la France par le Comité, en 2010. Les «trois points majeurs d'évolution concernent: le renforcement des prérogatives du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en tant qu'institution; la lutte contre la surpopulation carcérale; et la prise en charge des demandeurs d'asile», a-t-elle précisé. Ainsi, le Contrôleur général a vu son autorité confortée par un texte de loi adopté en 2014, a indiqué Mme Laurin. Ses moyens d'action ont été étendus: il dispose désormais de «la faculté de recueillir des informations auprès de toute personne susceptible de l'éclairer et non plus seulement auprès des responsables des lieux visités»; il dispose aussi d'un pouvoir de mise en demeure à l'égard de ces responsables. Il peut en outre accéder aux informations couvertes par le secret médical. La loi a aussi créé un délit d'entrave à l'action du Contrôleur général. Par ailleurs, la loi offre une plus grande protection aux personnes ayant recours auprès de lui. Enfin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose également, désormais, d'un «rôle de contrôle de l'exécution matérielle des procédures d'éloignement des personnes étrangères et ce jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination». Pour la cheffe de la délégation française, «le Contrôleur général occupe donc une place majeure dans l'amélioration des conditions de privation de liberté». La loi de 2014 lui ayant aussi confié de donner des avis sur des projets de construction ou de réhabilitation des lieux de privation de liberté, cela fait du Contrôleur général «un acteur incontournable de la lutte contre la surpopulation carcérale», a souligné Mme Laurin. Elle a affirmé que «des actions importantes avaient été engagées pour lutter contre ce phénomène». Un programme en cours de mise en œuvre prévoit la création de 6500 places et la fermeture de près de 1100 places vétustes, a-t-elle précisé. Elle a reconnu que la lutte contre la surpopulation carcérale passait aussi par le développement des alternatives à l'incarcération et a assuré que la France menait une politique volontariste en la matière. Une loi adoptée en 2014 a créé la «peine de contrainte pénale, qui est une peine de probation en milieu ouvert», a-t-elle indiqué. Cette loi prévient aussi la récidive par des sorties anticipées de prison et la généralisation de l'exécution de la peine en milieu ouvert. Mme Laurin a concédé que «ces mesures ne paraissaient pas avoir encore porté pleinement leurs fruits», ainsi que l'a relevé le Comité européen pour la prévention contre la torture.

Quant à l'asile, il a été réformé l'an dernier par un texte visant à renforcer les droits des demandeurs d'asile et à offrir des conditions d'accueil dignes et plus égalitaires, a poursuivi Mme Laurin. Il offre des garanties procédurales nouvelles, notamment la généralisation de l'entretien individuel devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a-t-elle précisé. Le demandeur d'asile peut aussi se faire assister d'un avocat ou par le représentant d'une association, «ce qui rend plus transparent le processus de décision», a-t-elle ajouté. La procédure prioritaire qui existait a été remplacée par une procédure accélérée offrant les mêmes garanties d'examen que la procédure normale, y compris celle d'un recours suspensif. Par ailleurs, le maintien en rétention d'un demandeur d'asile n'est plus automatique, a fait valoir Mme Laurin.

Enfin, la Représentante permanente de la France a évoqué la loi, adoptée le 7 mars dernier, relative aux droits des étrangers en France, qui «vise à mieux accueillir et intégrer les étrangers autorisés à s'établir en France, à mieux attirer les talents et les compétences et à répondre aux nécessités de la lutte contre l'immigration irrégulière». Elle a attiré l'attention sur deux dispositions de ce texte. D'une part, le contrôle de la rétention est confié au juge des libertés et de la détention, qui intervient dans les 48 heures suivant la décision de placement. D'autre part, un étranger accompagné d'un ou plusieurs enfant(s) mineur(s) doit prioritairement faire l'objet de mesures alternatives à la rétention; si la rétention est néanmoins décidée, elle ne peut se faire que pour la durée la plus brève possible dans des locaux spécialement aménagés en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, a indiqué Mme Laurin.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ALESSIO BRUNI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, a rappelé la position «bien connue» de la France qui estime ne pas avoir besoin d'intégrer dans sa législation pénale une définition de la torture identique à celle de Convention, son Code pénal prévoyant l'infraction de «torture et barbarie», passible d'une peine de 15 ans de réclusion criminelle – et même de 20 ans pour les fonctionnaires de l'État. M. Bruni a donc souhaité avoir les textes de sentences récentes donnant une définition claire de la torture pour motiver la condamnation d'un tel crime. «Il serait intéressant, en effet, de voir jusqu'à quel point de telles sentences sont conformes» à la Convention, a-t-il estimé.

M. Bruni a ensuite abordé la question de l'imprescriptibilité du crime de torture: si la Convention ne requiert pas que la torture soit érigée en infraction imprescriptible, il s'agit là néanmoins d'une recommandation du Comité, a-t-il souligné. Il apparaît, selon le rapport, que la France considère que la torture est imprescriptible lorsqu'elle constitue un crime contre l'humanité. Or, de l'avis de M. Bruni, la torture n'est pas plus excusable si le nombre de victimes est restreint: «elle devrait être imprescriptible quel que soit leur nombre». Quoi qu'il en soit, le corapporteur a laissé entrevoir que le délai de prescription de dix ans apparaissait trop court pour un crime aussi grave que la torture, souhaitant avoir un commentaire de la délégation à ce sujet.

En matière de prévention des mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté, le Comité reste préoccupé – tout comme le Comité des droits de l'homme – par le fait que le Code de procédure pénale prévoit le report jusqu'à 72 heures de l'accès à un avocat pour les personnes soupçonnées de se livrer au trafic de stupéfiants ou à des activités terroristes, a poursuivi M. Bruni. En outre, l'entretien entre l'avocat et le prévenu est limité à une demi-heure. «Ne serait-il pas mieux de garantir un accès immédiat à un avocat pour une durée suffisante, de façon à dissiper des doutes sur une forme de détention qui pourrait être assimilée à une détention secrète», a-t-il demandé?

Tout en prenant note avec satisfaction de la généralisation de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires, M. Bruni a déploré la décision de ne pas installer des dispositifs de vidéosurveillance dans les locaux de police ou de gendarmerie. «Nous savons tous qu'un abus de pouvoir ou un mauvais traitement peut se passer là où il n'y a pas de vidéosurveillance, comme un couloir ou sous un escalier ou dans un sous-sol», a-t-il en effet fait observer, tout en reconnaissant le caractère coûteux d'une telle mesure. Par ailleurs, quand des plaintes pour mauvais traitements sont adressées par des détenus au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, comment l'État garantit-il la protection contre toutes représailles?

Le corapporteur a noté la persistance d'un problème de surpopulation carcérale en France, la situation la pire étant en Polynésie française. Quelles sont les causes de ce «surencombrement chronique» dans les lieux de détention d'outre-mer, selon l'expression de l'ex-Garde des sceaux Mme Christiane Taubira, a-t-il demandé?

M. Bruni a ensuite abordé le problème des suicides en prison, constatant que le taux français en la matière demeurait l'un des plus élevés d'Europe malgré le Plan de prévention lancé en 2009 pour y remédier. Dans les quartiers disciplinaires, le risque de suicide est même quinze fois plus élevé que dans les cellules ordinaires, a insisté le corapporteur. Or, le placement en quartier disciplinaire, qui peut durer un mois, relève d'une sanction purement administrative, a rappelé le rapporteur, se demandant s'il ne faudrait pas revoir ce système de punition et l'abréger, alors que l'Assemblée générale des Nations Unies avait recommandé à l'unanimité à la fin de l'an dernier de ne pas imposer l'isolement cellulaire pendant plus de deux semaines. Cette mesure est appliquée fréquemment en France, non seulement en détention mais aussi dans les hôpitaux psychiatriques, pendant plus de vingt heures par jour et pendant plusieurs mois, a déploré M. Bruni.

Le corapporteur a posé une série de questions sur les fouilles corporelles intégrales des détenus, demandant si l'usage d'un équipement électronique ne pourrait les remplacer dans certains cas. Quant aux investigations corporelles internes, il a rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné la France en 2011 pour traitements dégradants sur un prisonnier par des agents cagoulés alors que, selon le rapport, ce type d'intervention doit être fait par des médecins n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire concerné.

M. Bruni a par ailleurs demandé s'il était envisagé de supprimer la mesure de rétention de sûreté, comme cela a été recommandé par la Commission sur la refonte des peines. Il a aussi souhaité que la délégation explique l'utilité du régime de détention réservé aux «détenus particulièrement signalés», qui peut être considéré comme un traitement cruel et dégradant en raison des ravages psychiques et physiques qu'il provoque.

La réforme du droit d'asile adoptée l'an dernier vise à renforcer les garanties reconnues aux requérants, a noté le corapporteur. Il s'est toutefois demandé si le droit de porter plainte pour mauvais traitement était suivi d'enquêtes complètes et impartiales, M. Bruni évoquant en particulier des violences commises sur des migrants, dans la région de Calais, par des membres des forces de l'ordre. Existe-t-il un mécanisme psychologique et médical pour détecter et identifier des victimes de la torture parmi ces requérants? «Une telle mesure est très importante», alors que la France doit accueillir des milliers de personnes fuyant la guerre, a souligné le corapporteur. Il a fait état de cas où le recours engagé par des requérants face au rejet de leur demande d'asile n'avait pas été suspensif s'agissant de demandeurs considérés comme menaçant l'ordre public ou originaires de pays considérés comme sûrs. Qu'est-ce qu'une menace pour l'ordre public et quels sont les critères de détermination d'un «pays sûr», a demandé M. Bruni? Il s'est enfin enquis des modalités des mesures d'éloignement.

M. JENS MODVIG , corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, s'est enquis de la formation dispensée aux policiers concernant les dispositions de la Convention. La France a-t-elle procédé à une évaluation de ce type de formations et des sanctions ont-elles été prises en cas de violation du code d'éthique de la police, a-t-il demandé? Des poursuites ont-elles été engagées pour des violations commises par des vigiles chargés de la sécurité, a-t-il par ailleurs voulu savoir? Le Comité déplore qu'aucune information ne soit fournie par le rapport quant aux éventuelles formations dispensées aux personnels de santé, lesquels sont les mieux à même de diagnostiquer de manière précoce des cas de torture.

M. Modvig a félicité la France pour les mesures qu'elle a prises en faveur de la réduction de la population carcérale mais a constaté que celle-ci demeurait néanmoins en constante augmentation depuis 2002. Quel est l'état d'avancement du plan de construction de prisons et quelles sont les statistiques les plus récentes en matière de surpopulation carcérale, a-t-il demandé? Il a par ailleurs souhaité avoir des précisions sur les améliorations apportées aux lieux connaissant une situation en la matière parmi les pires, dans les DOM-TOM, ainsi qu'à Marseille, notamment. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a recommandé un réaménagement complet de la politique carcérale, a relevé le corapporteur, avant de s'enquérir des suites que les autorités entendent donner à cette recommandation. Qu'en est-il des mesures prises contre la violence en prison et en faveur du «rétablissement de l'autorité des personnels» dans le cadre du plan d'action lancé par les autorités à cet égard, a d'autre part demandé M. Modvig? Il s'est inquiété des soins de santé, notamment psychiatriques, fournis en prison, des informations faisant état de déficiences dans ce domaine.

Le corapporteur a ensuite demandé à la délégation de faire le point sur les actions intentées, les éventuelles sanctions ou actions en justice, contre des agents de la force publique en cas d'usage excessif de la force. Il semble que les victimes hésitent à porter plainte en raison de la lourdeur de la procédure ou du sentiment que ce serait là un effort inutile car peu susceptible d'aboutir, a-t-il fait observer. Quelles sont les procédures de dépôt de plainte, a-t-il demandé? La loi prévoit des indemnisations pour les victimes de la torture quel que soit le lieu où les faits se sont produits, a relevé M. Modvig, soulignant que cette disposition doit pouvoir bénéficier particulièrement aux demandeurs d'asile. Combien de victimes ont-elles pu bénéficier de ce droit reconnu, a-t-il demandé? La délégation dispose-t-elle de chiffres précis en matière de réparations?

M. Modvig a ensuite évoqué les accusations d'abus sexuels portées à l'encontre de militaires français en République centrafricaine et a demandé à la délégation de préciser l'état d'avancement des enquêtes en la matière. Quel est le statut des prévenus? Des réparations, y compris médicales et psychologiques, sont-elles envisagées en faveur des victimes? Le corapporteur a souhaité savoir de quelle sensibilisation bénéficiaient les militaires afin d'éviter de telles dérives.

Le corapporteur a également abordé le problème posé par les interventions chirurgicales effectuées sur des enfants intersexués, alors que celles-ci sont désormais considérées comme aussi traumatisantes qu'illégitimes.

M. Modvig a par ailleurs évoqué les expulsions de familles roms et les conditions dans lesquelles elles sont menées.

S'agissant de la lutte contre le terrorisme, le corapporteur s'est enquis des garanties juridiques accordées aux personnes dont la liberté a été limitée par l'imposition de l'état d'urgence. Le Défenseur des droits a-t-il été saisi de plaintes?

Une autre experte a abordé la question de la traite – un fléau qui a connu une certaine recrudescence selon le rapport, a-t-elle fait observer. Elle a demandé si des mesures avaient été prises pour y faire face. Elle a elle aussi évoqué les abus présumés commis dans le cadre de l'opération Sangaris par des militaires français – des faits qui remontent maintenant à près de deux ans. Des responsables ont-ils été sinon sanctionnés, au moins suspendus, a-t-elle demandé? Les autorités ont-elles revu les procédures de formation? Cette même experte a ensuite évoqué les problèmes de radicalisation politique en milieu carcéral et a estimé que les mesures prises contre ce phénomène n'étaient pas absolument convaincantes. Combien de personnes sont-elles concernées par ce type de mesures de «déradicalisation», a-t-elle demandé? Quelles sont précisément ces mesures, a-t-elle insisté, relevant que certaines informations font état de soins psychiatriques à cette fin?

Une autre experte s'est enquise du statut des agents privés de sécurité, avant d'insister sur la nécessité de mieux lutter contre l'impunité et d'améliorer la formation s'agissant de ces personnes.

Un membre du Comité a soulevé la question de la formation des agents de la force publique aux armes à feu et paralysantes telles que les «Taser». Si des mesures urgentes doivent être prises contre le terrorisme et s'il est inévitable de décréter l'état d'urgence dans certains cas, il n'en demeure pas moins que les droits fondamentaux, en particulier le droit à la vie privée, doivent demeurer garantis, a poursuivi cet expert. Tout en soulignant qu'il est justifié de prendre des mesures de lutte contre le terrorisme, un autre expert a souhaité en savoir davantage au sujet des assignations à résidence et des recours engagés dans ce contexte.

Ce même expert s'est ensuite enquis de la situation régnant à Calais et a indiqué avoir le sentiment que le Gouvernement ne savait que faire pour gérer l'afflux de migrants dans la région. Cet expert a par ailleurs rappelé que l'accord récemment conclu entre la Turquie et l'Union européenne avait suscité des critiques. Qu'en est-il de l'évaluation de cet accord et est-il susceptible d'être révisé, le cas échéant? L'expert a également abordé la question des expulsions forcées d'établissements informels, qui concernent principalement les Roms. Divers chiffres circulent, qui vont de 300 à 5000 individus concernés, a-t-il indiqué.

Une experte a souhaité savoir où en était la réflexion de la France au sujet de la compétence universelle. Abordant elle aussi la question de la chirurgie plastique pratiquée sur les enfants intersexués, elle a souhaité savoir si des mesures avaient été prises contre de tels traitements réalisés sans l'assentiment des personnes concernées. Des mesures de réparations sont-elles possible à la suite de telles violations des droits de l'homme, a-t-elle demandé?

Un expert s'est interrogé sur les alternatives offertes par la France aux personnes bloquées à Calais. Un autre membre du Comité a demandé si la délégation disposait de statistiques sur le pourcentage de victimes de torture parmi les demandeurs d'asile, certaines évaluations faisant état de 30 à 40% des cas. À quelle échéance la France entend-elle parvenir à faire baisser la surpopulation carcérale, a-t-il aussi demandé? Un aide psychologique pour les personnes intersexuées qui ont été mutilées à la suite d'une opération chirurgicale semble indispensable, a-t-il par ailleurs estimé.

Une experte a rappelé qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction est censée jouir de la présomption d'innocence. Or, dans le cadre de l'état d'urgence, les perquisitions se font souvent de nuit, de manière parfois brutale, les intéressés se trouvant confrontés à une situation difficile, a-t-elle fait observer; certains sont soupçonnés par leurs voisins, perdent parfois leur travail, a-t-elle insisté. En outre, les lieux de culte peuvent être profanés; peut-être s'agit-il d'actes isolés, a-t-elle admis, mais il convient toutefois de mettre en garde contre la commission d'actes pouvant aller à l'encontre de l'objectif recherché.

Un autre expert a demandé à combien de reprises l'état d'urgence pouvait être prorogé.

Réponses de la délégation

La délégation a assuré que la France restait entièrement mobilisée pour garantir le respect des droits fondamentaux dans l'épreuve qu'elle traverse face à la menace terroriste.

Pour ce qui est du suicide en prison, la délégation a indiqué que le plan d'action lancé depuis 2009 contre ce phénomène comprend une vingtaine de mesures dont le renforcement de la formation du personnel pénitentiaire à la détection du risque suicidaire ou encore la lutte contre le sentiment d'isolement dans les quartiers disciplinaires. Des mesures de protection ont été prises, avec la fourniture d'équipements spécifiques tels que des couvertures indéchirables, par exemple, a précisé la délégation. Des entretiens entre le détenu identifié comme suicidaire et le personnel pénitentiaire ont également lieu. Des cellules de protection d'urgence aux murs lisses ont été créées à l'intention des détenus identifiés comme étant en «crise suicidaire aiguë», a ajouté la délégation, précisant que normalement, le détenu ne peut alors y être détenu que pour une durée limitée à 24 heures, le temps que la crise suicidaire soit passée. Par ailleurs, les détenus placés en cellule disciplinaire ont un entretien au moment de leur arrivée et un médecin doit passer toutes les 24 heures pour constater l'état de la personne détenue, a indiqué la délégation. Ce plan d'action a donc permis d'établir une vigilance, a-t-elle insisté. Entre 2009 et 2014, le nombre de suicides et de tentatives de suicide en prison a diminué, le taux passant de 18,3 à 13,9 pour 10 000, a fait valoir la délégation, ajoutant qu'une hausse a cependant été enregistrée en 2015. Le plan d'action a fait l'objet l'an dernier d'un audit interne qui a donné lieu à 23 recommandations qui sont en cours d'analyse, a-t-elle précisé.

Les fouilles intégrales visent à lutter contre l'introduction, depuis l'extérieur, d'objets interdits tels que les téléphones portables, alors que ce phénomène (d'introduction d'objets interdits) est en forte hausse ces dernières années et entraîne de nombreux trafics, a ensuite indiqué la délégation. Un plan d'action a été lancé pour remédier à ce phénomène, avec notamment l'installation de portiques de détection, a-t-elle précisé. Suite à ces mesures, a fait valoir la délégation, on constate une diminution du nombre de personnes fouillées de manière intégrale à la sortie des parloirs, à l'exception de l'an dernier où le taux de fouilles atteignait 38% contre 34% pour l'année précédente (2014) – une hausse qui peut s'expliquer par la menace terroriste. L'administration a fait un effort d'information à l'intention des personnes détenues. Les fouilles doivent être notifiées, justifiées et enregistrées, afin d'assurer une «meilleure traçabilité» des mesures de fouilles. Des formations à la pratique des fouilles intégrales ou par palpation sont dispensées aux personnels concernés, a ajouté la délégation.

Revenant par la suite sur cette question, la délégation a rappelé qu'il existait donc deux types de fouilles: par palpation et intégrale. Elles ne peuvent être réalisées que par une personne de même sexe que la personne fouillée, a souligné la délégation. En cas de refus de la fouille, l'usage de la force strictement nécessaire peut être employé, a-t-elle indiqué. Des sanctions disciplinaires peuvent être infligées, le détenu étant passible d'une sanction de 14 jours de confinement ou de cellule disciplinaire. Les «pratiques corporelles internes» (examens des cavités buccales, rectales ou vaginales ou radiographies) sont de la compétence du personnel médical et se font sur prescription de l'autorité judiciaire. Elles sont réalisés uniquement lorsqu'il y a soupçon d'ingestion ou d'introduction d'objets ou substances réputés dangereux ou prohibés.

La rétention de sûreté, qui a été introduite en 2008 et permet de maintenir une personne en détention à l'issue de sa peine, concerne les cas les plus graves, y compris les actes de torture et de barbarie, a par ailleurs expliqué la délégation. Elle fait l'objet d'un usage très mesuré, a-t-elle assuré. La suppression de la rétention de sûreté a été préconisée par une commission de réflexion ainsi que par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. La réflexion se poursuit à ce sujet, a indiqué la délégation.

La question de la surpopulation carcérale - «un mal chronique français», a reconnu la délégation – est une priorité du Ministère de la justice. Ce Ministère est l'un des rares dont le budget ait été augmenté et l'administration pénitentiaire absorbe 42% des moyens dont il dispose, a précisé la délégation. Outre le lancement d'un ambitieux programme de construction et de modernisation de prisons, il convient de souligner que les peines automatiques – dites «peines planchers» - ont été supprimées, a-t-elle fait valoir. Le Ministère de la justice est particulièrement attentif à la situation en outre-mer, en raison des retards que l'outre-mer connaît en la matière, a-t-elle poursuivi. Un certain nombre de places ont ainsi été programmées aux Antilles, à Mayotte et en Polynésie française, a-t-elle précisé. La délégation a reconnu que la situation était particulièrement critique dans ce dernier territoire, avec un taux d'occupation de 278%. Cela s'explique en partie par un taux plus faible d'aménagements de peines et d'alternatives à l'incarcération, a-t-elle expliqué. Les peines de prison ferme sont aussi prononcées plus fréquemment dans ces territoires, notamment pour trafic de stupéfiants aux Antilles, a-t-elle ajouté.

Dans le cadre de l'amélioration des conditions de détention, une réflexion est actuellement menée sur l'architecture pénitentiaire – laquelle doit être améliorée, notamment sur le plan ergonomique et sécuritaire pour les gardiens. Un groupe de travail a dégagé un certain nombre de pistes, notamment celle d'augmenter la végétalisation et la superficie des cours de promenade, a ajouté la délégation. Le groupe de travail a également conclu qu'il fallait travailler sur l'acoustique, l'éclairage et les couleurs, qui ont une influence à la fois sur les détenus et sur le personnel. L'idée a par ailleurs été formulée de créer des quartiers de préparation à la sortie.

Les mesures alternatives à l'incarcération se sont multipliées, notamment depuis 2012, y compris dans le cadre de la détention provisoire, a d'autre part fait valoir la délégation, rappelant que la loi de 2009 avait déjà favorisé l'exécution de peines en milieu ouvert. L'enjeu est d'individualiser la peine, a souligné la délégation. Le sursis avec mise à l'épreuve est une peine prononcée de plus en plus fréquemment, plus de 170 000 personnes étant concernées, a-t-elle indiqué. En 2014, plus de 7000 libérations conditionnelles ont été prononcées, a également précisé la délégation.

Si personne ne dispose d'une solution miracle en matière de lutte contre la radicalisation, la France agit à cet effet sur deux axes: il s'agit d'une part d'éviter la propagation de la radicalisation violente et, d'autre part, d'assurer une prise en charge individuelle des personnes tentées par cette dérive. Il ne s'agit en aucun cas de les convertir, a souligné la délégation. L'un des choix opérés a consisté à regrouper les personnes radicalisées dans cinq unités dédiées de vingt à trente places. Il s'agit de conditions d'internement temporaires, l'objectif étant de réintégrer ces détenus dans le cadre pénitentiaire ordinaire, a expliqué la délégation. Des aumôniers musulmans supplémentaires ont été recrutés, leur nombre devant approcher les 200 dignitaires d'ici la fin de l'année, a-t-elle précisé.

Il y a actuellement 277 «détenus particulièrement signalés» sur un total de 66 678 personnes (soit 0,41%), a ensuite indiqué la délégation. Sont concernés les détenus ayant commis une évasion ou ayant entrepris d'en organiser une, ainsi que les personnes ayant commis de grandes violences, a-t-elle précisé. Il s'agit donc de faire peser des contraintes sur un nombre limité de détenus. La personne détenue a connaissance des pièces et de l'argumentation ayant conduit à la classer comme «particulièrement signalée». Ce statut peut être levé à tout moment et il n'obère en rien les droits qu'a tout détenu, notamment en matière de communication, a souligné la délégation. La France n'entend pas abolir ce statut, a-t-elle ajouté.

Dans le cadre des sanctions disciplinaires, le confinement est ordinairement de 20 jours et peut aller jusqu'à 30 jours, au maximum, en cas de violence contre le personnel pénitentiaire, a d'autre part indiqué la délégation. Par le passé, la durée maximale était de 45 jours, a-t-elle rappelé, ajoutant que la France n'entend pas réduire encore la durée de ce type de sanction.

Une rénovation profonde des procédures d'examen des demandes d'asile a été entreprise, conformément aux demandes du Comité, a poursuivi la délégation. La différence entre procédure normale et procédure accélérée tient à la durée de l'examen mais pas aux garanties offertes, qui sont similaires, a-t-elle déclaré. Si les procédures accélérées ont été maintenues, elles sont toutefois encadrées plus étroitement par la nouvelle loi adoptée l'an dernier, a-t-elle fait valoir. Parmi les motifs justifiant le recours à la procédure accélérée, figure la menace grave à l'ordre public, mais l'application de ce motif reste exceptionnelle car la grande majorité des demandeurs d'asile n'entre pas dans ce cadre, a indiqué la délégation. La grande nouveauté concerne le caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d'asile, a-t-elle souligné. Par ailleurs, il est toujours possible de requalifier une procédure accélérée en procédure normale, a-t-elle précisé. La procédure accélérée peut être justifiée en particulier lorsque le demandeur vient d'un pays considéré comme sûr, a également rappelé la délégation, précisant que la liste des pays sûrs est dressée par le conseil d'administration de l'OFPRA et révisée régulièrement.

En matière de demande d'asile, une évaluation de vulnérabilité (du requérant) est faite tout au long de la procédure, a par ailleurs fait valoir la délégation. S'il s'agit d'un mineur étranger isolé, il est entendu par un fonctionnaire spécialisé, a-t-elle précisé. Quant aux questions relatives à la situation à Calais, la délégation a rappelé que l'actuelle pression migratoire en Europe s'expliquait à la fois par la guerre et par le désir des migrants de gagner le Royaume-Uni. Ces migrants sont d'abord des victimes, a déclaré la délégation, soulignant que la France avait démantelé 28 filières de passeurs, dont 25 dans la région de Calais. La priorité gouvernementale dans ce contexte vise à sécuriser la frontière, afin d'empêcher tout passage illicite depuis Calais ou Dunkerque, a expliqué la délégation. Des mesures ont été prises afin d'offrir un accueil humanitaire, a-t-elle ajouté. Un centre de jour a été ouvert où des repas sont servis; en outre, quelque 1500 places d'hébergement ont été récemment ouvertes. Il s'agit de convaincre les migrants que la France peut leur apporter une protection et qu'ils n'ont rien à gagner à tenter de franchir la frontière en mettant leur vie en danger. Des mineurs isolés se trouvent en très grand danger, a reconnu la délégation, avant d'ajouter qu'une concertation a lieu avec les autorités britanniques pour permettre à ceux qui ont des proches au Royaume-Uni de pouvoir les rejoindre. Toutes ces mesures commencent à porter leurs fruits, a assuré la délégation.

La situation est bloquée à Calais de par la prégnance du discours des passeurs qui ont persuadé les migrants qu'ils parviendraient tôt ou tard à gagner le Royaume-Uni, a ensuite déclaré la délégation. Elle a indiqué que la France s'efforçait de diffuser un contre-discours auprès des migrants en leur offrant des alternatives crédibles, notamment en installant les personnes intéressées dans les centres d'accueil et d'hébergement qui ont été mis sur pied dans plusieurs régions.
Quant à l'accord conclu le 18 mars dernier entre l'Union européenne et la Turquie, il prévoit la réadmission en Turquie, depuis les îles grecques, de l'ensemble des migrants qui arrivent irrégulièrement dans ces îles, ainsi que la réinstallation vers les pays de l'Union européenne de Syriens réfugiés en Turquie, a rappelé la délégation. Il s'agit de mettre fin à des arrivées irrégulières entretenues par les trafics des passeurs; il s'agit également d'offrir des voies légales pour venir en Europe à des personnes en besoin avéré de protection, a expliqué la délégation. Elle a assuré que les normes du droit international et européen en matière de protection des droits de l'homme seraient respectées afin qu'aucune personne pouvant prétendre à une protection ne soit refoulée ou expulsée depuis la Turquie vers des pays où sa vie ou sa liberté serait menacée. La France est disposée à accueillir jusqu'à 6000 réfugiés syriens en provenance de Turquie d'ici 2017, a ajouté la délégation.

Les autorités françaises sont déterminées à faire toute la lumière sur les allégations d'abus sexuels visant des militaires français de la force Sangaris en République centrafricaine, a assuré la délégation. La justice a été saisie dès la fin juillet 2014, les enquêteurs s'étant aussitôt rendus sur place, a-t-elle rappelé. Compte tenu de la gravité des faits et de la complexité de les établir, une procédure d'instruction a été ouverte notamment pour viols sur mineurs, a souligné la délégation. Par ailleurs, une enquête administrative a été menée par l'armée, a-t-elle ajouté. Si les faits devaient être avérés, des sanctions disciplinaires seraient prises, a déclaré la délégation. Les victimes présumées ont été placées sous la protection du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Les investigations judiciaires en cours requièrent une certaine discrétion, ainsi que le respect de la présomption d'innocence, a poursuivi la délégation. La France accorde une attention particulière à la formation de ses militaires, a-t-elle d'autre part assuré, évoquant le respect des normes d'intégrité et une politique de tolérance zéro à l'égard des abus d'ordre sexuel et reprenant pleinement à son compte la politique des Nations Unies à cet égard. Les militaires se voient rappeler leurs devoirs au cours des opérations auxquelles ils participent, a insisté la délégation. La France met en œuvre des procédures multiples pour ne pas déployer en opération des militaires ayant fait l'objet de condamnations pénales ou de mesures disciplinaires, ce qui passe notamment par la vérification du casier judiciaire, a-t-elle souligné.

En réponse aux préoccupations soulevées par les interventions chirurgicales rectificatives pratiquées sur des enfants intersexués, dont le genre est indéterminé à la naissance, la délégation a souligné qu'il s'agit d'un sujet complexe. Le centre des maladies rares travaille sur cette question, a-t-elle ajouté. Le recours à un centre de référence est fondamental dans la prise de décision, a également souligné la délégation. Elle a rappelé qu'il n'y avait pas consensus sur d'éventuelles interventions irréversibles, qui peuvent potentiellement être vécues comme une mutilation inacceptable. Le Comité national d'éthique va être saisi de cette question, a indiqué la délégation.

S'agissant de l'état d'urgence, la délégation a souligné que la France ne se considère pas comme dégagée, dans ce contexte, de ses obligations internationales en matière de droits de l'homme. Il est impossible de déroger à certains engagements, tels que l'interdiction absolue de la torture, a notamment rappelé la délégation, attirant l'attention sur les efforts déployés pour mettre en place des mesures de contrôle – en premier lieu parlementaire – dans ce contexte. Il s'agit à la fois de préserver les libertés individuelles et de sauvegarder l'ordre public en prévenant la commission de nouveaux attentats, a souligné la délégation. Les deux principales mesures (dans le contexte de l'état d'urgence) concernent des assignations à résidence et la réalisation de perquisitions administratives qui ont une finalité préventive et de renseignement, a expliqué la délégation. Elles visent des personnes non pas sur la base de leur religion, mais à l'égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Ainsi, 83% des mesures d'assignation prises pendant la première période de l'état d'urgence concernaient des individus déjà surveillés par les services de renseignement, a indiqué la délégation.

À ce jour, 69 assignations à résidence sont toujours vigueur, pour un total de 400 signées par le Ministre de l'intérieur à la fin février (date qui avait marqué la fin de la première période de l'état d'urgence), a ensuite indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs assuré que le report (de l'exercice) du droit à (consulter) un avocat dans les affaires de terrorisme faisait l'objet d'une application extrêmement mesurée de la part du parquet.

La France ne dispose pas de statistiques sur les crimes de haine en fonction par exemple de l'appartenance ethnique ou de la religion, a d'autre part indiqué la délégation. Les autorités travaillent néanmoins à l'amélioration des données disponibles en croisant notamment certaines de celles tenues par les Ministères de l'intérieur et de la justice, a-t-elle précisé.

Quant à l'évacuation des campements illicites, la délégation a rappelé qu'il s'agissait à la fois de faire respecter le droit de propriété et de protéger les occupants qui vivent souvent dans des conditions inhumaines, voire dangereuses. Dans tous les cas, les évacuations doivent être précédées d'un diagnostic social et un hébergement d'urgence doit être prévu pour les personnes les plus vulnérables, a ajouté la délégation. Quand les conditions sont réunies, des solutions de long terme sont trouvées pour permettre une réinsertion en profondeur des populations qui se montrent volontaires pour s'inscrire dans une telle démarche, a précisé la délégation.

À l'issue du dialogue, la Représentante permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève a souligné que les avancées législatives, tout comme les pratiques qui ont été exposées aux membre du Comité, témoignaient des «importants progrès intervenus en France depuis sa dernière audition» (devant le Comité) s'agissant des droits des demandeurs d'asile, des droits des détenus, de la politique pénale et carcérale et de l'encadrement de l'action des forces de l'ordre. «Cependant, nous restons conscients de la vigilance nécessaire dans ces domaines et que nos efforts doivent être poursuivis», a ajouté Mme Laurin. «Les réformes les plus récentes n'ont pas encore pu produire tous les résultats attendus et une évaluation efficace des progrès enregistrés ne pourra être réalisée que dans quelques temps», évaluation dont les résultats figureront dans le prochain rapport, a-t-elle conclu.



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