Fil d'Ariane
LE CONSEIL TIENT DES DÉBATS INTERACTIFS AVEC LES EXPERTS INDÉPENDANTS SUR LES SITUATIONS EN HAÏTI ET AU MALI
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités, deux dialogues interactifs individuels avec chacun des deux Experts indépendants chargés, respectivement, de la situation des droits de l'homme en Haïti, pour ce qui est de M. Gustavo Gallón, et de la situation des droits de l'homme au Mali, pour ce qui est de M. Suliman Baldo. Le Conseil a par ailleurs conclu son débat interactif, entamé hier avec le Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme, M. Ivan Šimonović, sur la mission du Haut-Commissariat visant à promouvoir les droits de l'homme, le respect de l'obligation de rendre des comptes et la réconciliation et à renforcer les capacités au Soudan du Sud.
Les délégations* qui se sont exprimées au sujet du Soudan du Sud ont condamné les nombreuses violations des droits de l'homme qui se produisent dans ce pays. Elles ont demandé aux autorités de ce pays de prendre toutes les mesures pour y mettre fin. La priorité est la formation d'un gouvernement transitoire d'unité nationale, qui permettra au pays de se remettre sur pieds, ont estimé plusieurs intervenants.
Présentant son rapport, M. Gallón a constaté qu'Haïti se trouvait dans une situation de transition dont la sortie ne sera pas facile. Mais il a demandé au Conseil d'apprécier les efforts que les dirigeants actuels ont consentis jusqu'à présent. La fragilité de la gouvernance en Haïti souligne toutefois l'urgence d'organiser des élections pour améliorer la situation des droits de l'homme, a dit M. Gallón. L'Expert indépendant a regretté que quatre de ses recommandations relatives à l'analphabétisme, à la détention préventive prolongée, à la lutte contre l'impunité et aux conditions de vie des personnes vivant dans les camps n'aient pas fait l'objet d'une attention suffisante.
Un groupe de pays amis d'Haïti a salué le processus électoral engagé depuis octobre dernier et lancé un appel au dialogue constructif entre tous les acteurs politiques. Les amis d'Haïti lui demandent de poursuivre les réformes tendant au renforcement de l'état de droit et au bon fonctionnement des institutions étatiques, de la justice et de la police. Le Gouvernement haïtien a été prié aussi de réduire les inégalités et de protéger les droits des femmes et des enfants. Les délégations ont appuyé le renouvellement du mandat de l'Expert indépendant. Il a été observé également qu'en raison de la complexité de la situation en Haïti, il était essentiel de prendre en compte les besoins immédiats et réels de ce pays, en matière de sécurité alimentaire, de reconstruction de l'infrastructure et la lutte contre la pauvreté. De nombreuses délégations** ont pris part à ce débat.
S'agissant du Mali, M. Baldo a présenté son rapport en se disant préoccupé par la situation sécuritaire dans certaines régions du pays du fait de l'intensification des attaques de narcotrafiquants et de groupes armés contre les forces internationales et contre les populations civiles et leurs biens. À cela s'ajoute un risque grandissant de violences intercommunautaires, a mis en garde d'Expert indépendant. Cependant, l'arrêt des combats et la signature d'un accord de paix entre le Gouvernement et certains groupes rebelles sont des évolutions très positives dont le Gouvernement devrait tirer profit pour procéder aux réformes institutionnelles prévues, a recommandé M. Baldo.
De nombreuses délégations*** sont intervenues dans le cadre du débat sur le Mali. Elles sont convenues avec l'Expert indépendant que la situation des droits de l'homme s'était globalement améliorée au Mali depuis la signature de l'Accord de paix. Elles ont toutefois insisté sur l'insécurité qui prévaut encore dans le nord du pays, marqué par la résurgence d'actes de violence extrémiste et d'attaques terroristes contre la population, l'armée malienne et les forces des Nations Unies. Les priorités du Gouvernement devraient être de restaurer l'autorité de l'État dans les régions du nord, de mettre rapidement en œuvre les engagements pris dans le cadre de l'Accord de paix et de lutter contre l'impunité. Les délégations ont souligné que le Mali aura besoin de l'appui de la communauté internationale dans toutes ces tâches.
Le Conseil examine, à la mi-journée, plusieurs autres rapports soumis par le Haut-Commissaire et par le Secrétaire général au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités. Il tiendra un débat général sur ces rapports, avant d'entamer, cette après-midi, la dernière phase de sa session, durant laquelle, pendant deux jours, il doit se prononcer sur l'ensemble des projets de résolution et de décision dont il est saisi à cette session.
Fin du débat interactif sur le rapport du Haut-Commissariat visant à promouvoir les droits de l'homme et à renforcer les capacités au Soudan du Sud
Fin du débat interactif
Le Mozambique a regretté qu'un pays aussi jeune que le Soudan du Sud soit retombé dans le conflit avant même d'avoir pu consolider ses institutions et a salué ses efforts en faveur de la paix avec le soutien de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), de l'Union africaine et de la communauté internationale. Le Mozambique attend la formation d'un gouvernement transitoire d'unité nationale, qui permettra au pays de se remettre sur pied. Il appelle donc la communauté internationale à appuyer le Soudan du Sud, notamment dans l'application d'une justice de transition et de la redevabilité tels que prévus par l'accord d'août 2015. L'Angola a également salue les efforts menés au plan national et international ainsi que l'accord d'août dernier, qui doit permettre le retour à la paix, mais a indiqué rester préoccupé par la situation des droits de l'homme et a appelé le Soudan du Sud à collaborer avec les mécanismes des droits de l'homme. L'Angola appelle la communauté internationale à apporter les ressources techniques et financières nécessaires pour assurer la réussite du processus de paix.
La Chine a fermement condamné toutes les violations des droits de l'homme commises contre les civils et les attaques contre les forces des Nations Unies. Estimant que les causes profondes des violations des droits de l'homme sont liées au conflit, la Chine demande que soit évitée toute mesure qui nuirait au processus de réconciliation. Le Conseil des droits de l'homme doit jouer un rôle constructif et la communauté internationale doit poursuivre son appui au Soudan du Sud, a indiqué la Chine, avant de se dire prête à y prendre sa part.
Face à l'ampleur des crimes, la France est d'avis que la lutte contre l'impunité doit être une priorité. Elle appelle donc à la mise en place rapide du tribunal hybride sous l'égide de l'Union africaine et de la Commission pour la Vérité et la Réconciliation.
Le Ghana reconnaît quant à lui que le Soudan du Sud a fait des efforts pour revenir à la paix mais il invite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour démanteler les structures sources de violence et à lutter contre l'impunité. Les parties doivent faire en sorte de mettre en place un gouvernement transitoire d'unité nationale, a ajouté la délégation ghanéenne. L'Albanie reconnaît elle aussi les efforts consentis mais estime que la situation des droits de l'homme ne fait que se dégrader, avec une augmentation sans précédent des violences sexuelles et des exactions contre les enfants. Par ailleurs, l'Albanie demande au Gouvernement du Soudan du Sud de permettre l'expression de la société civile.
La Suisse est profondément préoccupée par les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire à grande échelle commises par toutes les parties au conflit – violations qu'elle condamne fermement. Elle appelle tous les acteurs à mettre fin à la violence et à prendre un engagement immédiat et sincère pour que l'accord pour la résolution du conflit puisse être mis en œuvre et met en particulier l'accent sur le Chapitre V de l'accord, relatif à la justice transitionnelle, la redevabilité et la réconciliation. Si l'État n'a pas la volonté ou les moyens d'assurer la reddition des compte, il appartient à la communauté internationale de s'engager en faveur de la lutte contre l'impunité par le biais de la Cour pénale internationale ou d'un autre mécanise international ou régional, a souligné la Suisse.
Les États-Unis considèrent que la situation au Soudan du Sud est l'une des plus graves auxquelles le Conseil des droits de l'homme soit confronté. Les États-Unis coparrainent la résolution qui prévoit la création d'un mécanisme de suivi et de rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud, mécanisme qui serait en outre chargé de conseiller le Gouvernement de transition sur la justice transitionnelle, la redevabilité et la réconciliation. La Nouvelle-Zélande juge particulièrement horrible l'utilisation à large échelle du viol comme arme de guerre et juge les progrès au Soudan du Sud beaucoup trop lents. Elle demande un mécanisme d'enquête, notamment sur les atrocités commises dans le camp de Malakal.
Plusieurs organisations non gouvernementales sont intervenues. La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a constaté une détérioration dramatique de la situation des droits de l'homme au Soudan du Sud depuis fin 2013, avec des dizaines de milliers de civils tués – la plupart suite à des attaques délibérées sur la base de leur appartenance ethnique ou de leurs allégeances perçues – et plus de 2,3 millions de déplacés. La FIDH a aussi souligné que des infrastructures de base, cliniques, hôpitaux, écoles et mosquées ont été pillées et détruites. Les abus sexuels, y compris les viols, sont quasi systématiques, de même que la violence à grande échelle. Pis encore, a insisté la FIDH, même la Mission de l'ONU sur place n'est pas épargnée puisque ses sites sont également attaqués, comme ce fut le cas dans le camp de Malakal il y a un mois. La FIDH a par ailleurs dénoncé l'impunité de telles violations depuis que le conflit a éclaté et a relevé que le rapport du Haut-Commissariat montre que le Gouvernement ne déploie aucun effort d'enquête ni de poursuites des auteurs. La FIDH a en conséquence exigé l'établissement d'une cour pénale hybride, comme prévu dans l'accord de paix d'août dernier. Elle a été appuyée en cela par Human Rights Watch qui, dans une déclaration conjointe, a affirmé que depuis la fin de la mission d'évaluation du Haut-Commissariat, le 17 février dernier, les forces gouvernementales avaient perpétré de nouvelles violences à l'encontre de civils dans le camp de Malakal, qui a été presqu'entièrement détruit. D'autres abus ont été signalés dans des régions comme l'Equatoria-Occidental, qui jusqu'à présent, n'étaient pas affectées.
Le Service international pour les droits de l'homme a également estimé que la situation au Soudan du Sud requiert une action d'urgence, raison pour laquelle il importe que le Haut-Commissariat mette en place un mécanisme concret de suivi et de reddition de comptes qui pourrait inclure, entre autres, un rapporteur spécial et une cour pénale hybride pour le Soudan du Sud. La Commission arabe des droits de l'homme a souligné que le rapport de la mission d'évaluation stipule qu'il est urgent de mettre fin aux violations étendues des droits de l'homme et du droit humanitaire international, ainsi que de rendre justice et d'assurer l'obligation redditionnelle. Quelles sont les garanties nécessaires pour éviter que la structure judiciaire spécialisée préconisée ne se transforme pas en une justice d'exception, a demandé l'ONG, avant de s'interroger sur le délai d'observation de l'établissement des tribunaux hybrides avant de référer le cas devant la Cour pénale internationale. East and Horn of Africa Human Rights Project, au nom également de CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, a fait observer que les défenseurs des droits de l'homme sont passés à tabac, menacés et harcelés au Soudan du Sud, même après la signature de l'accord de paix. L'ONG a proposé au Conseil de créer un mandat à long terme sur la reddition de comptes et la justice de transition.
Réponses et conclusions du Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme
M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme, a jugé «important» l'engagement du Conseil à s'impliquer dans la question du Soudan du sud, de façon à contribuer à rompre la spirale de violences et créer des conditions favorables à l'émergence d'un état de droit, ainsi que pour ouvrir l'espace démocratique, y compris pour la société civile.
Il s'est également félicité de l'engagement du gouvernement de transition à créer des mécanismes de reddition de comptes, notamment le tribunal hybride sous l'égide de l'Union africaine et la future commission vérité et réconciliation. Les Nations Unies sont disposées et désireuses d'accompagner la création de ces mécanismes, a dit M. Šimonović, ajoutant qu'il faudra de toute façon renforcer le système judiciaire du pays, même après la création du tribunal hybride. Toutefois, d'autres mécanismes sont envisageables, notamment la Cour pénale internationale, a-t-il conclu.
Assistance technique et renforcement des capacités: situation des droits de l'homme en Haïti
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi du rapport de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti (A/HRC/31/77)
M. GUSTAVO GALLÓN, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a rappelé avoir recommandé aux autorités haïtiennes, dès son premier rapport il y a deux ans, de concentrer leurs efforts sur plusieurs aspects qu'il jugeait particulièrement inquiétants, en particulier l'analphabétisme, la détention préventive prolongée, l'absence d'élections ou l'impunité concernant les violations passées.
Il a estimé que des efforts importants avaient été faits sur le plan démocratique, avec l'installation d'un nouveau Gouvernement chargé d'organiser des élections qui ont donné lieu à des scrutins en août et octobre dernier. En revanche, le second tour de l'élection présidentielle, qui était prévu en décembre, a dû être reporté à la suite de protestations populaires face aux résultats du vote. Un accord conclu le 5 février a permis l'élection par les deux chambres du Parlement de M. Jocelerme Privert comme président provisoire à partir du 7 février, date de la fin du mandat du président sortant, en attendant le second tour de l'élection présidentielle, prévu en même temps que les législatives et les élections locales, le 24 avril prochain. L'accord a permis un passage pacifique du président sortant aux nouvelles autorités, ce qui «n'est pas négligeable» dans le contexte des tensions politiques en Haïti, a estimé M. Gallón. En revanche, le Premier ministre pressenti, Fritz Jean, n'a pas obtenu l'investiture du Parlement, et les affaires courantes sont actuellement expédiées par le Premier ministre sortant Evans Paul.
Pour l'Expert indépendant, Haïti se trouve donc «dans une situation de transition assez embrouillée dont la sortie n'est pas facile». Dans ces conditions, il estime qu'il faut apprécier les efforts que les dirigeants actuels ont consentis jusqu'à présent pour trouver une «solution civilisée» à ce problème au moyen du dialogue politique, tel que conseillé par la commission nationale d'évaluation électorale. M. Gallón estime que ces efforts méritent le soutien de la communauté internationale. L'expert indépendant estime que la fragilité actuelle de la gouvernance en Haïti vient confirmer la pertinence d'inclure l'organisation des élections parmi les cinq recommandations urgentes formulées en matière de droits de l'homme.
Il a estimé en revanche que ses autres recommandations n'avaient pas fait l'objet d'une attention suffisante. Il a ainsi estimé qu'au rythme actuel, la réduction de l'analphabétisme, qui touche environ la moitié de la population, prendra au moins vingt ans. De même, malgré une volonté très positive du Ministre de la justice, la campagne de libération des personnes arrêtées arbitrairement et en détention préventive prolongée a eu peu d'effet. Ces personnes représentent encore 72 % des personnes incarcérées dans le pays, ce qui contribue aussi à la surpopulation carcérale. En matière de lutte contre l'impunité, M. Gallón a réitéré sa recommandation tendant à créer une commission Vérité, justice et réparation pour les graves violations des droits de l'homme commises par le passé.
L'Expert indépendant a également rappelé que 60 000 personnes étaient toujours déplacées dans des camps à cause du tremblement de terre de janvier 2010 et de cyclones, soit un chiffre similaire à celui de l'an dernier. Il a également mentionné le sort douloureux de plusieurs milliers d'Haïtiens ou de personnes d'origine haïtienne enjoints de quitter «sous pression» la République dominicaine et installés dans des conditions très précaires dans des camps exposés aux épidémies, dont le choléra.
M. Gallón a par ailleurs insisté sur sa recommandation tendant à créer une commission Vérité, justice et réparation pour faire respecter les droits de plus de 9000 victimes du choléra. À cet égard, l'Expert indépendant a rappelé que, le 23 octobre 2015, cinq titulaires de mandat de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme avaient adressé une lettre au Secrétaire général pour insister sur la nécessité de donner accès à ces victimes à un mécanisme de prise en considération de leurs demandes.
En conclusion, M. Gallón a exprimé l'espoir que les difficultés de gouvernance actuelle puissent être surmontées et permettre l'adoption d'une politique de droits de l'homme concentrée sur ses recommandations. Il a également estimé que les droits des femmes devraient être considérés de façon prioritaire, étant donné leur situation de vulnérabilité. Il a souhaité que soit désignée «au plus haut niveau du Gouvernement, une personne responsable des droits humains», comme cela avait été le cas jusqu'en décembre 2014.
Pays concerné
Haïti a salué la pertinence et l'objectivité du rapport de M. Gallón, qui a pu constater à la fois la complexité de la situation, mais aussi les efforts du Gouvernement. À ce titre, plusieurs mesures et initiatives ont été prise, notamment dans le domaine de la détention préventive prolongée, un problème récurrent. Le gouvernement haïtien a lancé un programme dit «Opération coup de poing» permettant de concerner un nombre significatif de personne détenues préventivement et de manière prolongée. Ce programme, qui vise à réduire le phénomène à défaut de l'éliminer, inclut également la rédaction d'un projet de code de procédure pénale. Le problème de l'analphabétisme est abordé par des campagnes de sensibilisation qui exigent toutefois des moyens considérables s'inscrivant dans le long terme.
Le représentant a ensuite présenté la situation politique du pays, née du report des élections présidentielles initialement prévue le 24 janvier dernier: un nouveau Premier ministre a été désigné hier, après que la déclaration de politique générale de son prédécesseur ait été rejetée dimanche soir par la Chambre des députés. Cette nomination intervient dans le cadre de «l'Accord politique pour continuité institutionnelle à la fin du mandat du Président de la République en l'absence d'un président élu et pour la poursuite du processus électoral entamé en 2015». Le Gouvernement a également pris des mesures dans le domaine de la crédibilité judicaire, notamment avec la mise en disponibilité de plusieurs juges pour des manquements à leurs devoirs et d'un juge pour négligence dans le traitement des dossiers qui lui étaient confiés.
Le gouvernement a également pris des mesures pour l'enregistrement des naissances, consistant en la publication d'un décret pour alléger la procédure de déclaration tardive des naissances. La délégation s'est enfin réjouie de l'appel lancé par l'Expert indépendant aux autorités de la République dominicaine pour qu'elles mettent fins aux discriminations dont sont victimes les Haïtiens ou les personnes d'origine haïtienne vivant dans ce pays. Haïti se félicite du renouvellement du mandat de l'Expert indépendant, son représentant assurant que son gouvernement mettra en œuvre ses recommandations.
Débat interactif
Intervenant au nom du Groupe des Amis d'Haïti, le Brésil a réitéré son appui au mandat de l'Expert indépendant et reconnu la qualité de la coopération qu'il a engagée avec les autorités haïtiennes. Les Amis d'Haïti considèrent que les efforts d'Haïti pour éliminer la pauvreté et promouvoir le développement durable méritent un soutien renforcé tant du Gouvernement haïtien que de la communauté internationale. Les Amis d'Haïti saluent particulièrement le processus électoral engagé en octobre dernier et appellent tous les acteurs politiques à maintenir un vrai dialogue et à travailler ensemble dans un esprit constructif. Ils soutiennent d'autre part les recommandations de l'Expert indépendant au sujet du processus de consolidation de la stabilité politique, notamment celle appelant les autorités haïtiennes à la mise en place d'un Plan d'action pour la promotion et la protection des droits de l'homme en Haïti. Les Amis soulignent enfin l'importance de maintenir un bureau chargé des droits de l'homme en Haïti. À titre individuel, le Brésil a espéré que les élections présidentielles du 24 avril se dérouleraient sans heurt et que le prochain Président entrerait en fonctions le 14 mai, comme prévu.
La Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), par la voix de la République dominicaine, a rappelé que les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté réunis en janvier dernier à Quito avaient réaffirmé l'engagement régional en vue du renforcement de l'ordre démocratique en Haïti par l'organisation d'élections pour choisir le futur président. La CELAC a exhorté tous les acteurs et secteurs de la société à privilégier le dialogue et à éviter toute action susceptible de mettre en péril la sécurité de la population et l'aboutissement de ce processus. La CELAC s'est aussi engagée à continuer à contribuer aux efforts de reconstruction du pays, conformément au cadre et priorités définis par le Gouvernement, et dans le plein respect de son autorité et souveraineté et du principe de non-ingérence. La CELAC a salué le fait qu'en dépit des défis, Haïti a néanmoins soumis ses rapports périodiques aux organes de traités.
L'Union européenne a encouragé à la poursuite des réformes tendant au renforcement de l'état de droit et du bon fonctionnement des institutions étatiques, de la justice et de la police en Haïti. Elle a insisté sur la lutte contre les inégalités sociales, les détentions préventives et l'impunité, et sur la prise de mesures concrètes permettant de renforcer les capacités de la police nationale et du système judiciaire et pénitentiaire. L'Union européenne a également estimé que le processus électoral devait se poursuivre selon le calendrier prévu par l'accord du 6 février 2016. Elle a demandé à l'Expert indépendant comment surmonter les problèmes liés à la situation des droits de l'homme par l'accélération et la coordination des efforts nationaux et internationaux.
La France a également encouragé Haïti à persévérer dans ses réformes dans le domaine des droits de l'homme et dans la coopération avec l'Expert indépendant pour la mise en œuvre des recommandations figurant dans le rapport. La France a considéré indispensable l'application de mesures concrètes de restauration de l'appareil judiciaire, d'amélioration des conditions de détentions et de lutte contre les inégalités économiques, sociales et culturelles. Ces réformes ne pourront avoir lieu qu'avec l'achèvement du processus électoral. Elle a précisé qu'à la demande des autorités haïtiennes, la France intervient en soutien au système éducatif national. La France a demandé quelles seraient les voies à emprunter pour la création d'une autorité responsable des droits de l'homme au plus haut niveau de l'exécutif; et quelles sont les «bonnes pratiques» capables de réduire la surpopulation carcérale et d'améliorer les conditions de détention des mineurs.
Le Venezuela a mis l'accent sur la grave crise humanitaire et sur la dévastation du pays causée par le tremblement de terre qui a aggravé la pauvreté et les insuffisances du système alimentaire, éducatif et sanitaire haïtien. Plus de trois millions de personnes auraient encore besoin d'une assistance sanitaire et alimentaire d'urgence: il importe donc de remettre en état l'infrastructure éducative et de santé. Le Venezuela est favorable au versement d'indemnités aux victimes du choléra et demande que les responsabilités de la flambée soient établies. Le Venezuela fournit une aide humanitaire, du carburant, des médicaments, des subventions financières à Haïti. Il a réitéré l'appel aux pays développés pour qu'ils apportent, sans délai, l'assistance technique, financière et humanitaire réclamée par Haïti. Cuba a réaffirmé que, lors de toute discussion sur Haïti, il est essentiel de prendre en compte, d'abord et avant tout, les besoins immédiats et réels de ce pays, ce qui est une dette envers sa population qui a lutté pendant des siècles contre le joug du colonialisme et du despotisme. Cuba a appelé les pays développés au respect de leur engagement, obligation morale pour la reconstruction et le développement durable.
Le Chili a insisté sur les droits des femmes et des enfants et sur la nécessité de mettre un terme à l'impunité. Il a appelé le Gouvernement à apporter des rectifications aux irrégularités en vue d'un bon déroulement des prochaines échéances électorales. Quelles mesures de lutte contre les inégalités pourraient être mise en place dans un délai raisonnable ?
Le Royaume-Uni a regretté la lenteur des progrès dans la lutte contre les inégalités, l'accès à la justice et la réforme institutionnelle. Il a appelé toutes les parties à œuvrer, ensemble, pour la bonne organisation des élections. Quelles autres mesures pourrait prendre la communauté internationale pour accélérer la mise en œuvre des recommandations dans les cinq axes prioritaires – lutte contre les inégalités sociales, encadrement des conditions de détention, renforcement institutionnel, lutte contre l'impunité et besoins humanitaires – esquissés par l'Expert indépendant? Le Maroc, en tant que pays francophone, s'est dit prêt à partager son expérience de justice transitionnelle pionnière en Afrique et dans le monde arabe, avant d'appeler à un concours plus décisif de la communauté internationale pour relever le défi de l'alphabétisation, la lutte contre la pauvreté et de l'octroi d'un logement convenable.
La Chine a noté que la situation en Haïti est toujours complexe et fragile. Les rapatriés, les déplacés, la reconstruction et le retour de la paix posent toujours problème, ce qui exige des mesures fortes pour garantir la sécurité alimentaire, la reconstruction de l'infrastructure et la lutte contre la pauvreté.
L'Espagne s'est félicitée du rapport complet de l'Expert indépendant qui préconise des mesures de choc dans tous les axes prioritaires. Les événements des derniers mois ont mis à nu la faiblesse des institutions haïtiennes. Il a souligné le grave problème de famine dans le pays, se demandant quelles mesures à prendre d'urgence. Enfin, les États-Unis ont apporté tout leur appui au titulaire de mandat, le priant de faire part de ses conclusions et observations à l'issue de ses visites récentes dans plusieurs prisons haïtiennes, et sur les conditions de l'installation de migrants à la frontière sud-est avec la République dominicaine.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. United Nations Watch s'est déclaré préoccupé par la généralisation de la détention préventive prolongée, qui devient systématique dans le pays. Aujourd'hui, 70 % des détenus sont en préventive, et parmi les femmes détenues ce chiffre atteint même les 87 %. L'organisation a également observé que les femmes haïtiennes sont les plus vulnérables et les plus touchées par les inégalités sociales qui frappent Haïti. L'ONG a appuyé les recommandations de l'Expert indépendant relatives aux droits de la femme.
La Fédération des ligues internationales des droits de l'homme a pour sa part estimé que la situation politique dans laquelle se trouve Haïti après le report des élections faisait craindre une crise politique prolongée menant à un vide institutionnel. Dans ce contexte, la Fédération a appelé tous les partis à éviter les discours inflammatoires et à œuvrer, avec la communauté internationale, à une sortie de crise grâce à des élections ouvertes et crédibles. Quant à l'impunité qui règne encore en Haïti, l'ONG recommande aux autorités de soutenir le juge en charge de l'instruction de l'affaire Duvalier et consorts; d'ouvrir des enquêtes sur les personnes suspectées de crimes internationaux; et de ratifier le Traité de Rome, la Convention contre la torture et la Convention internationale contre les disparitions forcées.
International Association of Democratic Lawyers a relevé que le choléra avait déjà fait plus de 9200 morts et 77 000 hospitalisations depuis que les soldats de maintien de la paix de l'ONU ont déclenché l'épidémie, il y a cinq ans. L'ONG a demandé la création d'une commission de Vérité, justice et réparation pour les victimes du choléra. Le Conseil des droits de l'homme doit reconnaître la responsabilité des Nations Unies dans cette épidémie et s'assurer que des réparations soient octroyées aux victimes. Human Rights Watch a déploré les problèmes d'hygiène, d'eau potable et d'assainissement dans les écoles haïtiennes, même parmi les plus récentes. Selon l'organisation, 60 % des écoles n'ont pas de toilettes ni d'eau potable. Cette situation est de nature à propager le choléra, comme l'a montré une étude de 2012 qui a révélé que les enfants scolarisés étaient les premières victimes de l'épidémie.
À l'issue du débat, Haïti a remercié une nouvelle fois M. Gallón, ainsi que toutes les délégations qui sont intervenues. Le Gouvernement reste engagé à créer un état de droit et donc à accorder la plus grande attention aux recommandations de l'Expert indépendant, qui vont dans ce sens. Haïti continuera de coopérer avec tous les mécanismes du système des Nations Unies.
Réponses et conclusion de l'Expert indépendant
M. GALLÓN a exprimé sa reconnaissance envers la réceptivité d'Haïti à son rapport et aux délégations, en notant qu'elles avaient en général appuyé ses recommandations. En réponse à l'Union européenne, l'Expert indépendant a fait observer que la coopération pour Haïti gagnerait à être mieux coordonnée, ce qui en améliorerait les résultats et les rendrait plus faciles à mesurer: c'est ce à quoi tendent les cinq recommandations qu'il a présentées. L'Expert indépendant a par ailleurs indiqué que l'initiative «coup de poing» menée l'an dernier par le Ministère de la justice pour réduire le nombre de détentions préventives avait été, de l'aveu du ministre lui-même, peu efficace, et qu'elle s'était de plus déroulée en même temps que la libération parallèle – mais sans lien – de plusieurs criminels, ce qui a suscité des protestations et terni l'image de la justice. M. Gallon a regretté cet échec, estimant que l'opération aurait pu, vu ses modalités, constituer un exemple de bonne pratique en matière de lutte contre la surpopulation carcérale.
L'Expert indépendant est aussi revenu sur la situation très difficile des personnes d'origine haïtienne expulsées de République dominicaine. Il a rappelé qu'il n'avait pas de mandat concernant la République dominicaine mais avait lancé un appel humanitaire aux autorités de ce pays. M. Gallon a par ailleurs rappelé que la gouvernance d'Haïti est délicate du fait de la transition et a émis des doutes sur la possibilité de tenir comme prévu les élections le 24 avril. Il a de nouveau insisté sur l'importance de l'alphabétisation pour lutter contre les inégalités, et sur la nécessité d'améliorer les services publics d'accès à l'eau ou au logement, entre autres.
Assistance technique et renforcement des capacités: situation des droits de l'homme: situation des droits de l'homme au Mali
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi du rapport de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Mali (A/HRC/31/76).
M. SULIMAN BALDO, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Mali, qui a pris ses fonctions le 1er août 2013, a dit avoir entrepris sa cinquième mission au Mali du 7 au 15 octobre dernier, suivi par une sixième du 21 février au 2 mars 2016, afin de mettre à jour les informations. Il a précisé avoir notamment visité le centre du pays, dans la région de Mopti, et eu l'occasion d'entendre de nombreuses victimes de violations des droits de l'homme aussi bien dans cette région qu'à Bamako. Durant toutes ses missions, le mandat a bénéficié de la pleine coopération du Gouvernement malien, a indiqué M. Baldo. Il a souligné que son objectif était de faire un état des lieux et de s'enquérir de l'état d'avancement de la mise en œuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et des dispositions essentielles relatives aux droits de l'homme qu'il contient. L'Expert indépendant entendait en outre faire le suivi des cas emblématiques de violations graves mentionnés dans ses rapports précédents. Il a affirmé que les défis auxquels le pays est confronté sont énormes et multiformes: la gouvernance, la sécurité et la réforme institutionnelle, notamment dans le secteur de la justice pour mener à bien la lutte contre l'impunité. Je suis préoccupé par la situation sécuritaire dans certaines zones, a ajouté l'Expert. L'intensification des attaques, contre les forces de la MINUSMA, les forces armées maliennes (FAMA) et des civils, par des groupes violents extrémistes s'est étendue au centre et au sud du pays, a-t-il précisé. À ces attaques s'ajoutent les risques grandissants de violence intercommunautaire et la montée des agressions de narcotrafiquants et autres bandits armés contre la circulation des personnes et de leurs biens. Cette situation affecte également les humanitaires. L'insécurité et l'absence ou insuffisance de services sociaux de base continuent de ce fait à entraver le retour des réfugiés et de personnes déplacées qui veulent regagner leurs communautés dans les zones affectées par le conflit, a insisté M. Baldo.
L'arrêt des combats et le respect continu du cessez-le-feu entre les groupes armés de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion) et de la Plateforme est une évolution très positive, a poursuivi l'Expert indépendant. Certaines initiatives ont été prises par le Gouvernement pour faire avancer la mise en œuvre de l'Accord de paix, mais il y a une certaine frustration de la part des groupes armés qui jugent que les choses n'avancent pas assez rapidement au niveau politique. «J'encourage le Gouvernement à profiter de cette période critique, qui est la période intérimaire en vertu de l'Accord de paix, pour procéder aux réformes institutionnelles prévues et pour que la protection des civils et les droits de l'homme puissent être pleinement assurés et respectés», a déclaré M. Baldo. Il a noté que la grande majorité de victimes de crimes graves commis au Nord du Mali pendant la crise de 2012-13 par les groupes extrémistes violents, les mouvements armés et dans certains cas par les forces maliennes, attendent toujours justice, même si quelques avancées ont étéì enregistrées dans deux cas emblématiques, dont celui du chef de l'ex-junte militaire de 2012 le Général Amadou Haya SANOGO et autres inculpés d'enlèvement de personnes et d'assassinat. Le Mali s'est engagé aussi sur la voie de la justice transitionnelle à travers l'établissement de la Commission Justice, Vérité et Réconciliation, a poursuivi l'Expert indépendant. Cependant, l'élargissement de la composition de la Commission de 15 à 25 commissaires récemment décrété devra respecter les normes et bonnes pratiques, y compris de transparence et de participation dans l'identification de nouveaux membres, a-t-il ajouté. En conclusion, M. Baldo a recommandé vivement au Conseil de renouveler le mandat de l'Expert indépendant pour permettre une assistance continue, ainsi que le suivi et l'évaluation des progrès dans le domaine de la promotion et de la protection des droits humains au Mali.
Pays concerné
Le Mali a remercié la communauté internationale d'avoir mis en place un programme d'assistance technique et de renforcement des capacités au Mali dès les premiers jours de la crise. Depuis lors, des progrès ont été accomplis, notamment avec la signature en mai-juin 2015 de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger. Les parties signataires se sont engagées, dans cet accord, au respect des droits de l'homme; à la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, notamment par l'opérationnalisation de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation; à la création d'une Commission d'enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les crimes de génocide, les crimes sexuels et autres violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire sur tout le territoire malien; à la non-amnistie pour les auteurs de ces crimes; et à la consolidation du pouvoir judiciaire. Aussi, au titre des avancées dans la mise en œuvre des initiatives du Gouvernement malien, convient-il de citer la diligence des poursuites judiciaires contre les auteurs présumés de violations graves des droits de l'homme devant la Cour pénale internationale et les juridictions pénales maliennes; la conduite de la réforme judiciaire et pénitentiaire et de la réforme du secteur de la sécurité; l'opérationnalisation du Pôle judiciaire spécialisé antiterroriste et l'adoption de textes visant à lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et l'enrichissement illicite; l'application de la justice transitionnelle par le démarrage des activités de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation; ainsi que l'adoption au niveau du Conseil des ministres des textes révisant le statut de la Commission nationale des droits de l'homme.
Il convient en outre de noter les efforts en cours par le Gouvernement en matière de lutte contre l'impunité, avec l'ouverture systématique d'information judiciaire pour tout cas de violations porté à la connaissance des autorités, a ajouté la délégation malienne. D'autre part, aucune mesure d'amnistie n'a été envisagée, a-t-elle souligné. En dépit des efforts du Gouvernement, de la société civile et de la communauté internationale, la situation des droits de l'homme demeure précaire, avec la recrudescence des attentats terroristes, a reconnu le Mali. C'est pourquoi le Gouvernement du Mali sollicite le renouvellement du mandat de l'Expert indépendant, a fait savoir la délégation malienne.
Débat interactif
L'Union européenne a estimé que la situation au Mali s'est nettement améliorée mais demeure effectivement fragile. Le retour à l'ordre constitutionnel et la signature de l'Accord de paix sont aussi les fruits des efforts des partenaires du pays et de la communauté internationale pour appuyer le processus de paix et de restauration de la démocratie. L'Union européenne rappelle qu'elle est le premier bailleur de fonds du Mali. Pour l'Union européenne, l'amélioration de la sécurité passe par la mise en œuvre de l'Accord de paix de mai-juin 2015. Elle rappelle que la lutte contre l'impunité constitue une priorité et demande que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation soit dotée des moyens nécessaires à son action et son indépendance. L'Union européenne est favorable au renouvellement du mandat de l'Expert indépendant, de même que la France, qui estime qu'il joue un rôle essentiel de suivi en complément de celui joué par la Division des droits de l'homme de la MINUSMA. La France rappelle par ailleurs l'importance des travaux de la Cour pénale internationale pour lutter contre l'impunité et encourage les autorités maliennes à poursuivre leur coopération avec elle. La Belgique, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis ont salué l'engagement du Gouvernement malien en faveur de la paix et de la réconciliation mais ont regretté la lenteur de la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de l'Accord de paix. Les États-Unis aimeraient en outre avoir l'avis de l'Expert indépendant quant à la meilleure manière pour la communauté internationale de soutenir les efforts du Mali dans la mise en œuvre de cet Accord. La Belgique se félicite pour sa part de l'augmentation de la présence des femmes au sein du Gouvernement malien mais estime néanmoins qu'elles restent sous-représentées au niveau décisionnel.
La Belgique a par ailleurs déploré que de nombreuses violations des droits de l'homme ne trouvent aucune suite sur le plan pénal et a donc souligné l'importance de la lutte contre l'impunité. À cet égard, la Norvège rappelle la responsabilité fondamentale du Gouvernement malien en matière de droits de l'homme et est très préoccupée par les allégations de violations des droits de l'homme commises par les forces de sécurité, y compris des exécutions extrajudiciaires et des arrestations arbitraires. Le Mali doit enquêter sur tous ces crimes, a insisté la Norvège. L'Estonie, qui a rappelé sa contribution en termes de sécurité et d'aide humanitaire, a salué les efforts du Gouvernement malien en matière de justice transitionnelle. L'Estonie a jugé nécessaire de réformer la Commission nationale de droits de l'homme afin de la rendre conforme aux normes internationales (Principes de Paris). Le Danemark a indiqué qu'il restait préoccupé par la situation dans le nord du Mali et a souligné que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme doivent être conformes au droit international: les droits de l'homme doivent être au centre du développement du pays s'il veut obtenir une paix durable et la stabilité. Le Danemark demande que beaucoup plus soit fait pour garantir un dialogue national inclusif et la réconciliation, ainsi que pour lutter contre l'impunité. Il demande aussi des mesures pour lutter contre les violences à l'encontre des femmes.
L'Espagne a jugé positive la libération de prisonniers politiques dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord de paix, mais a plaidé pour que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation devienne rapidement opérationnelle. Elle a en outre insisté sur l'importance d'une justice militaire réellement impartiale capable d'enquêter sur les violations des droits de l'homme commises par les forces armées. Elle a par ailleurs plaidé pour un renforcement du rôle des femmes dans le processus de paix et a souhaité savoir si l'Expert indépendant considérait que la situation des enfants s'était détériorée dans le nord du pays.
L'Afrique du Sud, au nom du Groupe africain, a noté les importants progrès réalisés par le Mali dans le domaine des droits de l'homme, s'agissant notamment de la signature de l'Accord de paix et de réconciliation, suite à un processus inclusif de négociations dirigé par l'Algérie et la communauté internationale. L'Afrique du Sud a pris note de la préparation d'un plan d'action pour assurer la mise en œuvre de l'Accord, ainsi que des efforts du Mali pour lutter contre l'impunité dans le cadre d'un système de justice indépendant. Le Groupe africain déplore toutefois la résurgence d'actes de violence extrémistes et d'attaques terroristes contre la population, l'armée malienne et les forces des Nations Unies. La République du Congo a considéré l'Accord de paix comme une évolution remarquable ouvrant la voie vers un Mali nouveau, tout en déplorant la détérioration de la sécurité et en invitant les autorités maliennes à lutter sans relâche contre l'impunité. Le Togo comme la Côte d'Ivoire se sont félicités des différentes évolutions positives et en premier lieu de l'Accord de paix – qui contient des dispositions essentielles pour les droits de l'homme – tout en indiquant rester préoccupés par la situation sécuritaire et notamment le terrorisme. Ces deux pays appellent la communauté internationale à tenir ses promesses et à aider le Mali, y compris par le biais de l'assistance technique, en particulier pour renforcer l'autorité de l'État. Le Soudan s'est félicité de la tenue en 2015 d'une conférence internationale sur le rôle et la complémentarité des plusieurs mécanismes de justice transitionnelle et a appelé la communauté internationale à respecter ses engagements en fournissant au Mali une assistance technique en étroite coopération avec le pays.
Le Maroc a jugé courageuses les réformes engagées par le Mali en faveur d'une culture des droits de l'homme, lesquelles doivent se poursuivre parallèlement au renforcement de l'appui apporté au Gouvernement malien afin de lui permettre d'assurer un retour rapide de l'autorité de l'État dans les régions du nord. Le Maroc a indiqué être disposé à soutenir le processus de justice traditionnelle menés par le pays et à renforcer la coopération entre les institutions nationales de droits de l'homme des deux pays.
Le Gabon a déploré la détérioration de la situation sécuritaire caractérisée par la recrudescence du terrorisme, la MINUSMA payant à cet égard un lourd tribut. Djibouti s'est réjoui de l'évolution positive de la situation politique au Mali depuis la signature, d'une part, de l'Accord pour la paix et la réconciliation entre le Gouvernement et la CMA et d'autre part, du Pacte d'honneur de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Djibouti a encouragé le Gouvernement malien à entreprendre des actions efficaces pour lutter contre l'impunité et veiller à la compatibilité des mesures de lutte antiterroriste avec ses engagements internationaux. L'Algérie a salué à son tour le processus de paix et le fait que les parties prenantes du processus d'Alger aient complètement cessé de s'affronter, notamment à la faveur des rencontres inter et intra-communautaires de rapprochement, qui ont favorisé l'émergence d'une dynamique de travail toute nouvelle au sein des instances de suivi de l'Accord. L'Algérie a en outre fermement condamné les attentats terroristes ciblant le Mali. Le Bénin a exhorté les différentes parties prenantes à assurer la mise en œuvre effective et suivie des termes de l'Accord. Le Bénin a en outre manifesté sa solidarité suite aux événements dramatiques au Mali résultant d'actes de violence perpétrés par des groupes armés et extrémistes. Le Bénin a en conséquence exhorté la communauté internationale à poursuivre son assistance au Mali dans la lutte contre les actes terroristes, afin de les éradiquer et de permettre au pays de retrouver définitivement l'environnement sécuritaire favorable au développement économique et social et à la lutte contre la pauvreté. Le Tchad et le Ghana se sont ralliés à la déclaration du Groupe africain et ont invité les parties prenantes à s'investir dans la consolidation de la paix. Le Tchad a rappelé qu'il avait perdu dix soldats de la paix dans cette guerre asymétrique.
Le Sénégal et le Mali sont des pays unis par l'histoire et la géographie, qui entretiennent d'excellentes relations politiques et économiques, a déclaré le Sénégal, qui a noté que le rapport établit clairement les évolutions très positives au Mali en matière politique. Le Sénégal a cependant pointé du doigt les défis, en particulier le terrorisme meurtrier, conjugué avec l'extrémisme violent et avec le banditisme transfrontalier et ciblant des innocents, civils et étrangers. Le Sénégal s'est dit convaincu que le Mali mérite de la communauté internationale toute l'assistance requise.
Le Royaume-Uni s'est dit d'avis que la pleine mise en œuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation est le meilleur moyen d'améliorer la situation des droits de l'homme et de réduire l'espace pour les terroristes et la criminalité organisée au Mali. La remise en route des services de base et la sécurité demeurent des défis majeurs car leur absence, en particulier dans les régions du nord, permet aux terroristes de commettre, en toute impunité, des abus contre les civils. Le Royaume-Uni a salué dans ce contexte la proposition du Gouvernement malien de créer des centres mobiles de conseil. Il s'est par ailleurs inquiété de la remise en liberté d'individus soupçonnés de commission de crimes de guerre et d'attentats terroristes, sous le couvert de mesures de restauration de la confiance avec les groupes armés. Le Royaume-Uni a estimé à ce propos que la justice due aux victimes, familles et communautés est une composante clé du processus national de consolidation de la paix.
Le Botswana s'est félicité des efforts du Mali pour l'exécution des dispositions de l'Accord de paix, saluant la libération d'un certain nombre de prisonniers politiques et la mise en place, en octobre 2015, d'une Commission ad hoc chargée de l'identification des personnes qu'il faut libérer. Toutefois, pour le Botswana, la situation sécuritaire générale dans les régions du nord, du centre et du sud continue à se détériorer, alors que la résurgence d'attaques terroristes et asymétriques qui ciblent spécifiquement les membres des forces armées maliennes et de la MINUSMA est troublante. Le Botswana a aussi mis l'accent sur les lacunes dans les enquêtes au sein des forces armées et sur le nombre réduit de poursuites dans les affaires de violence sexuelles. L'Égypte a salué le contrat social et la Charte d'honneur conclus entre les parties au Mali mais a recommandé davantage de garanties contre l'impunité. L'Égypte a dénoncé la situation effroyable de certains enfants et mineurs dans certaines régions, de même que les abus à l'égard des femmes. La Chine a dit apprécier les recommandations contenues dans le rapport concernant la lutte contre l'impunité et a insisté sur la nécessité de préserver la souveraineté territoriale et politique du Mali. Elle a en outre dénoncé les prises d'otages, s'agissant en particulier d'une situation qui a conduit au décès de plusieurs ressortissants chinois. La Chine a vigoureusement condamné toutes les attaques contre les forces armées maliennes et celles de la MINUSMA.
Plusieurs organisations non gouvernementales sont intervenues dans ce débat. La Fédération internationale des ligues de droit de l'homme (FIDH) a estimé que les efforts engagés en faveur d'un processus de réconciliation nationale ne devaient pas être sapés par de nouvelles nominations au sein de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation qui seraient de nature «à remettre en cause l'impartialité de ses membres en raison de la présence de représentants de groupes armés ou de potentiels présumés responsables de crimes». Elle a ajouté que «l'effectivité du travail de la Commission passerait par la qualité de sa composition mais également par sa capacité à garantir à toutes les victimes la recherche de la vérité, de la justice et de leur réparation en toute sécurité». United Nations Watch a dénoncé les exactions de l'armée malienne, appelant celle-ci à mettre immédiatement un terme à la torture, aux arrestations arbitraires et aux arrestations de masse sur la base de l'appartenance ethnique, politique et religieuse. L'ONG a affirmé que les communautés peul et arabes étaient particulièrement ciblées.
Pour sa part, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO) a salué l'engagement des autorités maliennes pour la mise en œuvre de l'Accord de paix, malgré la poursuite des actes criminels perpétrés quasi quotidiennement par les groupes extrémistes terroristes. Elle s'est enquise des suggestions de l'Expert indépendant pour lutter contre le trafic d'ivoire, de drogue, d'armes légères et contre les activités de braconnage qui servent de plus en plus à financer les groupes extrémistes terroristes. Le Bureau international catholique de l'enfance s'est inquiété de l'augmentation considérable du nombre de jeunes mendiants qui «finissent par élire domicile dans la rue». Les violences sexuelles, la pédophilie notamment, ont augmenté, a ajouté l'ONG, déplorant que les institutions chargées de la protection de l'enfance, la justice en particulier, soient déficientes dans l'accomplissement de leur mission. L'Expert indépendant devrait donc examiner la situation des enfants, une des catégories de personnes parmi les plus affectées par la situation conflictuelle au Mali, a-elle insisté, appelant de ses vœux le renouvellement du mandat de l'Expert indépendant.
À l'issue de ce dialogue, le Mali a remercié M. Baldo pour son travail et l'a remercié, ainsi que le Conseil, pour leur interaction constructive. Le Mali a indiqué prendre note des recommandations formulées à son intention et s'est engagé à y accorder toute l'accusation requise.
Réponses et conclusion de l'Expert indépendant
M. BALDO a relevé que les intervenants s'étaient inquiétés de l'insécurité persistante et des lenteurs de l'application de l'Accord de paix. S'agissant de la lutte contre divers trafics, il a souligné que le problème étant loin d'être limité au Mali et que ce pays pouvait difficilement y faire face seul.
Pour ce qui est des mesures contre l'impunité prises par le Mali, il faudrait davantage de moyens et une plus grande volonté politique, a poursuivi l'Expert indépendant. En outre, la situation sécuritaire fait que les travailleurs de la chaîne pénale ne peuvent instruire de dossiers dans le nord, a-t-il fait observer. La meilleure garantie pour la protection des citoyens et pour le respect de leurs droits fondamentaux repose sur la présence des autorités et des forces de sécurité sur toute l'étendue du territoire national, ce qui est encore loin d'être le cas, a-t-il souligné. Le retour des fonctionnaires, y compris ceux assurant des services de base, reste bien souvent à opérer, même si la MINUSMA appuie les efforts du Gouvernement en ce sens, a-t-il ajouté.
La réforme actuelle du secteur de la sécurité est l'une des interventions les plus importantes entreprises avec l'assistance internationale, a d'autre part indiqué M. Baldo. Le respect des droits de l'homme lors des interventions militaires est l'une des questions les plus importantes, a-t-il poursuivi, reconnaissant des «dérapages» lors de la reconquête dans le nord du pays. L'amélioration de la compétence des militaires de ce point de vue ne peut qu'améliorer la situation des droits de l'homme, a-t-il souligné. La réforme de la justice civile est essentielle et incontournable si l'on entend lutter contre l'impunité, a conclu l'Expert indépendant.
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*Délégations ayant participé au débat interactif sur le Soudan du Sud: Mozambique, Angola, Chine, France, Ghana, Albanie, Suisse, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Human Rights Watch, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project (au nom également de CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens), Service international pour les droits de l'homme, et la Commission arabe des droits de l'homme.
**Délégations ayant participé au débat interactif sur Haïti: Brésil (au nom du Groupe des Amis d'Haïti et en son nom propre), Union européenne, République dominicaine (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), France, Venezuela, Cuba, Chili, Royaume-Uni, Maroc, Chine, Espagne, États-Unis, United Nations Watch, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), International Association of Democratic Lawyers, et Human Rights Watch.
***Délégations ayant participé au débat interactif sur le Mali: Union européenne, France, Belgique, Nouvelle-Zélande, États-Unis, Belgique, Norvège, Estonie, Danemark, Espagne, Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), Congo, Togo, Côte d'Ivoire, Soudan, Maroc, Gabon, Djibouti, Algérie, Bénin, Tchad, Ghana, Sénégal, Royaume-Uni, national, Égypte, Chine, Bureau international catholique de l'enfance, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) , United Nations Watch, et la Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC16/051F