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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LES MOYENS DE PRÉVENIR L'EXTRÉMISME VIOLENT ET LE TERRORISME

Compte rendu de séance

Le Conseil a tenu, cet après-midi, une réunion-débat consacrée à l'action menée pour prévenir et combattre l'extrémisme violent sous l'angle des droits de l'homme. Les travaux ont été ouverts par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, qui s'est adressé aux délégations par vidéotransmission, et par Mme Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme.

La réunion-débat a compté avec les contributions de plusieurs experts invités: Mme Nazila Ghanea, membre du Conseil d'administration de l'Universal Rights Group et professeure associée à l'Université d'Oxford; M. Gaston Garatea, professeur à l'Université catholique pontificale du Pérou; Mme Mehreen Farooq, de la World Organization for resource Development and Education; et M. Ahmed Abbadi, Secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas et professeur à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech. La réunion était animée par Mme Beatriz Londoño Soto, Représentante permanente de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève.

Dans ses remarques liminaires transmises par vidéo, le Secrétaire général des Nations Unies a souligné que l'extrémisme violent était une attaque directe contre la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cela n'empêche pas, a-t-il précisé, que, conformément au nouveau Plan d'action pour la prévention de l'extrémisme violent qu'il a présenté en janvier, les droits de l'homme et l'état de droit doivent prévaloir tant dans la lutte contre l'extrémisme violent que dans les mesures prises pour le prévenir. Le Secrétaire général a recommandé aux États d'admettre que les approches moralement condamnables de la lutte contre l'extrémisme violent sont stratégiquement contreproductives, car elles ne font qu'aliéner encore davantage les communautés marginalisées.

Mme Gilmore a relevé que le Plan d'action soulignait, à juste titre, que «l'extrémisme violent est l'enfant de nombreux parents»: la discrimination ou l'injustice, réelles ou perçues; la marginalisation politique, le sentiment de désespoir et d'inutilité chez les jeunes; le déni d'identité; et l'absence d'espoir. Elle a mis en garde contre toute mesure risquant de creuser le fossé entre les communautés, d'alimenter la méfiance et de donner lieu à des discours publics souvent haineux, incitant à l'intolérance et à la discrimination contre les musulmans.

Mme Ghanea a souligné que, mal appliquées, les mesures prises pour combattre l'extrémisme violent risquent au contraire de le renforcer: c'est tout le problème du profilage racial et religieux. Pour l'experte, la prévention de l'extrémisme violent doit aussi tenir compte du fait que certains actes de violences sont commis au nom de la religion. M. Garatea a cité quelques-unes des conditions de la résolution pacifique des conflits. Il a aussi souligné que la pauvreté était «un bouillon de culture» pour les violations des droits de l'homme.

Mme Farooq a montré que l'interdépendance des facteurs à l'origine de la radicalisation signifie, entre autres choses, que la religion ne permet pas d'expliquer à elle seule la radicalisation des terroristes. Son mène des campagnes de sensibilisation aux risques sur Internet et promeut le dialogue interreligieux. Enfin, M. Abbadi a plaidé pour une approche apaisée de la religion, tout en estimant qu'il fallait aussi entendre les préoccupations soulevées par le contexte international actuel. On ne peut pas avoir un regard partiel sur ces questions, en ne mettant l'accent que sur le volet éducatif: on risquerait de n'apporter que des réponses également partielles, a mis en garde M. Abbadi

De nombreuses délégations* sont intervenues dans le cadre du débat qui a suivi ces présentations. Elles ont toutes fermement condamné l'extrémisme violent et ses manifestations, dont le terrorisme. Beaucoup ont insisté sur le fait que ces phénomènes ne sont pas réductibles à une religion, une nationalité, un peuple, une culture ou une région en particulier. Les délégations ont recommandé de combattre l'extrémisme violent et sa propagande par le biais d'une culture de dialogue, par le tarissement de ses sources de financement et par la prévention. Soulignant qu'une action purement répressive ne sera jamais en mesure de défaire le flot de propagande extrémiste et de désinformation, des délégations ont appelé à la coopération entre États, à l'échange des d'expériences réussies, au dialogue interreligieux, à l'éducation aux droits de l'homme et aux mesures de «dé-radicalisation».

Nombre de délégations ont toutefois fait observer que l'extrémisme violent et le terrorisme n'ont pas encore de définitions très précises. Une délégation a déclaré que l'extrémisme violent renvoie aux croyances et actions de ceux qui soutiennent ou utilisent la violence pour atteindre leurs buts idéologiques, religieux ou politiques, ce qui inclut le terrorisme. La communauté internationale a été appelée à s'interroger sur les facteurs qui ont convaincu des jeunes filles de sociétés privilégiées à tout abandonner pour rejoindre des groupes terroristes tels que Daech dans des régions fort éloignées de chez elles. Il a été rappelé qu'une conférence internationale, organisée conjointement par les Nations Unies et la Suisse et consacrée au Plan d'action pour la prévention du terrorisme violent, se tiendrait les 7 et 8 avril prochain à Genève.


Le Conseil tiendra demain, à 9 heures, une réunion-débat sur l'incompatibilité entre démocratie et racisme.


Action menée pour prévenir et combattre l'extrémisme violent sous l'angle des droits de l'homme

Déclarations liminaires

Dans un message retransmis par vidéo, M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, a déclaré que l'extrémisme violent était «une attaque directe contre la Charte des Nations Unies» et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cela n'empêche pas que, conformément au nouveau Plan d'action pour la prévention de l'extrémisme violent présenté par le Secrétaire général en janvier, les droits de l'homme et l'état de droit doivent prévaloir tant dans la lutte contre l'extrémisme violent que dans les mesures prises pour le prévenir. Le Secrétaire général a observé que s'il ne saurait y avoir de justification à l'extrémisme, il est indispensable d'en comprendre les causes profondes pour mieux les combattre. Concrètement, il faut s'attaquer aux discriminations, améliorer la gouvernance et garantir l'accès à l'éducation, à l'emploi et aux services sociaux de base. Enfin, il faut aussi admettre que les approches moralement condamnables de la lutte contre l'extrémisme violent sont stratégiquement contreproductives, car elles ne font qu'aliéner encore davantage les communautés marginalisées.

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, s'est félicitée de l'affirmation forte de la valeur des droits de l'homme contenue dans le Plan d'action pour la prévention de l'extrémisme violent du Secrétaire général. Seul un diagnostic approfondi permettra de concevoir des programmes de prévention plus efficaces contre cette menace aux nombreuses dimensions. À cet égard, le Plan d'action souligne à juste titre que «l'extrémisme violent est l'enfant de nombreux parents»: la discrimination ou l'injustice, réelles ou perçues; la marginalisation politique, le sentiment de désespoir et d'inutilité chez les jeunes; le déni d'identité; et l'absence d'espoir.

Au cours des dernières années, l'extrémisme violent s'est distingué par un mépris total des droits de l'homme. Sa prévention doit au contraire être solidement ancrée dans les principes des droits de l'homme et de l'état de droit: la mauvaise gouvernance et les politiques répressives sont en effet le terreau de l'extrémisme violent, a mis en garde la Haut-Commissaire adjointe. Les mesures antiterroristes musclées au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ont creusé le fossé entre les communautés, alimenté la méfiance et donné lieu à des discours publics souvent haineux, incitant à l'intolérance et à la discrimination contre les musulmans.

La Haut-Commissaire a plaidé pour le respect des libertés de religion, de conviction, d'opinion et d'expression: il s'agit d'une dimension fondamentale dans le combat contre l'extrémisme violent. La société civile doit disposer de l'espace nécessaire pour diffuser les opinions des divers groupes et communautés. L'appui aux défendeurs des droits de l'homme et la réaction immédiate face aux représailles exercées contre celles et ceux qui dénoncent des violations des droits de l'homme, doivent être parties intégrantes de toute stratégie de prévention de l'extrémisme violent. Mme Gilmore a également appelé à de meilleures politiques de lutte contre l'exclusion et la marginalisation sociales, deux phénomènes à l'origine de la radicalisation, de même qu'à l'accès de tous, sur un pied d'égalité, aux droits économiques, sociaux et culturels.

La Haut-Commissaire adjointe a enfin demandé aux États de prendre en considération les enjeux de l'égalité entre les sexes et de la participation des femmes; et de faire en sorte que les auteurs de tortures, de mauvais traitements et de violences sexuelles sur les femmes et les filles rendent effectivement compte de leurs crimes.

Exposés des panélistes

MME NAZILA GHANEA, Membre du Conseil d'administration de l'Universal Rights Group et professeure associée à l'Université d'Oxford, a souligné que, mal appliquées, les mesures prises pour combattre l'extrémisme violent risquent au contraire de le renforcer: c'est tout le problème du profilage racial et religieux. Elle a estimé qu'il fallait accorder à chacun la liberté de choisir sa religion mais aussi de l'exercer et de la manifester, en privé comme en public, de manière individuelle ou collective. Ce droit doit être défendu par l'éducation. Mais la prévention de l'extrémisme violent doit aussi tenir compte du fait que certains actes de violence sont commis au nom de la religion et de la croyance. Mme Ghanea a rappelé l'intérêt, dans ce contexte, du plan d'action de Rabat sur l'interdiction de l'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, qui fait de la légalité, de la proportionnalité et de la nécessité les principes essentiels de la prévention de l'extrémisme violent.

M. GASTON GALATEA, professeur à l'Université catholique pontificale du Pérou et ancien président du Bureau national péruvien de lutte contre la pauvreté, a rappelé que, dans un conflit, chaque camp agit selon des raisons qui lui sont propres. Tout effort de résolution d'un conflit doit tenir compte de ce fait et aussi de la nécessité, pour les deux belligérants, d'avoir confiance dans le médiateur désigné. La résolution durable d'un conflit exige aussi du temps, une grande patience et l'engagement des deux parties, qui doivent se sentir être à l'origine de la solution. M. Galatea a estimé que la pauvreté était «un bouillon de culture» pour les violations des droits de l'homme. Il a enfin cité son pays en exemple, qui a su organiser un dialogue axé sur le bien des plus pauvres pour mettre fin à un conflit civil long et sanglant.

MME MEHREEN FAROOQ, de l'organisation World Organization for resource Development and Education, a identifié plusieurs facteurs de radicalisation d'ordre socio-économique, psychologique, politique et post-traumatique. L'interdépendance de ces facteurs signifie, entre autres choses, que la religion ne permet pas d'expliquer à elle seule la radicalisation des terroristes. Une étude a démontré que 40 % des combattants de Daech par exemple, sont des musulmans convertis. Forte de ce constat, l'ONG gère des programmes d'éducation et de prévention, avec l'appui des communautés, mais avec le souci de ne pas stigmatiser quelque communauté que ce soit. L'organisation mène aussi des campagnes de sensibilisation aux risques sur Internet. Elle promeut le dialogue interreligieux et organise des manifestations festives intercommunautaires. Pour Mme Farooq, le rôle de la société civile ne doit pas être sous-estimé. Elle a appelé les États à élaborer avec son organisation des stratégies de prévention communes.

M. AHMED ABBADI, Secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas et professeur à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech, a souligné le caractère indissociable des textes religieux et de leurs contextes d'interprétation. Les chefs religieux qui ne se fondent que sur le texte ne pourront pas vivre et agir avec leur époque. C'est pourquoi la Rabita Mohammadia a élaboré un manuel à leur intention pour les aider à mieux comprendre leur époque. Le fascicule met l'accent sur les droits de l'homme et sur la beauté de la religion, afin que les croyants n'y voient pas qu'une liste d'interdits.

Cependant, a ajouté M. Abbadi, il faut aussi entendre les préoccupations soulevées par le contexte international et liées au colonialisme, à Israël, aux «deux poids deux mesures», aux problèmes d'accès à l'eau, aux armes... On ne peut pas avoir un regard partiel sur ces questions, en ne mettant l'accent que sur le volet éducatif: on risquerait de n'apporter que des réponses également partielles, a mis en garde M. Abbadi. Le Secrétaire général s'est enfin dit préoccupé par la violence des jeux vidéo dont les jeunes sont friands.

L'Albanie, au nom d'un groupe d'États, a rappelé l'une des principales motivations de la résolution 30/15 du Conseil des droits de l'homme était de réaffirmer les obligations internationales des États dans le domaine des droits de l'homme lorsqu'ils prennent des mesures pour prévenir l'extrémisme violent ou le combattre et de reconnaître le rôle essentiel de la promotion et de la protection des droits de l'homme pour effectivement prévenir l'extrémisme violent. Un des autres objectifs centraux était de lancer un dialogue sur la dimension des droits de l'homme dans la prévention de l'extrémisme violent. Pour ce groupe de pays, comme pour l'Autriche, il ne fait aucun doute qu'une action purement répressive ne sera jamais en mesure de défaire le flot de la propagande extrémiste et de la désinformation. Il faut au contraire promouvoir une culture de libre échange des idées et de dialogue. En outre, si l'État a certainement un rôle important à jouer, il est indispensable que son action soit soutenue par celle d'une société civile vibrante, y compris des médias indépendants. Les États-Unis estiment de même que les gouvernements et la société civile devraient travailler davantage ensemble pour prévenir l'extrémisme violent, l'un des moyens efficaces de le faire étant de respecter les droits de l'homme.

L'Australie, au nom du groupe MIKTA (Mexique, Indonésie, République de Corée, Turquie et Australie) a expliqué que ces pays variés avaient pris toute une série de mesures contre l'extrémisme violent et le terrorisme. Pour ces pays, c'est seulement dans le respect du droit international que la haine, l'intolérance et la violence pourront être vaincues.

L'Union européenne a réitéré son plein appui au Plan d'action du Secrétaire général pour la prévention de l'extrémisme violent et attend avec intérêt la conférence internationale sur ce Plan d'action, organisée par les Nations Unies et le Gouvernement de la Suisse, qui aura lieu à Genève en avril. Le Plan d'action du Secrétaire général est largement en accord avec les politiques de l'Union européenne, qui est en outre engagée dans de nombreuses autres initiatives visant à mobiliser les ressources pour prévenir l'extrémisme violent, y compris dans des pays tiers. Pour l'Union européenne, la présentation de l'extrémisme violent dépend d'une protection effective des droits de l'homme et les deux aspects se renforcent mutuellement. L'Union européenne aimerait savoir comment des plans d'action nationaux de prévention peuvent traiter un phénomène qui ne connaît pas de frontières. Au nom des pays nordiques, la Norvège se félicite que le Plan d'action du Secrétaire général mette l'accent sur la prévention et rappelle qu'il faut veiller à ce que les mesures prises ne portent pas atteinte aux droits de l'homme, à la démocratie et à l'état de droit; elle rappelle aussi qu'il faut mettre fin à l'impunité pour tous les crimes ou abus commis. Les défenseurs des droits de l'homme sont souvent la cible des extrémistes violents; ils ne doivent pas devenir aussi la cible des États. Quelle peut être leur contribution dans la prévention de l'extrémisme violent?

Le Conseil de l'Europe a expliqué que la prévention de l'extrémisme violent et de la radicalisation menant au terrorisme était au centre de son Plan d'action adopté en 2015, qui comprend une série de mesures applicables dans les écoles, les prisons, les quartiers sensibles, les lieux de prière et à toutes les personnes qui peuvent jouer un rôle important sur le terrain.

La Croatie a souligné que l'extrémisme violent ne doit pas être confondu avec le terrorisme et que les mesures pour lutter contre l'un et l'autre ne peuvent être les mêmes. La prévention de l'extrémisme violent doit être assurée par la mise en place de mesures politiques, sociales et économiques qui renforcent la cohésion interne de la société et l'aident à résister aux idéologies extrêmes. La Croatie aimerait savoir quelles mesures peuvent être prises pour mieux assurer la distinction entre extrémisme violent et terrorisme. Pour la Bosnie-Herzégovine, «l'extrémisme est une idéologie, la radicalisation est un processus, le terrorisme est un crime». Qu'on traite ces trois éléments de manière distincte ou comme un problème commun, il faut le faire dans le respect des droits de l'homme.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, ainsi que le Koweït, au nom du Groupe arabe, ont rappelé leur rejet de toute assimilation de l'extrémisme violent à une religion, une nationalité ou un groupe ethnique particulier. L'incitation à la haine à l'égard d'un groupe ou d'une religion ne peut que mener à l'extrémisme violent. Du même avis, le Qatar met en avant les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté. Pour ce pays, il est toutefois d'autres causes profondes à la violence et à l'extrémisme: au Moyen-Orient, l'occupation du territoire palestinien par Israël en est une et le conflit en Syrie une autre.

Pour la République de Corée, il existe des facteurs qui «poussent» vers l'extrémisme violent et d'autres qui «attirent» vers lui. Parmi les premiers, figurent les frustrations socioéconomiques comme la pauvreté ou le manque d'opportunités, ou liées au cadre de vie, comme la mauvaise gouvernance, alors que les seconds sont liés aux modalités de recrutement des individus dans l'extrémisme violent. La République de Corée estime que le renforcement de la bonne gouvernance et la promotion et la protection des droits de l'homme des groupes les plus vulnérables peuvent efficacement traiter les deux aspects.

L'Équateur a estimé que le respect du multiculturalisme était essentiel pour traiter l'extrémisme violent, en sus de l'adoption d'une approche multidimensionnelle de la sécurité.

La République arabe syrienne a estimé qu'il fallait définir les concepts de terrorisme et d'extrémisme violent et respecter scrupuleusement les résolutions du Conseil de sécurité et autre textes internationaux qui reconnaissent que le terrorisme a plusieurs facettes. La République arabe syrienne considère que le terrorisme provient d'idéologies déviantes comme le takfirisme et considère comme un problème majeur le fait que des États aient été fondés sur cette idéologie.

Le Nigéria a noté la controverse sur la notion d'extrémisme violent mais a estimé que l'absence de définition ne devrait pas empêcher de prendre des mesures pour prévenir le phénomène, poursuivre les auteurs de violences et protéger les victimes.

Le Maroc, au nom de la Plateforme pour l'éducation et la formation aux droits de l'homme (Costa Rica, Italie, Maroc, Philippines, Sénégal, Slovénie, Suisse et Thaïlande) a rappelé que la résolution 30/15, adoptée il y a six mois par le Conseil, souligne l'importance de l'éducation aux droits de l'homme dans la prévention et la lutte contre l'extrémisme violent. La Plateforme a soumis un projet de résolution sur le rôle central de l'éducation aux droits de l'homme dans la prévention des violations et des abus, la promotion du développement durable et le renforcement de la participation publique dans les processus de prise de décision. Le Maroc a demandé aux panélistes comment ils envisagent ce rôle dans la promotion d'une citoyenneté responsable. Le Brésil a estimé qu'il fallait aborder la question de terrorisme et de l'extrémisme violent en tenant compte de leur caractère spécifique, en s'attaquant à l'inégalité économique et aux déséquilibres au sein des sociétés, et aussi par l'éducation.

L'Autriche a demandé aux experts de dire comment protéger les journalistes et les médias en tant qu'ils sont des acteurs indispensables de la société civile contre la violence et l'intimidation exercées par les extrémistes. L'Australie a manifesté son appui au Plan d'action du Secrétaire général, qui invite les États Membres à adopter des plans d'action nationale contre l'extrémisme violent. Ce faisant, l'Australie a recommandé le respect des droits de l'homme. En guise d'exemple, Singapour a proposé sa vision à long terme et son approche globale de lutte contre le terrorisme: le pays a mis en place, progressivement, un solide réseau de confiance entre les différentes communautés raciales et religieuses pour renforcer leur résilience en cas d'attaque terroriste. Des Cercles de confiance interraciale et interreligieuse ont été créés à Singapour, de même que des programmes d'engagement communautaire et d'éducation aux menaces en ligne.

Pour lutter contre l'extrémisme violent, la Tunisie applique une approche exhaustive ancrée dans la culture et l'éducation, avec en son cœur le respect de la coexistence pacifique et des préceptes musulmans. La Tunisie a souligné que l'application du Plan d'action du Secrétaire général exigerait une forte volonté politique. La Fédération de Russie a adopté, en 2014, une stratégie nationale contre l'extrémisme axée sur le renforcement des institutions sociales que sont l'éducation et la famille.

La Chine a mis l'accent sur l'utilisation des médias sociaux par les extrémistes violents. Le Gouvernement travaille à l'éradication du terrorisme, en coopération avec la société civile, par la recherche d'une «cure» contre ce phénomène. Les Nations Unies ont un rôle central à jouer dans la lutte contre l'extrémisme violent.

La République islamique d'Iran a indiqué que l'identification des principales sources de violence et de menace contre la paix et à la sécurité relevait de la responsabilité de tous. La pauvreté, la haine sectaire, l'intolérance et les discriminations sont quelque unes des causes profondes du terrorisme et de l'extrémisme violent. La question est de savoir comment empêcher un groupe comme Daech, bien équipé et financé, de commettre ses forfaits.

La Suisse a conseillé d'éviter que le champ d'application des mesures de lutte contre le terrorisme ne soit étendu à des situations qui n'ont aucun lien avec le terrorisme. Les mesures prises par les États doivent contenir les garde-fous nécessaires pour s'assurer qu'il n'y a pas de risque d'abus et que les restrictions aux droits de l'homme soient strictement proportionnelles, nécessaires et non discriminatoires. La Suisse organise, les 7 et 8 avril prochain à Genève, avec les Nations Unies, une conférence internationale visant à discuter des opportunités et des défis dans la prévention de l'extrémisme violent. Le Sénégal s'est réjoui du Plan d'action du Secrétaire général et de son initiative de convoquer, en partenariat avec la Suisse, cette conférence internationale. Le Sénégal a déclaré que l'Afrique fait la dure expérience de la face hideuse de l'extrémisme violent, comme en attestent les attentats perpétrés en fin de semaine dernière en Côte d'Ivoire, après ceux au Burkina Faso. Ailleurs, au Nigeria, au Tchad et au Cameroun, Boko Haram continue d'étendre ses atrocités sur des populations innocentes. Le Sénégal a dit sa solidarité avec ces pays ainsi qu'avec la Turquie.

La croisade contre l'extrémisme violent, a ajouté le Sénégal, requiert des moyens d'action diversifiés, l'option militaire et sécuritaire, bien qu'essentielle, doit être combinée à d'autres mesures tendant au renforcement de la bonne gouvernance, des perspectives pour la jeunesse, l'accès à l'éducation et l'emploi, de sorte à la préparer à résister aux tentations nocives et à toute propagande extrémiste.

L'Espagne a dit attendre avec intérêt le recueil de «bonnes pratiques» contre l'extrémisme violent que le Haut-Commissariat présentera à la session de septembre. Elle a mis l'accent sur le caractère incontournable de l'éducation et sur l'importance du dialogue interreligieux et interculturel, pour lequel l'Espagne s'engage au sein de l'Alliance des civilisations.

Suite aux attentats de Djakarta, en janvier, l'Indonésie a élaboré une stratégie nationale à deux volets: l'approche consiste à impliquer toutes les parties prenantes concernées et à œuvrer à des activités de dé-radicalisation. De même, de l'avis de l'Algérie, l'action ne peut se borner à la seule dimension répressive mais doit déployer, en amont, une action basée sur la prévention, le dialogue et la compréhension de l'extrémisme violent. En juillet 2015, l'Algérie a abrité une conférence internationale sur la dé-radicalisation. Elle mène une action en profondeur dans ce domaine qui touche toutes les couches de la société, en particulier la jeunesse. L'Algérie estime d'autre part que la prévention et la lutte passent par l'assèchement des sources de recrutement et de financement des courants extrémistes et des groupes terroristes, ce qui nécessite une action concertée aux niveaux régional et international conduisant à l'adoption d'instruments interdisant le financement du terrorisme.

La Malaisie aussi a mis en garde contre les risques encourus en l'absence de définition claire de l'extrémisme violent au plan international. Il faut être prudent, a dit la Malaisie, ajoutant qu'en la matière, elle a toujours plaidé pour la modération. Le Kirghizistan aussi est d'avis que les États doivent bien définir ces concepts avant de prendre les actions préventives. Tel que défini, l'extrémisme violent renvoie aux croyances et actions de ceux qui soutiennent ou utilisent la violence pour atteindre leurs buts idéologiques, religieux ou politiques, ce qui inclut le terrorisme, a déclaré la Sierra Leone, appelant à s'interroger sur les facteurs qui ont convaincu des jeunes filles de sociétés privilégiées à tout abandonner pour rejoindre des groupes terroristes tels que Daech dans des régions fort éloignées de chez elles.

Le Pakistan, qui a rappelé être victime du terrorisme et de l'extrémisme violent, a indiqué avoir adopté un plan stratégique en 20 points qui a des résultats significatifs. Les derniers attentats dont le pays a été victime ne sont que la réaction de personnes qui savent que leur fin est proche, a déclaré le Pakistan. L'Éthiopie a souligné que l'absence de coopération fait la faiblesse de la communauté internationale et que les pays doivent éviter d'être des terres d'accueil pour les groupes terroristes. Le Maroc aussi a souligné la nécessité d'une coopération globale de la communauté internationale. Tel est le sens du programme d'action de Rabat qui promeut le dialogue interreligieux, a indiqué la délégation marocaine, insistant par ailleurs sur l'importance de l'éducation aux droits de l'homme dans la prévention de l'extrémisme violent.

Pour la Turquie, le Plan d'action du Secrétaire général a un rôle essentiel à jouer pour fixer des principes de bases et assister les États dans leurs efforts de prévention de l'extrémisme violent. En même temps, il n'existe pas d'approche unique de la prévention, mais la Turquie pense que le renforcement de la promotion et de la protection des droits de l'homme, les réformes du système judiciaire et la promotion d'une société civile vibrante ont des effets positifs. Elle a elle-même recours à des mesures «douces» telles que l'approche communautaire, le soutien aux familles, le conseil religieux ou encore des politiques en faveur de l'emploi et de l'éducation, avec un accent particulier en faveur des groupes les plus vulnérables de la société.

De nombreuses organisations non gouvernementales sont également intervenues. Article 19 - Centre international contre la censure, au nom également de de plusieurs autres organisations non gouvernementales1) a estimé que l'absence de définition de l'extrémisme violent ou encore d'une compréhension partagée des causes profondes de celui-ci soulevait des questions sérieuses, notamment avec le risque d'une confusion avec la lutte contre le terrorisme. Comment réagir à l'extrémisme violent tout en respectant les droits de l'homme ?

Americans for Democracy and Human Rights in Bahrain a demandé aux panélistes ce qu'ils pensaient de l'impact du wahhabisme sur l'expansion de l'extrémisme au Moyen-Orient et dans la région du Golfe.

Amnesty international a mis en garde contre le recours à des mesures discriminatoires au nom de la lutte contre le terrorisme ou l'extrémisme violent, comme le profilage ethnique des personnes. C'est trop souvent le cas avec les communautés musulmanes, ce qui suscite chez elles crainte, méfiance et frustrations. Amnesty international met aussi en garde contre le recours à des mesures présentées comme visant à prévenir l'extrémisme violent, mais qui servent surtout à faire taire les opposants, surtout quand elles reposent sur des définitions trop vagues de ce que sont le terrorisme ou l'extrémisme violent.

Association Miraisme International a insisté sur la nécessité d'inclure, dans les programmes scolaires, des cours sur les différentes religions et modes de pensée, sur les communautés religieuses et leurs visions du monde. Global Network for Rights and Development a recommandé aux nombreux États qui ne l'ont pas encore faite de miser eux aussi sur l'éducation contre la radicalisation.

Le Congrès mondial juif a souligné que l'extrémisme menace l'essence même de toute société démocratique. Pour y faire face, il faut nouer un véritable dialogue interconfessionnel.

La Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO), au nom également de la Fédération internationale des femmes pour la paix mondiale et Al-Hakim Foundation), a salué les efforts du Maroc en faveur d'un islam de tolérance.

Réponses et conclusions des panélistes

MME GHANEA a dit qu'il y a en effet un risque de radicalisation lorsque des États qui ne respectent pas eux-mêmes les droits de l'homme adoptent des mesures répressives. Il faut donc faire attention lorsque ces États sont chargés de lutter contre ce phénomène.

Mme Ghanea a ensuite souhaité qu'en tout état de cause on trouve au plus vite une définition de l'extrémisme violent. Si on veut respecter les droits de l'homme, il faut faire la différence entre les mots et les actes. Mme Ghanea a par ailleurs estimé que l'État devait offrir aux médias un cadre pour les protéger. Elle a aussi estimé qu'en contraignant les États à améliorer leur cohésion sociale, l'extrémisme violent leur posait en quelque sorte une forme de défi positif.

M. GARATEA a pour sa part souligné que l'État et la société civile ne peuvent agir chacun tout seul et séparément. Il faut aussi tenir compte de l'avis de ceux qui sont tentés par l'extrémisme violent et écouter leurs arguments. Pour les plus marginalisés, se rapprocher d'une communauté, être intégrés, les éloigne de la haine à l'égard de cette communauté, a souligné M. Garatea.

M. Garatea a ensuite déclaré que le terrorisme et l'extrémisme violent étaient différents, mais néanmoins de «proches parents». L'extrémisme violent cherche souvent à se venger de quelque chose par la destruction, alors que le terrorisme est un système global qui cherche à gagner un combat par la terreur.

MME FAROOQ a rappelé que l'extrémisme est aujourd'hui transfrontalier. On voit bien qu'un tweet de Daech peut être «re-tweeté» plus de 40 000 par jour et il faut en prendre la mesure. Il faut aussi voir les initiatives partout dans le monde, y compris dans les pays en crise, comme en Afghanistan où des populations ont lancé une véritable fatwa contre l'extrémisme. Il faut donc pouvoir aller au-delà des sociétés civiles dont le membres parlent un bel anglais dans les capitales et aller vers les communautés, a indiqué Mme Farooq.

Mme Farooq a ensuite estimé que la Sierra Leone avait donné une bonne définition de l'extrémisme violent, mais le problème est de savoir ce qui distingue la prévention de l'extrémisme violent qui, comme son nom l'indique, cherche à prévenir, de lutte contre le terrorisme, qui se fait contre une violence déjà existante. La prévention de l'extrémisme violent peut recourir à de mesures plus «douces». Par ailleurs, Mme Farooq a estimé qu'en Afghanistan, beaucoup de personnes s'étaient radicalisées pour des causes sociales ou économiques et non pas religieuses, ce qui démontre que, même dans un pays où la religion imprègne tant la société, elle n'est pas forcément en cause dans l'extrémisme violent

M. ABBADI a souligné qu'il faut pouvoir fournir aux jeunes des rêves alternatifs, qui les éloignent de la violence. Cela implique aussi que l'industrie du jeu ou du cinéma pour enfant soit impliquée assez tôt.

M. Abbadi a ensuite estimé que l'extrémisme peut se limiter en soi à un discours, voire à une pensée. Lorsqu'on passe à l'acte et que l'extrémisme devient violent, il n'y a plus de différence avec le terrorisme. Pour contrer l'extrémisme violent, le Maroc a commencé il y a quatre ans à former les forces de l'ordre afin qu'en cas de menace contre la sécurité et l'ordre social du pays, la réponse soit apportée dans le respect des droits de l'homme, a-t-il indiqué.

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* Délégations ayant participé au débat sur la réunion-débat consacrée à l'action menée pour prévenir et combattre l'extrémisme violent: Albanie (au nom d'un groupe d'États), Autriche, États-Unis, Australie (au nom du groupe MIKTA), Union européenne, Norvège (au nom des pays nordiques), Conseil de Europe, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Pakistan (au nom de Organisation de la coopération islamique), Koweït (au nom du Groupe arabe), Qatar, République de Corée, Équateur, République arabe syrienne, Nigéria, Maroc (au nom de la Plateforme pour éducation et la formation aux droits de homme), Brésil, Autriche, Australie, Singapour, Tunisie, Fédération de Russie, Chine, République islamique d'Iran, Suisse, Sénégal, Espagne, Indonésie, Algérie, Malaisie, Kirghizistan, Sierra Leone, Pakistan, Éthiopie, Maroc, Turquie, Article 19 - Centre international contre la censure (au nom également de de plusieurs autres organisations non gouvernementales1), Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc., Amnesty International, Association Miraisme International, Congrès juif mondial, Global Network for Rights and Development, Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme (au nom également de la Fédération internationale des femmes pour la paix mondiale et Al-Hakim Foundation).


1Déclaration conjointe: Article 19 - Centre international contre la censure, American Civil Liberties Union, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Association for Progressive Communications, International Center for Not-for-Profit Law, Union internationale humaniste et laïque, Human Rights Watch, Center for Inquiry, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), et Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement.


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HRC16/039F