Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DU KAZAKHSTAN
Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial du Kazakhstan sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Le rapport a été présenté par le Vice-Ministre de l'intérieur, M. Rashid Zhakupov, qui a souligné que le Kazakhstan avait mené des réformes importantes tendant à l'amélioration de la législation nationale portant sur la question de la protection de tous ses citoyens contre la disparition forcée. À cet effet, la détection, la prévention et la répression de ce type d'infraction ont été érigées en priorité par les autorités qui ont adopté une politique de «tolérance zéro» à l'égard des enlèvements et a souligné que la législation kazakhe érige en infraction les actes définis dans la Convention. Le Vice-Ministre a fait valoir la mise en place d'un programme de modernisation du système judiciaire et juridique, fondé sur une démarche de partenariat avec la population. D'autre part, une surveillance indépendante des lieux de détention et de privation de liberté est désormais garantie à travers l'établissement d'un mécanisme national de prévention de la torture. M. Zhakupov a aussi déclaré que le Kazakhstan avait ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, qui lui permet d'assurer un suivi s'agissant de la situation des enfants kazakhs adoptés dans d'autres États.
La délégation du Kazakhstan également composée du Secrétaire de la Commission des droits de l'homme, M. Tastemir Abishev; d'un juge de la Cour suprême, M. Yerden Aripov; de la présidente par intérim du Comité pour la protection des droits de l'enfant du Ministère de l'éducation et des sciences, Mme Ayash Makenova; du Président adjoint du Comité du système correctionnel du Ministère de l'intérieur, M. Azmat Bazylbekov; de la Directrice du département des services sociaux du Ministère de la santé et du développement social, Mme Azhar Tulegaliyeva, et de hauts représentants des services de police et de la police criminelle. La délégation a fourni des réponses aux questions des membres du Comité s'agissant notamment de la pénalisation des disparitions forcées; de la procédure et de la durée de la garde à vue; des mesures de réparations; de l'extradition et du refoulement; de la tenue d'un registre de personnes portées disparues; des mesures de prévention et de protection des enfants en matière de disparitions forcées, notamment dans le cadre de l'adoption; des procédures d'enquête en cas de commission de privation illégale de liberté par un membre du personnel des forces de l'ordre.
Les deux rapporteurs du Comité pour l'examen du rapport initial du Kazakhstan étaient M. Luciano Hazan et M. Kimio Yakushiji. Ils ont déploré que le Kazakhstan ne reconnaisse pas les compétences du Comité pour l'examen de plaintes. M. Hazan a examiné le problème du transfert des détenus condamnés dans des établissements pénitentiaires éloignés de leur domicile. Il s'est en outre enquis des mécanismes permettant d'écarter de l'enquête une unité des forces de sécurité dont certains membres seraient impliqués dans une situation de disparition forcée. M. Yakushiji a cherché à savoir si, dans la législation nationale, le droit à ne pas être soumis à une disparition forcée est spécifiquement reconnu comme indérogeable, y compris dans une situation d'urgence. Il a aussi demandé s'il existe des circonstances aggravantes dans le cas d'infractions commises par un membre des services de sécurité, et s'est enquis des procédures d'enquête dans ces cas spécifiques.
Le Kazakhstan était le dernier des trois pays soumis à l'examen du Comité au cours de la présente session. Le Comité adoptera, dans le cadre de séances à huis clos, des observations finales sur le rapport du Kazakhstan et des deux autre pays examinés, la Tunisie et le Burkina Faso. Les observations finales seront rendues publiques après la fin de la session, qui se termine le 18 mars.
Le Comité tiendra sa prochaine publique demain après-midi, à 15 heures, à l'occasion d'une réunion-débat organisée pour commémorer le dixième anniversaire de l'adoption par l'Assemblée générale de la Convention, le 20 décembre 2006.
Présentation du rapport initial du Kazakhstan
Le Comité est saisi du rapport initial du Kazakhstan (CED/C/KAZ/1), ainsi que de ses réponses écrites (CED/C/KAZ/Q/1/Add.1) à la «liste de points» que lui a adressée le Comité (CED/C/KAZ/Q/1).
M. RASHID ZHAKUPOV, Vice-Ministre de l'intérieur du Kazakhstan, a indiqué que depuis son indépendance, le pays a construit un système qui met tout en œuvre pour protéger tous les droits de l'homme. Dans ce cadre, les droits et les libertés du citoyen ne peuvent être limités que par la législation et un certain nombre de réformes ont été engagées en vue de l'amélioration du cadre législatif. Ce faisant, la mise en œuvre de la Convention figure parmi les priorités du Gouvernement.
Dans la même logique, un programme de modernisation du système judiciaire et juridique a été mis en place, à partir d'une démarche dans laquelle la population est considérée comme partenaire et non comme sujet. Le contrôle judiciaire a été élargi, notamment dans le cas d'enlèvement, de privation illégale de liberté et de disparition forcée.
Le Kazakhstan a ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention de 1926 relative à l'esclavage, et la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Le vice-ministre a ajouté qu'aussi bien la Constitution de 1995 que le code pénal de 1997 érigent en infraction les actes définis dans la Convention.
M. Zhakupov a expliqué que le projet de code pénal prévoyait également de sanctionner les cas dans lesquels la famille d'un prévenu n'est pas clairement informée de son arrestation ou du lieu où il se trouve. Tout est par ailleurs prévu pour assurer que des actes d'enlèvement ne puissent être commis par des fonctionnaires publics. Si un fonctionnaire se rend coupable d'une violation grave, son supérieur hiérarchique doit être relevé de ses fonctions. Le mécanisme d'arrestation, de garde à vue et de détention est conçu de telle sorte qu'il soit «impossible qu'une personne disparaisse sans laisser de trace», a assuré le vice-ministre. À cet égard, la garde à vue est considérée comme une mesure coercitive à court terme ne pouvant dépasser soixante-douze heures.
Le code de procédure pénale prévoit des dispositions visant à assurer la sécurité des témoins, des suspects, des inculpés et des autres parties à la procédure ainsi que de leur famille et de leurs parents proches.
M. Zhapukov a ajouté que tous les trois ans, un plan de prévention et de lutte contre la traite des personnes est adopté. Des mesures de réhabilitation des victimes de l'esclavage et du travail forcé sont mises en œuvre grâce à une enveloppe budgétaire étatique. Les recherches des personnes étrangères disparues sont menées en collaboration avec les services consulaires concernés et les services d'Interpol. Il a fait valoir que les pouvoirs du Commissaire aux droits de l'homme (bureau du Médiateur) ont été élargis, d'une part, et qu'une série de mesures spéciales visant la protection de l'enfant ont été prises.
En 2010, le Kazakhstan a ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, qui permet d'assurer un suivi quant à la situation des enfants adoptés dans d'autres États.
Le chef de la délégation a également informé le Comité qu'en 2013, le Kazakhstan avait adopté une loi qui modifie plusieurs textes législatifs relatifs à la création d'un mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le but de cette loi consiste à garantir une surveillance indépendante des lieux de détention et de privation de liberté.
En conclusion, M. Zhapukov a mis l'accent sur une politique de tolérance zéro à l'égard des enlèvements, ajoutant que son pays s'efforçait d'affermir un système fondé sur l'équité et la justice.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. LUCIANO HAZAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kazakhstan, a relevé que dans ses réponses, le Kazakhstan ne reconnaissait pas les compétences du Comité en vertu des articles 31 et 32 (sur l'examen par le Comité de plaintes présentées par des particuliers ou des États). Il a ensuite demandé s'il existe un registre des personnes disparues, les chiffres dont le Comité est saisi étant de 3000 par an.
Le rapporteur a aussi voulu savoir si la classification des disparitions forcées comme crime spécifique permettait de mettre en place des politiques de prévention adaptées, qui répondent aux exigences de la Convention. Il s'est inquiété du fait que l'obéissance à un ordre soit considérée comme une circonstance atténuante. Il a enfin demandé s'il existe un registre ADN des familles de personnes disparues aux fins d'enquête et de recherche.
M. Hazan a fait état d'allégations de plaintes liées à la pratique du transfert des condamnés dans des prisons éloignées de leur lieu de résidence, ce qui les rendrait vulnérables à une disparition forcée. S'agissant du mécanisme national de prévention de la torture, il a relevé des informations selon lesquelles des détenus seraient placées en isolement dans des institutions spéciales temporaires, en particulier celles qui dépendent du Comité de sécurité nationale, des cellules disciplinaires des garnisons et les centres disciplinaires des forces armées. Le rapporteur a en outre demandé qui était l'autorité qui décide de la garde à vue. Il s'est aussi enquis de l'accès de la société civile aux centres de détention dans le cadre du mécanisme national de prévention car le Comité contre la torture souligne que cet accès est limité, plus particulièrement dans les institutions psychiatriques ou d'internement des mineurs. Le rapporteur a noté à cet égard que les députés examinent actuellement la possibilité de modifier la législation aux fins d'élargir l'accès à ce mécanisme. Il a également demandé des explications concernant les allégations d'obstacles bureaucratiques auxquels se heurte ce mécanisme.
L'expert a relevé qu'au cours de neuf premiers mois de 2015, 114 enquêtes préliminaires ont été ouvertes pour arrestation, garde à vue ou détention provisoire illégales, dont deux ont été soumises à la justice, 83 ont été classées et 17 abandonnées en raison de l'expiration du délai de l'enquête préliminaire. Le rapporteur en a conclu qu'à l'évidence, ces résultats ne répondent pas aux attentes, et font craindre une certaine impunité.
M. Hazan a déploré la pratique persistante qui consiste à transférer les condamnés dans des établissements pénitentiaires éloignés de leur résidence. Il a par ailleurs recommandé que les enfants dont les parents sont déclarés inconnus soient confiés à un membre de la famille plutôt que placés pour l'adoption. L'expert a aussi voulu savoir quelle mesures sont prises pour s'assurer que soit écartée de l'enquête l'unité des forces de sécurité dont certains membres sont impliquées dans une situation de disparition forcée. Est-il possible d'avoir recours à une autre force pour mener l'enquête de manière à en garantir l'impartialité, s'est-il enquis. Il a aussi voulu disposer de statistiques sur le pourcentage de personnes n'ayant pas bénéficié de l'assistance d'un avocat.
M. KIMIO YAKUSHIJI, également rapporteur pour l'examen du rapport du Kazakhstan, s'est enquis de la pénalisation des disparitions forcées, de même que des mesures préventives et de lutte contre cette pratique. Il a demandé si le droit à ne pas être soumis à une disparition forcée est spécifiquement reconnu comme indérogeable dans la législation nationale, y compris dans une situation d'urgence. M. Yakushiji a en outre prié la délégation de dire si la peine de mort a été prononcée dans des cas d'enlèvements. Il a souhaité des éclaircissements sur les informations relatives aux affaires pénales d'enlèvement, de privation illégale de liberté et de traite des êtres humains déférées devant les tribunaux entre 2009 et 2013 (paragraphe 22 du rapport). Il a en outre demandé si des circonstances aggravantes sont prévues dans le cas d'infractions commises par un membre des services de sécurité.
Dans le cadre de questions complémentaires, M. Yakushiji a conclu que, du moment que la peine de mort ne s'applique qu'en cas de violation d'un ordre constitutionnel, logiquement, elle ne s'appliquerait pas dans des affaires de disparitions forcées.
M. Yakushiji a posé des questions sur le type de formation fournie au personnel militaire en contact avec les détenus. Concernant les mesures de protection et de réparation des enfants contre les disparitions forcée, il a remarqué que le paragraphe 139 des réponses indique qu'il n'existe pas de définition de «victime» conforme au paragraphe 1 de l'article 24 de la Convention. Dans ce contexte, il a relevé plusieurs contradictions dans la réponse écrite du Kazakhstan en ce qui concerne les réparations pour dommages causés suite à des actes illégaux impliquant les institutions d'application de la loi.
Les rapporteurs ont aussi voulu savoir si les tribunaux militaires avaient compétence pour juger des cas de disparitions forcées, d'enlèvements ou de traite des personnes. Ils ont en particulier demandé des explications concernant la création d'unités de police chargées de la lutte contre la traite dans les régions d'Astana et d'Almaty aux fins de détecter, réprimer et de faire la lumière sur des cas de traite. Ils ont aussi voulu savoir combien de temps s'écoule avant que la famille et l'avocat soient notifiés de la détention. Dans la pratique le délai de 24 heures pour prévenir les services consulaires est-il respecté ?
Dans le cadre de questions complémentaires sur les mesures de prévention des disparitions forcées, les rapporteurs ont jugé problématique qu'en dépit des garanties diplomatiques, la personne détenue risquait d'être soumise à des actes de torture et de mauvais traitement. Ils se sont enquis des mesures de prévention à ce propos. Le Kazakhstan prévoit-il en outre un report ou une annulation du refoulement s'il existe un risque de mauvais traitements?
Parmi les autres membre du Comité, un expert a demandé des explications sur le fait que le Kazakhstan ne reconnaît pas la compétence du Comité pour examiner des communications de la part de particuliers et d'États estimant que des dispositions de la Convention ont été violées.
Un autre expert a encouragé le Kazakhstan à envisager de considérer la disparition forcée comme un crime spécifique, en raison de son extrême gravité, et que tous ceux qui y participent sont complices. Partant, tout fonctionnaire qui contribue à un acte de disparition forcée est obligatoirement auteur du crime.
Un autre membre du Comité a souligné que le Kazakhstan connaissait un très grave problème de traite des personnes. Il a voulu obtenir des données statistiques sur les cas portés devant la justice et effectivement résolus, et sur le nombre de cas pouvant être classés dans la catégorie des disparitions forcées. S'agissant de l'extradition, un expert s'est demandé s'il pouvait y avoir appel auprès de la Cour suprême ou des moyens de recours pour éviter l'extradition, même suite à une décision de ladite cour.
Réponses de la délégation
La délégation du Kazakhstan a souligné que le pays reconnaissait la compétence de plusieurs organes conventionnels à examiner les communications individuelles (concernant des plaintes). Toutefois, lors de la ratification de la Convention en décembre 2008, cette question ne se posait pas, mais elle est à l'examen par les instances officielles qui prendront une décision s'agissant du Comité des disparitions forcées.
La délégation a fait valoir que les dispositions de l'article 2 de la Convention (définition de disparition forcée – actes commis par des agents de l'État ou avec son autorisation) étaient couvertes par l'article 414 du code pénal qui prévoit trois types d'infraction: responsabilité au pénal pour une détention illégale, pour privation illégale de liberté et délit grave, et pour non-divulgation des actes relatifs à la garde à vue. Quant à l'article 3 de la Convention, sur la poursuite d'actes qui sont l'œuvre d'une personne ou d'un groupe de personnes agissant sans l'autorisation de l'État, l'article 125 du code pénal prévoit la responsabilité légale pour enlèvement.
La délégation, par la voix du Secrétaire de la Commission des droits de l'homme, M. Tastemir Abishev, a expliqué que le pays compte deux organes des droits de l'homme: la Commission des droits de l'homme, à pouvoir consultatif, avec la participation des représentants de la société civile, et le fondé de pouvoir aux droits de l'homme, ou médiateur, indépendant, dont les activités et les collaborateurs sont financés par le budget de l'État. Ce médiateur, organe créé en 2012 par le cabinet présidentiel, est habilité à s'adresser à tout fonctionnaire en vue de dûment défendre les droits des individus, ce qui a renforcé la protection des droits de l'homme dans le pays. Un mécanisme de prévention a été adopté pour les établissements pénitentiaires, sous l'égide du Médiateur. Toutes les activités et les communications du Médiateur sont publiées par la presse. Les prérogatives du Médiateur correspondent sur beaucoup de points aux principes de Paris.
Un juge à la Cour suprême, membre de la délégation kazakhe, a apporté des éléments de réponse aux questions sur les tribunaux militaires, les circonstances aggravantes et atténuantes et la peine de mort. Il a affirmé que nul ne peut avoir les pouvoirs conférés aux magistrats du système judiciaire. En conséquence, la notion de tribunal militaire n'existe pas au Kazakhstan car tous les magistrats appartiennent à la catégorie des juges de la République. Il a aussi indiqué que le code pénal prévoyait une série de circonstances aggravantes et atténuantes, notamment si la victime a fait preuve d'un comportement immoral (pour les circonstances atténuantes), et s'il y a eu violation du serment professionnel ou manquement grave par un fonctionnaire public (pour les aggravantes). Les circonstances atténuantes concernent tous les types de délit, a précisé le juge. L'appartenance à la police ou encore l'utilisation d'un poste public pour commettre un délit constituent des circonstances aggravantes. La peine de mort est prévue en cas d'atteinte à la sécurité de l'État et de l'ordre constitutionnel. Le Président de la République a toutefois décrété un moratoire sur l'application de la peine de mort, la peine maximale étant par conséquent la perpétuité.
Il ne saurait y avoir de limite au droit à la vie et à la liberté sauf dans les situations d'état d'urgence, comme une agression militaire ou une menace contre la stabilité du pays. Il a souligné que nul ne peut être placé en garde à vue au-delà de 72 heures. Dans le cas de mineurs, le Procureur et les parents doivent être informés. Dans les cas d'étrangers, l'ambassade ou tout autre organisme consulaire doit être informé.
Concernant la responsabilité des supérieurs, celle-ci est couverte par les articles 361 à 365 du code pénal traitant de l'abus des pouvoirs officiels, et par d'autres articles sur la détention au secret. Les subordonnés sont tenus d'appliquer la loi et non les ordres illégaux d'un supérieur hiérarchique. Un supérieur exerçant un abus de pouvoir peut subir un renvoi temporaire ou définitif. La délégation a par la suite insisté sur le fait que tant le subordonné que le donneur d'ordre peut être poursuivi. Elle a aussi précisé que le refus d'exécuter un ordre illégal n'entraîne pas de responsabilité devant la loi.
La représentante du parquet de la République, Mme Aliya Aisina, a informé le Comité que l'institution du procureur spécial avait été mise en place en 2004 avec un pouvoir d'enquête préalable au procès. Il dispose de tous les pouvoirs d'inspection et dirige un groupe d'inspecteurs pour toutes sortes de délits, y compris la torture. Ce procureur spécial s'est occupé de 327 affaires qui ont abouti à la condamnation de 15 personnes, toutes fonctionnaires judiciaires ou de la police.
L'extradition d'une personne susceptible de subir des tortures ou de courir le danger d'enlèvement forcé ou d'atteinte à sa liberté est strictement interdite. Chaque affaire est évaluée à partir de l'appréciation de tous ces risques. Le juge d'instruction prévoit une détention préventive de 40 jours aux fins de vérifier tous les documents dont il est saisis. La détention maximale avant la prise de décision d'extradition est de 12 mois. S'il y a refus de droit d'asile, l'intéressé peut interjeter appel et le tribunal doit vérifier le bien-fondé de la décision, conformément à tous les engagements internationaux du Kazakhstan. En cas de risque d'enlèvement, les garanties diplomatiques ne sont pas les seules prises en considération. On tient compte, par exemple, des vues des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Le Kazakhstan se réserve le droit de refuser de livrer la personne à un autre État.
La délégation a par la suite précisé que le code pénal, dans sa nouvelle mouture, avait modifié les règles liées à l'extradition. Un refus d'extradition est désormais fondé sur plusieurs motifs, en particulier les risques de mauvais traitement, ou si l'extradition est contraire aux engagements internationaux du Kazakhstan, par exemple, la Convention. Le code administratif prévoit en outre que les accords internationaux, ou autres, signés par le pays, priment sur la législation nationale. En outre, un décret du Président du Kazakhstan daté du 15 juillet 1996 stipule clairement les conditions d'octroi du statut de réfugié, sur la base des risques encourus par le demandeur dans son pays d'origine ou l'État requérant. La délégation a expliqué que le Kazakhstan avait toutefois levé une interdiction d'entrée dans le pays pour raison de réunification familiale en faveur d'une personne pourtant soupçonnée de terrorisme et ce, sur recommandation d'un organe conventionnel de l'ONU.
La délégation a indiqué que toutes les plaintes sont examinées par des services spéciaux, qui transmettent leurs conclusions au procureur spécial.
En réponse à des questions complémentaires, la délégation a expliqué que la Cour suprême avait adopté, le 10 juillet 2008, une décision relative à l'application des normes des instruments internationaux auxquels le pays est partie et affirmant que les tribunaux tiennent compte des dispositions de ces instruments. À l'heure actuelle, aucune affaire n'a spécifiquement fait référence à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Les extraditions sont effectuées sur la base des accords bilatéraux et à défaut, sur la base des traités internationaux. Aucun État n'a refusé de collaborer dans une affaire d'extradition. La décision de la Cour suprême est définitive pour ce qui a trait à l'extradition.
La traite des personnes n'a pas un caractère massif au Kazakhstan; elle concerne environ 330 affaires chaque année, a minimisé la délégation. Le Kazakhstan est très responsable quant à ses obligations en vertu de ses engagements internationaux. Il agit en partenariat avec la société civile et le défenseur des droits, qui apportent une assistance aux victimes. L'an dernier, la Commission nationale des droits de l'homme, en coopération avec le Ministère de l'intérieur et l'Organisation internationale des migrations, a préparé une brochure sur la traite des personnes dans le pays. Les normes ont été unifiées concernant l'aide sociale aux victimes, et des critères d'évaluation de traitements cruels et inhumains sont établis et aident à déterminer les besoins des victimes. En 2015, les fonctionnaires de la lutte contre la traite ont trouvé 72 cas, dont 32 ont été jugés.
Le Kazakhstan reconnaît la Cour pénale internationale comme instance qui fait autorité, a confirmé la délégation, qui a néanmoins critiqué la lenteur des procédures de cet organe.
La délégation a confirmé qu'il existe effectivement des situations d'isolement temporaire dans des centres disciplinaires, en particulier pour des individus ayant porté atteinte à la sécurité de l'État. Au sujet des visites à caractère spécial des membres du mécanisme national de prévention de la torture, elle a précisé que celles-ci sont organisées et les visites inopinées ne sont nullement évitées. Il n'existe pas de restriction aux inspections d'un point de vue des horaires de travail. Suite aux recommandations du Comité contre la torture à l'issue de l'examen du rapport périodique en 2014, ces inspections ont été élargies aux commissariats de police. Le parlement envisage, d'un autre côté, d'élargir les pouvoirs des membres du mécanisme et les types de lieux visités (orphelinats, centres sociaux et psychiatriques). Aucun cas de traitement cruel ou inhumain n'a été relevé lors de ces visites. Une affaire de violence physique illégale a toutefois été signalée, suivie d'une enquête et d'un procès.
Les personnes en garde à vue ont le droit d'en informer immédiatement leur défense, leurs proches ou les ayants droit. La Cour suprême a émis un décret à cet effet. Dans les cas des détenus étrangers, les services consulaires sont informés dans les 24 heures. En cas de refus de fournir cette information par un fonctionnaire public, ou s'il donne de fausses informations, la législation prévoit une responsabilité au pénal. Selon l'article 128 du code de procédure pénale, la personne en garde à vue doit être relâchée après 48 heures maximum, avec interrogatoire dans les premières 24 heures, en présence d'un avocat librement choisi ou désigné par l'instruction et payé par l'État. Il existe des cas concrets où la participation de l'avocat est obligatoire : détention d'un mineur, d'une personne atteinte de troubles psychiques, ou ne maîtrisant pas la langue. En ce qui concerne les étrangers, la loi prévoit que les proches ou les services diplomatiques soient informés dans les 24 heures.
Dès l'arrivée d'un détenu dans son lieu de détention, il est systématiquement inscrit sur un registre, sur un journal de bord et dans une cartothèque. Y sont inscrits la date, le numéro de l'affaire et d'autres informations sur le détenu. La délégation a fait état de l'existence d'une base de données informatisée, en cours d'intégration avec d'autres bases de données étatiques comme les administrations de la santé et de de développement social, ce qui permet de ne jamais perdre la trace d'une personne donnée. Elle a signalé que jusqu'à présent, aucune plainte pour enregistrement abusif n'a été reçue.
La délégation a souligné que des protocoles d'accords ont été conclus avec 22 des organisations non gouvernementales, des 624 autorisées. Cinq séminaires ont été menés et plus de 200 cours de formation ont été dispensés pour le personnel des services de détention, en collaboration avec les organisations de la société civile.
En 2015, 304 visites ont été effectuées dans les centres de détention; contre 132 en 2014. En janvier 2016, 25 centres de détention et correctionnels ont été inspectés.
Un tribunal peut reconnaître la disparition d'une personne et décidé du transfert de l'héritage à ses héritiers. La législation actuelle garantit le respect des droits de la propriété des personnes disparues.
La notion de victime inclut toute personne ayant subi un préjudice physique ou moral ou ayant souffert d'un délit ou portée disparue. Il existe un fonds spécial d'indemnisation pour les victimes. Cette notion ne concerne pas uniquement la disparition forcée mais toute situation de victimisation, ce qui fait que le législateur n'a pas jugé utile d'ajouter une définition spécifique. Des services sociaux payés par l'État sont aussi offerts aux personnes et familles ayant subis des traitements cruels et inhumains. Environ 80 organisations non gouvernementales sont intervenues dans le cadre de ces services en 2015. Les victimes de la traite reçoivent des services de conseil, d'aide sociale et de recherche d'emploi d'une organisation spécialisée dans cette problématique.
Le volume d'affaires classées en matière de disparitions forcées est énorme, a admis la délégation, ajoutant que c'est la raison pour laquelle il y a eu des modifications de la loi, a expliqué la délégation, justifiant les statistiques par le fait que la durée des disparitions est souvent courte. Il reste que toute déposition à cet égard est prise au sérieux et donne lieu à une enquête préliminaire.
La responsabilité est très lourde si les actes d'enlèvements ou de disparition forcée sont commis contre un enfant. Les pouvoirs publics réagissent en urgence dans ces situations. Il arrive cependant que les parents se précipitent pour signaler une disparition alors que l'enfant a pris son temps pour rentrer de l'école. D'autre part, l'adoption des enfants est très strictement réglementé de sorte à prévenir les actes illégaux.
La formation et le perfectionnement des juges est coordonnée par un centre de formation qui organise des séminaires, tables rondes et conférences scientifiques sur la pratique de l'application du droit, notamment par liaison vidéo ou audio. Une banque de données électronique a été créée sur la pratique judiciaire et sur les questions d'application du droit et des normes des conventions internationales.
La Convention relative aux droits de l'enfant a été la première signée par le Kazakhstan en tant que jeune nation, a souligné la délégation, en reconnaissant les préoccupations manifestées par les deux rapporteurs au sujet de l'adoption. L'agence pour l'adoption internationale est chargée de cette question, et sur le plan national, l'adoption est scrupuleusement codifiée. Bien entendu, l'adoption est proposée en priorité aux proches. Plus de 28% sur les 29 000 orphelins et enfants vivant sans leurs parents sont confiés à des parents proches. L'État fournit des allocations également pour les familles d'accueil. La privation des droits parentaux est une décision de dernier recours à l'issue d'un jugement de justice et ne concerne que des cas extrêmes, a justifié la délégation, ajoutant que cette décision n'est prise que lorsque la vie de l'enfant est en danger comme dans des situations de grande violence domestique, de toxicomanie grave ou d'alcoolisme rendant les parents incapables d'agir selon l'intérêt supérieur de l'enfant.
Abordant les questions liées aux centres de détention très éloignés du lieu de résidence des détenus, la délégation a assuré que le nombre de personnes se trouvant dans des lieux de détention a été réduit et les condamnés ne sont transférés dans des établissements éloignés que dans la mesure où ceux-ci n'existent pas à proximité de leur domicile.
Dans les affaires de torture et de disparition forcée incriminant des fonctionnaires publics ou des services de police et de l'armée, les unités des fonctionnaires suspectés, ou des collègues, ne participent pas à l'enquête préliminaire. Il est possible de transférer les affaires vers des organes administratifs et judiciaires comme le bureau du procureur pour garantir l'impartialité. Si ces crimes sont commis par des organes d'application de la loi, les auteurs ne bénéficient d'aucun traitement de faveur et doivent répondre de leurs actes devant la justice.
Toutes les institutions gouvernementales organisent des cycles de formation tous les trois à cinq ans aux fins d'une remise à jour des compétences. Des séminaires ont également lieu, en collaboration avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération économique (OSCE) et le Programme des Nations Unies pour le développement, dans des domaines en rapport avec la protection des droits de l'homme.
La délégation a enfin affirmé que le droit d'asile relève du Président, dans le respect des recommandations du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et du Commissaire des droits de l'homme pour l'Asie centrale.
Conclusions
M. YAKUSHIMI s'est félicité de la clarté du dialogue avec la délégation de haut niveau, ce qui a permis de mieux comprendre les circonstances dans lesquelles la Convention est mise en œuvre au Kazakhstan et des efforts administratifs et législatifs déployés. Le rapporteur a salué les nombreuses réponses, y compris celles apportant des éclaircissements sur les amendements au nouveau code pénal et au code de procédure pénale et relatifs aux disparitions forcées. Pour sa part, M. HAZAN a invité la délégation à poursuivre le dialogue avec les membres du Comité suite aux observations finales qui seront publiées la semaine prochaine. Il a espéré que ce travail se poursuivra pour le bien des citoyens du Kazakhstan.
La délégation a dit avoir exposé ses vues d'une façon ouverte, et remercié les rapporteurs pour l'intérêt exprimé dans les nombreuses questions posées en vue d'établir un dialogue constructif autour de l'application de la Convention par le Kazakhstan, qui est un État en pleine création, soucieux du respect des droits de l'homme et des grandes valeurs de l'humanité: la santé, la liberté et les droits de l'homme. «Cette tâche ne connaît pas de fin», a conclu le Vice-Ministre de l'intérieur.
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CED16/005F