Fil d'Ariane
LE CONSEIL TIENT SON DÉBAT ANNUEL SUR LA COOPÉRATION TECHNIQUE
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, en milieu de journée, son débat annuel sur la coopération technique, consacré cette année à la promotion et à la protection des droits de tous les migrants, y compris les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. Il a dans ce cadre entendu les déclarations de nombreuses délégations* qui ont insisté sur la nécessité d'adopter une approche fondée sur les droits de l'homme de la problématique des migrations et d'aborder cette question au travers d'une collaboration entre tous les États.
Animé par le Représentant permanent de la Thaïlande auprès des Nations Unies à Genève, M. Thani Thongphakdi, ce débat a bénéficié des contributions de cinq panélistes.
Dans une déclaration liminaire, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, a souligné que l'afflux soudain des mouvements migratoires dans toutes les régions du monde souligne la nécessité d'une approche soucieuse des droits de l'homme, telle que le Haut-Commissariat, en tant que membre du Groupe mondial sur la migration la promeut. Rappelant que le Programme du développement durable pour 2030 porte une attention particulière à la question des migrations, Mme Gilmore a indiqué que le Haut-Commissariat, en plus de son engagement au sein du Groupe mondial sur la migration, œuvrera pour que la réunion de haut niveau que le Secrétaire général organise à New York en septembre prochain sur les mouvements de migrants et de réfugiés intègre une approche soucieuse des droits de l'homme.
Mme Peggy Hicks, Directrice de la Division de la recherche et du droit au développement au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a affirmé que les pressions actuelles ont tendance à faire oublier deux éléments essentiels concernant les migrants et leurs droits. Le premier est que les migrations ne sont pas, dans l'ensemble, mal accueillies, car elles contribuent de manière importante à nos économies et à nos sociétés; le second est que tous les migrants ont des droits, quel que soit leur statut. Elle a identifié trois obstacles pour une meilleure protection des migrants: l'influence pernicieuse d'idées préconçues, le manque d'analyse et d'orientations pratiques, et la non-inclusion des migrants – à laquelle il convient donc de remédier – dans la compréhension de leurs besoins et des réponses à y apporter.
Mme Kristina Touzenis, Cheffe de l'Unité du droit relatif aux migrations internationales à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), a souligné que le fait qu'il soit légitime pour un État de gérer ses frontières n'implique pas que la fermeture de ces dernières soit la solution la plus légitime. Si nous continuons à bafouer les droits de certains, alors il se passera peu de temps avant que quelqu'un nous prive, nous, de nos propres droits, a-t-elle affirmé. Il faut bien comprendre que beaucoup de gens prennent des risques pour leur vie parce qu'il n'existe pas de canaux leur permettant de migrer de manière régulière; si nous continuons d'ignorer ces canaux réguliers, alors la migration irrégulière continuera, a souligné Mme Touzenis.
Mme Paola Cogliandro, Cheffe adjointe du Bureau de la politique migratoire au Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale de l'Italie, a quant à elle rendu compte des mesures prises par son pays, où, a-t-elle souligné, la migration n'est pas une urgence car l'Italie est confrontée à des flux de migrants depuis déjà 5 ans.
M. Phusit Prakongsai, Directeur du Bureau de la santé internationale au Ministère de la santé publique de la Thaïlande, a rappelé que son pays attirait de nombreux migrants des pays voisins (4,2 millions d'étrangers, dont environ 2 millions sans papiers, selon l'OIM). Des accords bilatéraux de protection ont été signés, et pour suivre le principe de couverture universelle, un système de santé subventionné a été mis en place qui inclut les prestations aux migrants, a-t-il indiqué. Selon les estimations de l'OIM, les migrants apportent 2 milliards de dollars annuels à l'économie thaïlandaise, soit 6,2% du produit intérieur brut en 2007.
Mme Yasmina Antonia Filali, Présidente de la Fondation Orient-Occident au Maroc, a rendu compte du travail effectué par sa Fondation pour jeter des ponts entre l'Afrique et l'Europe. La danse, la musique, la création artistique valorisent la culture et l'identité des migrants dans leur ensemble, pulvérisant au passage les barrières entre les migrants entre eux d'une part, entre les migrants et les sociétés qui les accueillent d'autre part, a-t-elle notamment souligné.
Cet après-midi, le Conseil devait achever son dialogue renforcé sur le Burundi, entamé ce matin, avant d'engager successivement ses débats interactifs avec l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire et avec l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti.
Discussion annuelle sur la coopération technique pour promouvoir et protéger les droits de tous les migrants
Déclaration liminaire
MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que la coopération technique et le renforcement des capacités dans le domaine de la migration constituent un des défis actuels en matière de droits de l'homme. L'afflux soudain des mouvements migratoires dans toutes les régions du monde souligne la nécessité d'une approche soucieuse des droits de l'homme, telle que le Haut-Commissariat, en tant que membre du Groupe mondial sur la migration la promeut.
Le Haut-Commissariat intervient en particulier dans des situations de fragilité ou de marginalisation des migrants, a précisé Mme Gilmore. Le Haut-Commissariat a par exemple demandé que des mesures de protection spécifique soient prises s'agissant des enfants, des mineurs non accompagnés, ou encore des migrants clandestins ou handicapés. Les femmes migrantes travaillant dans certains domaines d'activité sont également une priorité du Haut-Commissariat.
Le Haut-Commissariat a également publié plusieurs études et directives essentielles pour les mesures que devraient adopter les États en ce qui concerne l'interception, la gouvernance ou la gestion des migrants, y compris dans les centres de détention. Mais en l'absence de données ventilées, il est difficile de s'attaquer à une chose invisible, a souligné Mme Gilmore, avant de se réjouir des efforts actuellement conduits par l'Organisation international du Travail, la Banque Mondiale ou encore le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et le Mexique pour développer des indicateurs sur les migrants. Le Haut-Commissariat et la Tunisie travaillent pour leur part aussi à cette question à un niveau national, a-t-elle ajouté. Mme Gilmore a par ailleurs souligné que le Programme du développement durable pour 2030 porte une attention particulière à la migration. Le Haut-Commissariat, en plus de son engagement au sein du Groupe mondial sur la migration, œuvrera pour que la réunion de haut niveau que le Secrétaire général organise à New York en septembre prochain sur les mouvements de migrants et de réfugiés intègre une approche droits de l'homme, a indiqué Mme Gilmore.
Exposés des panélistes
MME PEGGY HICKS, Directrice de la Division de la recherche et du droit au développement au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a rappelé que les migrations et les défis qu'elles présentent tant pour les personnes qui migrent que pour les États ne sont pas nouveaux. En revanche, les pressions actuelles ont tendance à faire oublier deux éléments essentiels concernant les migrants et leurs droits. Le premier est que les migrations ne sont pas, dans l'ensemble, mal accueillies, car elles contribuent de manière importante à nos économies et à nos sociétés: aucun pays ne peut ou ne souhaite être sans migration. Le second point est que tous les migrants ont des droits, quel que soit leur statut.
Le Haut-Commissariat est à même de mieux comprendre les problèmes et d'assister les États dans leur approche des droits de migrants, a poursuivi Mme Hicks. Elle a identifié trois obstacles pour une meilleure protection des migrants: l'influence pernicieuse d'idées préconçues, le manque d'analyse et d'orientations pratiques, et la non-inclusion des migrants – à laquelle il convient donc de remédier – dans la compréhension de leurs besoins et des réponses à y apporter.
Mme Hicks a expliqué que le Haut-Commissariat avait élaboré des réponses fondées sur des preuves qui détruisent certains mythes relatifs à la migration, comme l'idée que les migrants sont attirés par les richesses des pays de destination comme par un aimant, alors qu'en fait ils contribuent plus à créer des richesses qu'ils n'en profitent. Les États parties peuvent utiliser ces lignes directrices dans le cadre de la gestion de leurs frontières, alors que les organisations non gouvernementales les ont largement utilisées dans le cadre de leur plaidoyer. Ces lignes directrices conseillent d'éviter la détention des migrants, a rappelé Mme Hicks. Elle a souligné que le Conseil avait un rôle essentiel à jouer en s'assurant que les droits de l'homme guident les réponses des pays de transit et de destination aux questions posées par le nombre croissant de migrants, qu'il s'agisse de l'accueil immédiat ou de l'intégration à long terme.
MME KRISTINA TOUZENIS, Cheffe de l'Unité du droit relatif aux migrations internationales à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), s'est félicitée que les droits des migrants soient désormais considérés comme un fait établi qui mérite une attention constante. Elle a rappelé que les droits des migrants, ou encore les obligations des États à l'égard de quiconque se trouve sous leur juridiction, ne se retrouvent pas seulement dans les instruments internationaux des droits de l'homme. On les trouve aussi dans des conventions de l'Organisation internationale du Travail, dans les traités de lutte contre la criminalité transnationale ou encore dans le droit de la mer. Tous ces textes ont un point commun: ce sont des traités librement négociés qui ont un effet contraignant pour ceux qui les ont acceptés, même si leur mise en œuvre peut parfois être progressive. En outre, ils ne sont pas utopiques. Le droit est ancré dans la réalité et, si on part d'un tel socle juridique fort, on peut trouver des solutions, a insisté Mme Touzenis.
Mme Touzenis a par ailleurs estimé qu'il fallait tenir compte des droits et besoins des migrants. Le fait qu'il soit légitime pour un État de gérer ses frontières n'implique pas que la fermeture de ces dernières soit la solution la plus légitime, a-t-elle souligné. Il faut donc des politiques qui correspondent aux besoins et intérêts à long terme des États, mais qui prennent aussi en compte les droits des migrants. Les murs et barrières ne font que mettre en cause le droit des gens à la vie, tout en étant inefficaces. De l'avis de Mme Touzenis, il faut s'éloigner sans plus tarder de la tendance actuelle à la fermeture et à l'érosion du respect des droits de la personne. Si nous continuons à bafouer les droits de certains, alors il se passera peu de temps avant que quelqu'un nous prive, nous, de nos propres droits, a-t-elle affirmé.
Mme Touzenis a rappelé que tous les migrants ne sont pas des personnes vulnérables. Toutefois, beaucoup ne partent pas de manière pleinement volontaire, qu'ils fuient un conflit ou l'absence de perspective d'une vie décente. Il faut donc adopter, au plan national ou régional, des programmes qui visent à des politiques globales de gestion de la migration. Ceci inclut à l'évidence des mesures de réinstallation pour ceux qui fuient les persécutions. Mais il faut aller au-delà et bien comprendre que beaucoup de gens prennent des risques pour leur vie parce qu'il n'existe pas de canaux leur permettant de migrer de manière régulière. Si nous continuons d'ignorer ces canaux réguliers, alors la migration irrégulière continuera, non seulement à cause des facteurs qui incitent à quitter les pays de départ, mais aussi à cause de facteur tels que le travail non déclaré dans les pays de destination. Mme Touzenis a souhaité que l'on n'évolue pas vers une approche fondée sur moins de droits qu'avant.
MME PAOLA COGLIANDRO, Cheffe adjointe du Bureau de la politique migratoire au Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale de l'Italie, s'est efforcée de démontrer que les petites choses peuvent avoir des résultats importants. Elle a choisi comme exemple le programme de couloirs humanitaires mis en place par l'Italie, qui a puisé dans les ressources communautaires et privées pour placer dans des familles 100 réfugiés syriens en provenance du Liban. Il est envisagé d'aider 1000 personnes d'ici à l'année prochaine, a-t-elle précisé. La migration n'est pas une urgence en Italie car le pays est confronté à des flux de migrants depuis déjà 5 ans, a-t-elle rappelé. Elle a souligné que l'objectif du programme consiste à appuyer les possibilités d'une vie meilleure, quel que soit le statut juridique des personnes concernées. Ce programme permet aussi de mettre fin aux affaires («business model») des trafiquants en mer puisque les gens sont directement transportés et accueillis par la société civile, qui leur offre une existence et une assistance au sein de la communauté. Cela permet de construire, ensemble, un autre discours, selon lequel les migrants sont des êtres normaux à la recherche d'un foyer stable.
M. PHUSIT PRAKONGSAI, Directeur du Bureau de la santé internationale au Ministère de la santé publique de la Thaïlande, a rappelé que son pays attirait de nombreux migrants des pays voisins (4,2 millions d'étrangers, dont environ 2 millions sans papiers, selon l'OIM). La Thaïlande a également accueilli des réfugiés de pays voisins, parfois pendant des décennies, a-t-il ajouté. Des accords bilatéraux de protection ont été signés, et pour suivre le principe de couverture universelle, un système de santé subventionné a été mis en place qui inclut les prestations aux migrants, a-t-il indiqué. Il a fait état d'un programme de soins de santé obligatoire pour les migrants, insistant sur l'élargissement de la couverture médicale et sur le renforcement des services de soins primaires. Au nombre des défis, il a cité le manque de communication entre les différents ministères, la difficulté de recueillir des données sur la surveillance des maladies pour les migrants, ou encore certains obstacles à l'accès aux services de santé alors que certains membres du personnel et du public estiment que les soins accordés aux migrants, indépendamment de leur statut migratoire, constituent un fardeau supplémentaire pour le système de santé publique.
M. Prakongsai a aussi déclaré que selon les estimations de l'Organisation internationale pour les migrations, les migrants apportent 2 milliards de dollars annuels à l'économie thaïlandaise, soit 6,2% du produit intérieur brut en 2007. En outre, les migrants contribuent à hauteur de 7 à 10% au secteur industriel, et à hauteur de 4 à 5% au secteur agricole. Les changements démographiques du pays, qui a une population vieillissante, ainsi qu'une demande croissante de main-d'œuvre de la part de l'industrie intensive constituent les moteurs de la demande de migrants en Thaïlande, a conclu M. Prakongsai.
MME YASMINA ANTONIA FILALI, Présidente de la Fondation Orient-Occident au Maroc, a déclaré que le travail de la Fondation avait pour but de jeter des ponts entre l'Afrique et l'Europe, d'une part, et entre l'Afrique et le monde arabe, de l'autre. Le Maroc est confronté depuis dix ans à l'arrivée de nombreux migrants originaire d'Afrique subsaharienne, a-t-elle indiqué. La Fondation a ouvert au Maroc un centre d'accueil apportant une aide financière et psychologique à environ 1500 migrants chaque année. Très tôt, la Fondation a été confrontée au problème de l'altérité culturelle. Pour y apporter des réponses, elle a créé voici douze ans le Festival Rabat-Africa pour changer l'image du migrant dans la société. Manifestation de quartier à ses débuts, le Festival est devenu l'un des plus grands rendez-vous culturels de la capitale. La danse, la musique, la création artistique valorisent la culture et l'identité des migrants dans leur ensemble, pulvérisant au passage les barrières entre les migrants entre eux d'une part, entre les migrants et les sociétés qui les accueillent d'autre part.
La Fondation a créé parallèlement un atelier de couture et de broderie pour aider à l'intégration des migrantes, a poursuivi sa Présidente. Les femmes reçues – originaires d'Iraq ou encore d'Afghanistan – laissent derrière elles leur propre empreinte sous la forme d'une broderie; l'atelier, qui fait travailler côte à côte migrantes et brodeuses marocaines, est devenu une marque internationale reprise dans des défilés de mode organisés dans plusieurs villes du Maroc et d'Europe. Le modèle profite aux femmes marocaines: les rôles sont ainsi inversés puisque ce sont les migrantes qui font alors vivre des Marocaines. Loin derrière le travail du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la Fondation a sans doute contribué à la décision de l'État marocain, en 2012, d'autoriser les réfugiés à accéder à la santé, au logement et au travail, s'est félicitée Mme Filali.
Débat
La République dominicaine, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a reconnu la nécessité de renforcer le lien entre la migration internationale et le développement en plaçant la personne du migrant et sa famille au centre, et non pas sa condition de migrant. La CELAC travaille en outre à des mécanismes régionaux visant à lutter contre la traite des êtres humains et souligne l'importance de la coopération internationale. La CELAC demande à la communauté internationale de garantir les droits des migrants. L'Équateur a invité les pays qui ne l'ont pas fait à adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il a rappelé qu'après avoir été un temps un pays de forte émigration, il assistait aujourd'hui au retour de nombreux Équatoriens et recevait de nombreux migrants étrangers, qu'il cherche à intégrer, avec l'appui du Haut-Commissariat pour les réfugiés comme du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Le Paraguay, qui compte quelque deux millions de ressortissants à l'étranger, a mis l'accent sur les régimes régionaux de traitement des flux migratoires, comme au niveau du Mercosur.
Le Koweït, au nom du Groupe arabe, a estimé que la coopération technique joue un rôle primordial pour aider à la réalisation des droits de l'homme. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a ici un rôle à jouer, de même que d'autres organismes. Le Groupe arabe souligne que plusieurs de ses membres n'hésitent jamais à apporter leur soutien à la coopération technique en faveur des droits de l'homme, mais ajoute que l'assistance technique ne doit pas être imposée aux États qui en bénéficient.
L'Union européenne a rappelé qu'elle agissait pour protéger et promouvoir les droits des migrants à la fois dans l'Union européenne et en dehors. Elle aide ses membres à mettre en place des politiques d'intégration avec un budget conséquent, qui a été augmenté avec la crise actuelle. A l'extérieur, l'Union européenne a mis en place un dialogue efficace avec les pays africains dans le cadre du processus de Khartoum et le Sommet de La Valette de novembre 2015 a permis de rappeler que le respect de la dignité des réfugiés et des migrants et la protection de leurs droits humains doivent toujours rester une priorité.
La Grèce a reconnu un fossé entre la théorie et la réalité des droits des migrants. La Grèce cherche à sauver les réfugiés et migrants de la manière la plus humaine possible. Toutefois, suite à des mesures unilatérales de certains pays, des dizaines de milliers de réfugiés se trouvent bloqués en Grèce. Le pays compte œuvrer avec la Turquie, qui accueille certes plus de deux millions de réfugiés mais doit aussi mettre fin aux réseaux de traite des migrants. Pour l'Allemagne, il faut des mesures différenciées et des programmes qui assurent une protection adéquate aux groupes les plus vulnérables. L'aide doit être apportée à la fois dans les pays de départ des réfugiés, les pays de transit et les pays d'accueil. Il faut des programmes de transition humanitaire à long terme qui fassent des réfugiés des acteurs de leur propre sort. Des pays comme le Kenya ou la Jordanie, qui ont accueilli des millions de réfugiés, doivent pouvoir bénéficier de l'aide de la communauté internationale qui doit reconnaitre leur rôle.
Le Maroc a rappelé qu'il était à la fois un pays de départ, de transit et de destination des migrations. Face à la croissance des flux migratoires, le Maroc a affirmé avoir adopté une politique ambitieuse et généreuse qui vise à l'intégration des immigrants dans la société marocaine et son tissu économique.
Les États-Unis considèrent l'assistance technique comme l'une des formes les plus tangibles et efficaces d'action du Conseil des droits de l'homme. Ils ont mis en avant l'initiative «migrants dans des pays en crise» qu'ils dirigent conjointement avec les Philippines et qui cherche à mettre en place des principes non contraignants pour améliorer la protection des migrants pris dans des pays en conflit ou qui ont subi une catastrophe.
Le Qatar a appelé à mettre fin à toutes les formes d'exploitations et de discriminations à l'encontre des réfugiés et demandeurs d'asile. Il estime toutefois que la solution à la migration illégale doit être internationale. L'Égypte considère quant à elle que l'assistance technique et la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme doivent être renforcées, mais avec le consentement des États concernés et sans tenter d'imposer des solutions aux pays bénéficiaires.
La Chine a estimé que les migrants représentent une force importante pour le développement économique et social des pays et a demandé au Conseil de suivre de très près la situation des migrants en Europe. Elle a ajouté s'opposer par le droit à toute forme de migration illégale.
Le Venezuela a chiffré à plus de dix millions le nombre de personnes obligées de migrer pour échapper à la violence, à la guerre ou à la faim à travers le monde. Face à cette situation, la réponse des États ne doit pas être la fermeture, mais au contraire la coopération entre États pour gérer cette migration de façon cohérente et solide, avec en prime le respect des droits de l'homme. Pour la Suisse, cette attitude de fermeture souligne l'urgence d'entendre les acteurs experts de cette question, dont le Haut-Commissariat, vu qu'aucun État ne peut à lui seul résoudre toutes les problématiques nés de ce nouveau défi. La Suisse, comme d'autres délégations, prône donc la coopération internationale.
La Turquie, qui accueille notamment plus de 2,7 millions de réfugiés syriens, pense aussi que les mesures sécuritaires ne sont pas la bonne façon d'aborder le problème. C'est pour cela qu'elle se réjouit du récent accord signé avec l'Union européenne qui permettra d'aborder plus efficacement le problème. La Suède a pour sa part observé qu'il y a un grand fossé, qui mérite d'être comblé, entre les engagements des États et la réalité s'agissant des migrations. Pour la Suède, la coopération est plus qu'essentielle pour la gestion de ces flux migratoires, d'autant que la Suède a vu un afflux de demandeurs d'asile frapper à ses portes – un nombre correspondant à 1,6% de sa propre population.
La Colombie a indiqué disposer d'un plan de retour pour accompagner les Colombiens qui rentrent au pays. Elle s'est demandée comment renforcer la coopération multilatérale et comment faire reconnaître l'apport positif des migrants dans les pays d'accueil. L'Algérie, qui a rappelé être à la fois pays d'origine, de transit et d'accueil des migrants, a souligné que l'approche soucieuse des droits de l'homme doit être au cœur des politiques de gestion des migrants. C'est pour cela que sa politique migratoire est en adéquation avec les normes internationales recommandées en la matière, a-t-elle assuré. Le Brésil a rappelé le rôle actif qu'il joue, en matière de coopération régionale, avec ses partenaires au sein du Mercosur, pour la protection des migrants et des réfugiés. Rien qu'entre 2011 et 2015, le nombre de réfugiés accueillis par le Brésil a plus que doublé, a indiqué la délégation.
Le Kirghizistan a indiqué souhaiter lui aussi le renforcement de la coopération régionale, avant de plaider également pour l'universalité de Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. L'Indonésie, dont plus de 4,5 millions de ressortissants sont des travailleurs migrants, est également d'avis que la protection de cette population et des membres de leur famille doit être une priorité de la communauté internationale. C'est pourquoi la délégation indonésienne appelle elle aussi tous les pays qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la Convention. Le Chili, qui est devenu un pays d'accueil pour les migrants de la région latino-américaine, partage le même avis en ce qui concerne l'universalisation de cette Convention, dont le Chili est partie. Le Viet Nam a pour sa part intégré la protection des migrants dans sa Constitution et dans ses lois et envisage aussi d'adhérer à la Convention.
Ce sont les migrants vulnérables, femmes et enfants en premier lieu, qui risquent le plus de voir leurs droits violés, en particulier dans le contexte de la traite des êtres humains, a souligné le Bélarus, avant de remercier le Haut-Commissariat et la Fédération de Russie pour l'assistance technique qu'ils lui offrent pour la protection de ces populations.
La Libye a insisté sur l'importance des conclusions et recommandations du Haut-Commissariat concernant l'amélioration de la coopération technique. La Libye a regretté que ce pays ait sombré dans une crise due au phénomène de migration irrégulière, à la faveur de l'émergence de groupes terroristes. Elle a appelé la communauté internationale à adopter une approche multidimensionnelle de ce phénomène, avec la participation des pays concernés, tout en luttant contre les causes de la pauvreté.
Le Burkina Faso a également jugé urgent que les États renforcent leur coopération non seulement pour assister les personnes particulièrement vulnérables, embarquées souvent malgré elles sur la route de la migration, mais aussi et surtout pour lutter contre les racines du caractère massif de la migration. La coopération technique, basée sur les défis et besoins réels de chaque pays, devrait permettre une intégration accrue des droits de l'homme dans les politiques nationales de migration. Cette assistance, a ajouté le Soudan, devrait se garder de toute politisation et respecter les choix souverains des pays concernés. Le Soudan a aussi insisté pour que les bailleurs de fonds ne posent pas de conditions préalables à leur soutien.
Le Myanmar a fait valoir, de son côté, sa nouvelle politique tendant à juguler la migration illégale dans le pays, qui est aussi une plaie dans la région compte tenu de l'existence et de la puissance des réseaux de trafic et de traite de personnes. Le Ministère du travail et de la sécurité sociale exécute actuellement le Plan quinquennal national pour la gestion de la migration liée au travail (2013-2017) avec le soutien de l'Organisation internationale pour les migrations. D'autre part, des centres de ressources pour les migrants ont été établis pour divulguer des informations en faveur d'une migration sûre et légal et sensibiliser le public contre les risques de la migration illégale.
Le Pérou a invité la communauté internationale à ne ménager aucun effort dans la recherche de solutions viables et humaines à la question des migrations, lesquelles connaissent une ampleur sans précédent ces derniers temps. Il est indispensable d'établir une coopération et un dialogue internationaux, tout en avançant dans la réalisation des Objectifs de développement durable pour 2030. Le Ghana a estimé que les migrants doivent jouir des mêmes droits que les ressortissants du pays d'accueil. Chaque personne pouvant se retrouver subitement dans une situation similaire, les États devraient veiller à la prévention des abus à l'égard des migrants.
Les Philippines ont attiré l'attention sur l'exposition des migrantes à l'exploitation, à la traite des personnes et à la violence fondée sur le sexe et ont insisté sur le principe de la responsabilité partagée des pays d'origine et de destination dans l'obligation de respecter les droits de l'homme des migrants. Les Philippines ont en outre insisté sur la contribution des migrants au développement économique et social tant des pays d'origine que d'accueil.
Plusieurs organisations non gouvernementales sont intervenues. Human Rights Watch a dénoncé le récent accord entre l'Union européenne et la Turquie, estimant qu'il ramène les migrants au rang d'un produit. Human Rights Watch a également dénoncé la politique australienne de traitement off-shore des demandes d'asile des migrants. L'ONG salue en revanche la nouvelle approche du Canada, qui reconnaît la contribution des futurs migrants à la société pluraliste qu'est le Canada. L'Institut international pour la paix, la justice et les droits de l'Homme a dénoncé la récente loi danoise qui permet de confisquer des biens et liquidités des migrants et qui est contraire au droit international; l'ONG a exhorté les autorités danoises à abroger cette loi, déplorant que cette mesure ne cherche en fait qu'à rendre le pays moins attractif pour les migrants. Elle a en outre fait observer qu'au Danemark, les réfugiés sont trop pauvres pour se loger par eux-mêmes. Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil, au nom également du Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero, a souligné que la migration est une question politique urgente et centrale pour les droits de l'homme. L'ONG a dénoncé les politiques qui, partout dans le monde, ont privilégié une approche policière plutôt que le respect des droits des migrants. Des pays comme le Brésil, le Chili ou l'Argentine ont pris des mesures beaucoup plus positives, qui pourraient constituer des modèles concrets, a estimé l'ONG.
La Commission arabe des droits de l'homme a déploré qu'un grand nombre de pays du Nord n'aient pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, alors que ces pays accueillent un grand nombre de ces personnes, qui subissent par ailleurs des discriminations et des violences. Dans ce contexte comment mieux protéger cette population, y compris en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, s'est interrogée l'ONG? La Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL) a affirmé que l'appui technique du Haut-Commissariat devait notamment se concentrer sur la formation des migrants concernant les dangers qu'ils encourent.
Réponses et conclusions des panélistes
MME HICKS a recommandé que les mesures d'intégration des migrants prennent en compte non seulement les grands flux humains, mais aussi les histoires et besoins individuels des migrants. L'amélioration des conditions de vie dans les pays d'origine est évidemment un facteur essentiel, mais elle dépend aussi de l'action de la société civile. Le Conseil, pour sa part, peut agir en veillant à ce que les États respectent effectivement les grands principes des droits de l'homme, comme par exemple le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les États doivent aussi disposer de davantage d'informations sur les phénomènes migratoires, pour mieux cibler leurs programmes. Mme Hicks a souligné que le manque d'investissement, aujourd'hui, dans les droits de l'homme des migrants se paiera plus tard.
Mme Hicks a ensuite insisté sur la nécessité de parler des expériences positives de la migration, notamment de la contribution positive des migrants. Elle a également plaidé pour la ratification universelle des traités et conventions relatives aux migrants et pour le développement, le cas échéant, de nouveaux instruments. Le Programme du développement durable offre au Conseil une occasion de se saisir de la question des migrations.
MME TOUZENIS a relevé que de nombreuses délégations avaient noté que certains groupes ont des besoins spécifiques, exigeant des protections adaptées. Elle a fait observer, à cet égard, que chaque être humain a droit à un certain degré de protection, indépendamment la question de savoir s'il s'agit d'un homme, d'une femme enceinte ou d'un enfant. Elle a souligné l'importance de comprendre les raisons qui ont amené les personnes à émigrer. Elle a recommandé que les États mettent en place des canaux officiels de migration, à des fins de sécurité et pour combattre les réseaux de passeurs, notamment. Mais la question des migrations doit toujours être envisagée dans le contexte plus large et tenir compte des problèmes d'accès au marché du travail, par exemple, a souligné Mme Touzenis.
Mme Touzenis a ensuite souligné la nécessité d'agir collectivement et dans le cadre d'une approche globale qui intègre aussi le droit au développement et l'aide publique au développement. La communauté internationale dispose d'un certain nombre d'outils, y compris des indicateurs qui peuvent aider à cette approche, a-t-elle dit. Tout individu peut demain devenir migrant, a-t-elle ajouté, avant d'inviter les États à garder à l'esprit cette perspective.
MME COGLIANDRO a recommandé aux pays riches de chercher des solutions avec les pays d'origine des migrations.
Mme Cogliandro a ensuite souligné que la lutte contre la xénophobie doit se faire au niveau étatique. La société civile a également un rôle à jouer dans ce domaine et concourir à l'avènement d'une société plus tolérante, a-t-elle ajouté.
M. PRAKONGSAI a recommandé aux pays de changer d'approche s'agissant des migrants. Les États ont intérêt à tirer parti des qualités individuelles des migrants pour mieux les intégrer dans leur propre développement économique. Les États devraient aussi multiplier les accords bilatéraux pour assurer la portabilité des droits sociaux des migrants, a-t-il souligné.
M. Prakongsai a ensuite souligné qu'en l'absence de données fiables sur les migrants, il faut aider les pays à développer des outils de collectes de telles données. Si l'on parvenait à comptabiliser plus précisément cette population, peut-être que les politiques seraient plus efficaces, a estimé le panéliste. Il a aussi plaidé pour une coopération entre États dans le but de favoriser une migration légale plus sûre, qui serait de nature à concourir à la lutte contre des phénomènes tels que la traite des êtres humains.
MME FILALI a notamment demandé aux opérateurs de consacrer des financements pour l'accompagnement des mineurs non accompagnés.
Mme Filali s'est ensuite réjouie du soutien exprimées par les délégations dans le contexte du présent débat, faisant observer que ce soutien permet à des organisations comme la sienne (la Fondation Orient-Occident) de ne pas se sentir isolées dans leur travail.
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* Délégations ayant participé au débat sur la coopération technique: République dominicaine (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), Équateur, Paraguay, Koweït (au nom du Groupe arabe), Union européenne, Grèce, Allemagne, Maroc, États-Unis, Qatar, Égypte, Chine, Lybie, Burkina Faso, Soudan, Myanmar, Pérou, Ghana, Philippines, Human Rights Watch,Institut international pour la paix, la justice et les droits de l'Homme,Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil (au nom également du Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero),Commission arabe des droits de l'homme, et l'Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL).
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