Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DEBAT DE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN REPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN ET AU MYANMAR
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, des débats interactifs distincts avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, M. Ahmed Shaheed, puis avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, Mme Yanghee Lee, qui ont tous deux présenté leurs rapports.
M. Shaheed a rappelé que, le mois dernier, des millions d'Iraniens avaient participé à des élections dont les résultats semblent indiquer un vote en faveur de politiques axées sur les questions économiques, l'engagement avec la communauté internationale et la protection des droits de l'homme. Il a précisé que son rapport faisait état de plusieurs mesures positives prises par le Gouvernement iranien dans des domaines intéressant les mécanismes de droits de l'homme; toutes ces mesures doivent se traduire par un changement réel et donc la fin des violations les plus graves, a-t-il demandé. Parmi ces violations, figurent une augmentation alarmante des exécutions illégales ainsi que des arrestations et arbitraires, détentions et poursuites d'individus qui n'avaient fait qu'exercer leurs droits fondamentaux, a-t-il précisé. Au moins 966 personnes ont été exécutées en 2015, soit le chiffre le plus élevé en vingt ans, a-t-il ajouté, indiquant que son rapport met également en évidence les menaces qui planent sur les minorités ethniques et religieuses en Iran. Pour le Rapporteur spécial, la situation préoccupante en Iran est due, d'une part, aux garanties juridiques insuffisantes contre les violations des droits de l'homme et, d'autre part, à la non-application ou la mauvaise application des lois qui correspondent aux obligations internationales du pays. La République islamique d'Iran est intervenue en tant que pays concerné, demandant notamment qu'il soit mis fin au mandat du Rapporteur spécial en raison de son caractère sélectif et partial.
Parmi les nombreuses délégations* ayant pris la parole dans le cadre du débat interactif qui a suivi cette présentation du Rapporteur spécial, bon nombre ont pris note des avancées mentionnées dans le rapport tout en se disant préoccupées par la persistance de nombreuses violations des droits de l'homme, en particulier pour ce qui a trait aux exécutions capitales, y compris de mineurs, et aux restrictions imposées aux libertés publiques ou aux activités des organisations de la société civile. Il a notamment été demandé à l'Iran de respecter les engagements qu'elle a pris dans le cadre de l'Examen périodique universel, d'adopter un moratoire sur la peine de mort et de respecter les droits des minorités. Un certain nombre de pays ont quant à eux dénoncé la politisation des questions relatives aux droits de l'homme, matérialisée, selon eux, par les mandats ciblant des pays particuliers. Aussi, certaines délégations ont déploré que les progrès et la coopération dont fait preuve l'Iran ne soient pas pris en compte et ont demandé qu'un terme soit mis au mandat du Rapporteur spécial.
Pour sa part, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Myanmar a déclaré que le 8 novembre 2015 était à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire du pays puisque les élections qui ont eu lieu ce jour-là ont marqué le point culminant du processus de réforme enclenché en 2011. La longue période de transition a généré une certaine incertitude mais la Rapporteuse spéciale a rendu hommage au Président et au Gouvernement sortant pour avoir favorisé le transfert de pouvoir. Témoignant de l'ampleur des changements, Mme Lee a cité la remise en liberté de plus d'une centaine de prisonniers politiques et le fait que Daw Aung Sang Suu Kyi, confinée en résidence surveillée pendant près de quinze ans, est aujourd'hui le chef de file du parti de la majorité parlementaire. Toutefois, beaucoup reste à accomplir et des questions délicates vont se poser ces tout prochains mois: plusieurs problèmes structurels, la nécessité de réformes législatives, la situation dans l'État d'Arakan (ou Rakhine) et le règlement du conflit au Myanmar, a précisé la Rapporteuse spéciale. Parmi les problèmes structurels, elle a souligné le fait que la Constitution accorde toujours à l'armée 25 % des sièges tant au Parlement que dans les assemblées régionales, ce qui lui donne un droit de veto effectif sur les changements constitutionnels, qui requièrent une majorité de 75 %. Mme Lee a recommandé l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat pour remplacer le dispositif actuel tout à fait insuffisant. Suite à cette présentation, le Myanmar est intervenu en tant que pays concerné, affirmant qu'une nouvelle culture politique, celle qui résout les problèmes par le dialogue et la négociation, s'est installée dans le pays dans le but de forger une réconciliation nationale pacifique. La délégation du Myanmar a demandé au Conseil de «revoir son agenda vis-à-vis du Myanmar».
Parmi les délégations** qui sont intervenues dans le cadre du dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale, certaines sont allées jusqu'à demander que le Myanmar soit retiré de l'ordre du jour du Conseil. L'écrasante majorité des intervenants ont en tout cas reconnu les progrès enregistrés par le Myanmar depuis quelques années et ont estimé que ces avancées exigent un soutien et des encouragements de la communauté internationale. Mais compte tenu des défis qui restent à relever, la communauté internationale devrait continuer d'assister ce pays, par le biais du dialogue, de la coopération et de l'assistance, a-t-il souvent été ajouté. De l'avis de nombreuses délégations, les défis qui persistent exigent que la communauté internationale reste vigilante, d'autant que de nombreux prisonniers politiques sont encore détenus, que les libertés fondamentales sont restreintes, que les minorités subissent toujours des discriminations et que la situation dans l'État d'Arakan n'est pas résolue. L'une des manières pour la communauté internationale de rester active sur le sujet est d'ouvrir un bureau du Haut-Commissariat au Myanmar et de proroger le mandat du Rapporteur spécial, a-t-il été souligné. Certains pays ont réitéré leur opposition à toute résolution ciblant des pays particuliers.
Demain matin, à partir de 9 heures, le Conseil tiendra un dialogue interactif avec la Commission d'enquête sur la République arabe syrienne. Dans la mi-journée, il entendra la présentation du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur la République populaire démocratique de Corée et sa mise à jour orale sur l'Erythrée, avant d'entamer son débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l‘attention du Conseil.
Les documents et rapports soumis au Conseil peuvent être consultés sur la page web dédiée à la documentation de la présente session.
Situation des droits de l'homme dans la République islamique d'Iran
Présentation du rapport
Le Conseil était saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans la République islamique d'Iran, M. Ahmed Shaheed (A/HRC/31/69, à paraître en française)
M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, a d'abord rappelé que, le mois dernier, des millions d'Iraniens avaient participé à des élections pour choisir leurs représentants au Parlement et au Conseil des experts : les résultats semblent indiquer un vote en faveur de politiques axées sur les questions économiques, l'engagement avec la communauté internationale et la protection des droits de l'homme. M. Shaheed a relevé que le nouveau Parlement iranien, lorsqu'il se réunira en mai, sera confronté à une myriade de problèmes économiques et dans le domaine des droits de l'homme. Mais il pourra aussi compter avec les opportunités offertes par la levée des sanctions économiques, lesquelles ont eu un impact très important sur le niveau de vie de la population.
M. Shaheed a indiqué que son rapport faisait état de plusieurs mesures positives prises par le Gouvernement iranien dans des domaines intéressant les mécanismes de droits de l'homme, comme par exemples des modifications dans le code de procédure pénale ou encore la volonté du Parlement de réviser les lois qui ont conduit au niveau élevé d'exécutions dans le pays. Toutes ces mesures doivent se traduire par un changement réel, et donc la fin des abus les plus graves, a demandé le Rapporteur spécial.
Parmi ces abus figurent une augmentation alarmante des exécutions illégales ainsi que des arrestations et arbitraires, détentions et poursuites d'individus qui n'avaient fait qu'exercer leurs droits fondamentaux. Au moins 966 personnes ont été exécutées en 2015, le chiffre le plus élevé en vingt ans ; 73 enfants auraient été exécutés entre 2005 et 2015. En outre, au moins 47 journalistes et militants de médias sociaux étaient détenus en janvier 2016, tandis que 272 cafés Internet auraient été fermés en 2015 au motif de « menaces pour les normes et valeurs de la société ». Le rapport met également en évidence les menaces qui planent sur les minorités ethniques et religieuses en Iran et notamment les persécutions contre les chrétiens iraniens et contre les bahaï.
Pour le Rapporteur spécial, la situation préoccupante en Iran est due, d'une part, aux garanties juridiques insuffisantes contre les violations des droits de l'homme ; et, d'autre part, à la non-application, ou la mauvaise application, des lois qui correspondent aux obligations internationales du pays. Le système de justice pénale iranien doit être réformé de manière fondamentale et urgente, a expliqué le Rapporteur spécial, estimant qu'une telle réforme pourrait aboutir à une amélioration considérable de la situation des droits de l'homme en Iran.
M. Shaheed s'est donc félicité des réformes apportées récemment au code de procédure pénale iranien, qu'il a jugées cependant insuffisantes : les journalistes, défenseurs des droits de l'homme ou membres des minorités ethniques ou religieuses inculpés pour « atteinte à la sûreté de l'État » ne bénéficient toujours pas de garanties suffisantes pendant leur procès. Le Rapporteur spécial a demandé à l'Iran de mettre fin à l'exécution de mineurs et à augmenter l'âge de la responsabilité pénale à 18 ans.
M. Shaheed a estimé que l'ampleur et l'urgence des questions présentées dans son rapport étaient emblématiques des problèmes que l'Iran devra résoudre pour améliorer vraiment sa situation des droits de l'homme. Heureusement, les solutions existent, comme le montrent certaines des évolutions positives mentionnées. M. Shaheed a également mis en avant la coopération du Gouvernement iranien, qui lui a permis d'avoir accès, à Genève, à des acteurs importants pour la réalisation des droits de l'homme sur le terrain. Il a néanmoins demandé, à nouveau, à pouvoir se rendre dans le pays, tout comme de nombreuses autres procédures spéciales.
Pays concerné
La République islamique d'Iran a déclaré que son système de démocratie religieuse était entièrement tourné vers la promotion et la protection des droits de l'homme. La République islamique d'Iran cherche la coopération et le dialogue et rejette la confrontation, la sélectivité et la politisation des questions relatives aux droits de l'homme. La République islamique d'Iran coopère avec nombre de mécanismes des Nations Unies, dont l'Examen périodique universel, et a reçu pas moins de sept mandats thématiques. En outre, depuis la révolution de 1979, elle a organisé plus de trente élections générales. Forte de ce bilan, la République islamique pense que le mandat de Rapporteur spécial est politiquement motivé. Elle observe par ailleurs que le Rapporteur spécial n'a pas respecté le code de conduite des procédures spéciales et qu'il se contente de formuler des commentaires généraux, de donner des informations erronées contraires à la réalité du pays. Le Rapporteur spécial ne tient pas non plus compte des commentaires et des informations donnés par l'Iran. Compte tenu de tous ces éléments, la République islamique d'Iran demande que soit mis fin au mandat du Rapporteur spécial en raison de son caractère sélectif et partial.
Débat interactif
La Chine a salué les efforts du Gouvernement de la République islamique d'Iran. La Chine a dit comprendre les défis auxquels le pays se heurte et a espéré que la communauté internationale examinerait la question des droits de l'homme en Iran de manière globale et en tenant compte des caractéristiques du pays.
La Fédération de Russie a dénoncé la sélectivité à l'œuvre dans le rapport du Rapporteur spécial, qui ne traite que des droits civils et politiques et ne dit mot des droits économiques, sociaux et culturels, et alors même que la République islamique d'Iran n'a cessé de montrer sa volonté de coopération quand d'autres ne font que la montrer du doigt. L'Iran a fait la preuve de sa coopération au sein de ce Conseil en participant et en mettant en œuvre les recommandations issus de l'Examen périodique universel, a ajouté le Venezuela, appelant à ce que les mandats de ce type soient supprimés, car ils ne servent que les intérêts politiques de ceux qui les initient.
La République populaire démocratique de Corée a, de même, condamné les mandats spécifiques imposés par les pays occidentaux et qui n'ont d'autre but que l'ingérence dans les affaires intérieures de pays tiers. L'Examen périodique universel est le seul mécanisme pertinent en matière de droits de l'homme. Le Conseil devrait apprécier les efforts consentis par la République islamique d'Iran, a plaidé la République arabe syrienne, tout en se demandant quels critères prévalent dans le choix des pays ciblés par ces mandats alors que le Conseil n'évoque jamais la situation d'autres États.
Le Tadjikistan s'est félicité de l'ouverture et de l'esprit de coopération constructive dont fait preuve l'Iran. Il estime que la pratique qui consiste à influencer des pays par le biais des mandats de procédures spéciales, sans travailler avec l'État partie lui-même, est une mesure unilatérale qui ne contribue pas à améliorer les droits de l'homme. L'Iraq a souhaité que soit mis un terme au mandat du Rapporteur spécial, qui ne permet pas de faire progresser la situation des droits de l'homme dans le pays concerné.
Le Bélarus a salué les mesures progressistes prises par l'Iran pour mettre en œuvre les recommandations reçues lors du deuxième cycle de l'Examen périodique universel. Le Belarus est convaincu que le dialogue constructif non politisé, fondé sur le respect de la souveraineté nationale, est le meilleur moyen de réaliser les droits de l'homme. Il ne voit donc pas de raison de prolonger le mandat du Rapporteur spécial. Enfin Cuba a rappelé son opposition aux résolutions ciblant spécifiquement des pays du Sud. Sans une approche de coopération véritable, le Conseil des droits de l'homme ne pourra mener à bien son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme. De l'avis de Cuba et de nombreuses autres délégations, l'Examen périodique universel est le seul mécanisme adéquat pour se pencher, dans un esprit constructif, sur la situation des droits de l'homme de tel ou tel pays.
Pour sa part, l'Union européenne s'est réjouie de quelques progrès enregistrés en Iran, comme les amendements au code de procédure pénale pour donner davantage de garanties à la défense. Mais l'Union européenne a aussi dit être préoccupée par le nombre alarmant d'exécutions capitales, par la persistance des discriminations à l'égard des minorités et des femmes et par les restrictions aux libertés fondamentales en Iran. Le Canada a, de même, pris note des efforts de la République islamique d'Iran dans certains domaines, mais s'est dit inquiet des exécutions de mineurs dans ce pays. Le Canada a appelé le Gouvernement iranien à adopter un moratoire sur la peine de mort, voire à l'abolir. L'Allemagne a relevé à ce propos que l'Iran avait procédé en 2015 à un nombre sans précédent d'exécutions capitales. Le Danemark a demandé au Rapporteur spécial s'il avait constaté des changements dans cette pratique.
La Belgique a dit partager, elle aussi, les préoccupations du Rapporteur spécial concernant l'application de la peine de mort à des enfants et pour des infractions qui ne sont pas considérées comme graves au regard du droit international. Elle a salué, en revanche, les tentatives pour limiter le nombre des exécutions capitales et a dit apprécier la volonté affichée du Gouvernement de réévaluer les lois en vigueur au regard des obligations de l'Iran au titre du droit international. La Belgique a regretté le refus réitéré de l'Iran, depuis 2005, d'accueillir les titulaires de mandat de procédures spéciales. L'Espagne a salué les efforts du Gouvernement iranien pour améliorer le fonctionnement de la justice – une condition essentielle d'une société plus juste – mais lui a demandé d'aller beaucoup plus loin dans cette démarche.
La Nouvelle Zélande a salué les progrès accomplis en Iran et a souhaité savoir comment la communauté internationale peut aider à améliorer la situation. La Suisse a regretté que la peine de mort soit appliquée en Iran à certaines infractions qui ne constituent pas les crimes les plus graves. La Suisse salue toutefois la volonté de l'Iran de renforcer la coopération avec la communauté internationale. L'ex-République yougoslave de Macédoine a espéré que le Gouvernement iranien changerait de position s'agissant de la coopération avec le Rapporteur spécial.
Le Japon y constaté que l'Iran améliorait ses relations avec la communauté internationale et a salué le dialogue entre le Rapporteur spécial et l'Iran qui se tient à New York et à Genève. Le Japon a déclaré en outre que la tenue, en février, du onzième « Dialogue irano-japonais sur les droits de l'homme » avait été l'occasion d'échanger des vues sur des problèmes pratiques liés aux droits de l'homme, y compris le nombre élevé d'exécutions en Iran et les chances d'une visite du Rapporteur spécial.
La Norvège a fait part de sa préoccupation devant le nombre élevé d'exécutions capitales en Iran et devant les obstacles posés aux activités des défenseurs des droits de l'homme. La situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran est en effet « très sombre », a dit l'Australie, déplorant les discriminations faites aux minorités ethniques et religieuses, dont la minorité bahaï, de même qu'aux femmes. Israël s'est dit extrêmement troublé par les discriminations faites aux femmes iraniennes dans tous les aspects de la vie. Israël a rejeté aussi le tableau qui fait de l'Iran un pays accueillant pour les réfugiés afghans, et dénoncé le fait que nombre de jeunes afghans sont enrôlés de force par les Gardiens de la Révolution pour se battre en Syrie.
Les États-Unis ont demandé à la République islamique d'Iran d'autoriser une visite du Rapporteur spécial. Ils ont dénoncé les nombreuses violations des droits de l'homme au quotidien en Iran, notamment les persécutions contre les minorités ethniques. La France a appelé les autorités iraniennes à coopérer avec le Rapporteur spécial, dont le travail est essentiel pour documenter les efforts réels du Gouvernement en matière de droits de l'homme. La France s'est dite alarmée par l'application de la peine de mort en Iran. Les progrès accomplis restent très en-deçà des attentes de la communauté internationale. Le Royaume-Uni a dit soutenir sans réserve les recommandations du Rapporteur spécial concernant l'abolition de la peine de mort pour les mineurs.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont pris la parole. Association for Defending Victims of Terrorism a invité le Rapporteur spécial à mettre l'accent sur l'écoute et la défense des victimes des violations des droits de l'homme et a attiré l'attention sur l'importance de la prévention du terrorisme à travers le monde. Verein Südwind Entwicklungspolitik a fait observer que les dernières élections tenues en Iran se sont déroulées en l'absence d'observateurs internationaux. L'ONG a par ailleurs dénoncé l'interprétation qui est faite des textes islamiques en Iran, qui disqualifie systématiquement d'autres groupes ayant des vues différentes. Elle a en outre recommandé le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial. Imam Ali's Popular Students Relief Society a pour sa part plaidé pour la mise en place d'un cadre qui garantisse la reddition de comptes.
La Communauté internationale bahá'íe a attiré l'attention du Conseil sur le sort des bahaïs, dénonçant certaines obligations de fermeture de boutiques imposées à des commerçants bahaïs ainsi que le manque d'accès à l'éducation des jeunes bahaïs.
La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a appelé le Conseil à renouveler le mandat du Rapporteur spécial. Elle a dénoncé l'arrestation et la détention de représentants de divers groupes professionnels, comme 38 journalistes et blogueurs dont le seul crime était d'avoir exercé leur droit à la liberté d'expression. De nombreuses personnes appartenant à des minorités religieuses sont également emprisonnées pour des motifs politiques ou des «crimes» en rapport avec leur pratique religieuse. A la date de septembre 2015, cela touchait 74 bahaïs, plus de 90 chrétiens et au moins cinq derviches soufis musulmans, a précisé la FIDH, avant de dénoncer par ailleurs les dispositions constitutionnelles et du Code pénal islamique discriminatoires à l'égard des femmes, auxquelles viendra s'ajouter un projet de loi visant à la réduction de la participation des femmes sur le marché du travail. Les femmes se voient aussi interdire certains cours universitaires ou encore d'entrer dans un stade pour assister à des compétitions masculines.
Charitable Institute for Protecting Social Victims a souligné que l'Iran est situé sur la principale route des producteurs de drogues et que ce fléau fait des dégâts importants dans le pays. Chaque jour, huit personnes en Iran meurent à cause d'un abus de drogue et la consommation de stupéfiants brise les familles, ce qui implique un coût élevé pour toute la société. Prenant note de la nouvelle approche gouvernementale envisageant des sanctions alternatives pour les délits liés aux stupéfiants, l'ONG s'est dite convaincue que cette tendance permettrait de réduire le nombre des exécutions dans le pays. L'ONG a par ailleurs regretté que le rapport de M. Shaheed n'examine pas la problématique de la criminalité organisée, ce qui est injuste pour les victimes.
Allied Rainbow Communities International a dénoncé l'incrimination en Iran de toute forme d'intimité entre personnes du même sexe, passible de la peine de mort, ainsi que la discrimination systématique et institutionnalisée à l'égard des femmes, qui cherche à les soumettre en permanence. De leur côté, les personnes transgenres n'ont d'autre choix que celui d'altérer leur corps, par usage d'hormones ou intervention chirurgicale, et devenir ainsi irréversiblement infertile pour pouvoir obtenir des documents d'identité dans le sexe de leur choix. Il existe une corrélation entre la législation qui force les femmes à la subordination et celle ciblant et visant au contrôle de l'expression LGBT, a insisté l'ONG.
Prevention Association of Social Harms a relevé le dernier paragraphe du rapport du M. Shaheed selon lequel l'Iran mériterait une «mesure de confiance». L'ONG a pris note de la tenue des élections ainsi que d'un certain nombre d'améliorations qu'a connues le pays en matière des droits de l'homme, notamment grâce aux efforts – soutenus par les ONG – visant l'amélioration de la vie des personnes dans le besoin, les femmes chefs de ménage, la santé des minorités, les enfants au travail, les toxicomanes, l'éducation gratuite des enfants de réfugiés, l'appui aux victimes sociales, ou encore les tentatives de réexamen de la législation concernant les stupéfiants. L'ONG a souligné que grâce à ses propres efforts, un grand nombre d'enfants a pu être exempté de «qisas».
L'Organisation for Defending Victims of Violence a noté que si le rapport du Rapporteur spécial se concentre certes sur plusieurs aspects négatifs au regard de la situation générale des droits de l'homme, les choses changent peu à peu en Iran. L'ONG a encouragé à une amélioration, en particulier, du statut des femmes dans les domaines social et politique. Child Foundation a regretté les difficultés à apporter de l'aide aux enfants dans les délais impartis. L'ONG a en outre attiré l'attention sur les effets préjudiciables sur les enfants des sanctions imposées au pays par la communauté internationale.
A l'issue de ce dialogue, la République islamique d'Iran a affirmé que son approche des droits de l'homme était complète. Malheureusement, les progrès dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels n'ont pas été pris en compte par le Rapporteur spécial, a déploré le pays, assurant que la République islamique d'Iran honore ses engagements au plan international. Pour juger du comportement d'un pays à l'intérieur de ses frontières, il faut en connaître les lois et caractéristiques: la République islamique d'Iran est prête à les expliquer, a ajouté la délégation iranienne. En outre, la République islamique d'Iran a un dialogue constructif avec un certain nombre de pays, a-t-elle rappelé. La société iranienne est très ancienne et très riche et respecte les droits de l'homme, a-t-elle insisté. Enfin, la République islamique d'Iran a salué les délégations qui ont mis l'accent sur la nécessité d'aborder les droits de l'homme de manière non politisée et non sélective.
Réponses et conclusion du Rapporteur spécial
M. SHAHEED, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, a noté une certaine contradiction des institutions iraniennes, avec des aspects très démocratiques et d'autres qui font obstacle à la réalisation des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a également rappelé qu'il y a plus de vingt ans que l'Iran est suivi, d'abord par la Commission des droits de l'homme, puis par le Conseil. Il a estimé que la communauté internationale était parvenue à obtenir l'engagement des autorités iraniennes. Il a ajouté qu'il avait été possible de travailler avec d'autres parties prenantes, y compris des organisations de la société civile iranienne, à Genève. Le mandat apporte donc de la transparence et permet aux autorités de se préoccuper de questions qui, sans le mandat, auraient peut-être été négligées. Il y a eu une amélioration de la coopération, y compris dans le contexte de l'examen de rapports par des organes de droits de l'homme.
En même temps, il est évident que l'Iran continue de violer les droits de l'homme, a poursuivi M. Shaheed. Le taux d'exécutions capitales par habitant y est le plus fort du monde et c'est un des très rares pays qui exécutent encore des mineurs, a-t-il souligné. Les discriminations ou les persécutions se poursuivent à l'encontre des minorités religieuses ou ethniques, a-t-il ajouté. Les contradictions se voient aussi ailleurs, a indiqué le Rapporteur spécial: ainsi, l'élection du Président Rohani, un modéré, a été suivie d'une hausse considérable du nombre d'exécutions capitales ou d'arrestations de journalistes. De même, les récentes élections se sont déroulées sans accroc mais elles avaient été précédées d'un taux sans précédent de disqualifications de candidatures.
Les progrès ont été évidents, a poursuivi le Rapporteur spécial, avant d'appeler néanmoins la communauté internationale à ne pas renouveler l'erreur de 2002, lorsque l'ancienne Commission des droits de l'homme avait décidé d'accorder moins d'attention à la situation des droits de l'homme dans le pays. Il faut au contraire continuer de suivre cette situation, a affirmé M. Shaheed, rappelant que de nombreux défenseurs des droits de l'homme et journalistes étaient en détention en Iran. En outre, un projet de loi en cours donnerait la priorité à l'emploi aux hommes pères de familles, puis aux autres hommes, et ensuite seulement aux femmes, ce qui les exclurait encore davantage qu'aujourd'hui du marché du travail, a-t-il fait observer.
M. Shaheed a estimé qu'un accès du Rapporteur spécial au pays aiderait l'Iran – ses organisations non gouvernementales et ceux de ses responsables qui veulent vraiment réformer le pays. Il a remercié le Gouvernement iranien pour son engagement récent à son égard, ainsi que la communauté des organisations non gouvernementales iraniennes, dont il a salué le travail dans le secteur humanitaire ou social. Il a répété une nouvelle fois en conclusion qu'il fallait combler le fossé entre les lois et la réalité et a souhaité que le nouveau Parlement y contribue.
Situation des droits de l'homme au Myanmar
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme (A/HRC/31/71, à paraître en français) et de la réponse du Gouvernement du Myanmar (A/HRC/31/71/Add.1).
MME YANGHEE LEE, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déclaré d'emblée que le 8 novembre 2015 était à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire du pays puisque les élections qui ont eu lieu ce jour-là ont marqué le point culminant du processus de réforme enclenché en 2011. Le peuple du Myanmar a fortement fait entendre sa voix pour la démocratie et il était bien émouvant de voir des milliers d'électeurs accourir aux urnes, nombre d'entre eux pour la toute première fois. La longue période de transition a généré une certaine incertitude mais la Rapporteuse spéciale a rendu hommage au Président et au Gouvernement sortant pour avoir favorisé le transfert de pouvoir. Témoignant de l'ampleur des changements, Mme Lee a cité la remise en liberté de plus d'une centaine de prisonniers politiques dont le Conseil s'était naguère préoccupé du sort et qui siègent désormais au Parlement ; et le fait que Daw Aung Sang Suu Kyi, elle-même confinée en résidence surveillée pendant près de quinze ans, est aujourd'hui le chef de file du parti de la majorité parlementaire. Mme Lee a affirmé que « les élections sont véritablement le signal d'un nouveau chapitre dans l'histoire du pays, d'un nouveau départ».
Toutefois, beaucoup reste à accomplir et des questions délicates vont se poser ces tout prochains mois : plusieurs problèmes structurels, la nécessité de réformes législatives, la situation dans l'État d'Arakan (ou Rakhine) et le règlement du conflit au Myanmar.
Parmi les problèmes structurels, la Rapporteuse spéciale a souligné le fait que la Constitution accorde toujours à l'armée 25 % des sièges tant au Parlement que dans les assemblées régionales, ce qui lui donne un droit de veto effectif sur les changements constitutionnels qui requièrent une majorité de 75 %. La Constitution accorde également à l'armée trois portefeuilles-clés : défense, intérieur et affaires frontalières, autant de portefeuilles déterminants pour progresser dans le domaine des droits de l'homme.
Quant à l'indispensable réforme législative, elle ne doit pas être bâclée, a mis en garde la Rapporteuse spéciale. Elle a recommandé que le système soit d'abord modifié pour permettre la contribution de la société civile et du grand public ; le rapport contient des recommandations précises s'agissant des lois à amender en priorité. Mme Yanghee a salué la libération de milliers de prisonniers politiques depuis 2011 et de 54 autres personnes à l'occasion de l'amnistie présidentielle la plus récente. Elle a appelé le Président Thein Sein, qui est encore au pouvoir pendant 15 jours, à procéder à la libération inconditionnelle de toutes les personnes détenues pour des motifs politiques, y compris les personnes condamnées en vertu aussi bien de la loi sur les rassemblements et les processions pacifiques que des textes obsolètes relatifs à la diffamation et à la sécurité nationale..
Sur la question de la situation dans l'État d'Arakan, Mme Lee a estimé que le nouveau gouvernement devait être en mesure d'en finir avec le statu quo actuel, car les efforts de développement à eux seuls ne pourront pas résoudre un problème aussi complexe. Le Myanmar abrite plus d'un million de musulmans rohinghyas privés de leurs droits les plus fondamentaux, a souligné la Rapporteuse spéciale. Elle a décrit brièvement la discrimination dont ces personnes sont victimes et la dureté des conditions de vie dans les camps qui abritent quelque 140 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays depuis 2012. L'une des priorités du nouveau gouvernement doit être de lever les restrictions à la liberté de mouvement, en vue de mettre un terme à la ségrégation entre les communautés ; il devra aussi combattre l'incitation à la haine raciale en donnant la priorité à des mesures de prévention, d'éducation et de sensibilisation de la population.
Au sujet du conflit, la Rapporteuse spéciale a salué l'accord national de cessez-le-feu signé en novembre 2015 avec huit groupes armés ainsi que la tenue, en janvier dernier, d'une première conférence de paix. La Rapporteuse spéciale s'est félicitée des résultats positifs de ces démarches mais s'est inquiétée du fait que sept groupes armés aient décidé de ne pas signer l'Accord de cessez-le-feu et que trois autres soient totalement exclus du processus, tandis que des poches de conflit perdurent.
En conclusion, la Rapporteuse spéciale a indiqué formuler, dans son rapport, huit recommandations concrètes pour les cent premiers jours du nouveau Gouvernement. Elle a salué l'engagement accru du Myanmar avec la communauté internationale et sa ratification d'un certain nombre de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale a recommandé l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat doté d'un mandat étendu et de ressources suffisantes, pour remplacer le dispositif actuel tout à fait insuffisant.
Pays concerné
Le Myanmar a déclaré qu'une nouvelle culture politique, celle qui résout les problèmes par le dialogue et la négociation, s'est installée dans le pays dans le but de forger une réconciliation nationale pacifique. Un accord de cessez-le feu a été signé, avec comme objectif de résoudre le conflit armé et d'instaurer une Union démocratique fédérale par le biais d'un dialogue national. Dans ce contexte, la délégation partage l'analyse de la Rapporteuse spéciale selon laquelle le Myanmar est un pays différent de ce qu'il était il y a à peine quelques années, quatre années de réformes de grande ampleur y ayant indéniablement modifié la situation des droits de l'homme.
S'agissant des questions soulevées par la Rapporteuse spéciale, la délégation a assuré que l'espace démocratique est largement ouvert au Myanmar. Il y a plus de médias, plus d'acteurs politiques, d'organisations de la société civile et de syndicats. En revanche, les cas de Mme Phyoe Phyoe Aung et d'autres n'ont rien à voir avec la politique, ni avec l'espace politique démocratique; ces personnes ont été inculpées après avoir violé des lois existantes, a déclaré la délégation du Myanmar. Quant au paragraphe 31 du rapport, qui parle d'attaques et de menaces visant essentiellement les communautés musulmanes mais aussi souvent quiconque exprime un point de vue différent, la délégation a affirmé qu'il s'agissait d'une généralisation fondée sur des allégations. La discrimination fondée sur la croyance ou la religion est interdite par la loi, a souligné la délégation. Quant aux quatre lois de 2015 dont le paragraphe 33 du rapport demande la révision ou l'abrogation, il convient de rappeler qu'elles ont été adoptées en réponse à une demande du peuple du Myanmar et qu'elles sont conformes à la tradition, à la culture et aux normes sociales du pays et ne sont en rien contraires aux obligations internationales du pays.
Quant au paragraphe 35 du rapport, concernant les cartes temporaires d'enregistrement, la délégation du Myanmar a souligné que la nouvelle carte permet à son détenteur de prouver qu'il réside au Myanmar –lui évitant ainsi le risque d'être expulsé – et de faire une demande d'acquisition de la citoyenneté du pays, tout en lui permettant de bénéficier de toutes les prestations économiques et sociales.
Enfin, s'agissant de la partie du rapport consacrée à l'État d'Arakan, la délégation du Myanmar a assuré qu'il n'y a aucune restriction à la liberté de mouvement dans ces zones, où les communautés ont appris à vivre ensemble dans l'harmonie. La présence continue de personnel de sécurité dans certaines zones ne résulte que de la demande des communautés elles-mêmes, a indiqué la délégation. En outre, les mariages sont célébrés librement dans le nord de cet État, contrairement à ce qu'affirme le rapport.
Alors qu'il est en plein processus de formation de son prochain gouvernement par le biais d'une transition pacifique, inclusive et ordonnée, le Myanmar mérite plus que jamais une coopération constructive et un soutien de la communauté internationale, a souligné la délégation, demandant au Conseil de «revoir son agenda vis-à-vis du Myanmar».
Débat interactif
L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), par la voix du Viet Nam, a salué les progrès du Myanmar dans le domaine du développement socio-économique, pour améliorer le bien-être de son peuple, promouvoir la bonne gouvernance et les pratiques démocratiques et pour renforcer la promotion et la protection des droits de l'homme. L'ANASE se félicite de l'émergence d'un processus politique et de la transition démocratique. Elle suit de très près la situation dans l'État d'Arakan et encourage le pays à continuer de rechercher l'assistance de la communauté internationale. Elle rappelle aussi que si les droits de l'homme sont universels, leur réalisation doit être envisagée dans le contexte national et régional et compte tenu des caractéristiques religieuses, historiques, culturelles, économiques, sociales, politiques et juridiques. L'ANASE estime que le moment est opportun pour le Conseil des droits de l'homme de reconnaître les progrès obtenus par le Myanmar et de revoir son programme à l'égard du pays.
Le Viet Nam a salué les élections récentes qui marquent un tournant dans l'histoire du Myanmar, de même que les autres résultats remarquables en termes socioéconomiques et de reconnaissance des droits fondamentaux. Les échanges avec la communauté internationale ne feront que multiplier les chances du peuple du Myanmar d'accéder à la paix, à la stabilité et au développement. Les Philippines ont salué la coopération entre le Myanmar et la Rapporteuse spéciale, de même que l'accord national de cessez-le-feu et la remise en liberté des prisonniers politiques.
La Thaïlande a salué les efforts de toutes les parties pour la tenue d'élections libres au Myanmar et pour arriver à un accord national de cessez-le-feu. La Thaïlande a encouragé la communauté internationale à poursuivre son assistance technique au Myanmar et a invité le Conseil à ne plus adopter de résolution annuelle sur la situation des droits de l'homme dans ce pays. La République démocratique populaire lao a estimé à cet égard que l'examen périodique universel était le lieu idéal pour traiter de la situation au Myanmar. Elle a demandé à la communauté internationale de s'engager de manière constructive avec le Myanmar. La Chine a déclaré qu'elle continuera à appuyer le Myanmar pour qu'il parvienne à une stabilité politique durable et a appelé, à son tour, la communauté internationale à respecter le droit de la population du Myanmar de choisir son propre mode de développement.
La République populaire démocratique de Corée a condamné les résolutions et procédures spécifiques à certains pays, qui n'ont aucun lien avec la promotion et la protection des droits de l'homme et devraient être supprimées.
Le Soudan s'est félicité de la réforme du système judiciaire et de l'adoption par le Myanmar, depuis 2011, de lois garantissant le droit à l'éducation, les droits des enfants et les droits des femmes. Cuba a rappelé sa position de principe, « claire et ferme », contre les résolutions de pays et les mandats sélectifs contre les nations du Sud. Le Venezuela a noté que le Gouvernement du Myanmar avait prouvé son engagement de bonne foi en faveur du système universel des droits de l'homme. Le Venezuela a regretté la politisation des mandats de pays.
Le Japon a souhaité que la situation des droits de l'homme au Myanmar évolue positivement grâce à un dialogue constructif entre la Rapporteuse spéciale et le Gouvernement. Le Japon accorde un grande attention à la situation des minorités ethnique et religieuse, et notamment celles qui vivent dans l'État d'Arakan. L'Australie a rappelé avoir longtemps exhorté le Myanmar à résoudre la situation dans l'État d'Arakan, ce qui demeure une priorité aujourd'hui encore. L'Australie a encouragé le Conseil à aborder la situation au Myanmar en mettant l'accent sur la coopération, l'assistance technique et le renforcement des capacités. L'Australie a en outre recommandé la reconduction du mandat de la Rapporteuse spéciale.
L'Union européenne a estimé que le rapport de Mme Lee montrait bien les progrès importants accomplis par le Myanmar depuis le début des réformes, qui ont abouti aux élections historiques du 8 novembre dernier. L'Union européenne discute actuellement avec la mission du Myanmar et différents acteurs afin de présenter, au terme de la présente session du Conseil des droits de l'homme, une résolution qui pourrait être adoptée par consensus, reflétant la situation sur le terrain et prolongeant le mandat de la Rapporteuse spéciale, pour contribuer ainsi à la consolidation de la transition démocratique. L'Union européenne attend la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et espère que le futur gouvernement appliquera les recommandations de la Rapporteuse spéciale.
Les États-Unis ont dit appuyer vigoureusement la Rapporteuse spéciale. Ils ont relevé que les militaires conservaient une influence très importante sur le Parlement du Myanmar et qu'ils détenaient encore des ministères essentiels. Les États-Unis se sont dits préoccupés par les restrictions à la liberté d'expression et de réunion au Myanmar et par les discriminations contre les minorités religieuses, dont les Rohingyas musulmans. Les États-Unis s'inquiètent enfin du refus du Gouvernement actuel d'accueillir un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.
La France a salué les élections du 8 novembre 2015 comme « les plus libres que la Birmanie ait connues depuis des décennies » et a salué l'entrée en fonctions, le 1er février, du nouveau Parlement, qui devra poursuivre sur la voie des réformes démocratiques. La France entend toutefois rester vigilante sur les prochaines étapes du processus car il reste encore de nombreuses violations des droits de l'homme. Il faut aussi réfléchir aux causes profondes des tensions, ce qui suppose un dialogue inclusif qui doit aussi aborder la question de la citoyenneté des Rohingya. La France est également préoccupée par le récent regain de tensions entre certains groupes rebelles du nord-est et juge essentiel l'établissement d'un bureau du Haut-Commissariat à Rangoon pour accompagner le pays dans la transition.
La Belgique a salué les progrès en matière de droits de l'homme réalisés au Myanmar mais a noté aussi les nombreux défis à relever, dont certains peuvent être résolus à court terme comme la libération de tous les prisonniers politiques et la création d'un environnement favorable à la libre expression de toutes les opinions. La République tchèque a salué l'évolution positive des événements au Myanmar mais reste préoccupée par le maintien de textes de loi qui permettent d'arrêter les personnes qui expriment leurs opinions.
Les Pays-Bas se sont dits préoccupés par les tensions interreligieuses au Myanmar, au détriment en particulier des minorités religieuses de l'État d'Arakan. La Croatie a encouragé le Myanmar à renforcer ses règles démocratiques et à améliorer le sort des minorités de l'État d'Arakan. L'Irlande a exhorté le Gouvernement à continuer de dialoguer avec les groupes ethniques armés non signataires de l'Accord de cessez-le-feu, pour accélérer la réconciliation nationale. Elle a ensuite demandé à la Rapporteuse spéciale ce qu'il faut faire pour que les souffrances des personnes déplacées à l'intérieur du Myanmar et de la minorité musulmane ne soient pas oubliées.
Le Danemark a exhorté le nouveau gouvernement à relever, avec détermination, les défis qui se posent dans nombre de domaines des droits de l'homme, et a encouragé la communauté internationale à l'accompagner pendant cette période délicate. L'Albanie a encouragé le Myanmar à persévérer dans la voie de la démocratisation, en jugeant troublant que les Rohingyas et d'autres minorités n'aient pas été en mesure de participer au scrutin. La Norvège a demandé aux autorités du Myanmar de faire davantage d'efforts pour en finir avec les pratiques d'intimidation et de surveillance de certaines composantes de la société, comme les défenseurs des droits de l'homme.
La Turquie a salué les progrès démocratiques du Myanmar mais a fait part de sa préoccupation devant les discours d'incitation à la haine à l'encontre des Rohingyas de l'État d'Arakan. La Turquie rappelle a accordé plus de 11 millions de dollars pour l'aide humanitaire à ces personnes. L'Arabie saoudite, au nom du Conseil de coopération du Golfe, a demandé au Gouvernement du Myanmar de mettre fin aux discriminations systématiques contre tous les musulmans vivant au Myanmar.
Comme de nombreux autres pays, l'Estonie a plaidé en faveur de l'ouverture au Myanmar d'un bureau du Haut-Commissariat doté d'un mandat fort.
L'Inde a salué toutes les avancées du Myanmar. Mais, compte tenu des difficultés du pays, le Gouvernement du Myanmar a besoin d'une assistance technique, a ajouté la délégation indienne, affirmant que les mesures prises depuis 1992 contre le Myanmar avaient atteint leur efficacité. Dans ce contexte, l'Inde est d'avis qu'il est temps d'envisager de sortir le Myanmar de l'ordre du jour du Conseil. Rappelant être un «ami très ancien» du Myanmar, Sri Lanka aussi a salué les efforts du pays, avant de souligner les difficultés qu'il continue de rencontrer et d'estimer que la communauté internationale devait donc poursuivre sa coopération avec le Myanmar. Compte tenu de tous ces faits positifs, il faut adopter une approche coopérative et ne pas se laisser influencer par des préjugés, a pour sa part déclaré la Fédération de Russie
Le Myanmar s'est en effet bien illustré dans la coopération avec la communauté internationale, y compris très récemment avec la libération de dizaines de prisonniers politique, s'est réjouie la République de Corée. Mais il faut toujours rester vigilant face aux défis, a-t-elle ajouté, indiquant soutenir les recommandations «bien construites» de la Rapporteuse spéciale.
Si des progrès sont évidents, il y a aussi des défis et le Gouvernement du Myanmar devrait suivre les recommandations de la Rapporteuse spéciale, a déclaré l'Espagne, avant d'appeler à la prorogation du mandat de la Rapporteuse et à la libération de tous les prisonniers politiques.
Le Ghana a pour sa part invité le Gouvernement du Myanmar à créer un cadre inclusif pour discuter des amendements à apporter à la Constitution de 2008, étendre la liberté d'expression ou encore s'occuper de la question des personnes déplacées et des discriminations à l'égard de la minorité musulmane rohingya dans l'État d'Arakan. La Nouvelle-Zélande aussi pense qu'il y a encore des progrès à faire, en particulier dans l'État d'Arakan, où les questions de pauvreté et de droit de vote ne sont pas réglées. La délégation néo-zélandaise est en outre inquiète des discours haineux tenus par certains acteurs politiques du Myanmar. Dans ce contexte ce contexte, comment le prochain gouvernement peut-il promouvoir le dialogue entre les communautés, a demandé le Royaume Uni?
Le Bélarus a pour sa part réitéré son avis selon lequel les mandats sélectifs et l'ingérence dans les affaires intérieures des pays ne peuvent aider à résoudre les problèmes de droits de l'homme. Compte tenu des efforts fournis par le Gouvernement du Myanmar, ce pays mérite un appui de la communauté internationale, a affirmé le Bélarus. L'Examen périodique universel est le seul mécanisme pertinent pour examiner la situation des droits de l'homme dans les pays, a quant à lui affirmé le Cambodge.
À l'instar de Jubilee Campaign, nombre d'organisations non gouvernementales ont noté des changements positifs au Myanmar, tout en rappelant que de nombreuses violations des droits de l'homme persistent dans ce pays. Elles ont notamment demandé la libération de tous les prisonniers politiques. Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a aussi demandé une réforme constitutionnelle d'urgence pour rétablir un contrôle complet de l'autorité civile sur les militaires, ainsi que des réformes législatives de grande ampleur pour établir un véritable espace démocratique pour la société civile. L'ONG s'est en outre inquiétée de la poursuite des conflits dans plusieurs régions.
Human Rights Now a rappelé que, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 587 000 personnes sont déplacées à l'intérieur du Myanmar et qu'il existe de multiples rapports faisant état de tortures, mauvais traitements et violences sexuelles perpétrés par les militaires dans plusieurs zones de conflits. Par ailleurs, la confiscation de terres et les expulsions qui l'accompagnent – qu'elles soient le fait des militaires, de la police ou de compagnies privées – au nom du développement territorial, continuent de constituer un grave problème au Myanmar. La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a estimé que, malgré les élections historiques de novembre dernier, le Myanmar restait, en matière de droits de l'homme, marqué par de graves défis qu'il faut relever. La FIDH est notamment préoccupée par le sort des minorités ethniques ou religieuses, parmi lesquelles les Rohingya, et exhorte le Gouvernement à mettre fin aux discriminations et violences contre ces groupes. Le Gouvernement du Myanmar devrait aussi prendre des mesures pour lutter contre l'impunité et mettre en place un environnement favorable à l'expression de la société civile et des défenseurs des droits de l'homme.
International Bar Association, au nom également de la Commission internationale de juristes), a invité la Rapporteuse spéciale à évaluer le système de justice du Myanmar au regard des normes internationalement établies concernant l'indépendance du judiciaire et le rôle des procureurs. L'ONG rappelle en outre que, suite aux changements législatifs intervenus dans le pays, l'Association indépendante des juristes du Myanmar, première organisation nationale professionnelle et indépendante du pays, a été lancée en janvier dernier et demandera bientôt à être enregistrée. Toutefois, la profession juridique reste régie par le Conseil des Avocats, un organe contrôlé par le Gouvernement, a fait observer l'ONG, ajoutant que la loi qui l'a créé est l'une des lois répressives toujours en place qui restent appliquées de manière arbitraire par les autorités. Il faut en outre lutter contre la corruption, a ajouté l'ONG.
Human Rights Watch a rappelé que le prochain gouvernement devra faire face à des problèmes systémiques très graves, y compris les tensions ethniques et les conflits dans le pays. La minorité Rohingya reste opprimée et n'a pas pu s'exprimer lors des élections de novembre, a fait observer l'ONG, avant de plaider pour le renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale et pour la mise en place d'un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme dans le pays. Amnesty international a rappelé que restaient détenus une centaine de prisonniers de conscience et que des centaines de militants étaient en cours de jugement et risquaient la prison pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains. Il faudra, pour mettre fin à ces pratiques, davantage que des amnisties: les lois sur la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association doivent être mises en conformité avec les normes internationales de droits de l'homme, a insisté Amnesty International. En outre, la crise dans l'État d'Arakan s'est encore détériorée et la majorité des membres de la communauté Rohingya n'a pas pu exercer son droit de vote en novembre, a ajouté l'ONG. Elle s'est en outre inquiétée des violations commises par des entreprises privées. International Educational Development Inc. a mis l'accent sur la situation des Rohingya dans l'État d'Arakan, ainsi que sur les affrontements armés et les déplacements de populations qui en découlent dans plusieurs régions du pays.
À l'issue du dialogue, le Myanmar a regretté que des allégations de violences sexuelles de même que certaines questions religieuses aient été exagérées et montées en épingle pendant ce débat, au détriment de la réalité des faits. Quant à la situation dans l'État d'Arakan, la position des autorités sur cette question est connue et il n'est pas nécessaire de la rappeler ici, a conclu ce pays.
Réponses et conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME YANGHEE LEE a souligné que les réformes législatives qu'entreprendra le nouveau Gouvernement du Myanmar devront porter, en particulier, sur le rapatriement volontaire et conforme aux normes internationales des personnes déplacées. La Rapporteuse spéciale a demandé que les responsabilités des violations des droits de l'homme soient dûment établies. Elle a plaidé pour le respect du quota de 30 % de femmes dans les processus de prises de décision, y compris dans les zones de conflit. La Rapporteuse spéciale a estimé que le Myanmar gagnerait beaucoup à l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat et dit vouloir œuvrer avec toutes les parties prenantes pour qu'elles apportent leur appui au nouveau Gouvernement.
Mme Lee a souligné l'urgence de mener un travail de collecte de données sur la violence sexuelle au Myanmar : le viol, par exemple, n'y fait pas l'objet de dénonciation ni de poursuites systématiques, ce qui est contraire à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La Rapporteuse spéciale a, par ailleurs, invité le Myanmar à s'inspirer du Plan d'action de Rabat contre l'incitation à la haine pour élaborer des mesures de sensibilisation contre le racisme et la discrimination. Le Parlement devrait éliminer toutes les discriminations qui subsistent dans les textes juridiques du Myanmar.
D'autre part, le Myanmar doit procéder à une évaluation de l'impact des activités de développement sur l'environnement. Il doit empoigner des problèmes tels que les glissements de terrain dus à des négligences, les conditions de travail et la sécurité insuffisantes dans les exploitations. La Rapporteuse spéciale se penchera sur le respect des droits de l'homme par les entreprises du secteur de l'exploitation minière, laquelle représente plus de 30 % du produit national brut. Par ailleurs, le Myanmar est le deuxième producteur mondial d'opium : une grande partie de la jeunesse consomme cette substance, a-t-elle mis en garde, ce qui pourrait compliquer le développement du pays.
Enfin, Mme Lee a relaté avoir rendu visite à une femme enceinte qui, détenue après une manifestation, avait subi une fouille corporelle pourtant interdite par la loi Dans ce cas précis, il est apparu qu'un médecin abusait de son pouvoir : la Rapporteuse spéciale a souligné que cet exemple montrait toute l'importance de la surveillance des lieux de détention.
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** Délégations ayant participé au débat interactif sur les droits de l'homme au Myanamr: Union européenne, Arabie saoudite (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Viet Nam (au nom de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est - ANASE), Venezuela, République tchèque, Estonie, Japon, Belgique, Croatie, États-Unis, Pays-Bas, République populaire démocratique de Corée, Turquie, Australie, Fédération de Russie, Soudan, Irlande, Philippines, Danemark, France, République populaire démocratique lao, Cuba, Albanie, Thaïlande, Norvège, Chine, Inde, Sri Lanka, Belarus, République de Corée, Viet Nam , Cambodge, Espagne, Ghana, Nouvelle Zélande, Royaume-Uni, Jubilee Campaign, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Human Rights Now, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), International Bar Association (au nom également de la Commission internationale de juristes), Human Rights Watch, Amnesty International, International Educational Development.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC16/030F