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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DE L'ÉTAT DE LA DISCRIMINATION RACIALE DANS LE MONDE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi un débat sur l'état de la discrimination raciale dans le monde, axés sur les défis et réalisations quinze ans après l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Durban à l'issue de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance y associée tenue en Afrique du Sud en 2001.

La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, a rappelé que les documents adoptés à l'issue de cette Conférence ont clairement établi que les différentes formes de discriminations qui frappent les personnes d'ascendance africaine et asiatique, les migrants, les Roms, les peuples autochtones, les minorités, ainsi que la discrimination à l'encontre des personnes vivant avec le VIH/sida et les multiples formes de discrimination et d'exclusion affectant les femmes et les fillettes devaient être combattues. Pour la Haut-Commissaire adjointe, ce quinzième anniversaire de la tenue de la Conférence de Durban fournit l'occasion de voir jusqu'où nous sommes allés, mais aussi, eu égard à la persistance de la discrimination dans le monde, de réitérer notre engagement vis-à-vis des nouvelles générations. Mme Gilmore a fait observer que certains des mécanismes de suivi de Durban, en particulier le Comité ad hoc sur l'élaboration des normes complémentaires et le Comité d'éminents experts, souffrent toujours d'un manque de volonté politique et d'accord. Aujourd'hui plus que jamais, les États doivent se concentrer sur leur responsabilité de protéger les secteurs les plus vulnérables de la société, a-t-elle poursuivi. Il convient de veiller à ce que la pression liée à des facteurs tels que la croissance du chômage ne se traduise pas par du harcèlement, des abus, des discriminations et des attaques à caractère raciste, a-t-elle indiqué. Il convient de condamner la manipulation de tels sentiments à des fins de gains politiques, a insisté la Haut-Commissaire adjointe.

Parmi les quatre panélistes invités de ce débat, le Président du Comité ad hoc chargé de l'élaboration des normes complémentaires visant à combler les lacunes de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, M. Abdul Samad Minty, a lui aussi fait observer que, faute de volonté politique, les mécanismes de suivi de Durban, bien que cruciaux, n'ont pas bénéficié de ressources suffisantes. La Présidente du Groupe de travail sur les personnes d'ascendance africaine, Mme Mireille Fanon Mendès-France, a proposé, pour redonner visibilité aux documents de Durban, d'annoncer la convocation d'un événement international à cet effet à l'occasion, en décembre prochain, du trentième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement. Plaidant pour faire cesser l'invisibilité des personnes d'ascendance africaine, Mme Margarette May Macaulay, Commissaire de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a insisté sur l'influence profonde exercée par la Déclaration et le Programme d'action de Durban sur les politiques de plusieurs pays d'Amérique du Sud et des Caraïbes.

La Conférence de Durban a nettement marqué un tournant historique car elle a produit «le modèle le plus achevé de la définition de la discrimination raciale et des mesures à prendre pour y remédier», a déclaré le Président de la Coalition internationale des sites de conscience et ancien Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Doudou Diène, avant de déplorer le retour d'une «légitimation intellectuelle du racisme».

De nombreuses délégations* ont pris part à ce débat. Elles ont convenu de l'importance majeure de la Déclaration et du Programme d'action adoptés à Durban en septembre 2001, trois jours avant les attentats du 11 septembre. Nombre d'entre elles ont affirmé leur volonté de promouvoir l'égalité raciale et ethnique dans le cadre de la Décennie des personnes d'ascendance africaine. Le Groupe africain a regretté que, quinze ans après la Conférence de Durban, la difficile lutte contre le racisme soit entravée par le manque de consensus sur la manière de porter l'humanité vers la réalisation de cet objectif.


Le Conseil reprendra ses travaux le lundi 21 mars, à 9 heures, tenir son débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.


L'état de la discrimination raciale dans le monde: «Défis et réalisations de la Déclaration et du Programme d'action de Durban - 15 ans après»

Déclaration liminaire

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré qu'il y a 15 ans à Durban, la planète a entamé le long voyage de la lutte contre le racisme. Il a été dit à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée (Durban, Afrique du Sud, 2001) que ce phénomène concerne la terre entière et que cela exigeait une réaction mondiale. Il a été dit que la discrimination raciale s'insinuait dans tous les domaines de la vie publique, dans l'éducation, le travail, l'accès à la santé, à l'eau, à l'assainissement, à la terre, a rappelé la Haut-Commissaire adjointe, se demandant pourquoi des dirigeants politiques continuent de se servir de cette doctrine qui fait qu'en fonction de la couleur de la peau on peut être discriminé. Les documents adoptés à l'issue de cette Conférence ont clairement établi que les différentes formes de discriminations qui frappent les personnes d'ascendance africaine et asiatique, les migrants, les Roms, les peuples autochtones, les minorités, ainsi que la discrimination à l'encontre des personnes vivant avec le VIH/sida et les multiples formes de discrimination et d'exclusion affectant les femmes et les fillettes devaient être combattues, a insisté Mme Gilmore.

Pour la Haut-Commissaire adjointe, ce quinzième anniversaire de la tenue de la Conférence de Durban fournit l'occasion de voir jusqu'où nous sommes allés, mais aussi, eu égard à la persistance de la discrimination dans le monde, de réitérer notre engagement vis-à-vis des nouvelles générations. Depuis la Conférence de Durban, nombre de plans d'action nationaux et de lois antidiscriminatoires ont été adoptés ou mis à jour conformément aux recommandations de Durban, a souligné Mme Gilmore. Mais il y a encore des défis, notamment pour les personnes d'ascendance africaine, qui sont pourtant des contributeurs majeurs aux progrès et à la prospérité de l'humanité, mais qui continuent d'être privés d'un égal accès aux opportunités. La Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine, coordonnée par le Haut-Commissariat et qui met l'accent sur le droit à l'égalité et à la non-discrimination pour ces personnes, peut être considérée comme un fruit de la Conférence de Durban, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. Cependant parmi les difficultés, il y a aussi le fait que les certains des mécanismes de suivi de Durban, en particulier le Comité ad hoc sur l'élaboration des normes complémentaires et le Comité d'éminents experts, souffrent toujours d'un manque de volonté politique et d'accord, a-t-elle ajouté.

Aujourd'hui plus que jamais, les États doivent se concentrer sur leur responsabilité de protéger les secteurs les plus vulnérables de la société, a poursuivi Mme Gilmore. Il convient de veiller à ce que la pression liée à des facteurs tels que la croissance du chômage ne se traduise pas par du harcèlement, des abus, des discriminations et des attaques à caractère raciste. Il convient de condamner la manipulation de tels sentiments à des fins de gains politiques, a insisté la Haut-Commissaire adjointe. Mme Gilmore a fait observer que dans un contexte de concurrence entre les priorités, il ne faut pas tergiverser, remettre à plus tard; il faut continuer le vieux combat contre le racisme et l'intolérance, sous peine de renforcer les problèmes de millions de personnes dans le monde.

Exposés des panélistes

M. ABDUL SAMAD MINTY, Président du Comité ad hoc sur l'élaboration des normes complémentaires et ancien Représentant permanent de l'Afrique du sud à Genève, a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban ont pu être adoptés par consensus, bien que deux pays se soient retirés de la Conférence arguant d'incidents inacceptables au Forum parallèle des organisations non gouvernementales. Après avoir décrit la polémique qui suivit ce double retrait, il a regretté que les idées aient été faussées et qu'il ait fallu retravailler sur les concepts utilisés, principalement celui de la race, qui n'existe pas. L'apartheid, la colonisation, l'esclavage, l'Holocauste et d'autres formes de racisme, ont montré à chaque fois qu'il faut respecter la dignité de l'être humain et faire cesser le racisme structurel. Les mécanismes de suivi de Durban ont été cruciaux mais n'ont pas bénéficié de ressources suffisantes faute de volonté politique pour faire véritablement changer la situation, a-t-il poursuivi. Il a dénoncé l'émergence croissante des stéréotypes, ainsi que la polarisation et la montée des incidents racistes dans les manifestations sportives. Il a rappelé que dans son pays, le principe «buntu» prône que «je suis parce que tu es». Il a exhorté à utiliser les outils du Programme d'action de Durban pour juguler les tendances pro-racistes actuelles, afin d'éviter un désastre pour l'humanité.

M. DOUDOU DIÈNE, Président de la Coalition internationale des sites de mémoire et ancien Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a estimé que Durban, quinze ans après, devait absolument être revisité. Mais il faut aussi reconnaitre que la Déclaration et le Programme d'action de Durban ont constitué un tournant historique car ils représentent le modèle le plus achevé de la définition de la discrimination raciale et des mesures à prendre pour y remédier. Il faut donc les mettre en œuvre, a-t-il insisté.

M. Diène s'est demandé si on assistait réellement à une montée du racisme ou si celui-ci n'était pas simplement en train de «sortir du bois». Selon lui, on assiste au retour d'une légitimation intellectuelle du racisme, lequel est avant tout une construction intellectuelle. M. Diène, qui juge essentiel d'identifier les auteurs du langage raciste, considère comme un élément positif le fait qu'ils parlent désormais au grand jour, car on peut mieux les identifier. Il a en outre estimé qu'on assistait à une démocratisation du discours raciste, qui nourrit désormais le discours politique. Enfin, il a constaté que la violence raciste n'était plus aujourd'hui simplement verbale, mais aussi physique.

M. Diène a identifié deux questions fondamentales pour combattre le racisme: la question identitaire et la sécurité. Il a mis l'accent sur l'importance du combat contre les discriminations et les inégalités, qui renvoie à la question de la volonté politique de combattre le racisme – volonté qui a tant manqué depuis Durban. Il a en outre estimé qu'il fallait déconstruire le racisme et l'analyser et enfin qu'il fallait mettre en œuvre des instruments juridiques. Toutes les sociétés sont multiculturelles et le «vivre ensemble» est en train d'émerger comme le moyen majeur de combattre le racisme, a-t-il conclu.

MME MARGARETTE MAY MACAULAY, Commissaire, Rapporteuse pour les droits des personnes d'ascendance africaine et Rapporteuse sur les droits des femmes de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a déclaré que la Déclaration et le Programme d'action de Durban restent une référence fondamentale dans le combat mondial contre la discrimination raciale. Dans toutes les Amériques, les résultats de cette Conférence de Durban ont eu une influence profonde sur les politiques de plusieurs pays, en particulier en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, a-t-elle souligné. Elle a expliqué que la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine appelle à une analyse des stratégies tendant à la pleine application des recommandations spécifiques formulées à Durban s'agissant de ces personnes. Elle a rappelé que l'expression même «personnes d'ascendance africaine» a été officiellement utilisée à l'occasion de cette Conférence, qui a offert aux organisations de la société civile des Amériques un nouveau langage pour leurs revendications; elles ont en effet établi une plate-forme interrégionale de référence aux Américains noirs, Afro-descendants ou personnes d'ascendance africaine amenés sur le continent durant le commerce transatlantique. Pour les gouvernements de la région, il s'agissait de reconnaître que le racisme était un héritage de l'esclavage, renforcé par une discrimination à la fois institutionnelle et structurelle. Des pays comme le Brésil, la Colombie et le Mexique ont fait campagne pour inclure l'histoire des personnes d'ascendance africaine dans le cursus éducatif en valorisant leurs apports à l'histoire et au développement de leur nation. Plusieurs pays ont affirmé cet engagement à la Conférence préparatoire de Durban tenue en 2000 à Santiago, au cours de laquelle les gouvernements ont convenu de directives et principes d'action aux fins de remédier à cette situation dans l'hémisphère. Par la suite, les organismes nationaux ont conçu des programmes de lutte contre les inégalités raciales dans plusieurs pays – en Colombie, au Brésil, au Venezuela et au Mexique.

A présent, a poursuivi Mme Macaulay, il y a 150 millions de personnes d'ascendance africaine dans les Amériques, soit 30% de la population totale de la région, et elles comptent parmi les plus pauvres de tous les groupes de l'hémisphère. Selon Mme Macaulay, la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine est une occasion unique d'utiliser des mesures concrètes pour promouvoir l'inclusion de ces personnes et souligner l'importance de leurs contributions à leurs sociétés respectives. Concrètement, a-t-elle affirmé, l'on peut arriver à une non-discrimination par l'application pleine et effective des documents issus de la Conférence de Durban, ce que la Commission interaméricaine des droits de l'homme tâche de faire. Il faut faire cesser l'invisibilité des personnes d'ascendance africaine, a-t-elle insisté. Etant donné la nature complexe des questions abordées dans la Déclaration et le Programme d'action de Durban, Mme Macaulay a estimé que leur mise en œuvre exigeait une approche à la fois méthodique et systématique, conjuguée à un travail substantiel et technique d'évaluation des but des États dans les différentes régions, ce qui nécessite des ressources budgétaires adéquates.

MME MIREILLE FANON MENDÈS-FRANCE, Présidente du Groupe de travail sur les personnes d'ascendance africaine, a rappelé que c'est dans le contexte mondial de la confrontation militaire qui a suivi le 11 septembre 2001 que la Déclaration de Durban, adoptée trois jours plus tôt, avait tenté de se frayer un chemin pour exister. Elle s'est félicitée de la mise en place à partir de 2002 d'un Groupe de travail qui s'est concentré sur les personnes d'ascendance africaine puis, en 2008, sur «les Africains partout dans le monde».

La Présidente du Groupe de travail a ensuite rappelé les conséquences catastrophiques de l'esclavage pour le continent africain jusqu'à nos jours, alors que l'abolition avait transformé les anciens esclaves en travailleurs précaires des anciens maîtres pour une période qui s'étend jusqu'à aujourd'hui. Elle a rappelé ensuite que la Déclaration de Durban identifiait les domaines dans lesquels les programmes de développement économique pourraient être mis en place en faveur des sociétés et de la diaspora, en particulier dans les pays en développement. Or, a constaté Mme Fanon Mendès-France, ces préconisations se heurtent à l'indifférence des grandes puissances industrielles et financières. Plutôt que d'annuler la dette des pays en développement, comme le demande par exemple la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ce qui serait faire preuve de responsabilité historique et politique et permettrait de reconnaître l'apport fondamental des Africains et des personnes d'ascendance africaine à l'évolution du monde, certains États favorisent aujourd'hui l'émergence de lois mémorielles qui n'ont aucune portée juridique, a-t-elle déploré.

Si l'on parvenait à analyser pays par pays la concrétisation réelle de l'ensemble des orientations données par la Déclaration et dans le Plan d'action de Durban, on aurait une vision assez précise des progrès et défis et on se rendrait compte que le contexte mondial s'est détérioré depuis 2001, a estimé la Présidente du Groupe de travail, pour qui la peur de l'Autre est exacerbée et la pensée raciste, totalement libérée.

Mme Fanon Mendès-France a estimé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban constituaient un indéniable progrès mais a posé la «question fondamentale: les recommandations seront-elles suivies et mises en place par les État?». Constatant au contraire que des murs sont érigés, des populations assignées à communauté ou à résidence, elle a jugé «l'enjeu, de taille et la tâche, surhumaine» et dit craindre que, dans un tel contexte, les opérations de liquidation de l'État et du principe de souveraineté ne transforment la guerre économique en affrontements armés.

Pour Mme Fanon Mendès-France, il faudrait, pour en finir avec un racisme structurel et institutionnalisé, plus qu'une Déclaration et un Programme d'action. Il faudrait en revenir à l'idée fondatrice que c'est la Charte qui a créé les Nations Unies, et non l'inverse, et donc que ce sont les peuples qui sont souverains et que les États, dans le contexte de l'ONU, ne font que les représenter. Mme Fanon Mendès-France a demandé que le Programme d'action de Durban soit mis en œuvre et assumé et a souhaité à cette fin une rencontre internationale d'envergure qui pourrait le rendre visible. Le trentième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement, en décembre prochain, pourrait être le moment adéquat et ouvrir la voie de l'espoir, a-t-elle conclu.

Débat

L'Union européenne a fait valoir les progrès accomplis en Europe depuis quinze ans dans le domaine de la lutte contre le racisme. L'Union européenne a notamment conféré à la Charte des droits fondamentaux un statut juridiquement contraignant. La Charte stipule que toute discrimination basée sur quelque critère que ce soit – y compris la race, la couleur, le sexe, l'origine ethnique et sociale – est interdite. Depuis 2008, tous les États membres sanctionnent les discours et les crimes racistes et xénophobes au plan pénal. En dépit du fait que les États membres de l'Union européenne ont répondu à de nombreux engagements souscrits dans la Déclaration et dans le Plan d'action de Durban, des problèmes demeurent, a admis l'Union européenne. C'est pourquoi les États doivent redoubler d'efforts contre les programmes extrémistes, racistes et xénophobes qui exploitent les peurs contemporaines dues au chômage, au terrorisme, aux migrations, notamment.

Force est de constater, a regretté la France, qu'encore beaucoup trop d'actes racistes sont enregistrés partout dans le monde, «y compris dans notre pays». La France s'est dite pleinement engagée contre toutes les formes de discriminations, quelles que soient leurs justifications. Elle a indiqué que le Président de la République avait érigé en 2015 la lutte contre le racisme et l'antisémitisme en grande cause nationale. Un plan d'action a été adopté pour la période 2015-2017 qui prévoit notamment de lutter contre les préjugés dans les médias et contre la haine sur Internet. Mais la France a également souligné que la réponse aux discours de haine ne peut pas être uniquement sécuritaire. Elle doit aussi se traduire par des efforts renforcés en matière de prévention et d'éducation. Le Portugal, conscient du fait que la lutte contre le racisme est une tâche incessante, devant être intégrée à tous les aspects de l'action publique, met l'accent sur des politiques d'intégration efficaces en tant que principal outil de lutte contre le racisme, la discrimination et l'intolérance.

Le Brésil a déclaré que la Déclaration et le Plan d'action de Durban avaient marqué un tournant dans les politiques publiques du Brésil contre le racisme. Le pays a adopté un train de mesures pour mieux intégrer à la vie économique et sociale les victimes de la discrimination raciale. Les autorités ont introduit en particulier des mesures d'action positive en leur faveur dans l'instruction publique, où elles ont également créé des enseignements à l'histoire de l'Afrique et des Afro-brésiliens. Les autorités brésiliennes ont également adopté un plan complet concernant la santé des populations noires. Le Brésil a rappelé avoir organisé, en décembre, une conférence régionale consacrée à la Décennie des personnes d'ascendance africaine.

La République dominicaine a dit l'engagement des membres de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) en faveur de stratégies nationales et régionales contre le racisme, conformément à la Déclaration et au Plan d'action de Durban, comme en témoigne leur soutien collectif à l'adoption du programme d'action pour la Décennie des personnes d'ascendance africaine.

Les États-Unis ont dit avoir eu le plaisir de recevoir, en début d'année, la visite du Groupe d'experts sur les personnes d'ascendance africaine: la visite a été constructive, les États-Unis attendant avec intérêt les recommandations des experts. Les États-Unis réaffirment à cette occasion leur volonté de promouvoir l'égalité raciale et ethnique dans le cadre de la Décennie des personnes d'ascendance africaine. La Décennie est l'occasion pour les États-Unis d'encourager un discours positif sur les droits de l'homme et de collaborer avec leurs partenaires internationaux pour favoriser la non-discrimination et l'égalité.

L'Afrique du Sud, au nom du Groupe africain, a regretté que quinze ans après la Conférence de Durban, la lutte difficile contre le racisme soit freinée par le manque de consensus sur la manière de porter l'humanité vers la réalisation de cet objectif. La communauté internationale ne peut se permettre de fuir ses responsabilités concernant la protection des victimes du racisme et de la discrimination raciale, a souligné le Groupe africain; elle doit donc prendre des mesures concrètes contre ces fléaux.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), a rappelé l'inanité de la conception selon laquelle l'humanité serait divisée en «races» dotées de caractéristiques intrinsèques et a regretté que cette perception subsiste malgré les démentis scientifiques. Les abominations que sont les systèmes de castes, l'esclavage et le colonialisme sont toutes sous-tendues par le racisme, a relevé l'OCI. Elle a condamné en particulier les discriminations dont sont victimes au quotidien nombre de musulmans à travers le monde. Pour combattre le racisme, l'OCI a proposé un ensemble de mesures concertées telles que la révision des politiques commerciales et économiques dans le sens d'une distribution plus équitable des richesses au profit de tous les membres de la société, notamment des plus défavorisés, ou encore l'interdiction des politiques de sécurité fondées sur le profilage racial.

La Chine a regretté que des pays européens refusent toujours d'admettre leur responsabilité dans les méfaits du colonialisme et des invasions qui sont à l'origine du racisme. La Chine s'engage à continuer de combattre les fléaux du racisme et de la xénophobie, contre lesquels elle applique une politique de «tolérance zéro».

La Fédération de Russie a observé que si le Plan d'action de Durban avait constitué une percée au moment de son adoption, il n'est malheureusement guère suivi d'effets en termes d'application. L'Union européenne, en particulier, est le lieu d'une russophobie agressive et de la résurgence de groupes nazis. État pluriethnique, la Fédération de Russie sait de première main à quel point il importe de favoriser la tolérance et le respect au sein du corps social.

Cuba a regretté la persistance des préjugés antiscientifiques contre certaines catégories de personnes en raison de leur origine. La crise des migrants montre que beaucoup reste à faire contre les manifestations du racisme et de la discrimination raciale. Cuba a dénoncé la progression des associations et partis qui promeuvent des programmes racistes et anti-immigrants, veulent exclure les minorités et abusent de la liberté d'expression au détriment de la dignité d'autrui.

Le Nigéria a applaudi le choix du thème du débat et exhorté le monde à prendre de nouveaux engagements en faveur de la lutte contre les discours haineux et contre la discrimination raciale. Les partis politiques doivent, quant à eux, mener leurs campagnes électorales en s'interdisant de faire référence à la couleur de la peau. Le Nigéria, en tant que plus grand pays africain, continuera à lutter contre le racisme.

La Namibie, qui a dit avoir subi directement le racisme mais qui est classé désormais comme un des pays les plus tolérants, a assuré que le racisme était acquis et non inné. La notion de tolérance implique que l'on accorde à autrui ce que l'on réclame pour soi. C'est cette notion que la communauté internationale devrait chérir et promouvoir, afin de lutter contre toute forme de discrimination. L'Angola en a appelé, elle aussi, à la communauté internationale pour affronter le problème du racisme de toute urgence, compte tenu du fait qu'il compromet le droit au développement. Le Kirghizistan s'est dit de même favorable à l'intensification des efforts de la communauté internationale et prête à appuyer toutes les initiatives contre le racisme.

L'Équateur a observé que le bilan de la lutte contre le racisme et la discrimination était globalement mauvais, comme en témoigne le fait que les peuples autochtones et les personnes d'ascendance africaine sont toujours victimes de discrimination. Paradoxalement, c'est dans les pays où est né le colonialisme historique que les discours et les pratiques racistes ressurgissent, accompagnés du profilage ethnique motivé par la lutte contre le terrorisme, a regretté l'Équateur.

La résurgence de groupes extrémistes dans nombre de pays oblige le Conseil et la communauté internationale à ériger la lutte contre le racisme et la discrimination en priorité, a plaidé le Venezuela. L'Égypte a dénoncé les discours d'extrême droite qui, dans les pays riches, stigmatisent des personnes qui se sont pourtant bien intégrées et qui participent à la vie nationale.

Pour la République islamique d'Iran, toute doctrine qui prône la supériorité raciale et fondamentalement fausse, moralement condamnable et socialement injuste et dangereuse; et doit être rejetée à ce titre. L'Iran estime de plus que l'extrémisme violent est une conséquence du racisme et de l'intolérance.

Le Mexique a souligné pour sa part les progrès qui ont été accomplis depuis Durban, notamment la reconnaissance du fait que le racisme ne concerne, malheureusement, pas uniquement certains pays ou régions. De plus, quinze ans après Durban, certains groupes – personnes d'ascendance africaine, peuples autochtones, personnes handicapées et migrants – ont beaucoup gagné en visibilité. La lutte contre le racisme passe nécessairement par une action dans le domaine de l'éducation, contre la pauvreté et, d'une manière générale, par le respect de la loi et des droits de l'homme.

Cela étant, a ajouté le Mexique, comment les États doivent-ils intervenir lorsqu'un parti politique est en flagrant délit de contravention à l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui exige des États qu'ils «condamnent toute propagande et toutes organisations qui s'inspirent d'idées ou de théories fondées sur la supériorité d'une race»? Le Costa Rica a demandé aux panélistes de préciser quel pouvait être le rôle de l'éducation aux droits de l'homme dans la lutte contre la discrimination raciale, en particulier contre les discours politiques xénophobes. La Bolivie a demandé aux experts comment règlementer les activités et les discours de haine véhiculés par le biais d'Internet. L'Italie a dit croire dans le pouvoir de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme pour vaincre le racisme, ajoutant qu'Internet peut être aussi mis à contribution à cette fin.

La Colombie a appuyé la convocation d'une Quatrième conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les formes connexes d'intolérance, dans le cadre de la Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine.

L'Arménie a condamné les manifestations d'intolérance, de xénophobie et de haine émanant des plus hautes autorités de certains États. L'Arménie déplore en particulier le pardon accordé à des criminels condamnés, les déclarations associant des minorités nationales à des bandes criminelles et l'interdiction d'entrée sur leur territoire opposée à des journalistes ou à des hommes d'affaires sur la base de leur origine ethnique. La Lettonie a regretté que la Fédération de Russie utilise l'enceinte du Conseil pour présenter une version tronquée de l'histoire. La Lettonie a condamné l'Holocauste, le crime le plus horrible commis par le Gouvernement nazi. En tant que pays démocratique, la Lettonie garantit tous les droits de l'homme, y compris le droit d'assemblée et de réunion.

La Commission nationale des droits fondamentaux de la Hongrie a alerté le Conseil sur la persistance de la discrimination contre les membres de la minorité rom en Hongrie. La Commission dénonce en particulier la ségrégation dont les enfants roms sont victimes dans le système scolaire, du fait de pratiques directement ou indirectement discriminatoires. La séparation des jeunes ne se justifie jamais, même au motif qu'elle favoriserait in fine l'intégration sociale: son seul effet est de susciter un sentiment d'infériorité chez les enfants concernés, avec des effets désastreux sur leur développement.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. Le Conseil indien d'Amérique du Sud (CISA) s'est dit préoccupé par le sort des peuples autochtones vivant dans l'Amazonie. Les gouvernements de l'Amérique latine se sont appropriés les ressources naturelles des peuples autochtones au mépris, notamment, des dispositions de la Convention (n°169) de l'Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Le CISA condamne en particulier la construction d'une route au milieu de terres ancestrales du Territoire indigène et parc national Isiboro-Sécure (TIPNIS), en Bolivie.

Le Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies a demandé au Haut-Commissariat de diffuser largement à l'échelle mondiale les enseignements à tirer de la Déclaration et du Plan d'action de Durban. Il faudrait également élaborer un plan pluriannuel de sensibilisation du public et veiller au suivi effectif des décisions prises au titre du Plan d'action.

Le Congrès juif mondial a déclaré que la haine des Juifs ne concerne pas qu'eux, mais la communauté internationale dans son ensemble car l'histoire enseigne que ce qui commence par des mots se termine par des actions violentes. Le Congrès recommande l'organisation d'ateliers d'éducation et l'adoption des mécanismes adéquats pour empêcher un tel basculement.

La Commission arabe de juristes a déclaré que les Arabes de nationalité israélienne, qui représentent un cinquième de la population d'Israël, subissent dans ce pays des discriminations de jure et de facto. Aujourd'hui, le Parlement d'Israël examine une loi qui vise à exclure des députés arabes de la Knesset et à faire d'Israël un État juif. La Commission a demandé au Conseil de créer un mandat de Rapporteur spécial pour se pencher sur cette question. International-Lawyers.Org a déclaré que les mauvais traitements ne touchent pas seulement les Arabes en Israël, mais aussi les migrants africains, originaires du Soudan notamment, exposés à des pratiques interdites telles que le refoulement vers des pays où ils risquent la prison et la torture. Ces pratiques sont justifiées par leurs auteurs par le fait que les personnes visées risqueraient de compromettre le caractère juif d'Israël.

Japanese workers' committee for Human Rights a déploré qu'en 1995, la Commission du droit international ait refusé de faire du colonialisme un crime. Il vaudrait la peine de se pencher sur cette question à nouveaux frais, pour mieux comprendre le lien invisible entre le néocolonialisme et la discrimination raciale.

L'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a dénoncé les politiques agressives de discrimination menées par l'Iran contre la minorité arabe des Ahwaz, en particulier l'obligation qui lui est faite d'étudier non pas en langue arabe, mais en persan.

Réponses et conclusions des panélistes

M. MINTY a rappelé que les programmes politiques racistes étaient en pleine expansion et qu'il fallait donc être vigilant. En ce qui concerne le suivi de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, des mécanismes existent mais ils ne bénéficient pas de beaucoup d'appui. Il faudrait des ressources plus importantes pour examiner le travail accompli. Alors que le racisme redouble de vigueur, il faut réagir, sans quoi on aura l'impression d'une absence de volonté politique, a-t-il averti.

M. Minty a fait observer que le fléau du racisme revient sur le devant de la scène et domine les discours. Pour le contrer, a-t-il indiqué, il faut davantage d'éducation, lutter contre les stéréotypes et défendre les valeurs universelles qui sont celles des Nations Unies; et si le racisme est vraiment un crime contre l'humanité, alors il faut réellement le traiter comme tel. À l'époque de l'apartheid, a-t-il ajouté, on avait tendance à considérer que, quand les victimes du racisme étaient de race noire, le racisme ne constituait pas un crime contre l'humanité.

M. DIÈNE a estimé que, dans un contexte de crise identitaire et de surdétermination des aspects sécuritaires, la volonté politique est un élément fondamental.

M. Diène a par ailleurs rappelé que ni l'Allemagne nazie, ni l'élite blanche de l'Afrique du Sud de l'apartheid n'étaient sans éducation. Ce qui compte, ce n'est pas seulement l'éducation, c'est l'éducation aux valeurs et l'éducation multiculturelle, a-t-il souligné.

MME MACAULAY a déclaré que si en général, les États savent prononcer les discours qui conviennent aux attentes, la plupart du temps, ils ne donnent guère la place aux personnes les plus marginalisées.

Mme Macaulay a remercié les organisations non gouvernementales qui ont parlé de justice réparatrice. Il ne suffit pas, en effet, de prévoir une incrimination de la discrimination raciale dans le code pénal: il faut apporter réparation aux victimes du racisme. Face à la crise actuelle, il faut réagir de manière vigoureuse au plan planétaire, a-t-elle ajouté.

MME FANON MENDÈS-FRANCE a attiré l'attention sur le fait que, dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine, il avait été décidé de mettre en place un Forum annuel des personnes d'ascendance africaine. Or, a-t-elle regretté, il n'y en a pas eu en 2015, première année de la Décennie, et il n'y a pas actuellement de perspectives d'une telle réunion cette année encore, du fait d'une absence d'accord entre États.

Mme Fanon Mendès-France a ensuite soulevé la question de la limite à donner à la liberté d'expression. Elle a rappelé que la Déclaration de Durban appelle les États à appliquer des sanctions judiciaires face aux manifestations de racisme; il faut donc sanctionner effectivement tout acte et toute parole racistes en appliquant des lois qui existent souvent mais qui sont en fait, au nom de la liberté d'expression, rarement appliquées.

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* Délégations ayant participé au débat sur le débat général sur l'état de la discrimination raciale dans le monde: Union européenne, France, Portugal, Brésil, République dominicaine (au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), États-Unis, Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique - OCI), Chine, Fédération de Russie, Cuba, Équateur, Mexique, République islamique d’Iran, Costa Rica, Arménie, Venezuela, Colombie, Égypte, Kirghizstan, Namibie, Angola, Bolivie, Italie, Commission nationale des droits fondamentaux de la Hongrie, Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Conseil indien d'Amérique du Sud , Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, Congrès juif mondial, Commission arabe des droits de l'homme, Japanese Workers' Committee for Human Rights, International-Lawyers.Org.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC16/042F