Aller au contenu principal

LE CONSEIL TIENT UN DIALOGUE SUR LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET DE LA COOPÉRATION TECHNIQUE AVEC LA CÔTE D'IVOIRE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, en fin d'après-midi, au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités, un dialogue interactif avec l'Expert indépendant sur le renforcement des capacités et de la coopération technique avec la Côte d'Ivoire dans le domaine des droits de l'homme, Mohamed Ayat.

Le Vice-Président du Conseil des droits de l'homme, l'Ambassadeur Bertrand de Crombrugghe de Belgique, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, a remercié les délégations qui ont présenté aujourd'hui leurs condoléances à la Belgique et à son peuple suite aux attaques terroristes perpétrées ce matin à l'aéroport et dans le métro à Bruxelles. Il a affirmé que la Belgique était une société ouverte et a affirmé que ce mode de vie serait préservé. Il a ajouté que ces attaques terroristes ne seraient pas l'occasion de restreindre les droits de l'homme dans le pays.

Présentant son rapport, M. Ayat a rappelé que la Côte d'Ivoire avait été victime, le 13 mars dernier, d'une attaque terroriste sur la plage de Grand Bassam, qui a fait de nombreuses victimes. Cette attaque, a-t-il ajouté, est intervenue alors que le pays est entré dans une phase positive, avec notamment les élections de l'automne dernier, qui ont été tenues dans le respect des normes internationales et à l'issue desquelles tous les candidats battus ont reconnu leur défaite et félicité le vainqueur, contrairement à ce qui s'était passé en 2010. Pour l'Expert indépendant, les élections n'auraient pu se tenir avec succès sans un minimum de respect des droits de l'homme et notamment du droit à la liberté d'expression et du droit de réunion. M. Ayat a noté que le Président réélu Ouattara avait fait de la réconciliation nationale et des droits de l'homme sa priorité nationale. L'Expert indépendant a estimé qu'un «certain équilibre» est en train de s'établir dans les poursuites contre les auteurs des violences qui avaient suivi les élections de 2010. Il a toutefois relevé des obstacles aux enquêtes. Il est en outre clair que les poursuites judicaires se concentrent sur les violations des droits de l'homme commises en 2010 et 2011, alors qu'il faudrait aussi engager des poursuites pour les crimes commis lors des crises précédentes, a-t-il ajouté. M. Ayat s'est félicité du projet de réforme de la Constitution, en souhaitant qu'on en élimine les dispositions qui peuvent nuire à l'unité de la société, en particulier la notion d'«ivoirité».

La Ministre des droits de l'homme et des libertés publiques de la Côte d'Ivoire, Mme Paulette Badjo, a félicité l'Expert indépendant pour avoir pris la juste mesure de la situation des droits de l'homme lors de ses différentes missions et a salué la pertinence de ses observations, notamment en ce qui concerne les efforts en faveur de la gouvernance politique, de la réconciliation nationale et de la lutte contre l'impunité. Mme Badjo a tenu à rassurer la communauté internationale quant à l'intention du Gouvernement de consolider ces acquis.

Lors du débat interactif qui a suivi, de nombreuses délégations* ont pris la parole. Elles ont salué la bonne tenue, dans un climat apaisé, des élections présidentielles de l'automne dernier, y voyant une étape importante sur la voie de la réconciliation. Elles ont en outre mis l'accent sur la nécessité de poursuivre la lutte contre l'impunité et pour la justice, sans lesquelles il ne saurait y avoir de paix durable. À cet égard, la volonté d'indemnisation des victimes a été saluée, mais plusieurs intervenants ont aussi demandé que soient enfin publié le rapport de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, tandis que d'autres rappelaient que la lutte contre l'impunité doit concerner les violations des droits de l'homme commises par toutes les parties. La communauté internationale a été priée de poursuivre son soutien au pays.


Le Conseil poursuivait ses travaux ce soir en se penchant sur les rapports du Haut-Commissariat concernant les situations en Ukraine et au Soudan du Sud.


Débat interactif avec l'Expert indépendant sur la Côte d'Ivoire

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du rapport de l'Expert indépendant sur le renforcement des capacités et de la coopération technique avec la Côte d'Ivoire dans le domaine des droits de l'homme (A/HRC/31/78)

M. MOHAMMED AYAT, Expert indépendant sur le renforcement des capacités et de la coopération technique avec la Côte d'Ivoire dans le domaine des droits de l'homme, a précisé que le rapport était le résultat de sa troisième visite en Côte d'Ivoire, du 2 au 12 novembre 2015. Le rapport couvre uniquement la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2015, a-t-il ajouté, avant de présenter des actualisations. Il a ainsi rappelé que la Côte d'Ivoire avait été victime, le 13 mars dernier, d'une attaque terroriste sur la plage de Grand Bassam, qui a fait de nombreuses victimes. Cette attaque, a-t-il ajouté, est intervenue alors que le pays est entré dans une phase positive, avec notamment les élections de l'automne dernier, qui ont été tenues dans le respect des normes internationales et à l'issue desquelles tous les candidats battus ont reconnu leur défaite et félicité le vainqueur, contrairement à ce qui s'était passé en 2010.

Pour l'Expert indépendant, les élections n'auraient pu se tenir avec succès sans un minimum de respect des droits de l'homme, et notamment du droit à la liberté d'expression et du droit de réunion. Il a toutefois distingué deux périodes. Pendant la période pré-campagne, la Division des droits de l'homme de l'ONUCI avait noté quelques restrictions, justifiées par le pouvoir par le lancement d'un appel à l'insurrection après la publication des listes électorales. En revanche, durant la campagne elle-même et le jour des élections, tout s'est déroulé normalement. M. Ayat a rappelé que les manifestations et les réunions pacifiques étaient un signal fort à la fois de la maturité de la population et du respect des normes par le pouvoir.

M. Ayat a noté que le Président réélu Ouattara avait fait de la réconciliation nationale et des droits de l'homme sa priorité nationale. L'Expert indépendant a estimé qu'un «certain équilibre» est en train de s'établir dans les poursuites contre les auteurs des violences qui avaient suivi les élections de 2010. Il a toutefois relevé des obstacles aux enquêtes, par exemple le refus, dans certaines régions, de la part de la population, des exhumations, parfois pour des raisons politiques, parfois pour des raisons culturelles. Il est en outre clair que les poursuites judicaires se concentrent sur les violations des droits de l'homme commises en 2010 et 2011, alors qu'il faudrait aussi engager des poursuites pour les crimes commis lors des crises précédentes. Par ailleurs, on attend toujours que la Commission nationale pour la réconciliation et l'indemnisation des victimes définisse les victimes.

L'Expert indépendant a par ailleurs noté avec préoccupation que le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation n'avait toujours pas été publié. Ce rapport appartient aux victimes, a-t-il rappelé. M. Ayat s'est également inquiété de la situation des prisons en Côte d'Ivoire, tout en ajoutant que les autorités nationales en sont pleinement conscientes, ainsi que des violences sexuelles. Il a en revanche jugé louable l'annonce d'une large amnistie présidentielle et s'est félicité du projet de réforme de la Constitution, en souhaitant qu'on en élimine les dispositions qui peuvent nuire à l'unité de la société, en particulier la notion d'«ivoirité». Cette réforme pourrait aussi être l'occasion de constitutionnaliser certains mécanismes de protection des droits de l'homme.

Pays concerné

MME PAULETTE BADJO, Ministre des droits de l'homme et des libertés publiques de la Côte d'Ivoire, a tenu à remercier l'ensemble de la communauté internationale pour l'élan de solidarité dont ont bénéficié le Gouvernement et le peuple ivoiriens suite à l'attaque barbare perpétrée, le 13 mars 2016, par les terroristes à Grand Bassam, affirmant que «le pays reste debout» et mettra tout en œuvre, avec tous les acteurs intéressés, pour que les auteurs et complices de ces faits ignobles répondent de leurs actes.

La Ministre a ensuite félicité l'Expert indépendant pour avoir pris la juste mesure de la situation des droits de l'homme lors de ses différentes missions et a salué la pertinence de ses observations, notamment en ce qui concerne les efforts en faveur de la gouvernance politique, de la réconciliation nationale et de la lutte contre l'impunité. Mme Badjo a voulu rassurer la communauté internationale quant à l'intention du Gouvernement de consolider ces acquis.

Elle a cependant procédé à des remarques et commentaires quant au contenu du rapport, expliquant que le principe de la liberté de réunion est consacré par la Constitution et que les formes, conditions et procédures liées à l'organisation de réunions et manifestations sont déterminées par la loi; de plus, il existe des droits de recours. S'agissant du processus de réparation aux victimes, la Ministre des droits de l'homme et des libertés publiques a indiqué que la Commission nationale pour la réconciliation et l'indemnisation des victimes (CONARIV) et le Programme national de cohésion sociale (PNCS) travaillent pour apporter une réponse plus efficace au nécessaire devoir de solidarité de l'État à l'endroit de toutes les victimes des différentes crises survenues dans le pays depuis les années 90.

Le Gouvernement entend mettre en place un mode opératoire inclusif, participatif et consensuel reposant sur un principe d'équité et qui minimise les frustrations et les rancoeurs. En outre, une politique nationale de protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse est en passe d'être adoptée pour répondre aux besoins spécifiques de protection et d'assistance des enfants en tant qu'auteurs, victimes ou témoins d'infractions pénales, de même qu'en matière de statut personnel et familial. Toutes les maisons d'arrêt et de correction du pays disposent de quartiers séparant les hommes, les femmes et les mineurs, à l'exception de celle de Tiassalé, tandis que les projets de nouvelles prisons tiendront compte des normes internationales en matière de détention des mineurs, a ajouté Mme Badjo.

Par ailleurs, suite à une recommandation de l'Expert indépendant, un projet de loi relatif à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées a été adopté en Conseil des ministres en novembre 2015, afin de corriger, entre autres, l'insuffisance du cadre législatif dont les réseaux criminels et de proxénètes tirent profit. La Côte d'Ivoire a déjà créé et mis en place depuis septembre dernier l'Observatoire national de l'équité et du genre (ONEG) chargé de suivre, d'évaluer et de formuler des propositions en vue d'une plus grande émergence des femmes aux postes de décisions.

Le Gouvernement ivoirien reste déterminé à poursuivre tous les auteurs des crimes graves perpétrés pendant la crise pré-électorale, sans discrimination. Cette volonté vise à rendre justice à toutes les victimes, d'autant que la reconstruction du tissu social en dépend, a déclaré Mme Badjo. A l'instar de l'Expert indépendant, elle a lancé à la communauté internationale un appel pour aider davantage son pays à bâtir un État de droit, de bonne gouvernance et de sécurité humaine.

Débat interactif

Les délégations ont présenté leur condoléances à la Côte d'Ivoire pour les attentats survenus le 13 mars dernier à Grand BassaM. L'Union européenne s'est félicitée de la tenue «dans un climat apaisé» des dernières élections, qui constitue une étape importante pour la Côte d'Ivoire. Mais sans justice, il ne peut y avoir de paix durable, a prévenu l'Union européenne, se félicitant que le Président Ouattara se soit engagé à cet effet. Par ailleurs, l'Union européenne s'est dite inquiète de la violence sexuelle sur les femmes et souhaite savoir comment faire en sorte qu'elles puissent avoir accès à la justice. L'Afrique du sud, au nom du Groupe africain, a également salué la tenue de ces élections, qui montre la maturité du peuple ivoirien. Le Groupe africain souscrit par ailleurs aux recommandations de l'Expert indépendant quant à l'aide dont a besoin la Côte d'Ivoire. Le Nigéria s'est également réjoui de la tenue de ces élections et de l'engagement des autorités en faveur de la réconciliation. Le Nigéria entend coopérer avec la Côte d'Ivoire dans les domaines de la sécurité et de l'assistance technique. Cette satisfaction est partagée par les Maldives, qui appellent cependant le Gouvernement ivoirien à répondre aux questions relatives à la population carcérale et aux enfants en conflit avec la loi. Ce sont bel et bien les premières élections qui n'ont pas fait l'objet de contestation violentes ces dernières années, s'est lui aussi réjoui le Botswana, appelant toutefois le pays à renforcer sa commission électorale qui a joué un rôle majeur dans ce processus. Le Botswana demande aussi au Gouvernement de garantir la justice pour tous les Ivoiriens.

La coopération de la Côte d'Ivoire avec les mécanismes des Nations Unies est une source de satisfaction pour la Chine, qui observe que ce pays est à la croisée des chemins et nécessite un appui de la communauté internationale. Le Soudan aussi invite la communauté internationale à s'acquitter de ses engagements et à aider la Côte d'Ivoire dans les domaines les plus pertinents.

Le Togo observe pour sa part que des progrès ont été faits en matière de réconciliation, même si le Gouvernement ivoirien doit encore renforcer la justice transitionnelle et donner des moyens à sa Commission Vérité et Réconciliation. Les États-Unis constatent de leur côté que de nombreux partisans de l'ancien Président Laurent Gbagbo ont été traduits en justice pour les violences post-électorales de 2011 et aucun proche du Président Ouattara. Les autorités doivent garantir une justice équitable, ont souligné les États-Unis. La Belgique aussi se rend bien compte que beaucoup reste à faire en matière de lutte contre l'impunité, en particulier pour les forces de sécurité, qui se rendent coupables de nombreuses violation des droits de l'homme, selon la délégation belge.

Le Gabon a salué la bonne tenue des élections présidentielles, qui se sont déroulées dans un climat de non-violence et de respect des normes internationales. Il a encouragé les pays qui ont toujours soutenu la Côte d'Ivoire à maintenir leur engagement, notamment pour renforcer l'état de droit, la consolidation de la paix et le processus de réconciliation nationale. Djibouti a constaté une sensible amélioration de la situation des droits de l'homme et a salué les efforts de la Côte d'Ivoire en matière de réforme de la justice, de protection des droits des enfants ou encore s'agissant de la situation des prisons. Djibouti appelle le Gouvernement et toute la classe politique ivoiriens à profiter de la prochaine réforme de la Constitution pour abroger les dispositions relatives à l'«ivoirité».

Le Mali a félicité les autorités et l'ensemble de la classe politique ivoiriennes pour l'organisation réussie des élections présidentielles dans un climat apaisé, avant de prendre également note avec satisfaction des avancées enregistrées en matière de réconciliation nationale. Le Mali se félicite en outre du processus d'indemnisation des victimes et de la poursuite de la mise en œuvre du programme de cohésion sociale.

La République du Congo a exhorté la Côte d'Ivoire à poursuivre dans la voie de la pacification et à réaliser la stratégie de réconciliation nationale et d'indemnisation des victimes, gage de cohésion sociale. La République du Congo souhaite la poursuite de l'assistance technique de la communauté internationale à la Côte d'Ivoire, afin de permettre au pays de renforcer sa dynamique de paix et de favoriser davantage la promotion et la protection des droits de l'homme.

Le Sénégal s'est félicité des efforts qui ont permis de mettre en place des institutions nationales dédiées à la promotion et la protection des droits de l'homme, à l'indemnisation d'un grand nombre de victimes de violations graves des droits de l'homme et au renforcement de la justice. Pour l'Algérie, les mesures prises par la Côte d'Ivoire témoignent d'avancées significatives dans la promotion et la protection des droits de l'homme. L'Algérie encourage la Côte d'Ivoire à poursuivre ses efforts pour mettre fin à toutes les violations des droits de l'homme et pour lutter contre l'impunité, et demande à la communauté internationale de poursuivre son soutien au pays.

Le Ghana a salué les efforts du Gouvernement ivoirien et sa coopération avec les mécanismes du Conseil des droits de l'homme et a félicité le pays pour avoir organisé des élections libres, équitables et pacifiques. Le Ghana salue la lutte contre l'impunité et pour l'indemnisation des victimes des violations des droits de l'homme.

La France a rappelé que, pour que les Ivoiriens puissent tourner définitivement la page des crises passées, il était indispensable que les auteurs des graves violations des droits de l'homme commises en 2010-2011 soient jugés. La lutte contre l'impunité doit aller au-delà des crimes contre la sûreté de l'État et porter aussi sur les crimes de sang; elle doit concerner les criminels des deux camps et se faire dans le respect des normes internationales. Il est en outre important de publier le rapport de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation. Les autorités doivent aussi poursuivre leurs efforts pour lutter contre les violences sexuelles, quels qu'en soient les auteurs. La France encourage en outre les autorités ivoiriennes à donner à la Commission nationale des droits de l'homme les moyens d'agir en toute indépendance.

Le Royaume-Uni a salué la manière pacifique, équitable et libre dont se sont déroulées les élections présidentielles en Côte d'Ivoire et a souligné l'importance de la poursuite du dialogue politique entre pouvoir et opposition. La réconciliation nationale sera essentielle au retour à la normale dans le pays. Le Royaume-Uni salue également les progrès du système judiciaire dans la lutte contre l'impunité et pour améliorer la situation dans les prisons. L'Espagne a mis en exergue le bon déroulement des élections et l'engagement du Gouvernement ivoirien en faveur du processus de réconciliation, y voyant un exemple pour la région. Elle salue aussi les efforts d'indemnisation des victimes, qui contribueront à la réconciliation. L'Espagne salue aussi les efforts pour améliorer les prisons et insiste sur l'importance d'assurer la séparation des enfants détenus des adultes.

Le Maroc a salué le déroulement remarquable des élections présidentielles du 25 octobre 2015, qui marque incontestablement l'entrée de la Côte d'Ivoire dans une phase d'accélération des progrès politiques, économiques et sécuritaires. Le Maroc a fermement dénoncé les attaques terroristes de Grand Bassam, assurant la Côte d'Ivoire de son soutien total dans sa lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent. Un des aspects les plus importants est l'attachement du peuple ivoirien à l'exercice de ses droits civils et politiques, matérialisé par un taux de participation massif des élections et par une grand sagesse de la classe politique ivoirienne qui a su éviter la vindicte et la polarisation, s'est par ailleurs réjoui le Maroc.

L'Égypte a elle aussi présenté ses condoléances à la Belgique pour l'attaque terroriste qu'elle a subie ce matin. La délégation égyptienne a ensuite loué les efforts déployés par la Côte d'Ivoire et la tenue d'un scrutin libre réussi. Elle a invité le Gouvernement ivoirien à surmonter les difficultés techniques et à publier le rapport de la Commission de Vérité et de Réconciliation. L'Égypte a en outre invité la communauté internationale à soutenir la Côte d'Ivoire dans ses efforts en matière de réforme de la justice, pour les droits des femmes et des enfants, question clé pour le développement durable.

Plusieurs organisations non gouvernementales sont intervenues. Le Service international pour les droits de l'homme a applaudi le Gouvernement ivoirien pour le déroulement pacifique des élections qui ont, en règle générale, respecté les droits de l'homme et les normes internationales en matière électorale. L'ONG a souhaité des améliorations dans le domaine du renforcement des capacités du système judiciaire et a vivement exhorté la Commission nationale des droits de l'homme à prendre une position résolue face aux violations des droits de l'homme commises en Côte d'Ivoire. Elle a en outre demandé au Gouvernement ivoirien de faire en sorte que ladite Commission soit pleinement conforme aux Principes de Paris, comme le recommande l'Expert indépendant. L'ONG a en outre regretté l'abstention de la Côte d'Ivoire lors de l'adoption de la récente résolution de l'Assemblée générale sur les défenseurs des droits de l'homme.

L'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a souligné que l'accès à la justice et à une réparation adéquate sont les piliers de la réussite du processus de réconciliation nationale. Elle a jugé trop nombreuses encore les victimes qui n'ont pu être recensées par la CONARIV et bénéficier d'indemnisation. Le Bureau international catholique de l'enfance a appuyé la recommandation de l'Expert indépendant relative à la délocalisation du Centre d'observation des mineures de la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (MACA). L'ONG a fait part de ses préoccupations persistantes s'agissant de la question de la séparation effective des enfants des adultes en détention et de celle de l'assistance juridique. Il conviendrait en outre d'accélérer la révision, longtemps annoncée, du Code pénal et du Code de procédure pénale, censée introduire de nouvelles mesures plus conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant, telles que la médiation pénale.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) s'est félicitée des avancées significatives enregistrées par la Cellule spéciale d'enquête et d'instruction (CSEI) en 2015 et de la mise en cause de plusieurs responsables présumés des crimes commis en 2011 à Abidjan et dans l'ouest du pays. Elle a estimé qu'un travail important reste à accomplir avant d'envisager des procès satisfaisants et a souligné qu'il convenait d'éviter toute précipitation, dans le respect du délai raisonnable.

La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO) a dit suivre de près la situation sur le terrain et espérer que le rapport de la Commission de Dialogue, Vérité et Réconciliation serait bientôt rendu public pour permettre à l'ensemble des victimes des atrocités de connaître la vérité. La RADDHO a demandé à l'Expert indépendant ce qu'il préconise pour faire évoluer les enquêtes à l'ouest du pays, principalement à Nahibly et Duékoué.

À l'issue de ce débat interactif, la Côte d'Ivoire a pris acte des préoccupations exprimées par certaines délégations et a souligné que les autorités nationales, conscientes de l'ampleur des défis à relever, ne ménagent aucun effort pour faire des droits de l'homme une des priorités de l'action gouvernementale. Le pays entend continuer sa marche résolue vers la consolidation de la démocratie et de l'état de droit, condition sine qua non de la pleine réalisation des droits fondamentaux et des libertés publiques, a conclu la délégation ivoirienne.

Réponses et conclusions de l'Expert indépendant

M. AYAT a noté que pratiquement toutes les délégations étaient allées dans le sens de l'encouragement à la Côte d'Ivoire. Il a estimé que le pays devait continuer sur la voie actuelle. En matière de réconciliation, le Gouvernement doit ainsi continuer sur la voie des poursuites judiciaires contre des personnes responsables de violations ayant appartenu aux deux camps lors du conflit de 2010-2011, y inclure les crimes de sang, étendre les poursuites aux crises antérieures à 2010 et travailler à l'indemnisation des victimes. Pour M. Ayat, il existe une volonté politique en ce sens.

L'Expert indépendant a en outre estimé que les réformes constitutionnelles sont en général un travail assez lourd et de longue haleine, mais il a estimé que certaines dispositions devaient être traitées d'urgence, notamment aux fins de l'abolition de l'article 35 de la Constitution qui consacre la notion d'«ivoirité» ou encore aux fins de la consolidation de l'indépendance de la magistrature. M. Ayat a également estimé qu'il faudrait constitutionnaliser la Commission nationale des droits de l'homme en veillant à ce qu'elle soit bien conforme aux Principes de Paris. Concernant les violences sexuelles, il faut reconnaître les progrès déjà accomplis, qui se traduisent par une plus grande confiance dans les autorités pour dénoncer les violences subies, a poursuivi l'Expert. M. Ayat a toutefois insisté sur l'intensification du travail de sensibilisation, car les périodes troublées ont favorisé l'anomie. Il a notamment souhaité que soit d'urgence défini le viol, dans le Code pénal, et que des lois spécifiques sur les violences sexuelles soient édictées. En conclusion, M. Ayat s'est dit optimiste et a appelé la communauté internationale à poursuivre son assistance à la Côte d'Ivoire.

___________

*Délégations ayant participé au débat sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire: Union européenne, Afrique du sud (au nom du Groupe africain), Nigeria, Maldives, Botswana, Chine, Gabon, Djibouti, Mali, Congo, Sénégal, Algérie, Ghana, France, Royaume-Uni, Espagne, Maroc, Égypte, Service international pour les droits de l'homme, Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Bureau international catholique de l'enfance, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC16049F