Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DE LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE ET DE LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME
Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi des débats interactifs croisés avec le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention de génocide, M. Adama Dieng, et avec le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, M. Michel Forst, qui a présenté son rapport thématique et rendu compte de sa mission au Burundi.
Dans son intervention, M. Dieng a exprimé sa préoccupation vis-à-vis du mépris croissant et alarmant dont font l'objet le droit international relatif aux droits de l'homme et le droit international humanitaire dans de nombreuses situations de conflit – notamment en Afghanistan, en Syrie et au Yémen – où parfois, les exactions atteignent un tel niveau de cruauté qu'elles remettent en question tous les principes sur lesquels notre humanité est fondée. Citant un certain nombre d'initiatives très concrètes d'États pour renforcer les mécanismes d'alerte rapide, M. Dieng a encouragé le Conseil à tirer la sonnette d'alarme avant que les atrocités ne soient commises.
Pour sa part le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme a alerté le Conseil sur la situation des défenseurs des droits de l'homme au Burundi où ils sont considérés par le Gouvernement comme faisant partie de l'opposition. Depuis avril 2015, leur situation s'est même détériorée, avec de nombreuses attaques brutales, des persécutions, des assassinats ou encore des disparitions forcées. M. Forst a ensuite souligné que nombre de pays ne répondent pas à ses demandes de visites. Il a ensuite souligné que le rapport thématique qu'il présente cette année explore les risques que les défenseurs des droits de l'homme encourent, de même que les bonnes pratiques qui les protègent ou renforcent leur sécurité et s'achève par la présentation sept principes qui fondent ces bonnes pratiques.
Au cours du débat qui a suivi la présentation du rapport de M. Forst, les déclarations des délégations* qui se sont exprimées ont laissé apparaître des divergences de perception, des pays estimant qu'il est inacceptable que les défenseurs de droits de l'homme soient victimes de représailles et de limitation de leurs activités, alors que d'autres soulignaient que nul ne peut se prévaloir du titre de défenseur des droits de l'homme pour violer les lois locales. Certains se sont ainsi inquiétés que des puissances étrangères recourent à des organisations de la société civile et les financent à des fins de déstabilisation politique à l'encontre de gouvernements démocratiquement élus et légitimes. D'autres au contraire ont tenu à rappeler que la société civile et les défenseurs des droits de l'homme sont des éléments fondamentaux des sociétés pluralistes, stables et pacifiques. Ont alors été dénoncés les actes de violence, de limitation d'activité et de tentative de contrôle dont les organisations de la société civile, les journalistes, avocats et autres défenseurs des droits de l'homme sont victimes dans certains pays.
S'agissant de la prévention du génocide, toutes les délégations** sont tombées d'accord sur l'obligation des États de protéger les populations et de prévenir les génocides. Le mandat du Conseiller spécial du Secrétaire général a reçu un large soutien. Il a toutefois été souligné que ce mandat ne devait pas être détourné pour justifier des interventions armées dans d'autres pays ou imposer des concepts non acceptés au plan international. Plusieurs intervenants ont présenté des initiatives nationales ou régionales visant à prévenir les atrocités de masse.
Le Conseil achèvera demain, en milieu de journée, ces deux débats interactifs croisés, après avoir tenu son débat annuel sur les droits des personnes handicapées, qu'il entamera à 9 heures.
Prévention de génocide
Déclaration du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide
M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a estimé que le Conseil des droits de l'homme avait un rôle à jouer en matière de prévention de génocide. Il devrait être le premier à alerter sur le risque d'atrocités criminelles et à demander des mesures rapides et efficaces pour mettre un terme à l'escalade de tensions susceptibles de dégénérer en violences génocidaires. M. Dieng a estimé que le Conseil avait adopté des résolutions essentielles qui ont attiré l'attention sur le sort des populations à risque, notamment en République populaire démocratique de Corée, au Myanmar et en Syrie. Il a également salué la résolution adoptée l'année dernière sur la prévention du génocide, qui a amené l'Assemblée générale à instituer une Journée internationale de commémoration des victimes du crime de génocide, célébrée pour la première fois le 9 décembre dernier.
M. Dieng s'est ensuite concentré sur une question extrêmement préoccupante à ses yeux : le mépris croissant et alarmant du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire dans de nombreuses situations de conflit. Du fait de cette évolution, les atrocités criminelles tendent à devenir systématiques au lieu de rester exceptionnelles, a-t-il poursuivi. Les grandes espérances nées des évolutions au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – création des Nations Unies, adoption des Conventions de Genève de 1949 – ont été trahies et la guerre est restée une réalité quotidienne, sous la forme de conflits armés locaux, toujours plus dévastateurs et complexes. M. Dieng a rappelé que si un conflit armé est une situation extrême dans laquelle les parties choisissent de recourir à la violence pour régler leurs différends, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de règles. Et pourtant, jamais les engagements pris par les États n'ont semblé aussi théoriques, en témoignent les situations en Afghanistan, en Syrie ou au Yémen. Parfois, les exactions atteignent un tel niveau de cruauté qu'elles remettent en question tous les principes sur lesquels notre humanité est fondée, a ajouté le Conseiller spécial.
M. Dieng a appelé la communauté internationale à être attentive également aux situations qui n'ont pas encore atteint un tel niveau de conflit armé mais où la nature des violations des droits de l'homme commises et le contexte créent un risque d'escalade, comme par exemple au Burundi. M. Dieng a également appelé à se soucier de la période d'après-conflit, estimant à cet égard que Sri Lanka se trouvait actuellement à un moment important dans lequel il a la possibilité de réparer les injustices et d'investir dans la réconciliation. M. Dieng a aussi cité des initiatives très concrètes d'États pour renforcer les mécanismes d'alerte rapide: le Réseau latino-américain pour la prévention du génocide et des atrocités massives, le Réseau mondial des coordonnateurs pour la responsabilité de protéger ou encore les comité régionaux et nationaux de la Conférence sur la région des Grands Lacs. En conclusion, M. Dieng a encouragé le Conseil à se saisir plus souvent de ces questions et à tirer la sonnette d'alarme avant que les atrocités ne soient commises.
Débat interactif
Au nom du Groupe africain, l'Afrique du Sud a salué les efforts du Conseiller spécial pour la prévention du génocide pour attirer l'attention sur les situations à risque sur le continent africain. Le Groupe a salué en outre les efforts de la Conférence sur la région des Grands Lacs pour mettre en œuvre le protocole sur la prévention du génocide. Il a engagé le Conseiller spécial à collaborer davantage avec le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et avec les organisations sous- régionales du continent.
La Tunisie a soutenu la proposition de M. Dieng de créer un système d'alerte précoce pour prévenir le génocide. La délégation s'est aussi félicitée que quatre organisations non gouvernementales de son pays aient reçu le prix Nobel de la paix. La Côte d'Ivoire a salué le concept d'alerte précoce, qui a permis aux Nations Unies de traiter en amont la gestion des atrocités dans le monde. La Côte d'Ivoire invite la communauté internationale à investir dans la prévention de toute forme de violence. Le Botswana a répété qu'il appartenait aux États de protéger les populations contre les génocides et de les prévenir.
L'Italie a estimé que le travail de M. Dieng était essentiel en matière de prévention et de renforcement de la capacité de l'ONU à identifier à temps et de manière systématique le risque de commission d'atrocités, tout en renforçant la résilience des sociétés par le respect des droits de l'homme et de l'état de droit. Le Portugal a rappelé pour sa part que le devoir de prévenir et de stopper tout génocide et la commission d'atrocités de masse revenait en tout premier lieu à chaque État, principe qui figure à l'article 1 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
L'Uruguay et la Slovénie ont demandé à M. Dieng comment le Conseil pourrait renforcer la dimension préventive du système international de protection des droits de l'homme. La Géorgie a encouragé le Conseiller spécial à poursuivre son action de catalyseur pour attirer l'attention sur les causes et dynamiques de génocide et alerter en cas de risque de génocide. La République de Corée a déclaré qu'elle accueillerait, cette année, la réunion des points focaux sur la responsabilité de protéger, conformément à son engagement pour lutter et prévenir les actes de génocide.
L'Union européenne a dit soutenir le principe de mécanismes d'alerte rapide contre le génocide. Elle a demandé au Conseiller spécial de dire comment assurer la complémentarité entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil des droits de l'homme, et quelles pourraient être les contributions des organisations régionales. La France a indiqué avoir lancé une initiative visant à suspendre le droit de veto au Conseil de sécurité en cas d'atrocités de masses. Les États-Unis se sont dits gravement préoccupés par les atrocités actuelles commises au Burundi et au Soudan du Sud, souhaitant avoir le sentiment de M. Dieng à ce sujet.
Le Rwanda, au nom d'un groupe d'États pour la responsabilité de protéger, a dit soutenir l'action des deux conseillers spéciaux pour la prévention du génocide. Il les invite à intensifier leurs efforts pour intégrer cette notion dans le système des Nations Unies et encourage les États à mettre en avant leurs propres efforts en matière d'alerte précoce.
Plusieurs délégations ont présenté leurs initiatives nationales ou internationales en faveur de la prévention du génocide. Le Panama ainsi a fait état de l'existence du réseau latino-américain de prévention du génocide et des atrocités de masse, qu'il a présenté comme un modèle de bonne pratique régionale en matière d'alerte précoce. Le Paraguay est en train d'établir un mécanisme de prévention du génocide, conforme à la convention des Nations Unies sur la prévention du génocide, et qui pourra recevoir des plaintes. L'Argentine a indiqué avoir organisé, avec la Suisse, des forums régionaux sur la prévention du génocide en Tanzanie, en Suisse et au Cambodge. L'Argentine est aussi un des fondateurs d'une initiative latino-américaine sur la prévention du génocide grâce au renforcement des communautés, lancée en 2012 à Buenos Aires.
Mettant également en avant sa propre action, l'Équateur a souligné qu'il conduisait des actions pour maintenir une culture de paix dans le cadre de politiques anti-génocidaires. Celles-ci incluent l'éducation aux droits de l'homme et au droit international humanitaire de la police nationale et des forces armées. Pour leur part, les États-Unis ont souligné leur appui au plan d'action Up Front (« les droits avant tout ») du Secrétaire général de l'ONU et de la nécessité de lui donner de l'ampleur. Il s'agit d'une initiative importante pour renforcer la capacité des Nations Unies à prévenir les crimes de masse, ont estimé les États-Unis.
La Chine a affirmé la responsabilité et l'obligation des États de protéger les populations du génocide. La Chine est favorable non seulement à la prévention du génocide, mais encore aux sanctions contre les personnes qui se rendent responsables de génocide.
L'Arménie, qui a rappelé que son peuple avait survécu au premier génocide du XXe siècle, a dit éprouver une responsabilité morale d'apporter sa contribution effective aux efforts internationaux en matière de prévention du génocide. Elle se réjouit que l'Assemblée générale des Nations Unies des Nations Unies ait proclamé le 9 décembre Journée internationale de commémoration des victimes du crime de génocide, d'affirmation de leur dignité et de prévention de ce crime. Cette journée internationale, a poursuivi la délégation, « repose sur deux éléments importants, le passé et le futur, car, effectivement, sans la mémoire des crimes commis, nous ne pouvons assumer pleinement notre rôle de prévention ». La Turquie a déclaré que l'incitation à la haine ne doit pas seulement être condamnée mais également sanctionnée. Toujours pour la Turquie, «appliquer le terme de génocide aux évènements de 1915 n'est pas correct», cette qualification n'ayant pas été acceptée par tous au plan international.
Le Venezuela a réaffirmé son rejet des tentatives de certaines puissances d'entraver les débats à l'Assemblée générale sur la responsabilité de protéger et a exigé une Organisation des Nations Unies capable de lutter contre toutes les atrocités, dans le respect des principes de respect de l'ordre juridique interne des États, de leur souveraineté et de leur intégrité, et en s'abstenant de toute sélectivité. Cuba a regretté que certains tentent de détourner le mandat du Conseiller spécial pour la prévention de génocide pour justifier des interventions militaires dans certains pays.
Défenseurs des droits de l'homme
Présentation du rapport
M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, a donné quelques détails sur sa visite de terrain au Burundi effectuée en novembre 2014. Il a noté que ce pays disposait d'une société civile active et compétente, qui continue son dur labeur en dépit des menaces qui pèsent sur elle. Journalistes et défenseurs des droits de l'homme sont dans ce pays considérés comme faisant partie de l'opposition par le Gouvernement, a expliqué le Rapporteur spécial, ajoutant aussi avoir constaté une absence de protection pour eux, une impunité totale pour les actes de violence qui les ciblent, en plus de la stigmatisation et de la criminalisation de leurs activités. Depuis sa visite et en particulier depuis avril 2015, la situation des défenseurs des droits de l'homme s'est détériorée, avec de nombreuses attaques brutales, persécutions, assassinats ou disparitions forcées. Même les membres de leurs familles ne sont pas épargnés, a souligné le Rapporteur spécial, en référence à l'assassinat du fils d'un éminent défenseur des droits de l'homme. Dans ce contexte, M. Forst s'est réjoui de la décision du Conseil d'envoyer une mission d'experts indépendants sur place.
D'autre part, le Rapporteur spécial a concédé avoir beaucoup de difficultés à remplir son mandat. Parmi les 17 demandes de visite envoyées aux pays, un grand nombre n'a reçu aucune réponse ; et d'autres l'ayant assuré de leur engagement n'ont proposé aucune date pour une visite éventuelle. En dépit des efforts déployés, l'expert n'a pu effectuer aucune visite de terrain en 2015. En 2016, toutefois, il a pu se rendre en Hongrie ; il en profite d'ailleurs pour remercier le Gouvernement. Enfin, il se rendra en Australie au cours du mois d'octobre prochain.
Se tournant vers son rapport thématique, qui porte cette année sur les bonnes pratiques en matière de protection des défenseurs des droits de l'homme, M. Forst a déclaré qu'il contient une analyse des activités menées depuis son dernier rapport, ainsi que des consultations régionales tenues avec plus de 500 défenseurs des droits de l'homme, dont 280 femmes, issus de 111 pays. Le rapport note que ces activistes sont confrontés à de nombreuses menaces, d'ordre physique, psychologique ou socio-économique. Les attaques dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme sont le fruit d'une tentative délibérée de réduire leur espace d'expression, a déclaré le Rapporteur spécial. Il a appelé les délégations à faire preuve d'honnêteté, arguant qu'on ne peut pas prétendre les protéger si on cherche à restreindre leurs activités. C'est à cette fin que son rapport explore les risques que les défenseurs des droits de l'homme encourent, de même que les bonnes pratiques qui les protègent ou renforcent leur sécurité. Le rapport se termine sur une série de sept principes, mettant en évidence les concepts sur lesquels se fondent ces bonnes pratiques, notamment la sécurité, la flexibilité ou encore la reconnaissance de la diversité des défenseurs des droits de l'homme et leur approche de genre.
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme (A/HRC/31/55 et Add.1 à 3, y compris le compte rendu de sa mission au Burundi, à paraître en français).
Pays concerné
Le Burundi a remercié le Rapporteur spécial pour sa visite à Bujumbura en novembre 2014 où il a bénéficié « de l'hospitalité, de la gentillesse et de la générosité de la population ». Sa représentante a entendu « rassurer le Conseil des droits de l'homme et la communauté internationale en général : le Burundi assure, à son peuple et à toute personne qui y vit, la promotion et la protection des droits de l'homme, conformément aux lois et règlements nationaux en vigueur et aux instruments internationaux qu'il a ratifiés ». Elle a souligné que « les droits à la liberté d'opinion et d'expression, la liberté de se réunir, de s'associer et de faire des manifestations pacifiques sont largement garantis au Burundi par la loi suprême de la République qu'est la Constitution ».
La représentante burundaise a ajouté qu'on ne pouvait « passer sous silence la crise que traverse le Burundi ayant perturbé l'exercice, par tout citoyen burundais, de ses droits et libertés ». Elle a assuré que la situation s'était « améliorée sensiblement ». Elle a rappelé que, quelles que soient les circonstances, personne n'était au-dessus de la loi et que l'exercice des droits et libertés doit se faire dans le strict respect des lois. « Cette exigence de respect des lois ne saurait en aucun cas être assimilée à une privation de liberté, à un harcèlement, à une intimidation, à une détention arbitraire. Au Burundi, nul ne peut être inquiété, encore moins poursuivi pour son seul exercice légal de défense des droits de l'homme. Mais nul ne peut se prévaloir de l'exercice de la défense des droits de l'homme pour violer impunément les lois et règlements en vigueur dans le pays », a-t-elle souligné.
« La délégation burundaise regrette de voir que tout ce qui est dit par les personnes portant la casquette de défenseurs des droits de l'homme est cru à la lettre et considéré comme la seule et pure vérité ». En conclusion, la délégation a appelé la communauté internationale à apporter son assistance à la Commission nationale indépendante des droits de l'homme dont la diminution des moyens n'est pas due une quelconque « mauvaise volonté du Gouvernement » mais bien plutôt à la crise que traverse le pays.
Débat interactif
La Pologne a fait remarquer que la récente transition pacifique démocratique qu'elle avait effectuée n'aurait pas été possible sans le courage des défenseurs des droits de l'homme. La Pologne est préoccupée par la tendance croissante de certains États à saper les droits des militants des droits de l'homme, en particulier par le mauvais usage de mesures administratives. Elle a demandé à M. Forst d'en dire plus sur son idée de mécanisme de coordination interrégional qui viserait à partager des expériences en matière de protection.
Pour la République islamique d'Iran – qui a regretté que le rapport n'ait été disponible que 24 heures avant l'importante réunion de ce jour – la protection des défenseurs des droits de l'homme relève de la responsabilité première des États qui doivent permettre l'épanouissement d'un environnement favorable à la promotion et la protection de tous les droits de l'homme. Toutefois, une telle protection ne saurait libérer de l'espace à certains individus ou groupes dangereux, terroristes par exemple, qui leur permettrait de violer le cadre des législations nationales, ainsi que les droits fondamentaux des citoyens sous couvert de défense des droits de l'homme. L'Iran a demandé au Rapporteur spécial de définir et de vérifier très précisément qui sont les authentiques défenseurs des droits de l'homme et les conditions de leur action afin d'éviter tout abus.
L'Union européenne a rappelé qu'elle avait créé un mécanisme complet d'aide aux défenseurs des droits de l'homme doté de 15 millions d'euros. L'Union européenne se félicite des sept principes proposés par le Rapporteur spécial pour mieux protéger les défenseurs des droits de l'homme et souhaiterait savoir s'il existe des bonnes pratiques dont on pourrait s'inspirer. La Finlande a demandé au Rapporteur spécial de préciser quelles sont les « bonnes pratiques » en matière de prise en compte de l'égalité entre les sexes dans la protection des défenseurs des droits de l'homme. La Hongrie a voulu connaître les opinions du Rapporteur spécial sur la manière de renforcer le suivi international des représailles à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.
La Suisse a demandé au Rapporteur spécial quelles seraient les nouvelles étapes à suivre pour mieux disséminer et mettre en œuvre les bonnes pratiques pour la protection des défenseurs des droits de l'homme. Elle souhaite aussi savoir s'il existe des bonnes pratiques spécifiques à la coordination de réseaux de défenseurs des droits de l'homme. La Géorgie considère que l'action des défenseurs peut être renforcée par une coopération et une collaboration plus efficace entre autorités nationales, institutions nationales de droits de l'homme, media et défenseurs des droits de l'homme eux-mêmes.
Pour sa part, le Portugal s'est félicité du rapport de M. Forst qui conceptualise et répertorie les bonnes pratiques en matière de protection des défenseurs des droits de l'homme. Il note avec intérêt les sept principes qu'il met en avant à cet égard. L'Italie s'est également félicitée de l'accent mis par M. Forst sur les mesures de protection des défenseurs des droits de l'homme, dans un contexte international lourd de menaces multiples conduisant au rétrécissement de l'espace dévolu à la société civile.
Le Conseil de l'Europe a dit avoir créé des organes et des institutions dédiés à la promotion d'un environnement propice à l'activité des défenseurs des droits de l'homme. Le Commissaire aux droits de l'homme, le comité des ministres ou encore l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sont impliqués dans cet objectif. Le Commissaire est préoccupé par la détérioration de la situation des défenseurs des droits de l'homme dans plusieurs pays d'Europe. La République tchèque s'est, elle aussi, inquiétée des mesures prises dans certains États pour restreindre l'activité des défenseurs des droits de l'homme, en particulier celles limitant leur financement.
Préoccupée par le rétrécissement de l'espace accordé à la société civile et par les attaques contre les journalistes et défenseurs des droits de l'homme, l'Allemagne a regretté l'adoption à leurs encontre de lois de plus en plus souvent déguisées en mesures visant à renforcer l'état de droit. Elle rappelle que la société civile et les défenseurs des droits de l'homme sont des éléments fondamentaux des sociétés pluralistes, stables et pacifiques. La France a souscrit à l'appel du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme visant à la création d'un cadre de sécurité pour les défenseurs des droits de l'homme. Les Pays-Bas ont fait part de leur satisfaction d'avoir contribué au rapport de M. Forst en mettant en avant leur programme de «villes refuges» pour les défenseurs des droits de l'homme.
L'Uruguay s'est félicité des bonnes pratiques mentionnée par le Rapporteur spécial, y compris de mesures de protection conçues dans une perspective sexospécifique. Le Brésil a demandé au Conseil d'encourager l'assistance technique et la coopération aux États pour qu'ils créent un environnement sûr et favorable pour les défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels.
La Norvège a dit qu'elle présenterait à cette session une nouvelle résolution thématique sur les défenseurs des droits de l'homme. Elle a appelé tous les États à reconnaître le rôle des défenseurs des droits de l'homme dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. L'Irlande a regretté que 17 invitations lancées par le Rapporteur spécial restent en suspens : elle appelle les États concernés à y répondre favorablement et à faire des enquêtes sur les violences commises sur des défenseurs des droits de l'homme.
L'Afrique du Sud, au nom du Groupe africain, a dit soutenir les efforts entrepris pour protéger les défenseurs des droits de l'homme et assurer la protection de la société civile. Le Groupe africain a demandé au Rapporteur spécial comment il considérait les obligations de la société civile quant au respect du cadre juridique national dans lequel elle évolue. Le Pakistan s'est enorgueilli d'une longue tradition de défenseurs des droits de l'homme, et notamment de femmes, citant parmi d'autre la cinéaste Sharmeen Obaid-Chinoy, récompensée d'un Oscar pour son documentaire Une fille dans la rivière - le prix du pardon, consacré aux crimes d'honneur. La Sierra Leone et la Slovénie ont demandé aux gouvernements de prendre des mesures spécifiques pour protéger les femmes défenseurs des droits de l'homme.
Le Botswana a plaidé pour la création de cadres favorables aux activités des défenseurs des droits de l'homme. La Côte d'Ivoire a dit avoir adopté une loi, en juin 2014, qui porte sur la promotion et la protection des défenseurs des droits de l'homme. L'Australie a souligné elle aussi le rôle essentiel des défenseurs des droits de l'homme dans la protection des groupes vulnérables – les femmes et les filles, les minorités religieuses, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, ou encore les personnes handicapées.
L'Équateur a estimé nécessaire de se pencher sur les situations particulières qui empêchent le déploiement des activités des défenseurs des droits de l'homme de manière indépendante et objective, par exemple au travers de l'accès à des ressources financières suffisantes. Évoquant le cas spécifique de la Chine, les États-Unis sont déclarés gravement préoccupés par la répression contre les défenseurs des droits de l'homme dans ce pays qui a entraîné l'emprisonnement d'au moins 317 avocats et militants depuis juillet dernier, 19 d'entre eux ayant été accusés de subversion au début de l'année : ces initiatives vont à l'encontre des normes d'une société de droit. Les États-Unis pressent les autorités chinoises d'abandonner les poursuites contre ces avocats et militants.
Le Japon a exprimé aussi sa profonde préoccupation au sujet d'informations faisant état de persécutions visant des avocats et des journalistes dans certains pays et certaines régions. Il en va de la responsabilité de chaque pays de garantir un environnement permettant aux défenseurs des droits de l'homme d'œuvrer à l'abri de toute intimidation. Dans le contexte actuel de délégitimation et de pénalisation des activités de défense des droits de l'homme et de la société civile, la Nouvelle-Zélande a fait part de sa préoccupation face à la violence en cours au Burundi, pays où se rétrécit l'exercice des droits fondamentaux et l'espace réservé à un dialogue politique inclusif et ouvert, une situation aggravée par l'absence de protection des défenseurs des droits de l'homme.
D'autres États ont insisté sur la nécessité de respecter les cadres juridiques existants. La Fédération de Russie a dit ainsi soutenir les défenseurs des droits de l'homme mais être opposée à la création d'un régime particulier pour la « caste autoproclamée » qu'ils constitueraient alors. Il conviendrait plutôt de créer un cadre propice au travail des défenseurs des droits de l'homme. La Chine, estimant que nul n'est au-dessus des lois, a dit sanctionner les actions illégales, séditieuses auxquelles se livrent certains au prétexte de défendre les droits de l'homme. Pour l'Égypte, les défenseurs des droits de l'homme et leurs activités ont l'obligation de respecter les lois nationales.
Le Venezuela s'est inquiété du recours, par certaines organisations, au financement étranger à des fins de déstabilisation politique à l'encontre de gouvernements démocratiquement élus et légitimes. Cuba a lui aussi mis en garde contre la pratique qui consiste à se servir des défenseurs des droits de l'homme, à les rémunérer de l'étranger pour déstabiliser d'autres pays.
Droit de réponse
Exerçant son droit de réponse, la Chine a dit «rejeter catégoriquement» les allégations des États-Unis concernant l'activité des avocats en Chine. Nul n'est au-dessus des lois, aucun pays n'accepterait que l'on viole les lois au seul motif que l'on est avocat, a déclaré la Chine, assurant que ce corps professionnel jouit d'une liberté d'action dans son pays.
L'Arménie a déploré que la Turquie se serve de cette enceinte pour «nier» la réalité. Le terme « génocide » a été forgé précisément à partir du génocide arménien et de la Shoah, a dit l'Arménie, assurant que la Turquie se rend coupable de «négationnisme d'État» compte tenu de l'abondance des faits et du travail des historiens.
La Turquie a dit partager la peine du peuple arménien qui a beaucoup souffert durant la Première Guerre mondiale. Mais il n'y a pas de consensus juridique ni historique sur les «faits qui se sont passés en 1915».
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*Délégations ayant participé au dialogue interactif sur les défenseurs des droits de l'homme: Union européenne, Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), Allemagne, Australie, Botswana, Brésil, Chine, Conseil de l'Europe, Côte d'Ivoire, Cuba, Égypte, Équateur, Fédération de Russie, Finlande, France, Géorgie, Hongrie, Irlande, République Islamique d'Iran, Italie, Japon, Norvège, Nouvelle Zélande, Pakistan, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, SierraLeone, Slovénie, Suisse, Uruguay, Venezuela.
**Délégations ayant participé au dialogue interactif sur la prévention du génocide: Union européenne, Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), Argentine, Arménie, Botswana, Chine, Côte d'Ivoire, Cuba, Équateur, États-Unis, France, Géorgie, Italie, Panama, Paraguay, Portugal, République de Corée, Rwanda (au nom d'un groupe d'États), Slovénie, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela.
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HRC16/013E