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LE CONSEIL EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES DROITS CULTURELS ET SUR LES DROITS DE L'HOMME DANS LE CONTEXTE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Compte rendu de séance
Il tient des débats interactifs groupés avec les Rapporteurs spéciaux chargés de ces questions

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, ce matin, les rapports de Mme Karima Bennoune, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, et de M. Ben Emmerson, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

M. Emmerson a salué le Plan d'action du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention de l'extrémisme violent, estimant qu'il montre à juste titre que les tentatives d'endiguer la propagation de ce fléau basées uniquement sur des mesures répressives ne sont pas efficaces. Ce Plan souligne dès lors la nécessité d'adopter une nouvelle approche qui s'attelle aux causes sous-jacentes de l'extrémisme violent et non pas uniquement à ses manifestations, s'est félicité le Rapporteur spécial. Il rappelle que, dans certains États, les programmes de lutte contre la violence extrême ont été utilisés à mauvais escient, notamment pour faire taire des opposants politiques et cibler des minorités religieuses. Il met en garde contre l'utilisation de la lutte contre le terrorisme pour limiter la liberté de parole, entraver la liberté de mouvement des citoyens ou généraliser les pratiques de profilage racial ou religieux. Pour le Rapporteur spécial, l'absence de définition internationalement reconnue de l'extrémisme violent renforce le risque de commettre des abus de droits de l'homme.

Parmi les nombreuses délégations* qui sont intervenues au cours du débat qui a suivi, bon nombre ont souligné que le terrorisme n'a ni religion, ni nationalité, ni couleur. Aucun État n'est à l'abri de ce fléau, d'où la nécessité d'inscrire la lutte contre le terrorisme dans le cadre d'une stratégie mondiale fondée sur le respect du droit et des libertés fondamentales. Le volet préventif a été considéré comme extrêmement important, des intervenants préconisant notamment de renforcer l'inclusion et la cohésion sociale, et de placer l'éducation au centre de ces efforts. La nécessité d'agir pour prévenir la radicalisation des jeunes a en outre été soulignée. Dans ses remarques de conclusion, le Rapporteur spécial a considéré comme un exemple de bonne pratique l'accent mis par plusieurs États sur la nécessité de protéger la société civile et de lui permettre de s'engager dans les efforts pour lutter contre la radicalisation.

Le rapport annuel dans le domaine des droits culturels de Mme Bennoune se penche sur la destruction intentionnelle de l'héritage culturel en tant que violation des droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale y fait valoir la nécessité d'examiner, outre le rôle et la responsabilité des États, la responsabilité criminelle des individus dont les actes intentionnels de destruction de biens culturels peuvent être assimilés à un crime contre l'humanité. D'une manière générale, la nouvelle Rapporteuse spéciale, qui a pris ses fonctions en novembre 2015, a observé que même si les droits culturels ont gagné en légitimité ces dernières années, beaucoup reste à faire en ce qui concerne la pleine mise en œuvre de ces droits. Mme Bennoune ayant par ailleurs rendu compte de la visite effectuée au Botswana par Mme Farida Shaheed (la précédente titulaire du mandat de Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels), le Botswana a fait une déclaration à titre de pays concerné.

Parmi les délégations ** qui ont participé au débat sur cette questions, beaucoup se sont dites consternées par la destruction intentionnelle du patrimoine culturel, qualifiant ces actes de violations des droits de l'homme, et en particulier des droits culturels, voire de crimes de guerre. Dans ce contexte, la proposition de la Rapporteuse spéciale de poursuivre l'analyse de l'impact néfaste de la destruction du patrimoine culturel sur la jouissance des droits de l'homme a été soutenue par plusieurs délégations. L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture a rappelé qu'en novembre dernier, sa Conférence générale avait adopté une nouvelle stratégie pour le renforcement de son action de protection de la culture en cas de conflit armé.


Cet après-midi, le Conseil se penchera sur le rapport annuel du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, ainsi que sur plusieurs autres rapports thématiques préparés par le Haut-Commissariat.


Protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (A/HRC/31/65, version préliminaire disponible en anglais uniquement).

M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a ouvert sa présentation en saluant le Plan d'action du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention de l'extrémisme violent. Ce Plan, a souligné M. Emmerson, traite à juste titre des conditions qui favorisent l'émergence de l'extrémisme violent et montre l'inefficacité des tentatives d'endiguer la propagation de ce fléau basées uniquement sur des mesures répressives; il souligne la nécessité d'adopter une nouvelle approche qui traite des causes sous-jacentes de l'extrémisme violent et non pas uniquement de ses manifestations. Les États membres sont donc encouragés à adopter une stratégie nationale pour prévenir l'extrémisme violent et ses idéologies. Le Plan d'action précise à cet égard toute une série d'objectifs à atteindre, notamment l'accès équitable à la justice et la création d'institutions justes.

Ce document, qui comporte 70 recommandations claires, est, pour le Rapporteur spécial, crucial pour lutter contre l'extrémisme violent. M. Emmerson se réjouit aussi particulièrement que ce Plan reconnaisse le rôle central de la protection des droits de l'homme dans la lutte contre l'extrémisme violent. Le Rapporteur spécial rappelle à ce propos que, dans certains États, les programmes de lutte contre la violence extrême ont été utilisés à mauvais escient pour faire taire des opposants politiques. Son propre rapport souligne certains de ces dangers et veut contribuer au débat public sur ces questions. Pour M. Emmerson, «il ne faut pas oublier les droits et les libertés précieuses de nos citoyens lorsque nous cherchons à les protéger».

Le Rapporteur spécial a constaté qu'il n'existe pas de définition internationalement reconnue de l'extrémisme violent. Les définitions nationales varient beaucoup. Or, l'absence de consensus pose le risque que la lutte contre l'extrémisme violent soit utilisée comme moyen de répression des opinions contraires aux gouvernements; et que ne soient adoptées des mesures intrusives, disproportionnées et discriminatoires, ciblant des minorités politiques et religieuses, des acteurs de la société civile, des défenseurs des droits de l'homme ou des personnes autochtones. Pour M. Emmerson, il y a en effet un risque réel que cette absence de définition ouvre la porte à des abus de droits de l'homme.

Le rapport de M. Emmerson pointe, enfin, plusieurs dangers pour les droits de l'homme inhérents à la lutte contre le terrorisme: criminalisation de l'incitation au terrorisme comme moyen de limiter la liberté de parole; entraves injustifiables à la liberté de mouvement et à la vie privée des citoyens; et généralisation du profilage racial ou religieux, toujours discriminatoire. Enfin, le Rapporteur spécial a mis en garde contre les initiatives de lutte contre l'extrémisme violent mal conçues qui risquent de donner l'impression que les États utilisent ces méthodes pour récolter des informations sur des personnes et des communautés bien précises.

Débat interactif

L'Union européenne a reconnu que les mesures de lutte contre l'extrémisme violent ne doivent pas être prises au détriment d'un environnement sûr et propice à l'édification d'une société indépendante, pluraliste et diverse. Notant que le Rapporteur spécial déplore l'absence d'une définition commune de l'extrémisme violent, l'Union européenne lui a demandé quelle serait la définition qu'il recommanderait. Ce problème a également été soulevé par l'Afrique du Sud qui a reconnu que «l'élasticité de la définition» de l'extrémisme violent peut conduire à l'adoption de mesures ayant un impact négatif sur les droits de l'homme, notamment la stigmatisation de certains groupes. Du point de vue de la Suisse, l'extrémisme violent comprend «toute idéologie qui justifie, propage ou soutient l'emploi de la violence extrême, c'est à dire des violations graves des droits de l'homme, crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide et tout acte de violence terroriste tel que défini par le cadre international à ce sujet».

Le Koweït, au nom du Groupe arabe, a considéré que la lutte contre le terrorisme exige l'adoption d'un plan complet et d'une stratégie claire qui tiennent compte des enjeux économiques, militaires et sécuritaires. Il faut s'attaquer aux causes profondes du terrorisme, estime le Groupe arabe, même si ce combat risque de durer des années. Pour la Belgique, le Plan d'action du Secrétaire général constitue un outil plein de promesses. La Belgique souligne que le volet préventif est extrêmement important pour lutter contre l'extrémisme violent. Israël a fait observer que le terrorisme et l'extrémisme violent ne se développent pas à partir de rien: il leur faut un environnement propice, une communauté qui les encourage, l'approbation d'une élite. Ils prospèrent là où la glorification du martyre fait partie du cursus scolaire des enfants et lorsqu'un soutien financier est accordé aux familles de terroristes. Pour Israël, il faut d'abord identifier et dénoncer ceux qui soutiennent et encouragent le terrorisme, et dont certains se trouvent dans la salle du Conseil.

L'Arabie Saoudite a affirmé que le terrorisme n'avait ni religion, ni nationalité. L'Arabie Saoudite a été l'un des premiers pays à s'élever contre la menace terroriste; elle a été aussi à l'origine de la création d'une coalition internationale de lutte contre le terrorisme.

La Tunisie a aussi tenu à rappeler que le terrorisme n'a pas de couleur ni de religion et que personne n'est à l'abri de ce fléau. La Tunisie fait face à un terrorisme qui s'attaque à sa démocratie naissante. Il faut répondre à cette menace en renforçant la démocratie: c'est le parti qu'ont pris les autorités tunisiennes. Le Nigéria a souligné que son pays est lui aussi frappé par le terrorisme: Boko Haram menace la paix, la sécurité et les libertés fondamentales des régions du Nord-Est du pays et du bassin du lac Tchad. Les atrocités commises par Boko Haram ont causé des souffrances injustifiées et une catastrophe humanitaire. Pour y faire face, le Nigéria recommande de limiter le recrutement et de renforcer les capacités de résistance des communautés.

Pour la Namibie, le cadre de la lutte antiterroriste reste la Stratégie antiterroriste mondiale lancée par l'Assemblée générale, de même que les orientations du Plan d'action du Secrétaire général pour prévenir l'extrémisme violent. Le Conseil devrait, quant à lui, se concentrer sur les préoccupations essentielles en matière de droits de l'homme: le droit à la vie, à l'eau potable, au développement, ainsi qu'aux droits des femmes et des enfants, dont l'absence peut favoriser le terrorisme et l'extrémisme violent.

La Fédération de Russie a estimé que l'absence de définition de l'extrémisme violent dans le Plan d'action du Secrétaire général compliquait considérablement l'approche internationale du phénomène; elle a jugée «faible» la résolution 30/15 du Conseil des droits de l'homme adoptée en septembre dernier sur ce sujet («Les droits de l'homme et l'action menée pour prévenir et combattre l'extrémisme violent»). Au contraire, le Maroc a rappelé que le Plan d'action du Secrétaire général était la résultante d'un processus intergouvernemental aux Nations Unies et a fait observer que l'absence de définition du terrorisme n'avait pas empêché les États d'adopter, il y a dix ans, la Stratégie antiterroriste mondiale. Le Maroc s'étonne de l'inquiétude du Rapporteur spécial, alors que la résolution 30/15 du Conseil, premier texte consacré à l'extrémisme violent, rappelle la nécessité de respecter les droits de l'homme dans toute action et insiste sur le rôle de la société civile.

Cuba a jugé intéressante l'analyse du Rapporteur spécial sur l'extrémisme violent et son lien avec le terrorisme. L'absence de définition de l'extrémisme violent ne doit pas servir de prétexte pour violer les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Cuba demande que ne se renouvèlent pas les détentions indéfinies et autres violations des droits de l'homme au prétexte de la lutte contre le terrorisme.

Les États-Unis ont déclaré ne pas partager toutes les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial. Néanmoins, ils en saluent les recommandations concernant la nécessité de davantage de recherches et l'importance du respect de leurs obligations relatives au droit international des droits de l'homme par tous les États. Les recommandations contenues dans le Plan d'action du Secrétaire général et dans les piliers I et IV de la Stratégie antiterroriste mondiale sont des outils essentiels pour traiter de ces questions complexes. Les États-Unis aimeraient savoir ce que le Rapporteur spécial propose pour traiter des aspects de la radicalisation qui ne sont pas contraires aux lois nationales ou au droit international.

L'Italie a souligné l'importance du respect des droits et libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent. Le Conseil de l'Europe a indiqué que le Protocole de Riga à la Convention pour la prévention du terrorisme, ouvert à la signature de tous les États en mai 2015, cible les actes criminels liés aux combattants terroristes étrangers.

L'Égypte estime qu'il ne faut pas attacher le terrorisme, phénomène mondial, à une religion ou une civilisation. La lutte contre le terrorisme doit se faire dans la cadre d'une stratégie mondiale fondée sur le respect du droit et des libertés fondamentales. Le Plan d'action du Secrétaire général est une des premières mesures contre l'extrémisme violent mais il manque de définition et omet certaines causes importantes comme le fanatisme nationaliste, religieux ou culturel.

L'Algérie a dit lutter avec détermination, par des mesures législatives et institutionnelles, contre l'islamophobie et la xénophobie, qui représentent d'autres formes inacceptables d'extrémisme violent dont sont victimes les communautés musulmanes dans les pays développés. L'Algérie a lancé des programmes de coopération avec les institutions religieuses et éducatives pour atténuer la réceptivité d'une partie de la jeunesse à l'extrémisme violent et encourage les échanges d'expérience en matière de lutte contre le terrorisme. Les Émirats arabes unis s'associent à l'appel du Rapporteur spécial pour mieux protéger les victimes du terrorisme. Ils considèrent que la sélectivité, la politique du «deux poids deux mesures» et l'usage de la force, voire l'arrogance d'organisations internationales, ont parfois suscité le terrorisme et l'extrémisme violent.

Le Pakistan a dit avoir perdu plus de 62 000 hommes, femmes et enfants du fait du terrorisme depuis le 11 septembre 2001. Il déclaré que sa loi sur la lutte contre le terrorisme de juin 2014 avait donné des résultats très positifs. Le pays travaille aussi au retour, dans la dignité, des personnes déplacées. Le Pakistan a lancé un plan national de lutte contre l'extrémisme violent qui prévoit, entre autres, une réforme du système pénal et des mesures de surveillance sur Internet. Le Pakistan attache beaucoup d'importance à la Stratégie antiterroriste mondiale de l'Assemblée générale et aux résolutions du Conseil de sécurité. La délégation pakistanaise a rendu hommage au travail des forces de l'ordre de son pays.

Il ne faut pas lier le terrorisme à un pays, une culture ou une religion, ont insisté plusieurs délégations, parmi lesquelles celles de l'Équateur et de la Turquie. Cette dernière a en outre insisté sur la nécessité d'empêcher les jeunes d'être sensibles à l'extrémisme; si des recherches sont nécessaires pour comprendre les mécanismes de cet extrémisme, les États n'en doivent pas moins de leur côté mettre en œuvre la stratégie globale de lutte contre le terrorisme, a souligné la délégation turque. L'Indonésie, qui a elle aussi exprimé son refus d'une approche qui pourrait cibler une population en particulier, a indiqué avoir pour sa part entrepris une campagne de sensibilisation et de déradicalisation à l'intention des jeunes, afin qu'ils ne tombent pas dans l'extrémisme violent. La délégation indonésienne s'est interrogée sur la manière dont pourrait être améliorée la coopération afin de mieux entendre les voix des modérés dans le concert des nations. La République islamique d'Iran, tout comme l'Afrique du Sud au nom du Groupe africain, ont rappelé que ni l'extrémisme violent, ni le terrorisme ne devaient être associés à une civilisation, une religion, une ethnie, une nationalité ou une culture. Le Groupe africain rappelle en outre l'importance de la coopération internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'Iran considère pour sa part que le Plan d'action du Secrétaire général pour la prévention de l'extrémisme violent comme constituant une mesure importante et coordonnée. L'ex-République yougoslave de Macédoine, qui a elle aussi appuyé le Plan d'action du Secrétaire général pour la prévention de l'extrémisme violent, a estimé qu'il faut aujourd'hui et urgemment répondre aux conséquences de cet extrémisme. Pour la Jordanie, il faut lutter de manière efficace contre le terrorisme et l'extrémisme violent et le Plan d'action du Secrétaire général est à cet égard une initiative bienvenue. Il faudrait aussi d'intéresser davantage au rôle que peuvent jouer les jeunes et renforcer le dialogue interculturel, comme le fait la Jordanie à travers diverses initiatives.

Pour le Brésil, lier l'extrémisme violent au terrorisme serait erroné, car les attaques terroristes ne sont pas toujours le fait d'extrémistes. De l'avis du Brésil, les actes d'extrémisme violent doivent être abordés et sanctionnés pour ce qu'ils sont, sans chercher à le les lier au terrorisme.

La France a estimé que les qualifications de terrorisme ou d'extrémisme violent ne devaient pas être dévoyées par les États pour limiter la liberté d'expression et a souligné que la lutte contre les deux phénomènes doit se faire dans le respect des droits de l'homme. Les Maldives ont rappelé que l'extrémisme violent n'avait pas encore été défini clairement et que les définitions qui peuvent exister au niveau des États sont, au mieux, ambigües. Il ne faut pas utiliser les termes de «terrorisme» et d'«extrémisme violent» de manière interchangeable, ont ajouté les Maldives, indiquant que la radicalisation adopte des idéologies extrémistes violentes qui peuvent mener à des actes de terrorisme. En outre, l'extrémisme violent ne doit pas être associé à une culture, une religion, un groupe ethnique ou une civilisation particulière. Ainsi, les Maldives, État où l'islam régit la plupart des aspects de la vie et de la culture, a toujours maintenu une politique de modération et d'ouverture. La République arabe syrienne a réclamé une claire définition du terrorisme et de l'extrémisme violent.

Pour lutter contre le terrorisme, la communauté internationale devrait suivre les principes de la Charte des Nations Unies, dont la coopération et le dialogue font partie; elle devrait s'attaquer non seulement aux manifestations du terrorisme, mais aussi à ses causes profondes, ce qui évitera de torpiller les droits légitimes des peuples, a indiqué la Chine. Il y a en effet un risque de justifier des actes illégitimes sous couvert de lutte contre le terrorisme, a lui aussi souligné le Mexique, appelant à ce que les mesures de lutte ou de prévention contre l'extrémisme violent ne ciblent aucun groupe ou des individus en particulier, sur la base de stéréotypes. Le Venezuela a déploré que, dans de nombreux cas, la lutte contre le terrorisme soit utilisée pour répandre la peur et abolir certains droits fondamentaux. L'espace aérien de pays souverains est violé par des drones de surveillance; le terrorisme d'État se pratique; et des crimes de guerre sont commis dans les pays en développement, a ajouté la délégation vénézuélienne. Il est vrai que les mesures sécuritaires n'ont pas prévenu la résurgence des actes terroristes, a fait observer l'Organisation de la coopération islamique (OCI), avant d'indiquer avoir pour sa part ouvert un centre de messagerie pour donner une autre lecture du Coran aux jeunes.

La Nouvelle-Zélande a relevé l'importance de trouver un équilibre entre le besoin urgent de dissuader tout extrémisme violent et la nécessité de respecter l'État de droit et les droits de l'homme. Le pays a constaté qu'il existe en effet un risque que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme ciblent certaines communautés. Le Royaume-Uni a déclaré qu'il entend continuer à contrer la menace terroriste avec ses partenaires internationaux et ceux de la société civile, non seulement pour protéger la paix et la sécurité, mais également pour défendre les droits de l'homme. La promotion et la protection des droits de l'homme – et en particulier de la liberté de religion, de la non-discrimination et des droits des femmes – sont essentielles pour rendre les sociétés plus tolérantes, plus unies et, par conséquent, plus résistantes face aux influences extrémistes.

En tant que pays confronté au terrorisme de Daesh, la Libye a déploré le défi lancé par ce phénomène à la communauté internationale, déplorant l'incapacité à s'attaquer à ses causes, à ses sources de financement, ni même à arrêter les pays qui soutiennent ces terroristes. Il faut absolument s'attaquer à ce défi, en luttant contre la pauvreté, pour le développement, mais aussi en aidant les pays qui font face à ce phénomène, a insisté la Libye. En plus de ces mesures, il faut aussi prévenir l'apparition de nouveaux groupes extrémistes, a ajouté l'Éthiopie. La Malaisie s'est pour sa part dit consciente que même si les causes profondes du terrorisme et de l'extrémisme violent sont abordées, ce défi ne sera pas résolu du jour au lendemain. C'est pour cela qu'elle a toujours prôné la modération, en particulier au sein du Mouvement mondial des modérés. Pour autant, la Malaisie aimerait savoir ce qui pourrait constituer une bonne définition de l'extrémisme violent et du terrorisme.

Pour lutter contre les conditions propices à l'extrémisme violent, l'Albanie préconise de promouvoir et protéger les droits de l'homme, de renforcer l'inclusion sociale et la cohésion et de placer l'éducation au centre de ces efforts. Face aux «crimes odieux des terroristes», le Mali a indiqué avoir mis en place «un ensemble de mesures destinées à adapter l'arsenal répressif à la lutte contre le terrorisme, tout en respectant les principes fondamentaux du droit». En outre, le Mali s'est doté en 2013 d'un pôle judiciaire spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Le Soudan a quant à lui adopté des plans d'action et forgé des partenariats pour lutter contre le terrorisme. La délégation soudanaise a souligné que des groupes rebelles agissent au Soudan, kidnappent des enfants et attaquent des villages; les autorités ont lancé un appel à ces terroristes et profitent de cette occasion pour relancer cet appel afin que ces groupes mettent un terme à ces violences, rejoignent la table des négociations et participent au dialogue national. Le terrorisme figure aussi parmi les préoccupations majeures du Gouvernement de l'Afghanistan, dont la délégation s'est dite convaincue que les terroristes qui agissent en Afghanistan reçoivent un soutien de l'extérieur. La délégation afghane a par ailleurs précisé que la sécurité et le respect des droits de l'homme ont toujours été une priorité pour le Gouvernement afghan dans ses opérations militaires contre les groupes terroristes. Le Liban a rappelé qu'il est confronté en permanence au terrorisme et se trouve sous la menace de groupes violents. La délégation libanaise a par ailleurs déploré le caractère par trop général du rapport de M. Emmerson; elle aurait préféré un rapport qui ne soit pas seulement un éventail de généralités mais qui s'attelle à sérieusement réfléchir à une stratégie pour faire face au terrorisme.

Pour la Côte d'Ivoire, les «violations massives et abus de tous genres perpétrés par des groupes armés non étatiques sont d'une telle intensité et d'une telle atrocité qu'il devient impérieux pour la communauté internationale d'avoir une réponse appropriée et ciblée». La délégation ivoirienne reste convaincue que le Conseil a un rôle primordial à jouer à cet égard. La Géorgie estime elle aussi que le terrorisme doit être universellement condamné et faire l'objet d'une lutte internationale coordonnée. L'extrémisme violent est un danger, a souligné la délégation géorgienne.

Le Mali a insisté sur la nécessité de bannir de nos société le terrorisme et l'extrémisme violent et a annoncé le déploiement de 800 soldats au sein de la force internationale contre Boko HaraM.

L'Iraq a affirmé que le droit à la lutte contre le terrorisme était lui-même devenu un droit fondamental, avant de rappeler que ses forces armées accumulaient aujourd'hui les victoires face aux forces takfiristes et obscurantistes.

L'Irlande a estimé que la société civile pouvait jouer un rôle important pour contrer l'extrémisme violent, y compris en autonomisant les personnes qui appartiennent à des groupes vulnérables. L'Irlande a demandé au Rapporteur spécial de fournir des orientations aux États pour que les mesures qu'ils prennent (dans le cadre de la lutte contre le terrorisme) ne nuisent pas au rôle de la société civile. L'Estonie a rappelé que toute mesure visant à retirer des messages ou opinions sur Internet au nom de la lutte contre le terrorisme ou l'extrémisme violent devait être ancrée dans le droit international des droits de l'homme et limitée à ce qui est strictement nécessaire.

Le Qatar a rappelé qu'il accueillait de nombreuses conférences et forums consacrés à la lutte contre le terrorisme et qu'il a ratifié plusieurs conventions de lutte contre le terrorisme, y compris en rapport avec la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

La Commission nationale des droits de l'homme de la Malaisie a souligné, par vidéotransmission, la nécessité de renforcer les mesures existantes de lutte contre le terrorisme et d'élaborer des stratégies de riposte dans le respect des droits de l'homme. La lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme peuvent se renforcer mutuellement, a ajouté la Commission, avant de se dire préoccupée par l'étendue des pouvoirs antiterroristes octroyés aux autorités de la Malaisie en l'absence de véritable consultation nationale.

Plusieurs organisations non gouvernementales ayant participé au débat avec le Rapporteur spécial se sont inquiétées des lois antiterroristes adoptées par certains pays. La Fondation Helsinki pour les droits de l'homme a souligné que ni la sur-sécurisation, ni la répression des droits de l'homme ne sont propices à la paix et la stabilité. La Fondation a demandé au Conseil de prier la Chine de réévaluer sur sa loi antiterroriste, qui a pour effet de criminaliser pratiquement toute forme d'expression identitaire et religieuse au Tibet.

People's Solidarity for Participatory Democracy s'est inquiété de la portée de l'arsenal juridique contre le terrorisme dont la République de Corée s'est dotée, en particulier le fait que la définition très vague qui est donnée de ce crime en autorise des interprétations très arbitraires. L'ONG a demandé au Gouvernement de la République de Corée d'abroger sa loi sur le contre-terrorisme et d'adopter des mesures fortes pour prévenir tout abus de pouvoir par l'organisme gouvernemental en charge de la lutte contre le terrorisme.

La Commission internationale de juristes s'est enquise de l'avis du Rapporteur spécial quant aux mesures et mécanismes que les États, les organisations intergouvernementales et la société civile pourraient adopter pour faire en sorte que des pays comme la Tunisie, l'Égypte et le Pakistan amendent leurs lois contre le terrorisme pour les mettre en conformité avec leurs obligations et engagements au titre du droit international des droits de l'homme. La Commission a dénoncé, en particulier, la traduction de personnes accusées de terrorisme devant des tribunaux militaires.

Alulbayt Foundation a déclaré que la plupart des victimes des attaques terroristes perpétrées par des groupes comme Daech ou Boko Haram sont des membres de la minorité chiite. Le Conseil doit condamner la discrimination à l'encontre des chiites.

American Civil Liberties Union (ACLU) a rappelé l'absence de définition précise du terrorisme et a souligné qu'il n'existe pas de profil type des terroristes. Pourtant, les mesures prises aux États-Unis stigmatisent les musulmans américains et les services de renseignements stigmatisent certains groupes comme les étudiants en religion, a déploré l'ONG.

Human Rights Now a évoqué la poursuite de la crise en Iraq en faisant observer que plus de 3500 personnes, en général des membres de minorité religieuses, étaient traitées en esclaves par Daech. Pour leur part, les forces militaires et de sécurité iraquiennes mais aussi kurdes effectuent des bombardements aveugles et commettent des crimes, a ajouté l'ONG, avant d'insister sur la nécessité pour la communauté internationale de faire tout son possible pour protéger les civils et encourager la réconciliation.

Le Congrès du monde islamique a constaté que les lois contre le terrorisme n'avaient pas réussi à éliminer ce problème faute de s'attaquer à ses sources réelles, qui sont à chercher dans l'extrémisme. Le Congrès a dénoncé la répression exercée par l'Inde au Jammu-et-Cachemire au prétexte de la lutte contre le terrorisme. La Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants a dénoncé la loi d'exception qui autorise les forces armées et d'autres forces paramilitaires indiennes à commettre des abus de pouvoir en toute impunité. L'ONG a prié le Rapporteur spécial de demander au Gouvernement indien d'abroger les lois draconiennes contraires au droit international et de relâcher le Professeur Gilani et plusieurs de ses étudiants, arrêtés le 9 février dernier à l'Université de Delhi au cours d'un rassemblement pacifique contre la peine de mort.

L'Institut international pour la paix, la justice et les droits de l'homme a attiré l'attention du Conseil sur la hausse mondiale des dépenses en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme ainsi que sur la limitation des possibilités d'expression régulière, y compris dans des pays développés. L'ONG rappelle par ailleurs que le terrorisme ne se limite pas à des groupes non étatiques: les États peuvent aussi pratiquer le terrorisme et il faudrait en parler, à l'avenir.

Global Network of Rights and Développement a souligné qu'il était impossible d'éradiquer le terrorisme sans respecter les droits fondamentaux de tous les membres de la société et a demandé à tous les pays de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les violations des droits de l'homme dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme.

East and Horn Africa Human Rights Defense Project a regretté que la lutte contre le terrorisme menée par les autorités de l'Éthiopie s'appuie sur des concepts mal définis, ce qui fait courir des risques pour la liberté d'information et d'expression. L'ONG a attiré l'attention sur les conclusions d'un groupe d'experts du Conseil des droits de l'homme ayant appelé le Gouvernement éthiopien à mettre un terme à la répression violente qui s'est abattue sur des manifestants pacifiques dans la région d'Oromia, entraînant la mort de 150 personnes.

Réponses et conclusion du Rapporteur spécial

M. EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a remercié les différents États qui ont expressément apporté leur soutien aux thèmes centraux de son rapport. Concernant la définition de l'extrémisme violent, le Rapporteur spécial s'est dit incapable d'en donner une à ce stade mais a reconnu qu'il était très difficile d'avoir une définition juridique unique, comme c'est aussi le cas pour le terrorisme. Les deux phénomènes prennent des aspects multiples, mais il faut beaucoup plus de recherches et de travail s'agissant de cette question, a-t-il souligné. Il a estimé qu'il n'existait aucune preuve que les stratégies de lutte contre l'extrémisme violent dans le monde aient eu le moindre impact, que ce soit au plan national ou au plan international. Ces programmes ont un impact marginal mais, en réalité, ils sont là «pour la façade» et comportent des risques inhérents pour les droits de l'homme, a ajouté M. Emmerson, qui a estimé qu'il y avait beaucoup de rhétorique autour de la question, mais pas de véritable recherche empirique.

En dehors de tout problème de définition, le Rapporteur spécial a présenté comme un exemple de bonne pratique l'accent mis par plusieurs États, comme le Royaume-Uni, sur la nécessité de protéger la société civile et de lui permettre de s'engager dans les efforts de lutte contre la radicalisation. Un exemple de mauvaise pratique est l'utilisation par les États, déjà observée, de la lutte contre le terrorisme pour augmenter la surveillance, en transformant par exemple les éducateurs en espions, a d'autre part déclaré M. Emmerson. De telles pratiques ont toute chances d'être inefficaces, voire contre-productives, a-t-il insisté.

Droits culturels

Présentation de rapports

Le Conseil est saisi du rapport thématique de la nouvelle Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels (A/HRC/31/59), qui traite également de la mission effectuée par la précédente titulaire du mandat en 2014 au Botswana (A/HRC/31/59/Add.1 et Add.2, à paraître en français)

MME KARIMA BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a présenté son premier rapport, qui comporte deux parties: la première revisite le cadre international en matière de droits culturel établi par son prédécesseur, Mme Farida Shaheed; la seconde partie se penche sur la destruction intentionnelle de l'héritage culturel en tant que violation des droits de l'homme.

La nouvelle Rapporteuse spéciale, qui a pris ses fonctions en novembre 2015, a observé que même si les droits culturels ont gagné en légitimité ces dernières années, beaucoup reste à faire en ce qui concerne la pleine mise en œuvre de ces droits. Sans le rapport, la Rapporteuse spéciale s'attache à promouvoir la jouissance des droits culturels sans exclusion ni discrimination, une démarche rendue particulièrement nécessaire par les nombreux discours politiques qui justifient ou appellent à l'exclusion de groupes entiers. La Rapporteuse spéciale s'attache également à préciser la notion de «communauté» à laquelle on fait très souvent référence sans la définir. Son rapport souligne que les droits culturels ne justifient ni le relativisme culturel, ni la violence, ni la discrimination.

Mme Bennoune a expliqué avoir décidé d'étudier le problème de la destruction intentionnelle de l'héritage culturel après avoir vu des biens culturels être ciblés dans des situations de conflits. Cette question sera une priorité de son mandat. La Rapporteuse spéciale explorera aussi la destruction de biens dans d'autres circonstances, comme par exemple dans le cadre de projets de développement. Au cours de son examen, elle a noté que l'héritage culturel est protégé par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 15) ainsi que par la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954) et ses deux protocoles facultatifs. Or, un certain nombre d'États, y compris des membres du Conseil des droits de l'homme, n'ont pas encore adhéré à ladite Convention, en particulier à son second protocole, a regretté la Rapporteuse spéciale.

Outre le rôle et la responsabilité des États, il y a lieu d'examiner la responsabilité criminelle des individus dont les actes intentionnels de destruction de biens culturels peuvent être assimilés à un crime contre l'humanité et, au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, comme la volonté de détruire un groupe. À ce propos Mme Bennoune s'est réjouie que la Cour pénale internationale ait ouvert des enquêtes sur la destruction de biens culturels au Mali. Il est à espérer que des poursuites seront lancées pour d'autres cas, a dit Mme Bennoune.

Enfin, Mme Bennoune a déclaré que Mme Shaheed s'était réjouie, lors de sa visite au Botswana en 2014, des progrès réalisés par ce pays dans le domaine des droits culturels. Mais l'ancienne Rapporteuse spéciale avait aussi observé que les populations ne semblaient pas prêtes à accepter le développement tel qu'il était proposé par le Gouvernement du Botswana, auquel il appartient maintenant de fonder une nouvelle société.

Pays concerné

Le Botswana a indiqué que s'il n'était, en effet, pas encore partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il a ratifié d'autres instruments internationaux qui permettent aux communautés de faire valoir leurs valeurs et pratiques culturelles. Le Botswana a pris des mesures pour reconnaître la diversité culturelle du pays et autoriser l'expression et la pratique de ces différentes cultures. Le Botswana entend poursuivre ses efforts et promouvoir son unité dans le cadre du plan Vision 2016, qui vise à construire «une nation unie et fière de la variété de ses cultures, de ses langues, de ses traditions et des peuples qui partagent une destinée commune». La même ambition sera ancrée dans le nouveau plan Vision 2036. À cette occasion, le Botswana créera un Bureau du Médiateur au mandat élargi, pour lui permettre en particulier de défendre le droit des peuples de pratiquer leur culture. Ce Bureau sera en mesure d'enquêter sur des violations des droits de l'homme alléguées et d'offrir des réparations.

Le Botswana a dit avoir pris note des conclusions et recommandations de la Rapporteuse spéciale. Il étudiera avec attention les chapitres concernant les paragraphes de sa Constitution jugés non conformes aux instruments internationaux des droits de l'homme ainsi que les recommandations sur la ratification de traités internationaux, qui se fera en fonction de la capacité du pays à respecter les obligations qui en découlent. Le Botswana a indiqué enfin qu'il œuvrait à un rapprochement de la justice avec le peuple et qu'il continuerait de collaborer avec les titulaires de mandats de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme.
Débat interactif

La Suisse s'est dite d'accord avec la Rapporteuse spéciale selon laquelle «la destruction intentionnelle du patrimoine culturel est une violation des droits de l'homme, dans la mesure où ces actes en privent l'accès et la jouissance et entravent la participation à la vie culturelle». La Suisse rappelle que la destruction intentionnelle du patrimoine culturel est «un crime de guerre». La Bolivie s'est également dite consternée par les actes de destruction délibérée du patrimoine culturel, notamment d'œuvres ancestrales, et a appelé à la protection du patrimoine culturel et des droits culturels. Cuba considère que l'accent mis sur la destruction intentionnelle du patrimoine culturel est bienvenu dans le contexte actuel. Cuba présentera lors de la présente session un projet de résolution sur les droits culturels. Le Panama est un pays pluriculturel, multiethnique et pluri-religieux qui reconnait la responsabilité de l'État dans la préservation de la culture. C'est pourquoi Panama exige que la communauté internationale s'exprime rapidement face aux destructions systématiques et volontaires du patrimoine culturel lors des conflits.

L'Algérie a rappelé que les droits culturels avaient été à de multiples reprises réaffirmés dans les instruments internationaux des droits de l'homme et souscrit à l'idée qu'ils se situent au carrefour des droits économiques, sociaux et des droits civils et politiques. L'Algérie est également d'accord sur la nécessité de faire évoluer les pratiques culturelles qui constituent une discrimination contre les femmes.

L'Italie considère que le patrimoine culturel, matériel et immatériel, est une composante importante des peuples et des individus, de même qu'un élément de la cohésion sociale. L'Italie est le premier pays à avoir créé une unité de réponse rapide – «Union pour le patrimoine» – pour lutter contre le trafic illicite d'œuvres patrimoniales et pour assurer la protection et la reconstruction des sites culturels. L'Italie apprécie en outre l'accent mis par la Rapporteuse spéciale sur le rôle préventif de la culture et la valeur qu'elle lui attribue dans la promotion de la tolérance et de la compréhension mutuelle. Le Maroc a dit partager l'avis de la Rapporteuse spéciale sur la nécessité de renforcer les liens organiques entre l'universalité des droits et la diversité culturelle: ce sont des aspects qui ne sauraient souffrir du relativisme et du repli identitaire devenu global.

La Serbie a soutenu l'initiative de la Rapporteuse spéciale qui vise à analyser davantage l'impact néfaste de la destruction du patrimoine culturel sur la jouissance des droits de l'homme.

L'Arménie a souligné qu'il existe bien un lien entre extrémisme violent, terrorisme et destruction des biens et du patrimoine culturels et a fait observer que la communauté internationale n'a pas su faire face à ces actes barbares que furent la destruction des Bouddhas de Bâmiyân, des mausolées et manuscrits de Tombouctou, de l'église arménienne des Saints-Martyrs de Deir ez-Zor ou des croix arméniennes médiévales du Nakhitchevan. Aucun de ces actes n'a pu être prévenu et les auteurs ne sont toujours pas punis, a déploré la délégation arménienne. Il faut en effet que la communauté internationale redouble d'efforts pour préserver les biens culturels, a déclaré l'Organisation de la coopération islamique (OCI).

L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) s'est dite convaincue du lien entre attaques visant les peuples et violations des droits de l'homme, d'une part, et destruction du patrimoine culturel et de l'identité des peuples, de l'autre. L'UNESCO préconise de traiter ces deux questions dans le cadre d'une approche commune. En novembre dernier, la Conférence générale de l'UNESCO a adopté une nouvelle stratégie pour le renforcement de son action en faveur de la protection de la culture en cas de conflit armé.

Le Brésil a salué l'approche soucieuse des droits de l'homme adoptée par la Rapporteuse spéciale pour aborder la question de la destruction intentionnelle du patrimoine culturel. Le Brésil a insisté sur la nécessité de prévenir la destruction des biens culturels dans toutes les circonstances. L'Équateur a condamné tout acte de destruction de biens culturels, soulignant que de tels actes privent les populations de la jouissance de leurs droits culturels. L'Irlande s'est félicitée de l'accent mis par la Rapporteuse spéciale sur les défenseurs du patrimoine culturel, qui contribuent à la liberté d'expression et de religion, et lui a demandé quelles mesures pourraient être prises pour les protéger. Le Paraguay a notamment appuyé les recommandations de la Rapporteuse spéciale concernant la sensibilisation, la sauvegarde, la préservation et la protection des droits culturels dans les opérations de maintien de la paix et dans les politiques de consolidation de la paix.

La Fédération de Russie s'est dite très préoccupée par le pillage ou la destruction d'objets d'art et de biens culturels, notamment religieux, dans les zones de conflits. La Fédération de Russie a dénoncé les tentatives de l'Ukraine pour opposer la culture russe à celle de ce pays. L'Ukraine a dénoncé les harcèlements et persécutions dont souffrent les Tatars en Crimée, où ils sont privés de leurs droits culturels, et a suggéré à la Rapporteuse spéciale de se rendre dans cette région. L'Estonie a rappelé la destruction, en mars 1944, de la vieille ville baroque de Narva et d'une grande partie de Tallinn par l'aviation soviétique, avant de saluer le document de l'UNESCO sur la protection de la culture en cas de conflits armés et de rappeler l'existence de la Convention de l'UNESCO de 1954 sur la protection des biens culturels. La Géorgie a attiré l'attention sur les tentatives délibérées d'éliminer le patrimoine culturel géorgien dans les régions occupées par la Fédération de Russie; les sites et monuments historiques y sont vandalisés, délibérément détruits.

Le Bénin s'est inquiété de la destruction intentionnelle du patrimoine culturel, ces dernières années, en Afrique – en particulier dans le nord du Mali - comme au Moyen-Orient. Le Bénin a expliqué que, dans le pays, ce patrimoine physique constituait un élément de l'identité culturelle nationale dont la protection requiert toute l'attention des pouvoirs publics. Chypre a exprimé des inquiétudes similaires la concernant et a invité la Rapporteuse spéciale à se rendre dans le pays. La France, qui s'est dite inquiète de voir resurgir le ciblage volontaire et systématique du patrimoine culturel dans de nombreux conflits – et notamment en Syrie – a déclaré que des actions doivent être prises par la communauté internationale et les États pour empêcher de tels actes, ce qui suppose de lutter plus efficacement contre le trafic de biens culturels en danger et de préserver la mémoire des sites et biens détruits. La République arabe syrienne a évoqué le lien entre l'extrémisme violent et le terrorisme et la destruction du patrimoine culturel, notamment par Daech, au Moyen-Orient. Il faut poursuivre les auteurs de pillages, mais aussi tous ceux qui se livrent au trafic de tels biens pillés pour financer le terrorisme, a souligné la délégation syrienne. Pour la République islamique d'Iran, le patrimoine culturel ne peut être dissocié des peuples et de leurs droits. Le pays se félicite donc de la décision du Procureur de la Cour internationale de justice d'étudier les possibilités d'inculpation de personnes pour la destruction de sites culturels et religieux.

État multiethnique et pluri-religieux, l'Azerbaïdjan a souligné avoir toujours considéré le dialogue interculturel comme un élément de coexistence entre les peuples. L'Azerbaïdjan a ensuite estimé que le Conseil des droits de l'homme devrait accorder beaucoup plus d'importance à la destruction du patrimoine culturel et a attiré l'attention sur les destructions du patrimoine culturel perpétrées par l'Arménie dans la région occupée du Nagorno-Karabakh. Pour sa part, l'Azerbaïdjan préserve le patrimoine culturel arménien dans le pays, a assuré la délégation azerbaïdjanaise.

Des organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. COC Niederland a fait part de sa préoccupation face à la répression de pratiques culturelles telles que les marches des fiertés homosexuelles (Gay Pride). L'organisation a souligné la vertu cathartique des expressions et ressources culturelles et a prié les États de se servir de leurs cultures comme des vecteurs du développement durable, conformément au droit international des droits de l'homme.

La Fondation Al-Khoei a prié le Conseil des droits de l'homme de se saisir de la situation en Iraq et au Yémen, qui ont été, en 2015, le théâtre de violations graves des droits culturels avec la destruction de lieux de culte et d'éléments irremplaçables du patrimoine culturel de ces pays. La Fondation demande au Conseil de coordonner son action avec l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).

L'Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL) a regretté que les droits culturels ne bénéficient pas de toute l'attention qu'ils méritent sur la scène internationale. L'OIDEL a insisté sur les effets très néfastes des violations des droits culturels: les humiliations collectives, les blessures identitaires ou le mépris pour certaines cultures sont un terreau fertile pour la violence, le terrorisme et la guerre.

La Fondation Alsalam a accusé l'Arabie saoudite d'avoir détruit plus de 80 % du patrimoine culturel musulman à La Mecque et Médine, estimant que ces actes équivalent à des crimes. La Fondation a appelé la Rapporteuse spéciale à entreprendre d'urgence une visite en Arabie saoudite.

Réponses et conclusion de la Rapporteuse spéciale

MME BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a remercié tous les intervenants qui ont soutenu son approche. Elle a insisté sur le fait que les droits culturels ne sont pas le relativisme culturel. Elle s'est félicitée de l'appui apporté par les États au respect des droits culturels des peuples autochtones, ainsi que de la mention des droits culturels des populations vivant dans les régions rurales. La Rapporteuse spéciale a indiqué qu'elle se pencherait également, dans le cadre de son mandat, sur les droits culturels des personnes handicapées et des femmes. Mme Bennoune a en outre encouragé la communauté internationale à veiller à ce que la question de la protection du patrimoine culturel soit abordée dans toutes les négociations de paix et à prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection des défenseurs des droits culturels, au même titre que les autres défenseurs des droits de l'homme.

La Rapporteuse spéciale a dit attendre de nouvelles informations concernant des situations de pays, qu'elle s'est engagée à étudier attentivement. Elle a par ailleurs souligné que la défense du patrimoine culturel au niveau des pays dépend aussi de la collaboration internationale, en particulier pour assurer la formation des forces armées à la nécessité de défendre les patrimoines culturels. La Rapporteuse spéciale a enfin lancé un appel à toutes les parties au conflit au Yémen pour qu'elles respectent le patrimoine culturel de ce pays.
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*Délégations ayant participé au débat interactif sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste: Équateur, Turquie, Indonésie, République islamique d'Iran, Afrique du Sud, République yougoslave de Macédoine, Jordanie, Brésil, France, Maldives, République arabe syrienne, Chine, Mexique, Venezuela, Organisation de la coopération islamique (OCI), Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Libye, Éthiopie, Malaisie, Albanie, Mali, Soudan, Afghanistan, Liban, Côte d'Ivoire, Géorgie, Mali, Iraq, Irlande, Estonie, Qatar, Commission nationale des droits de homme de la Malaisie, Helsinki Foundation for Human Rights, People's Solidarity for Participatory Democracy, Commission internationale de juristes, Alulbayt Foundation, American Civil Liberties Union, Human Rights Now, Congrès du monde islamique, Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants, Institut international pour la paix, la justice et les droits de l'Homme (IIPJDH), Global Network for Rights and Development, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project.

*Délégations ayant participé au débat interactif sur les droits culturels: Suisse, Bolivie, Cuba, Panama, Algérie, Italie, Maroc, Serbie, Organisation de la coopération islamique (OCI), Organisation des Nations Unies pour éducation, la science et la culture (UNESCO), Arménie, Brésil, Équateur, Irlande, Paraguay, Ukraine, Estonie, Géorgie, Bénin, Chypre, France, République arabe syrienne, République islamique d'Iran, Azerbaïdjan, Panama, Federatie van Nederlandse Verenigingen tot Integratie Van Homoseksualiteit - COC Nederland, Fondation Al-Khoei, Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL) et la Fondation Alsalam.


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