Fil d'Ariane
LE CONSEIL SE PENCHE SUR LES SITUATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE ET EN ÉRYTHRÉE
Le Conseil des droits de l'homme s'est penché, ce matin, sur les situations des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et en Érythrée, après avoir entendu le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, M. Marzuki Darusman, présenter son rapport et la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, Mme Sheila B. Keetharuth, présenter une mise à jour orale concernant la situation dans ce dernier pays. La Ministre de la Justice de la Nouvelle-Zélande, Mme Amy Adams, a par ailleurs fait une déclaration dans laquelle elle a particulièrement attiré l'attention sur les mesures prises par son pays en vue de réduire la violence à l'égard des enfants et des femmes et d'éliminer la surreprésentation carcérale des Maoris.
Présentant son dernier rapport après six ans de mandat, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, M. Marzuki Darusman, a décrit les violations massives et systématiques des droits de l'homme commises dont est victime la population de ce pays, citant en particulier l'insécurité alimentaire croissante, les camps de prisonniers, le travail forcé à grande échelle, les mauvais traitements et les actes de tortures et attirant l'attention sur les dépenses militaires énormes du pays en vue de l'acquisition d'armes de destruction massive. M. Darusman – qui présentait son rapport en l'absence du pays concerné – a proposé au Conseil des droits de l'homme d'envisager l'établissement d'un groupe d'experts chargé de la question de l'établissement des responsabilités.
Parmi les nombreuses délégations* qui sont intervenues au cours du débat interactif qui a suivi cette présentation de M. Darusman, un certain nombre ont réitéré leur opposition de principe à toute résolution et à tout mandat ciblant des pays spécifiques, se prononçant en outre contre toute politisation des droits de l'homme au sein du Conseil. D'autres délégations ont en revanche apporté leur soutien à un renouvellement du mandat de Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée ainsi qu'à la proposition de M. Darusman de créer un groupe d'experts internationaux chargés de la question de l'établissement des responsabilités. Ont maintes fois été dénoncées les violations massives des droits de l'homme commises par la République populaire démocratique de Corée, plusieurs intervenants souhaitant qu'il soit envisagé de renvoyer la situation dans ce pays devant la Cour pénale internationale.
La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, Mme Sheila B. Keetharuth, a axé sa mise à jour orale concernant cette situation sur le problème des enfants érythréens non accompagnés qui traversent les frontières internationales, ses causes profondes et les besoins de protection de ces enfants. Évoquant précisément les causes de ce phénomène, elle a indiqué qu'outre la situation désastreuse que connaît l'Érythrée en termes de violations des droits de l'homme – situation qui anéantit tout rêve ou aspiration – les entretiens qu'elle a eus avec des enfants érythréens installés dans plusieurs pays européens l'ont amenée à constater que la majorité de ces enfants avaient fui le pays par crainte d'être forcés à servir dans l'armée. Étant donné qu'il n'y a eu aucune confirmation concrète d'une réduction à 18 mois de la durée du service national en Érythrée, la Rapporteuse spéciale a considéré que celui-ci risquait d'être indéfiniment prolongé, l'assimilant en conséquence à un travail forcé. Intervenant en tant que pays concerné à l'issue de cette présentation, l'Érythrée a assuré que le pays vivait dans la paix et l'harmonie et a appelé le Conseil à mettre fin à une «approche de confrontation contre-productive».
Parmi les nombreuses délégations** qui sont intervenues au cours du débat interactif qui a suivi cette mise à jour de Mme Keetharuth, bon nombre de délégation ont déploré la non-coopération du Gouvernement érythréen et ont exigé un changement de politique en ce qui concerne le respect des droits de l'homme, espérant notamment que la réduction à 18 mois de la durée du service militaire serait confirmée. D'autres intervenants ont préféré recommander d'encourager l'Érythrée à l'ouverture et à la coopération, au lieu de la montrer du doigt.
En début d'après-midi, le Conseil doit engager ses débats interactifs avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran et avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Myanmar.
Déclaration de la Ministre de la justice de la Nouvelle-Zélande
MME AMY ADAMS, Ministre de la justice de la Nouvelle-Zélande, a déclaré que cinquante ans après l'adoption des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, il est essentiel de se concentrer sur l'action de manière à garantir leur application pleine et entière. Aucun pays n'est parfait dans la mise en œuvre de de ses obligations au regard du droit international des droits de l'homme et la tâche n'est guère aisée, a-t-elle ajouté, soulignant que ce travail exige un courage politique constant, une hauteur de vue et un engagement sans faille. La Ministre de la justice néozélandaise a d'autre part fait observer que l'absence de contrôle risque d'aboutir à des effets dévastateurs, comme on le voit actuellement dans les conflits en Syrie et en Libye, ainsi que dans les crises au Soudan du Sud, au Burundi et en République démocratique du Congo. Mme Adams a salué le travail du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui fait des efforts croissants en dépit du climat difficile dans lequel le Haut-Commissariat opère. En tant que membre du Conseil de sécurité, la Nouvelle-Zélande tient à témoigner de la valeur des exposés présentés par le Haut-Commissaire devant cet organe. Mme Adams a en outre assuré que la Nouvelle-Zélande continuerait d'être un fervent soutien du Conseil des droits de l'homme – dont le rôle est important pour la détection des signes précurseurs de crises - et de tous ses mécanismes, en particulier l'Examen périodique universel et les procédures spéciales pour l'assistance technique aux États fragiles en vue du renforcement de leurs institutions.
Nation de 4,6 millions d'habitants, la Nouvelle-Zélande a un passé très positif en matière de droits de l'homme, tant sur son territoire qu'à l'étranger, et prend très au sérieux sa responsabilité d'appuyer d'autres pays, a poursuivi Mme Adams. Elle a rappelé qu'à l'issue du précédent Examen périodique universel, son pays avait accepté les recommandations visant à réduire la violence à l'égard des enfants et des femmes, à résoudre la pauvreté des enfants et à prendre des mesures en vue de l'élimination de la surreprésentation carcérale des Maoris. La violence familiale est un fléau mondial, a rappelé la Ministre de la justice, avant d'indiquer qu'en Nouvelle-Zélande, en 2014, ce sont plus de 100 000 enquêtes pour violence familiale qui ont été engagées par la Police, la grande majorité de ces agressions ayant été commises contre des femmes et des enfants. La moitié de tous les homicides et autres crimes violents graves sont liés à la violence familiale. Dans nos communautés, a poursuivi la Ministre néo-zélandaise, les familles des Maoris et du Pacifique sont confrontées à la violence de manière disproportionnée, les femmes maories étant 2,8 fois plus susceptibles d'être tuées par leurs partenaires que les femmes néo-zélandaise d'origine européenne et les enfants maoris presque cinq fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions. La violence familiale en Nouvelle-Zélande est un grave problème de justice pénale, de santé publique et une question sociale, a reconnu la Ministre de la justice, rappelant qu'elle copréside avec la Ministre du développement social, Mme Anne Tolley, un groupe ministériel sur la violence familiale et la violence sexuelle, qui axe ses travaux sur la prévention, l'aide aux victimes et la poursuite des auteurs. En novembre 2015 le premier Conseiller en chef sur les victimes (Chief Victims Adviser) a été nommé, a précisé Mme Adams. Par ailleurs, tous les enfants néozélandais ont accès à une éducation gratuite et des programmes de prévention de la violence sont en place dans ce contexte. Le Gouvernement est aussi engagé dans la discussion globale portant sur la promotion et la protection des droits autochtones, laquelle concerne notre propre population autochtone, les Maoris de Nouvelle-Zélande, a poursuivi Mme Adams, après avoir indiqué que les Maoris, qui représentent 15% de la population totale, constituent la moitié de la population carcérale du pays. La Ministre de la justice a notamment attiré l'attention sur l'initiative engagée par la Police néo-zélandaise en collaboration avec les Maoris pour réduire la récidive parmi ces derniers et a fait observer que les personnes ayant comparu entre 2011 et 2013 devant les tribunaux Rangatahi, inspirés par les valeurs maoris, ont eu un taux de récidive inférieur de 6% par rapport aux jeunes gens comparables ayant comparu devant les tribunaux ordinaires. La Ministre de la justice a d'autre part rappelé le caractère central du Traité de Waitangi, signé en 1840, et a assuré que le Gouvernement néo-zélandais restait engagé à poursuivre les efforts de règlement complet des revendications du Traité historiques (historical Treaty claims) des Maoris contre la Couronne par le biais du processus de règlement du Traité (Treaty Settlement Process). La Nouvelle-Zélande reste engagée à négocier des règlements équitables et durables, avec des «paquets» incluant les excuses de la Couronne, des réparations culturelles et des réparations financières et commerciales. Mme Adams a d'autre part indiqué que M. Robert Martin, dont la Nouvelle-Zélande propose la candidature pour siéger comme membre du Comité des droits des personnes handicapées, serait, s'il était élu, le premier membre de cet organe ayant un handicap intellectuel.
Situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (A/HRC/31/70).
Présentant son dernier rapport à l'issue de six années de mandat, M. MARZUKI DARUSMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a rappelé que l'idée de créer une commission d'enquête sur le pays qui est l'objet de son mandat était à mettre au crédit de son prédécesseur. Créée en 2013, la commission a remis son rapport initial un an plus tard : il contenait des preuves irréfutables d'une longue liste de violations des droits de l'homme qui pourraient constituer des crimes contre l'humanité.
Le Rapporteur spécial a rappelé que le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée avait totalement rejeté les requêtes du Conseil des droits de l'homme quant à la mise en œuvre des recommandations de la commission d'enquête. Au cours des deux dernières années, les choses ne semblent guère avoir évolué, a déploré M. Darusman. Des familles entières accusées de « crime par association » sont emprisonnées dans les camps pour prisonniers politiques. Des actes de torture sont perpétrés dans une impunité totale par l'appareil étatique à l'encontre de personnes détenues. M. Darusman a également dénoncé la persistance de l'insécurité alimentaire dans le pays en raison de l'incompétence absolue du système public de distribution : un nombre massif de personnes, surtout parmi les plus vulnérables, courent le risque de pénuries alimentaires graves. La main d'œuvre travaille dans des conditions voisines de l'esclavage ; des ressortissants étrangers qui auraient été enlevés par des services de l'État sont toujours portés disparus ; enfin les citoyens et, de plus en plus, les citoyennes qui tentent de fuir la République populaire démocratique de Corée courent de très grands risques.
En résumé, a dit le Rapporteur spécial, le gouvernement exerce un contrôle répressif absolu sur tous les citoyens dans chaque aspect de la vie, dans un déni absolu de leurs droits. La République populaire démocratique de Corée dépense des ressources substantielles dans la mise au point d'armes de destruction massive, alors qu'un large pan de sa population continue de souffrir d'insécurité alimentaire.
M. Darusman a relevé par ailleurs qu'au cours des deux derniers mois, la République populaire démocratique de Corée avait agi à deux reprises au mépris total des résolutions du Conseil de sécurité. Le 6 janvier 2016, le Gouvernement a conduit son quatrième essai nucléaire, se targuant de la détonation réussie d'une bombe à hydrogène. Puis, le 7 février, il a procédé au lancement d'un missile balistique. Ces deux événements ont immédiatement aggravé les tensions dans le nord-est asiatique et bloqué le processus de dialogue en matière des droits de l'homme. Le Gouvernement nord-coréen a également interrompu les négociations avec la République de Corée autour de la réunification de 60 000 familles séparées dans les deux pays. Le Gouvernement a aussi fait une déclaration unilatérale annonçant l'arrêt de l'accord bilatéral sur les enquêtes axées sur plusieurs questions historiques et relatives à des ressortissants japonais, notamment des affaires d'enlèvements.
M. Darusman a conclu que le déni des droits de l'homme des citoyens au plan interne et le comportement agressif de la République populaire démocratique de Corée au plan international n'étaient que les deux faces d'une même pièce. M. Darusman a ajouté que les discussions autour de l'avenir de la péninsule coréenne, y compris en ce qui concerne une éventuelle réunification, devront intégrer la nécessité d'établir les responsabilités des crimes contre l'humanité commis en République populaire démocratique de Corée. Le rapport présente différentes possibilités d'établir la responsabilité juridique collective et individuelle des autorités politiques et militaires de la République populaire démocratique de Corée. Il cite à cet égard le préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale selon lequel « c'est toujours aux États qu'il incombe en premier de poursuivre les suspects de crime de guerre devant leurs propres tribunaux ». Le Rapporteur spécial estime que le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait saisir la Cour pénale internationale de la situation des droits de l'homme dans la République populaire démocratique de Corée, comme l'avait explicitement recommandé la commission d'enquête.
Débat interactif
De nombreuses délégations ont exprimé leurs graves préoccupations concernant la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, ainsi que leur plein soutien aux conclusions et recommandations de la Commission d'enquête (sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée) et du Rapporteur spécial.
L'Union européenne s'est déclarée préoccupée par les « horribles » violations des droits de l'homme relatés dans le rapport et par l'absence de progrès en République populaire démocratique de Corée, appelant ce pays à mettre un terme aux violations des droits de l'homme. Pour l'Union européenne, il ne saurait y avoir d'impunité sur cette question, dont la Cour pénale internationale doit être saisie. L'Union européenne, avec le Japon, présentera de nouveau un projet de résolution sur la République populaire démocratique de Corée : il portera sur la reddition des comptes et sur la prorogation du mandat de la commission d'enquête. L'Estonie, tout en saluant la libération de cinq prisonniers politiques, a estimé que la situation ne s'étant pas globalement améliorée, le Conseil des droits de l'homme doit rester saisi de la situation des droits de l'homme dans la République populaire démocratique de Corée.
L'Allemagne a demandé au Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée de fermer tous les camps de prisonniers politiques, de libérer sans conditions tous les prisonniers politiques, de faire cesser la torture et la pratique de la culpabilité par association ou encore de garantir un accès humanitaire. L'Allemagne regrette par ailleurs que la délégation du pays examiné refuse de participer à la séance, alors que le Conseil cherche justement la coopération. La situation qui se détériore, avec la torture systématique dans les camps de prisonniers politiques ou la famine, inquiète aussi le Portugal qui, comme d'autres délégations, a demandé au Conseil de sécurité de transmettre le dossier nord-coréen à la Cour pénale internationale. Membre permanent du Conseil de sécurité, les États-Unis, tout en se félicitant de l'ouverture d'un Bureau du Haut-Commissariat à Séoul pour suivre la situation des droits de l'homme dans la République populaire démocratique de Corée, ont dit leur détermination d'établir les responsabilité des violations des droits de l'homme dans ce pays.
L'Irlande, coparrain traditionnel de la résolution sur la République populaire démocratique de Corée, rappelle que les auteurs des exactions doivent être punis et réitère son point de vue selon lequel le Conseil de sécurité devrait renvoyer la situation à la Cour pénale internationale. Elle regrette également profondément la déclaration faite par la République populaire démocratique de Corée pendant le dialogue du haut niveau de la présente session, selon laquelle elle ne prendrait plus part aux sessions du Conseil qui traitent de son bilan en matière de droits de l'homme. Que la situation des droits de l'homme dans ce pays soit une source de préoccupation pour la communauté internationale est une réalité juridique fondamentale et les autorités dudit pays sont liées par le droit international, qu'elles participent ou non aux sessions du Conseil, a souligné l'irlande.
Le Japon a regretté l'absence de toute amélioration dans l'épouvantable situation des droits de l'homme décrite par la Commission d'enquête il y a deux ans. Le Japon estime que la République populaire démocratique de Corée pratique l'escalade dans ses provocations, comme le montrent les essais nucléaires et les tirs de missiles balistiques qu'elle a effectués en ce début d'année. Le Japon appuie la proposition du Rapporteur spécial de mettre en place un «groupe d'experts indépendants» (sur l'établissement des responsabilités) comme moyen de renforcer l'élan de la communauté internationale pour traiter efficacement de la question. Lors de la présente session, le Japon présentera conjointement avec l'Union européenne un projet de résolution qui inclura la mise en place d'un tel groupe, a indiqué la délégation japonaise. La République de Corée a elle aussi dénoncé la déplorable situation en République populaire démocratique de Corée et constaté l'absence d'amélioration dans le pays. Elle a par ailleurs déploré le refus de la République populaire démocratique de Corée de coopérer avec le Conseil des droits de l'homme et les autres mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies. La République de Corée a salué le travail du Rapporteur spécial et s'est félicitée de l'ouverture du Bureau du Haut-Commissariat à Séoul, avec lequel elle a indiqué qu'elle continuerait de coopérer pleinement.
La France a jugé «salutaire» le travail du Rapporteur spécial, qui fournit «une vue d'ensemble de la mécanique effroyable du régime de Pyongyang pour asservir son peuple», dans un pays où le simple exercice de la liberté d'opinion ou d'expression peut conduire à la mort, y compris chez les dignitaires d'un « régime qui s'entre-dévore ». «La folie meurtrière du régime ne semble avoir aucune limite», a insisté la France; qui plus est, «ces crimes se commettent dans l'obscurité de la censure», a-t-elle souligné. «Les responsables des crimes commis en Corée du Nord devront rendre des comptes», a ajouté la délégation française, rappelant que certains des crimes commis et décrits par la Commission d'enquête pourraient être constitutifs de crimes contre l'humanité. À cet égard, la recommandation adressée par la Commission d'enquête visant à déférer la situation à la Cour pénale internationale mérite toute l'attention du Conseil, a estimé la France, précisant que c'est dans cette perspective que la France soutient la proposition du Rapporteur spécial d'un groupe d'experts chargés de réfléchir à la question de la reddition des comptes. En conclusion, la France a appelé solennellement le Conseil à renouveler le mandat du Rapporteur spécial et le «régime nord-coréen» à entendre le message qui lui est adressé et prendre enfin le chemin de l'ouverture, la réconciliation et la paix.
Le Royaume-Uni a quant à lui demandé au Gouvernement de Pyongyang de prendre des mesures immédiates pour faire cesser les violations et pour assurer un accès libre et sans entraves aux différents mécanismes de contrôle du respect des droits de l'homme. La République tchèque a souhaité le renvoi de la situation en République populaire démocratique de Corée à la Cour pénale internationale et a exigé la libération immédiate de tous les prisonniers politiques ainsi que la coopération du pays avec la communauté internationale, et notamment avec le Bureau du Haut-Commissariat établi à Séoul. La Slovaquie a constaté que la République populaire démocratique de Corée continuait de violer de manière flagrante ses obligations internationales en matière de droits de l'homme, qu'il s'agisse de droits civils et politiques ou de droits économiques, sociaux et culturels. L'obligation redditionnelle est la seule solution à appliquer face à une telle situation, a-t-elle estimé.
La Lituanie a relevé «plusieurs interactions positives» récentes entre la République populaire démocratique de Corée et la République de Corée, ainsi que des «gestes modestes», toutefois très insuffisants au regard des violations des droits de l'homme massives recensées par la Commission d'enquête.
Le Botswana a déclaré qu'il est impossible de fermer les yeux face aux graves violations des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Il a en outre estimé que la volonté affichée de collaboration de ce pays devrait être suivie de mesures concrètes, comme des invitations aux procédures spéciales à visiter le pays. Une action devrait être entreprise pour assurer l'obligation redditionnelle, y compris si nécessaire en renvoyant la situation devant la Cour pénale internationale, a ajouté le Botswana.
L'Australie est gravement préoccupée par les informations relatives aux violations massives et systématiques de droits de l'homme commises à l'encontre de quelque 120 000 citoyens détenus arbitrairement dans des camps de prisonniers en République populaire démocratique de Corée. Elle demande par ailleurs à la République populaire démocratique de Corée de mette fin aux exécutions et de déclarer un moratoire sur la peine de mort. L'Australie, qui soutient tout moyen pratique de faire avancer l'obligation redditionnelle en République populaire démocratique de Corée, appelle en outre le pays à améliorer la situation des femmes et des personnes handicapées et à combattre systématiquement la malnutrition endémique qui affecte en particulier les enfants.
La Norvège a appelé la République populaire démocratique de Corée à prendre des mesures significatives et mesurables pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans des rapports et résolutions qui bénéficient d'un large soutien au sein du Conseil des droits de l'homme et de l'Assemblée générale. Elle lui suggère de s'inspirer du système de droits de l'homme des Nations Unies, des organes de traités et du Conseil qui, tous, permettent de renforcer les capacités et d'améliorer les droits de l'homme du peuple du pays. La Norvège demande en particulier à la République populaire démocratique de Corée de faciliter les visites du Rapporteur spécial et d'autres procédures spéciales, y compris dans les domaines des droits économiques, sociaux et culturels.
La Nouvelle-Zélande a jugé «très troublante» la réaction de la République populaire démocratique de Corée face à la question des droits de l'homme et notamment son refus constant de coopérer avec les mécanismes de droits de l'homme. La Nouvelle-Zélande estime que les pressions de la communauté internationale sont importantes pour améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. L'acceptation par la République populaire démocratique de Corée de 114 des recommandations qui lui ont été adressées à l'issue de son Examen périodique universel en 2014 a constitué un important pas en avant et la Nouvelle-Zélande encourage la République populaire démocratique de Corée à faire des progrès tangibles concernant les recommandations qu'elle a acceptées. Il faut essayer de veiller à laisser la porte ouverte pour que la République populaire démocratique de Corée s'engage de manière significative avec les mécanismes internationaux de droits de l'homme, a affirmé la délégation néo-zélandaise, avant de saluer – comme constituant un pas en avant – la proposition du Rapporteur spécial de mettre sur pied une stratégie officielle visant à ce que la République populaire démocratique de Corée rende des comptes.
La délégation de Cuba a déclaré que l'imposition de mandat spécifique de pays était contraire à la Charte des Nations Unies. Pour Cuba, l'Examen périodique universel est le seul outil pertinent en matière d'examen de la situation des droits de l'homme dans les pays. Il ne soutiendra jamais aucune tentative de changement de régime dans la République populaire démocratique de Corée. La République islamique d'Iran a appelé au dialogue et à la coopération avec la République populaire démocratique de Corée, et demandé à la communauté internationale d'évaluer l'impact des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l'homme.
Comme ces délégations, la Chine s'est dite opposée par principe à la politisation des droits de l'homme, qu'il s'agisse de la République populaire démocratique de Corée ou d'un autre pays. Il faut au contraire examiner les causes profondes de cette situation – qui, du point de vue de la Chine, relève d'une méfiance mutuelle. La Chine a toujours proposé une dénucléarisation la péninsule, de façon à créer un cadre de discussion propice. La Fédération de Russie a accusé le Rapporteur spécial d'outrepasser son mandat et de ne pas respecter pas le code de conduite des procédures spéciales. Ce genre d'attitude mine la crédibilité du Conseil des droits de l'homme. Si la République populaire démocratique de Corée, comme beaucoup d'autres pays, n'est pas exemplaire en matière de droits de l'homme, la confrontation est contreproductive. La Fédération de Russie estime qu'un mécanisme supplémentaire, comme le groupe d'experts indépendants envisagé dans le rapport, serait inutile et inefficace, en plus d'être une perte de ressources.
La République démocratique populaire lao a rappelé son opposition aux résolutions ciblant spécifiquement des pays, estimant qu'elles ne peuvent ni traiter efficacement des questions de droits de l'homme, ni créer un climat d'engagement constructif. Le cadre approprié pour traiter de la situation (des droits de l'homme dans un pays donné) est l'Examen périodique universel, a-t-elle rappelé. La République démocratique populaire lao a indiqué noter les efforts faits par la République populaire démocratique de Corée pour discuter avec la communauté internationale de la situation des droits de l'homme dans le pays, y compris avec ce Conseil, comme en témoigne sa participation au Débat de haut niveau et à l'Examen périodique universel. La République démocratique populaire lao appelle donc la communauté internationale à poursuivre son engagement positif avec la République populaire démocratique de Corée et cette dernière à coopérer avec les mécanismes de droits de l'homme pour remplir ses obligations.
Le Soudan rappelle que la coopération avec le pays concerné et le consentement de celui-ci sont essentiels pour promouvoir les droits de l'homme en suivant les principes de neutralité et de non-politisation. La Soudan tient à rappeler que la République populaire démocratique de Corée a accepté plus de 110 des recommandations qui lui avaient été adressées lors du deuxième cycle de l'Examen périodique universel. Le Bélarus a estimé que le renforcement des pressions politiques sur la République populaire démocratique de Corée ne ferait que réduire l'espace de dialogue. Le Conseil des droits de l'homme doit renoncer à toute politisation du dialogue sur les droits de l'homme, a insisté le Bélarus. La République arabe syrienne a indiqué rejeter par principe toute utilisation sélective et politisées des droits de l'homme. Elle a en outre noté des a priori dans le rapport du Rapporteur spécial, estimant qu'il ne mentionnait pas l'impact des sanctions internationales et unilatérales imposées à la République populaire démocratique de Corée sur l'état des droits de l'homme dans le pays. La Syrie a par ailleurs constaté le refus de certains pays d'envoyer des délégations en République populaire démocratique de Corée pour y constater de visu et à l'invitation de ce pays la situation qui y prévaut. La Syrie appelle au dialogue constructif. Le Venezuela a quant à lui dénoncé le caractère biaisé, interventionniste et anachronique du mandat du Rapporteur spécial et a regretté que ce dernier n'ait pas tenu compte de l'impact des mesures coercitives unilatérales prises à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée. Il faut impliquer l'État concerné dans un échange constructif, a estimé le Venezuela, avant d'ajouter que selon lui, l'Examen périodique universel indique le chemin à suivre. Le Venezuela a indiqué qu'il continuerait à s'opposer, pour des raisons de principe, aux mandats ciblant des pays au sein de ce Conseil.
L'Espagne a jugé intolérable la poursuite des crimes contre l'humanité et des graves violations des droits de l'homme mentionnés dans le rapport du Rapporteur spécial. Elle se joint donc aux appels de M. Darusman en faveur du jugement des responsables de ces faits et souhaiterait savoir si le Rapporteur spécial a identifié dans d'autres pays des bonnes pratiques en matière d'obligation redditionnelle qui pourraient être appliquées à la République populaire démocratique de Corée.
L'Albanie a aussi enjoint au Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée de prendre des mesures immédiates pour faire cesser toutes les violations des droits de l'homme, notamment en renouant la coopération avec les mécanismes onusiens et en leur accordant un plein accès. La situation semble quelque peu s'améliorer dans la péninsule coréenne avec la reprise du dialogue politique, a remarqué l'Albanie. Il n'en demeure pas moins que la mise en place d'un cadre de reddition de comptes doit être au centre des futures discussions sur la péninsule. L'Albanie a salué l'adoption de la résolution 2270 du Conseil de sécurité et exhorté la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour que les auteurs de crimes contre l'humanité soient dûment sanctionnés. L'Albanie a en outre fermement appuyé le renvoi par le Conseil de sécurité de la question des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée devant la Cour pénale internationale.
Plusieurs organisations non gouvernementales se sont également exprimées. Human Rights Watch a dit soutenir la proposition du Rapporteur spécial de créer un groupe d'experts internationaux sur l'établissement des responsabilités, compte tenu de la gravité, du nombre et de la nature des violations des droits de l'homme. Il faut démontrer au Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée que la justice passera et que la reddition des comptes sera effective, a insisté Human Rights Watch. Amnesty International a pour sa part déclaré qu'il y a très peu d'informations sur la véritable situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée en raison du contrôle absolu qu'exerce le pays sur les communications et la liberté d'expression. Il faut que le Conseil demande au Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée de lever toutes les restrictions à la liberté d'expression dans ce pays.
United Nations Watch a attiré l'attention du Conseil sur la situation des femmes transfuges de «Corée du nord», qui selon la représentante sont victimes de violences, y compris sexuelles, en particulier de la part de la police nord-coréenne. People for Successful Corean Reunification a pour sa part attiré l'attention sur les pénuries alimentaires qui frappent les citoyens «nord-coréens» et sur la situation de ceux qui parviennent à obtenir l'autorisation de travailler à l'étranger et qui voient alors souvent leurs revenus confisqués par les responsables gouvernementaux.
Réponses et conclusion du Rapporteur spécial
M. DARUSMAN a fait savoir que son travail des six dernières années avait été un travail collectif mené au nom de toute la population de la République populaire démocratique de Corée. Le Rapporteur spécial a souligné que la résolution des problèmes de ce pays dépend de la volonté de son Gouvernement. S'il s'est dit conscient des efforts réalisés par le Conseil de sécurité, le Rapporteur spécial n'en a pas moins recommandé à la communauté internationale de poursuivre le travail de collecte d'informations et de preuves. C'est pourquoi il préconise que le Conseil des droits de l'homme crée un groupe d'experts sur l'établissement des responsabilités. Ce groupe prendrait le relais de la commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme dans la République populaire démocratique de Corée, pour que les responsables des crimes répondent de leurs actes. Il faudrait également jeter des ponts avec les organisations non gouvernementales et avec tous les intervenants susceptibles d'apporter des contributions pour mieux lutter contre l'impunité, a recommandé le Rapporteur spécial.
Situation des droits de l'homme en Érythrée
Mise à jour orale
MME SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, a présenté une mise à jour orale de la situation dans ce pays en se concentrant sur la situation des enfants érythréens non accompagnés qui traversent les frontières internationales, attirant l'attention sur quelques-unes des causes profondes de ce mouvement et sur leurs besoins de protection. Elle a en outre expliqué que, dans l'esprit d'ouverture de son mandat, elle avait adressé aux autorités érythréennes, le 24 août 2015 et le 12 février 2016, deux lettres aux fins d'une visite dans le pays, qui sont restées sans réponse. Mme Keetharuth a ensuite remercié la Suisse, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni pour lui avoir permis de se rendre dans ces pays pour y rencontrer des Érythréens qui y vivent.
Mme Keetharuth a rappelé qu'elle collecte des informations sur le sort des enfants érythréens migrants non accompagnés depuis 2013, dans des pays voisins de l'Érythrée et d'autres, plus lointains. Elle a expliqué avoir conduit, entre novembre dernier et février 2016, 60 entretiens, dans le plein respect de la confidentialité, avec de tels enfants, et avoir également eu des entretiens avec des professionnels et des représentants d'organisations non gouvernementales qui travaillent avec ces enfants. Ces entretiens ont porté sur la situation dans le pays avant le départ des enfants en question et sur les raisons qui les ont poussés à partir. Ces entretiens confirment que les raisons des départs décrites dans le rapport précédent (A/HRC/29/41) continuent de prévaloir. Les enfants cherchent en effet avant tout à trouver un accès à l'éducation et à d'autres modes de développement personnel. La situation semble différente selon qu'ils sont d'origine rurale ou urbaine mais, dans tous les cas, la cause des départs est la situation des droits de l'homme dans le pays et l'incapacité du Gouvernement érythréen à satisfaire les rêves et aspirations des membres de la nouvelle génération, qui souhaitent vivre autrement que comme des soldats. La majorité des enfants de 12 à 13 ans ont ainsi dit qu'ils avaient peur d'être contraints de servir dans l'armée, a souligné la Rapporteuse spéciale.
Mme Keetharuth a souligné que la situation des droits de l'homme en général contribuait à aggraver le phénomène des enfants érythréens migrants non accompagnés et que ces enfants étaient exposés au risque d'arrestation et de détention arbitraires et à la torture, comme victimes ou comme témoins. Beaucoup ont également dit être partis à la recherche d'une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles, a-t-elle ajouté. Mme Keetharuth a mis en garde contre le risque de les considérer de ce fait, à tort, comme des migrants économiques, alors qu'ils fuient le désespoir.
La Rapporteuse spéciale a ensuite mis l'accent sur les besoins de protection de ces enfants, rappelant qu'il incombait en premier lieu au Gouvernement érythréen de les satisfaire, mais aussi à la communauté internationale. Elle a salué le programme «Vivre, apprendre et jouer en sécurité» mené depuis 2014 par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au profit des enfants réfugiés et non accompagnés dans plusieurs pays voisins. Elle a ensuite recommandé au Gouvernement de l'Érythrée de donner la priorité à l'amélioration de la situation globale des droits de l'homme en traitant les plus urgents et dans le cadre des obligations internationales du pays de traiter des causes profondes du nombre considérable de départs. Elle a par ailleurs recommandé à la communauté internationale d'apporter des réponses individualisées aux besoins des enfants non accompagnés, en mettant l'accent sur le soutien psychologique, du fait des traumatismes qu'ils ont endurés.
Mme Keetharuth a également expliqué qu'à l'occasion de l'introduction de nouveaux billets en nakfa - la monnaie nationale - en novembre dernier, la population avait eu six semaines pour échanger ses anciennes coupures contre des nouvelles. Or, alors que les dépôts étaient illimités durant les deux premières semaines, il n'a ensuite été possible pour les gens que de retirer 5000 nakfa par mois; en outre, certaines mesures mises en place semblent violer le droit à la vie privée. Par ailleurs, la Rapporteuse spéciale a dit n'avoir reçu aucune confirmation concrète d'une réduction à 18 mois de la durée du service national, ce qui signifie qu'on doit toujours considérer qu'il peut être indéfiniment prolongé, ce qui l'assimile à du travail forcé.
Pays concerné
L'Érythrée a déploré devoir répondre une nouvelle fois à un nouveau rapport oral de la Rapporteuse spéciale dont le mandat a été établi sous le faux prétexte d'une crise préconçue des droits de l'homme. Contrairement aux préjugés et mythes colportés par la Rapporteuse spéciale, a déclaré la délégation érythréenne, la situation de l'Érythrée a continué à se caractériser par la paix et la stabilité, par l'unité et l'harmonie de son peuple, qui jouit de ses droits fondamentaux et n'est aucunement un «lieu où les gens vivent dans la peur sous surveillance». Au cours des quatre années écoulées, a poursuivi la délégation érythréenne, le pays a renforcé la promotion de la dignité des femmes et le fait de commettre un viol n'est nullement accepté, ni par la culture, ni par la législation. On ne saurait taxer l'Érythrée d'insécurité juste parce que la Rapporteuse spéciale n'a pu y effectuer de visite, a ajouté la délégation.
Rejetant de la même façon la qualification de pays où «les personnes vivent assiégées par leur Gouvernement », l'Érythrée a fait valoir les efforts de développement en cours, la lutte et la résilience de la population et du Gouvernement, ainsi que le renforcement des possibilités de retour des citoyens ayant illégalement émigré, ce qui balaye les déclarations de la Rapporteuse spéciale selon lesquelles «nul ne peut retourner par crainte de représailles». Ces efforts se poursuivent en dépit des menaces extérieures qui, elles, constituent des violations des droits du peuple érythréen et ont un impact certain sur le développement de la nation, a ajouté la délégation érythréenne.
Le Gouvernement érythréen a continuellement objecté à l'attitude hostile de la Rapporteuse spéciale, dont les positions ont aussi manipulé la Commission indépendante d'enquête sur l'Érythrée, a poursuivi la délégation érythréenne. Elle a déploré que les pressions exercées par les Etats-Unis et leurs alliés affectent également les travaux du Conseil. Le moment est venu que le Conseil cesse son approche de confrontation contre-productive, a déclaré la délégation, assurant que le Gouvernement érythréen poursuivrait ses efforts d'élargissement et de renforcement des partenariats, qui reflètent sa position politique indépendante.
Débat interactif
L'Union européenne a déploré le refus persistant de coopération des autorités érythréennes avec la Rapporteuse spéciale, soulignant que cette coopération serait dans l'intérêt du Gouvernement. Les nombreuses violations des droits de l'homme et l'absence de perspectives ouvertes aux jeunes sont très préoccupantes, a estimé l'Union européenne, qui s'est interrogée sur les mesures les plus urgentes que le Gouvernement devrait prendre pour s'attaquer aux causes profondes de la fuite des mineurs non accompagnés. L'Union européenne a demandé à la Rapporteuse spéciale de dire comment les pays de transit pourraient combattre les violations des droits de l'homme – notamment le trafic d'êtres humains – subies par les Érythréens en exil. L'Union européenne s'est aussi interrogée sur la manière de contrôler les flux financiers issus du trafic des migrants. La Suisse a salué le choix de la Rapporteuse spéciale de s'intéresser à la question des migrants mineurs non accompagnés, un phénomène préoccupant. La Suisse a demandé à la Rapporteuse spéciale de dire si elle avait identifié des sujets spécifiques par rapport à la situation des mineurs non accompagnés érythréens qu'elle aimerait approfondir. La Belgique a affirmé que les enfants sont en effet les premières victimes du trafic d'êtres humains, appelant le Gouvernement érythréen à s'attaquer à ce problème en particulier. La Belgique a également demandé à l'Érythrée de mettre en œuvre les recommandations de la commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en Érythrée.
Face aux milliers de jeunes érythréens qui fuient le pays, le Conseil doit trouver un moyen de résoudre la question des droits de l'homme dans ce pays, ont déclaré les États-Unis, estimant à cet égard que la fin du service militaire obligatoire pourrait être un bon début. La Rapporteuse spéciale a été priée de dire si le Gouvernement érythréen semblait prêt à agir en ce sens. Les efforts accomplis par l'Érythrée en matière de droits économiques et sociaux, notamment en matière de santé, ne peuvent en aucun cas justifier le non-respect des droits civils et politiques, a dit la France, ajoutant que le nombre toujours élevé d'Érythréens fuyant le pays, au péril de leur intégrité physique ou de leur vie, témoignait de la nécessité d'une amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays. La France appelle le Gouvernement érythréen à appliquer les engagements qu'il a pris dans le cadre de l'Examen périodique universel. Elle aimerait savoir si ce pays applique la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et si l'annonce d'une limitation à 18 mois du service national s'est traduite dans les faits.
Le recrutement forcé est la première cause du départ des jeunes Érythréens, a déclaré Djibouti, appelant le Gouvernement de l'Érythrée à coopérer avec la Rapporteuse spéciale. Pour Djibouti, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les actes des torture ou encore les détentions arbitraires et les mises au secret peuvent être des éléments constitutifs de crimes contre l'humanité. Par le biais du Processus de Khartoum impliquant l'Union européenne et l'Union africaine, le Royaume Uni travaille avec ses partenaires africains pour mettre en place de nouveaux programmes de développement dans l'Est de l'Afrique. Il invite donc le Gouvernement érythréen à améliorer la situation des droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, qui est une des causes du départ des jeunes Érythréens vers l'Europe. En tant qu'amie de longue date de l'Érythrée, la Norvège a pris note de la coopération de ce pays avec l'Examen périodique universel et l'a appelé à limiter effectivement la durée du service militaire.
Le Venezuela a réitéré sa position de principe, qui est l'opposition aux mandats concernant des pays spécifiques. Cette pratique contraire à la Charte des Nations Unies, a dit le Venezuela, a été à l'origine de la disparition de l'ancienne Commission des droits de l'homme. La République populaire démocratique de Corée s'est opposée à toute ingérence dans les affaires intérieures des pays sous prétexte de défendre les droits de l'homme. Le Soudan a rejeté la politisation des mécanismes du Conseil. Au lieu de l'accuser, la communauté internationale devrait fournir une assistance technique à l'Érythrée pour l'aider à sortir de sa situation, a demandé le Soudan.
La Chine a demandé à la communauté internationale de tenir compte des difficultés de l'Érythrée, un des rares pays en développement à avoir atteint les Objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique.
Plusieurs organisations non gouvernementales sont également intervenues. East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, dans une déclaration conjointe avec Reporters sans frontières International, s'est dit préoccupé par l'écart entre la description faite par l'Érythrée lors du débat et la réalité décrite par la Rapporteuse spéciale. Le fait est que les enfants fuient le risque de conscription illimitée et les multiples violations des droits de l'homme et que les recommandations de l'Examen périodique universel sont ignorées par les autorités de ce pays. Le Mouvement international de la réconciliation a constaté que si les procédures spéciales mises en place par le Conseil des droits de l'homme depuis quatre ans avaient permis de mettre en lumière les multiples violations des droits de l'homme en Érythrée, les situations décrites se perpétuent malgré tout. Les gens fuient un pays qui n'offre pas la moindre lueur d'espoir. Le Conseil doit tout faire pour appuyer la Rapporteuse spéciale et la commission d'enquête dans l'exercice de leurs mandats.
La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a mis l'accent sur la marginalisation des femmes en Érythrée. Elle a relevé que si la conscription militaire indéfinie est pénible pour tous, elle est particulièrement dure pour les femmes conscrites, qui servent de domestiques aux militaires de haut rang et sont soumises à toutes sortes d'abus. La Ligue s'alarme par ailleurs de l'extension récente du service militaire aux personnes âgées. Pour United Nations Watch, s'il est nécessaire de proposer des solutions à long terme, il ne faut pas oublier pour autant de prendre des mesures d'urgence pour aider les jeunes Érythréens qui fuient leur pays. Le Conseil devrait s'assurer que les pays d'accueil des enfants érythréens non accompagnés leur offrent toute la protection dont ils ont besoin, alors que nombre de ces enfants, en particulier dans les pays immédiatement voisins de l'Érythrée, vivent dans des conditions très dangereuses qui sont une insulte à la conscience humaine.
CIVICUS - Alliance mondiale pour la participation des citoyens a noté avec préoccupation que le Gouvernement érythréen avait fermé tous les lieux de réunion, d'expression et de participation citoyenne, et qu'il utilise des moyens sophistiqués pour espionner ses citoyens, dans le pays ou à l'étranger. L'ONG exhorte le Gouvernement à autoriser la liberté d'expression, de réunion et d'association. L'Institut international pour la paix, la justice et les droits de l'homme a demandé au Conseil des droits de l'homme de multiplier les enquêtes sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, si grave qu'elle incite nombre de ressortissants de ce pays à fuir et émigrer en s'exposant à de nombreux abus de la part des passeurs.
En fin de dialogue, l'Érythrée a remercié les États qui ont dit leur opposition aux résolutions spécifiques à des pays et a répété son propre rejet de ces procédures. L'Érythrée a initié des changements importants dans sa situation des droits de l'homme et plaide pour un dialogue avec les Nations Unies dans la dignité, a indiqué la délégation érythréenne. L'Érythrée est engagée pour le développement de l'enfance, a-t-elle poursuivi, assurant que le Gouvernement est conscient du phénomène des mineurs migrants non accompagnés. Mais ce phénomène n'a rien à voir avec le service militaire, a assuré l'Érythrée. La durée du service militaire n'est pas indéfinie: elle a seulement été prolongée du fait des circonstances, a expliqué la délégation.
Réponses et conclusion par la Rapporteuse spéciale
MME SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, a précisé avoir pris la parole aujourd'hui en tant que Rapporteuse spéciale et non en tant que membre de la Commission d'enquête, qui est un mandat différent. Elle a observé que le Gouvernement érythréen s'était quelque peu ouvert à la coopération avec les organismes de la communauté internationale. Ainsi des observateurs internationaux ont pu avoir accès au pays. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a visité notamment quelques prisons : la question est de savoir si cette coopération va s'étendre à d'autres centres de détentions. Mme Keetharuth a demandé aux pays d'origine, de transit et de destination d'œuvrer dans l'intérêt supérieur des enfants migrants non accompagnés.
Mme Keetharuth a affirmé n'avoir reçu aucune information de la part du Gouvernement érythréen au sujet de la limitation de la durée du service militaire. En tant que Rapporteuse spéciale, elle n'a pas étudié la question de la reddition de comptes, mais elle est très réactive aux questions urgentes des droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale a demandé au Gouvernement érythréen de donner des informations sur les lieux de détention aux familles des personnes détenues. C'est une mesure très simple, a dit la Rapporteuse spéciale, ajoutant que le gouvernement devrait de même autoriser les visites de prisons par des observateurs. L'Érythrée devrait en outre se mettre beaucoup plus à l'écoute de sa jeunesse, y compris en créant un mécanisme de communication avec les autorités, a conclu la Rapporteuse spéciale.
_________
Union européenne, Estonie, Ireland, Fédération de Russie, Australie, Allemagne, Portugal, Cuba, États-Unis, République islamique d'Iran, Norvège, Japon, Chine, République tchèque, République de Corée, Royaume Uni, Botswana, Soudan, Belarus, République démocratique populaire lao, Slovaquie, Lituanie, République arabe syrienne, Nouvelle Zélande, Venezuela, Espagne, Albanie, France, Human Rights Watch, United Nations Watch, Amnesty International, et People for Successful Corean Reunification.
** Délégations ayant participé au débat interactif sur les droits de l'homme en Érythrée: Union européenne, Suisse, Belgique, États-Unis, Venezuela, France, Djibouti, République populaire démocratique de Corée, Royaume-Uni, Chine, Soudan, Norvège, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (au nom également de Reporters sans frontières International), Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, United Nations Watch, Mouvement international de la réconciliation, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens et l'Institut international pour la paix, la justice et les droits de l'Homme.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC16/029F