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LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT DE LA THAÏLANDE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par la Thaïlande sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Présentant ce rapport, M. Maitri Inthusut, Secrétaire permanent au Ministère du développement social et de la sécurité humaine de la Thaïlande, a indiqué que le nombre de personnes enregistrées auprès du Département de l’autonomisation des personnes handicapées dépasse légèrement 1,5 million – soit 2,41% de la population. Il a reconnu que le nombre réel de personnes handicapées était légèrement supérieur, ajoutant que les autorités compétentes incitent les personnes handicapées non enregistrées à se faire enregistrer afin qu’elles puissent bénéficier de l’assistance à laquelle elles ont droit. La loi de 2007 sur le handicap, amendée en 2013, a rompu avec le précédent texte, qui remontait à 1991, en passant d’une perspective privilégiant la charité à un paradigme basé sur les droits et l’intégration des personnes handicapées, a-t-il fait valoir.

Le principal mécanisme chargé d’élaborer des politiques destinées aux personnes handicapées est le Comité national pour l’autonomisation des personnes handicapées, a poursuivi M. Maitri Inthusut. À l’instar des textes fondamentaux qui l’ont précédée, l’actuelle Constitution provisoire de 2014 garantit les droits fondamentaux et la dignité humaine, a-t-il souligné, avant de préciser qu’un projet de Constitution qui a été rendu public hier serait soumis à la population par référendum au mois d’août prochain. Par ailleurs, la Thaïlande a retiré sa déclaration interprétative concernant l’article 18 de la Convention, relativement à la liberté de circulation et à la nationalité; de plus, le pays envisage de devenir partie au Protocole facultatif à la Convention, entre autres. Les personnes handicapées peuvent obtenir une attestation de handicap leur permettant de bénéficier d’un certain nombre de prestations et avantages, a en outre fait valoir M. Maitri Inthusut. Toutefois, des défis demeurent, a-t-il reconnu, citant en particulier le fait que la majorité des personnes handicapées vivent en province, voire dans des régions isolées. La Thaïlande rencontre aussi des défis significatifs dans la mise sur pied d’une éducation véritablement inclusive. En outre, les discriminations de toutes natures demeurent un problème, a admis M. Maitri Inthusut, indiquant que l’État compte redoubler d’effort pour éliminer les préjugés envers les personnes handicapées.

La Commission nationale des droits de l’homme de la Thaïlande est également intervenue, suite à cette présentation, en affirmant que la ratification de la Convention par la Thaïlande avait permis de mieux sensibiliser les personnes handicapées à leurs droits dans ce pays. Un bon nombre de défis demeurent, s’agissant en particulier d’une meilleure application de la Convention, a-t-elle toutefois souligné, indiquant notamment que peu a été fait pour préparer les personnes handicapées au monde du travail et que les transports publics leur sont rarement accessibles. La Commission juge par ailleurs que l’accent devrait être mis prioritairement sur le non-placement en institution.

La délégation thaïlandaise était également composée de M. Thani Thongphakdi, Représentant permanent de la Thaïlande auprès des Nations Unies à Genève; de M. Somchai Charoen-Umnuaisuke, Directeur général du Département de l’autonomisation des personnes handicapées auprès du Ministère du développement social et de la sécurité humaine; de M. Vitit Muntarbhorn, professeur à la Faculté de droit de l’Université Chulalongkorn; de M. Wiriya Namsiripongpan, expert des questions de handicap à l’Université Thammasat ; ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la justice et du Centre national de réadaptation médicale Sirindhorn.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du projet de nouvelle Constitution; de la définition du handicap; de la Loi sur l’autonomisation des personnes handicapées; de la Commission nationale des droits de l’homme; du nombre de personnes handicapées enregistrées; des prestations sociales pour personnes handicapées; de la langue des signes; des questions d’accessibilité et d’aménagement raisonnable; de la sensibilisation aux questions de handicap; des plaintes déposées par des personnes handicapées; de l’aide juridictionnelle; des questions d’éducation et de santé; des programmes de réadaptation; de la traite des êtres humains; de la stérilisation forcée; des châtiments corporels; du droit de vote; ainsi que des personnes déplacées et des réfugiés du Myanmar.

M. Hyung Shik Kim, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Thaïlande, a souligné que c’est en matière de mise en œuvre des textes de loi existants que le bât blesse. Il semble en outre que le projet de nouvelle Constitution n’inclue pas la reconnaissance des droits des personnes handicapées, ce qui constituerait un recul, s’est inquiété le rapporteur. L’approche médicale du handicap semble dominante au détriment de celle axée sur les droits de l’homme, s’est-il également inquiété. Il a par ailleurs relevé que des femmes handicapées mentales étaient soumises à des stérilisations forcées à l’adolescence, sans aucune base légale pour se faire.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Thaïlande et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le jeudi 21 avril prochain.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, ainsi que demain matin, le Comité procèdera à l'examen du rapport initial du Chili (CRPD/C/CHL/1).


Présentation du rapport de la Thaïlande

Le Comité est saisi du rapport initial de la Thaïlande (CRPD/C/THA/1), ainsi que des réponses du pays (CRPD/C/THA/Q/1/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRPD/C/THA/Q/1).

Présentant ce rapport, M. MAITRI INTHUSUT, Secrétaire permanent au Ministère du développement social et de la sécurité humaine de la Thaïlande, s’est dit heureux de constater la présence dans la salle de ses amis et collègues de la Commission nationale des droits de l’homme et d’organisations de la société civile. Il a indiqué que son pays avait accueilli ce mois-ci la troisième session du groupe de travail de la Décennie Asie-Pacifique pour les personnes handicapées (2013-2022) pour le suivi de la mise en œuvre de la Stratégie d’Incheon visant à faire du droit une réalité pour les personnes handicapées de la région.

M. Maitri Inthusut a précisé que le nombre de personnes enregistrées auprès du Département de l’autonomisation des personnes handicapées dépasse légèrement 1,5 million – soit 2,41% de la population. Il a reconnu que le nombre réel de personnes handicapées était légèrement supérieur. Les autorités compétentes incitent les personnes handicapées non enregistrées à se faire enregistrer afin qu’elles puissent bénéficier de l’assistance à laquelle elles ont droit. La loi de 2007 sur le handicap, amendée en 2013, a rompu avec le précédent texte, qui remontait à 1991, en passant d’une perspective privilégiant la charité à un paradigme basé sur les droits et l’intégration des personnes handicapées, a fait valoir le Secrétaire permanent du Ministère du développement social et de la sécurité humaine de la Thaïlande.

Le principal mécanisme chargé d’élaborer des politiques destinées aux personnes handicapées est le Comité national pour l’autonomisation des personnes handicapées, qui est placé sous la présidence du Premier ministre et au sein duquel siègent 11 ministres, sept représentants d’organisations nationales de personnes handicapées et six experts, a indiqué M. Maitri Inthusut. À l’instar des textes fondamentaux qui l’ont précédée, l’actuelle Constitution provisoire de 2014 garantit les droits fondamentaux et la dignité humaine, a-t-il souligné, avant de préciser qu’un projet de Constitution qui a été rendu public hier serait soumis à la population par référendum au mois d’août prochain. Par ailleurs, la Thaïlande a retiré sa déclaration interprétative concernant l’article 18 de la Convention, relativement à la liberté de circulation et à la nationalité; de plus, le pays envisage de devenir partie au Protocole facultatif à la Convention, ainsi qu’au Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès aux œuvres publiées des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés.

Le quatrième Plan national d’autonomisation des personnes handicapées offre une perspective selon laquelle celles-ci vivraient de manière indépendante et heureuse dans une société leur reconnaissant des droits égaux au reste de la population, a poursuivi M. Maitri Inthusut. Les personnes handicapées peuvent obtenir une attestation de handicap leur permettant de recevoir des allocations mensuelles, des soins médicaux, des équipements de soutien, d’utiliser gratuitement les transports publics de base, ou encore de solliciter des bourses universitaires ou des prêts à taux zéro. Elles peuvent aussi demander une assistance à domicile ou bénéficier des services d’interprètes en langue des signes.

Toutefois, des défis demeurent, a reconnu M. Maitri Inthusut. L’un des plus considérables tient au fait que la majorité des personnes handicapées vivent en province, voire dans des régions isolées, 4% seulement d’entre elles habitant à Bangkok. C’est la raison pour laquelle l’État a mis sur pied des sous-comités provinciaux pour l’autonomisation des personnes handicapées qui sont présidés par chacun des gouverneurs de province. Ceux-ci disposent d’un budget propre et mettent en œuvre des projets spécifiques.

La Thaïlande rencontre aussi des défis significatifs dans la mise sur pied d’une éducation véritablement inclusive, en raison notamment de ressources inadéquates en personnels et d’une absence de matériel adapté dans les établissements scolaires, a poursuivi M. Maitri Inthusut. Le système se montre incapable de répondre aux besoins, a-t-il reconnu. Cela a pour résultat que 46% des personnes handicapées enregistrées en âge de travailler sont au chômage. Un système de quotas a été introduit en 2008, les entreprises privées devant embaucher des travailleurs handicapés à raison de 1% de leurs effectifs. Un système similaire a été introduit récemment dans le secteur public. Les employeurs ne respectant pas ce pourcentage sont passibles d’une amende.

Les discriminations de toutes natures demeurent un problème, a également admis M. Maitri Inthusut. L’État compte redoubler d’effort pour éliminer les préjugés envers les personnes handicapées en accentuant son travail de sensibilisation, a-t-il indiqué. S’agissant des causes du handicap, les statistiques font apparaître que 31% sont dues à la maladie et 14% à des accidents, a-t-il en outre précisé. Le diagnostic précoce dès la naissance, la connaissance de bonnes règles alimentaires et des campagnes de sécurité routière sont susceptibles de diminuer la prévalence du phénomène, a-t-il ajouté. M. Maitri Inthusut a enfin indiqué que la Thaïlande venait de déposer ses instruments de ratification de la Convention n°187 de l’Organisation internationale du travail sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail.

La Commission nationale des droits de l’homme de la Thaïlande a estimé que la ratification de la Convention par la Thaïlande avait permis de mieux sensibiliser les personnes handicapées à leurs droits dans ce pays. Un bon nombre de défis demeurent, s’agissant en particulier d’une meilleure application de la Convention, a-t-elle toutefois souligné. En matière d’éducation, a-t-elle précisé, les parents n’ont pas le choix de l’établissement dans lequel scolariser leur enfant handicapé, car les établissements restent souvent mal équipés pour prendre en charge des élèves handicapés. Dans les hôpitaux, le personnel n’est pas formé, notamment pour faire face aux handicaps mentaux, a poursuivi l’institution nationale des droits de l'homme de la Thaïlande. Par ailleurs, peu a été fait pour préparer les personnes handicapées au monde du travail, a-t-elle ajouté. Les personnes handicapées n’ont pas accès aux formations, ni aux prêts bancaires, a-t-elle déploré. En outre, les transports publics leur sont rarement accessibles et l’État doit incontestablement faire davantage pour améliorer la situation. La Commission juge par ailleurs que l’accent devrait être mis prioritairement sur le non-placement en institution. Le grand défi est la mise en œuvre des textes pertinents, a-t-elle conclu, ajoutant qu’une meilleure inclusion redonnerait de la dignité aux personnes handicapées et insufflerait un sens d’utilité de la personne handicapée au sein de la société.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


M. HYUNG SHIK KIM, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Thaïlande, a constaté que le rapport contenait bon nombre d’éléments positifs en termes de textes de loi notamment. Il s’agit même d’un exemple remarquable en Asie, a-t-il dit. Toutefois, c’est en matière de mise en œuvre que le bât blesse. Il apparaît en effet que la législation n’est pas soutenue par un système efficace d’application sur le terrain, les mesures prises contre les discriminations apparaissant inadéquates. Il semble en outre que le projet de nouvelle Constitution n’inclue pas la reconnaissance des droits des personnes handicapées, ce qui constituerait un recul, s’est inquiété le rapporteur.

Quant au Plan national d’action, il concerne essentiellement l’emploi, alors que les aménagements raisonnables en matière d’accessibilité laissent à désirer. Il s’avère en outre que les politiques, les programmes et les mesures d’action affirmative visant à assurer la participation, l’intégration et l’égalité des personnes handicapées avec les autres membres de la société ne sont pas pleinement mises en œuvre, a regretté M. Hyung Shik Kim.

Le rapporteur a par ailleurs relevé que les femmes semblent exclues du Comité national d’autonomisation. Quant au Sous-Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes handicapées, ses prérogatives sont limitées, a-t-il fait observer. Par ailleurs, des sources alternatives affirment qu’il est difficile pour les personnes handicapées d’avoir accès à la gestion de la cagnotte substantielle dont dispose le Fonds du handicap censé servir à la réadaptation, à l’éducation et à l’emploi, ainsi qu’au subventionnement des associations concernées.

En outre, l’approche médicale du handicap semble dominante au détriment de celle axée sur les droits de l’homme, a poursuivi le rapporteur. Cela a pour conséquence une prise en compte insuffisante de l’approche basée sur les droits dans le développement de services et dans l’inclusion, pourtant essentiels pour surmonter les obstacles juridiques et sociaux.

Enfin, le rapporteur a relevé que des femmes handicapées mentales étaient soumises à des stérilisations forcées à l’adolescence, alors qu’il n’existe aucune base légale pour une telle pratique. Cette pratique semble due à l’attitude de médecins qui incitent les parents de jeunes filles handicapées à prendre une telle décision; il s’agirait d’une pratique courante, les parents suivant généralement l’avis du praticien.

Un autre membre du Comité a évoqué son séjour en Thaïlande, pays qu’il a beaucoup aimé, notamment pour l’hospitalité de ses habitants, en attirant l’attention sur les problèmes de déplacement qu’il a rencontrés en tant que personne se déplaçant en chaise roulante. Il a demandé à la délégation ce qui était fait pour améliorer l’accessibilité dans les transports publics. Qu’en est-il de l’affectation des ressources humaines, financières et techniques en faveur des droits des personnes handicapées?

Un autre expert ayant observé que le pays semblait manquer d’interprètes de qualité en langue des signes, un de ses collègues a demandé quelles étaient les exigences de l’État en matière de formation et de compétences à cet égard.

Une experte a souligné l’importance de ne pas oublier les femmes et les filles handicapées dans les politiques et stratégies suivies par la Thaïlande; à cet égard, les organisations représentatives des personnes handicapées sont-elles consultées, a-t-elle demandé?

Plusieurs experts ont posé des questions sur le fonctionnement et les moyens des organes chargés des questions de handicap.

Un membre du Comité a fait observer que les sites Internet intéressant les droits des personnes handicapées n’étaient pas aux normes en termes d’accessibilité pour les déficients auditifs et visuels.

Une experte, qui a rappelé que l’octroi de l’attestation de handicap se faisait sur la base d’une évaluation médicale, s’est interrogée sur le faible pourcentage de personnes handicapées dans la population selon les chiffres fournis par la délégation. Elle a rappelé que les organismes internationaux considéraient que la moyenne de personnes handicapées dans une société donnée tournait généralement autour de 10%. Elle s’est par ailleurs dite frappée par le taux élevé d’abandons d’enfants, un phénomène apparemment courant dans les milieux les plus pauvres. Que fait l’État thaïlandais pour promouvoir une image respectueuse des personnes handicapées, a-t-elle encore demandé?

Une autre experte a abordé la question des discriminations dans les camps de réfugiés, tandis qu’un autre membre du Comité s’est enquis de l’image des personnes handicapées dans les médias.

Une membre du Comité a dit avoir eu connaissance de cas de femmes ayant été victimes de violences, en particulier de violences sexuelles, qui n’ont pas été en mesure d’obtenir réparation. Les autorités ont-elles pris des mesures pour y remédier, notamment dans les zones reculées et au sein des minorités ethniques ou des réfugiés du Myanmar?

Un expert a demandé si les personnes non voyantes recevaient des notifications officielles en braille, émanant par exemple des tribunaux. Un autre expert a demandé comment les autorités intégraient les personnes handicapées dans les actions relatives à la réduction des risques de catastrophes.

Un expert a demandé à la délégation de répondre de répondre plus précisément aux questions posées et ne pas se contenter de lire les dispositions législatives existantes. Il a rappelé que la plupart des pays avaient d’excellentes lois, la question qui se posait étant toujours celle de leur application. Il a notamment souhaité savoir si le Gouvernement avait établi un calendrier visant à en finir avec le placement en institution, afin de s’orienter vers un système plus inclusif.

Un expert a souhaité savoir dans quelle mesure les personnes handicapées étaient consultées dans la formulation des lois les concernant. Il s’agit de la question clé de la participation des personnes handicapées dans une société inclusive, a-t-il rappelé.

Un autre membre du Comité a demandé s’il existait une aide juridictionnelle gratuite.

Un membre du Comité a demandé si des dispositions étaient prises pour régulariser la situation des personnes handicapées ne disposant pas de documents d’identité.

Les établissements publics ont théoriquement l’obligation d’employer des personnes handicapées mais aucune sanction n’est, semble-t-il, prévue s’ils n’en font rien. Le Gouvernement entend-il y remédier, a demandé un expert qui a fait observer que c’était souvent des questions de compétence qui étaient mises en avant par les administrations pour ne pas embaucher de personnes handicapées?

Un autre expert a relevé que peu d’enseignants avaient les compétences nécessaires pour s’occuper d’enfants handicapés, souhaitant savoir si l’État prévoyait de développer la formation à cet égard, notamment en langue des signes.

Par ailleurs, une experte a relevé que la Commission nationale des droits de l’homme avait vu son statut rétrogradé (par le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme), demandant si le Gouvernement avait l’intention de la rendre pleinement conforme aux Principes de Paris. De quelle façon l’État prend-il en compte les recommandations de la Commission, alors que l’impression qui se dégage est qu’elles ne sont guère suivies d’effet, a-t-il en outre été demandé?

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les allocations pour handicap et a demandé si l’État avait mené une étude sur la prévalence de la pauvreté chez les personnes handicapées.

Un expert a demandé si les sites touristiques et culturels thaïlandais étaient accessibles pour les personnes handicapées.

Quatre experts ont exprimé leur irritation face à la façon dont le chef de la délégation thaïlandaise avait présenté un des membres de sa délégation en lui manquant de respect. Il s’agit, selon ces experts, d’une attitude humiliante et peu respectueuse, qui illustre un manque de connaissance des droits des personnes handicapées, ce qui est particulièrement déplorable de la part du chef même de la délégation. Une experte du Comité a estimé que cela exigeait des excuses. Le chef de la délégation a alors expliqué qu’il y avait peut-être eu un malentendu sur la façon dont il avait présenté une de ses collègues. Il a indiqué avoir la plus grande admiration pour ce que cette collègue fait et avoir le plus grand respect à son égard, ainsi qu’envers tous le autres membres de sa délégation.

Réponses de la délégation

La Thaïlande en sera à sa 23eConstitution si le projet actuel est adopté en août prochain, ce qui constitue sans nul doute un record mondial, a reconnu la délégation. L’actuelle loi fondamentale, la Constitution intérimaire de 2014, reprend le principe de non-discrimination et de dignité humaine qui figurait déjà dans la Constitution de 2007. Le projet actuel de nouvelle Constitution interdit la discrimination sur la base de divers motifs, y compris le handicap, a précisé la délégation.

La Loi sur l’autonomisation garantit aux personnes handicapées les mêmes droits et libertés fondamentaux qu’à toutes les personnes valides et elle interdit toute discrimination injustifiée, a poursuivi la délégation. Elle consacre le droit des personnes handicapées d’accéder aux équipements et services publics et de les utiliser. Il s’agit notamment des soins médicaux, de l’éducation, de l’emploi, de la pension d’invalidité, de services d’interprétation de langue des signes ou d’une assistance personnelle, de l’adaptation du domicile, de l’accès à l’information et des technologies d’assistance.

Un pour cent du budget national est consacré aux mesures en faveur des personnes handicapées. L’allocation d’adulte handicapé a plus que quadruplé ces dernières années, passant de l’équivalent de 14 dollars à 71 dollars.

S’agissant du faible pourcentage de personnes handicapées enregistrées, la délégation a reconnu qu’un certain nombre d’entre elles répugnent à se faire enregistrer, craignant la stigmatisation. Il existe en outre des difficultés d’ordre matériel (pour se faire enregistrer) qui peuvent s’avérer dissuasives. Enfin, les autorités se heurtent à un manque de compétences au niveau de l’administration et des services de santé. Des formations aux question de handicap doivent être prodiguées aux personnels de santé, a insisté la délégation. Par ailleurs, une assistance doit être fournie aux personnes qui ne sont pas en mesure de se faire enregistrer de manière autonome, a-t-elle ajouté. Un effort de recrutement de bénévoles doit aussi être effectué; ceux-ci seraient chargés de repérer les personnes handicapées encore inconnues de l’administration.

Pour ce qui est de la définition du handicap, les personnes concernées sont celles connaissant des limites dans la réalisation de leurs tâches quotidiennes et qui ont besoin d’une assistance pour cela, a rappelé la délégation.

Reconnaissant que le déni d’aménagement raisonnable est assimilable à une discrimination, la délégation a indiqué qu’un projet d’amendement à la législation sur le handicap vise à y remédier.

Les personnes handicapées qui s’estiment victimes de discrimination peuvent porter plainte, notamment auprès de la Commission nationale des droits de l’homme, a poursuivi la délégation, précisant qu’un seul cas de ce type a été enregistré, en 2011, auprès de cette institution, suite à un refus de délivrance d’un titre de propriété à une personne handicapée.

Quelque 2000 plaintes ont été déposées par des personnes handicapées, si l’on prend en compte les appels reçus par la ligne téléphonique gratuite, a ensuite indiqué la délégation, précisant que divers motifs de discrimination sont concernés.

La Commission nationale des droits de l’homme est effectivement passée du statut A au statut B (auprès du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme), en raison d’un manque d’implication de la société civile, a indiqué la délégation. Elle a rappelé les conditions de création de cette Commission, en 1999. Un comité de sélection avait été formé afin d’en choisir les 11 membres; ce comité était composé pour moitié de représentants de la société civile et pour moitié de membres du Gouvernement. Il s’est agi d’un processus indépendant et pluraliste. Par la suite, avec l’adoption de la Constitution de 2007, le comité de sélection a été considérablement réduit de 27 membres à seulement sept, sans aucun représentant de la société civile. C’est sans doute cet aspect de la question qui doit être amélioré, une fois qu’aura été adoptée la nouvelle Constitution, a reconnu la délégation.

La délégation a assuré que la Loi sur le handicap ayant été élaborée par des juristes dont M. Munthian Buntan, membre du Comité, celle-ci répondait pleinement aux exigences de la Convention.

Plus de 600 interprètes en langue des signes sont enregistrés auprès des autorités thaïlandaises, a par ailleurs indiqué la délégation. Des ONG comme Handicap International fournissent des services d’interprétation, notamment dans les hôpitaux de province, a-t-elle ajouté.

Pour améliorer l’accessibilité, une soixantaine d’ascenseurs sont en cours d’installation dans le métro de Bangkok et devraient être opérationnels d’ici septembre prochain. Des services de taxis gratuits sont aussi disponibles dans la capitale pour les personnes à mobilité réduite. Sur toute l’étendue du territoire, les organismes publics, notamment les mairies, les établissements scolaires et les commissariats de police, ont dû se doter d’équipements de base adaptés aux personnes handicapées, tels que rampes, toilettes et parkings.

Des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées en direction de la population, notamment en présentant à la télévision ou à la radio des personnes handicapées ayant une vie épanouie, a ensuite indiqué la délégation.

En outre, les technologies de l'information et de la communication sont mises à contribution afin de combler la fracture numérique. On estime que 72% de la population a accès à Internet, ce qui bénéficie également aux personnes handicapées, a fait valoir la délégation.

Les femmes handicapées peuvent se prévaloir de la Loi sur l’égalité hommes-femmes et bénéficier des mesures prévues en faveur de l’égalité entre les sexes.

La Thaïlande a mis en place des régimes de sécurité sociale destinés à tous les citoyens, y compris les personnes handicapées, a par ailleurs indiqué la délégation. Les services de santé pour personnes handicapées incluent la réadaptation médicale gratuite, a-t-elle précisé. Comme tous les citoyens, les personnes handicapées - y compris celles ne disposant pas de documents d’identité, comme les résidents illégaux – ont accès aux soins de santé primaire. Par ailleurs, le Ministère de la santé offre des logements et des équipements d’assistance aux personnes handicapées. Le Bureau national de sécurité sanitaire fournit des matériels d’assistance couvrant tous les types de handicaps - prothèses, prothèses auditives, loupes, cannes blanches et fauteuils roulants.

Par ailleurs, des formations sur les droits des personnes handicapées, à l’intention des médecins et du personnel médical, des parents et des soignants non professionnels sont organisées par le Centre national de réadaptation médicale Sirindhorn. Celui-ci a été choisi comme centre national de formation à la réadaptation médicale par l’Organisation mondiale de la Santé.

La Thaïlande a enregistré l’an dernier 471 cas de traite des êtres humains dont 236 concernaient des enfants, a ensuite indiqué la délégation. La Thaïlande collabore avec de nombreux autres pays, dont la Suisse, pour lutter contre ce fléau, a-t-elle précisé, avant d’ajouter qu’elle ne dispose pas de chiffres concernant le nombre de personnes handicapées victimes de la traite.

Une aide juridictionnelle ou financière est fournie aux personnes handicapées victimes de différents types de crimes ou délits, a poursuivi la délégation. Une loi qui doit entrer en vigueur le mois prochain prévoit d’accorder une aide juridictionnelle à toute personne indigente, a-t-elle fait précisé, avant d’ajouter que des interprètes sont mis à disposition des personnes handicapées et que ces personnels sont formés à la fois aux droits et aux besoins spécifiques associés au handicap de leurs clients. L’état mental d’une personne, et son éventuelle incapacité à se défendre, sont déterminés par un examen psychiatrique.

La stérilisation est autorisée à condition qu’elle soit volontaire et qu’elle résulte d’un consentement éclairé, a d’autre part souligné la délégation. L’avortement est quant à lui illégal, sauf en cas de viol ou de grossesse présentant des risques pour la santé de la mère. La stérilisation forcée est interdite par la loi sur la santé mentale de 2008, a insisté la délégation. Tout éventuel cas de stérilisation doit faire l’objet du consentement écrit de la personne concernée ou des parents s’il s’agit d’un mineur; néanmoins, même dans ce dernier cas, l’avis du mineur doit être sollicité. La délégation a reconnu, s’agissant de ces questions, l’existence de disparités du fait du manque de personnels médicaux dans les zones rurales. Un travail de sensibilisation doit être mené au sein de la classe paysanne quant au fait que la stérilisation ne saurait être la solution face aux risques de violences sexuelles encourus par les enfants du fait qu’ils sont fréquemment laissés à eux-mêmes lorsque leurs parents sont aux champs, a expliqué la délégation, après avoir indiqué qu’en effet, dans les campagnes, il arrive que des parents fassent stériliser leur fille pour prévenir toute grossesse faisant suite à d’éventuelles violences sexuelles.

Les châtiments corporels à l’encontre des enfants sont interdits et les enseignants qui s’en rendraient coupables encourraient des sanctions, a souligné la délégation. Les châtiments corporels sont devenus très rares en Thaïlande, a-t-elle assuré.

Le plan d’autonomisation des femmes, qui est axé sur les femmes en général, atteintes ou non d’un handicap, vise à changer les attitudes négatives à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les sexes par une intégration plus forte des femmes dans les processus de décision politique, économique et administratif et en matière de santé, d’hygiène, de droits de la procréation et de sécurité, a indiqué la délégation.

Les personnes déplacées et les réfugiés du Myanmar, qui sont plus d’un million dans les zones frontalières, bénéficient de soins de santé dans les camps où ils vivent, avec l’aide d’ONG internationales et thaïlandaises, a d’autre part fait valoir la délégation. Compte tenu de l’évolution de la situation au Myanmar, on s’efforce d’inciter ces personnes à rentrer dans leur pays, après leur avoir proposé des formations susceptibles de leur permettre d’avoir une activité lucrative après leur réinstallation.

En ce qui concerne le droit de vote, un projet de loi électorale en voie d’adoption prévoit un certain nombre d’aménagements pour les personnes handicapées: utilisation du braille et possibilité de voter par anticipation, entre autres, a indiqué la délégation. L’interprétation des messages électoraux en langue des signes relève du choix de chacune des formations politiques, a-t-elle ajouté.

S’agissant des quotas de travailleurs handicapés imposés aux entreprises, la délégation a affirmé que se posait un problème de compétences – et par conséquent de formations visant à développer le savoir-faire des personnes handicapées. La fonction publique va devoir faire un effort à cet égard, ce qui permettra d’améliorer l’offre d’emplois pour ces personnes, a-t-elle ajouté. L’État est conscient du potentiel représenté par les travailleurs handicapés, qui ne demande qu’à être développé. Aussi, a-t-il demandé un recensement des personnes handicapées souhaitant travailler, y compris dans les campagnes. Il s’agit de favoriser la création d’emplois locaux afin de leur permettre d’avoir des sources de revenus durables, a expliqué la délégation.

À l’issue de ce dialogue, une représentante de la Commission nationale des droits de l’homme de la Thaïlande a jugé riches d’enseignements les observations faites quant à l’application concrète de la Convention, ce qui permettra à cette Commission de mieux œuvrer, à l’avenir, à l’amélioration de la situation dans le pays au regard des droits des personnes handicapées. Elle a notamment estimé que la définition du handicap devrait être élargie dans son pays et que les droits des personnes handicapées devraient être rendus plus concrets. Ces personnes doivent notamment être davantage associées aux processus de décision les concernant. Enfin, les autorités doivent prendre conscience de la nécessité de prendre des mesures pour en finir avec la stigmatisation dont font l’objet les personnes handicapées. La Commission s’est engagée à assurer le suivi des recommandations du Comité. Elle a enfin demandé au Gouvernement thaïlandais de s’efforcer de mieux respecter les droits de l’homme. La Commission entend servir de lien entre les autorités, les organisations de défense des droits de l’homme, y compris celles représentant les personnes handicapées, et toute personne susceptible de se sentir marginalisée au sein de la société.

M. MAITRI INTHUSUT, Secrétaire permanent au Ministère du développement social et de la sécurité humaine de la Thaïlande, a souligné que sa délégation avait beaucoup appris de ce dialogue. Il a reconnu qu’un certain nombre de défis restaient à relever, s’agissant notamment de la levée des barrières sociales et de la lutte contre la discrimination, du renforcement des capacités en matière de recueil de données ou encore de la nécessité de procéder à des réformes législatives permettant de respecter pleinement la Convention. Il a assuré que son pays s’efforcerait de prendre des mesures concrètes s’inspirant des recommandations que le Comité lui adressera.

Remarques de conclusion

M. HYUNG SHIK KIM, Rapporteur du Comité pour l’examen de la Thaïlande, a souligné que demeurent pour la Thaïlande des possibilités considérables d’amélioration de la situation, notamment en termes de renforcement de l’accessibilité et de prise de mesures contre la discrimination. Il serait utile d’impliquer davantage de représentants des personnes handicapées, notamment dans l’attribution des fonds disponibles, a-t-il ajouté. En dépit de certaines difficultés qui subsistent, il s’est toutefois félicité de la franchise du dialogue que le Comité a eu avec la délégation et de l’ouverture affichée par celle-ci.



Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRPD16/004F