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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DU BURKINA FASO

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Burkina Faso sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le rapport a été présenté par Mme Bibata Nebie, Directrice de Cabinet du Ministre de la justice du Burkina Faso, qui a souligné que deux événements majeurs avaient marqué la vie sociopolitique récente du pays: l'insurrection populaire d'octobre 2014 ayant conduit à la mise en place d'une transition politique, et le coup d'état manqué de septembre 2015. Malgré ces évènements, elle a précisé qu'aucun cas de disparition forcée n'a été enregistré dans le pays. Sur le plan institutionnel, les élections du 29 novembre 2015 ont permis l'élection du Président, la mise en place de l'Assemblée nationale et la formation d'un Gouvernement le 12 janvier 2016. Le Haut Conseil pour la réconciliation et l'unité nationale et une commission d'enquête indépendante ont également vu le jour. Partant du fait que le Burkina a ratifié la Convention sans émettre aucune réserve, la législation actuelle ne prévoit aucune dérogation à ses dispositions. Mme Nebie a précisé que la disparition forcée constitutive de crime contre l'humanité est imprescriptible.

Outre Mme Nebie, la délégation burkinabè était constituée de M. Passida Pascal Gouba, Directeur général de la défense des droits de l'homme et conseiller des affaires étrangères; de M. Dramane Sanou, Directeur du suivi des accords internationaux et conseiller en droits humains; de M. Emmanuel Ouali, Conseiller des affaires étrangères; du Capitaine Karim Traoré, magistrat militaire et juge d'instruction au tribunal militaire de Ouagadougou; de l'Adjudant-chef Dieudonné Pascal Pare, Chef du service des affaires criminelles à la Direction de la police judiciaire de la Gendarmerie nationale; et de fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de l'Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure. La délégation a fourni des réponses aux questions des membres du Comité sur l'interdiction de la détention secrète ou non officielle, notamment pour des raisons politiques; la tenue de registres légaux de détention; les mesures de réparation; les droits des détenus; les délais de prescription en matière de disparition forcée; les garanties de non-refoulement et le régime d'extradition des étrangers; le rôle des tribunaux militaires; les autorités chargées des enquêtes en cas de disparition forcée; les mesures de protection des enfants contre la disparition forcée.

Les membres du Comité ont regretté l'absence d'une loi spécifique incriminant la disparition forcée. Ils ont encouragé le Burkina Faso à inclure dans son droit interne toutes les formes de réparations figurant dans la Convention. Ils ont aussi requis de plus amples informations sur le droit des détenus en attente de jugement, en particulier celui d'informer immédiatement leur famille et leur conseil de leur lieu de détention. Les deux rapporteurs du Comité pour l'examen du rapport ont noté que le Burkina Faso avait été le premier État de la sous-région à ratifier la Convention. Ils ont engagé le pays à inclure dans son droit interne des mesures de prévention ou de répression pénale de la falsification, de la dissimulation ou de la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants soumis à une disparition ou dont un ou les deux parents sont portés disparus. Il a aussi été recommandé de veiller au renforcement de la Commission nationale des droits humains. En conclusion, les rapporteurs ont loué le «dialogue véritablement constructif» et la «franchise intellectuelle» de la délégation burkinabè, qui pourrait constituer un modèle pour d'autres États parties.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Burkina Faso qui seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le 18 mars.


Cet après-midi, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Kazakhstan (CED/C/KAZ/1), qui se poursuivra demain matin. Le Kazakhstan est le dernier des trois pays soumis à l'examen du Comité au cours de la présente session.


Présentation du rapport initial du Burkina Faso

Le Comité est saisi du rapport initial du Burkina Faso (CED/C/BFA/1), ainsi que de ses réponses écrites (CED/C/BFA/Q/1/Add.1) à la «liste de points» que lui a adressée le Comité (CED/C/BFA/Q/1).

MME BIBATA NEBIE, Directrice de Cabinet du Ministre de la justice du Burkina Faso, a indiqué que son pays avait ratifié la Convention le 3 décembre 2009 et que le rapport a été élaboré suivant un processus participatif entamé en 2013 impliquant les départements ministériels, les institutions publiques et les organisations de la société civile. Ce processus a abouti à la validation du projet de rapport par un atelier national, et à son adoption finale par le Conseil des ministres le 18 juin 2014. Élaboré conformément aux directives du Comité, le rapport est divisé en deux parties: la première fournit des renseignements généraux sur le cadre juridique général de l'interdiction de la disparition forcée, et la deuxième rend compte des mesures d'ordre législatif, administratif, politique et autres prises pour donner effet aux dispositions de la Convention.

Mme Nebie a attiré l'attention sur deux événements majeurs qui ont marqué la vie sociopolitique récente du Burkina Faso, en l'occurrence l'insurrection populaire d'octobre 2014 ayant conduit à la démission du Président Blaise Compaoré et à la mise en place d'une transition politique, et le coup d'État manqué de septembre 2015. En dépit de ce contexte difficile, des efforts ont été consentis pour améliorer la situation des droits de l'homme. Au plan normatif, le pays s'est doté de la Charte de la transition du 13 novembre 2014, qui vient compléter la Constitution du 11 juin 1991 et régit le fonctionnement de la transition politique qui a pris fin avec l'organisation d'élections libres, transparentes et équitables le 29 novembre 2015.

Au plan institutionnel, ce scrutin a permis l'élection du Président du Faso, la mise en place de l'Assemblée nationale et la formation d'un gouvernement le 12 janvier 2016. De la même façon, le Haut Conseil pour la réconciliation et l'unité nationale et une Commission d'enquête indépendante ont été mis en place. Ces organes ont respectivement pour mission de favoriser la cohésion sociale indispensable au respect des droits individuels et collectifs et de faire enquête sur toutes les infractions commises lors de l'insurrection populaire. Des procédures judiciaires sont par ailleurs engagées contre les auteurs du coup d'État.

Le Burkina Faso ayant ratifié la Convention sans réserve, aucune dérogation à ses dispositions n'est admise dans l'état actuel de la législation, a expliqué Mme Nebie, précisant que ni l'article 59 de la Constitution se rapportant à l'instabilité politique interne et à l'état d'urgence, ni aucune disposition du code pénal ou tout autre texte légal ne peut être invoqué pour justifier les actes concourant à la disparition forcée.

Il n'existe pas encore, dans la législation interne burkinabè, un texte spécifique définissant et réprimant la disparition forcée, a reconnu le chef de la délégation. La législation prévoit cependant que certains actes de disparitions forcées sont constitutifs de crimes contre l'humanité, tout comme les enlèvements massifs et systématiques de personnes et leur disparition pour motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux. Mme Nebie a aussi souligné que la loi relative aux compétences et à la procédure de mise en œuvre du Statut de la Cour pénale internationale par les juridictions nationales comporte une définition de la disparition forcée conforme à celle de l'article 2 de la Convention. Elle a assuré que cette «insuffisance de la législation» était en voie d'être résolue par une relecture du code pénal en cours; le texte en préparation donne une définition de la disparition forcée en tant qu'infraction spécifique de droit commun et la réprime de peines appropriées.

Le chef de la délégation a également fait savoir que l'ouverture d'une enquête et la poursuite des responsables de tels actes sont organisées par le code de procédure pénale; la police judiciaire est chargée de constater les infractions, d'en rassembler les preuves et de rechercher leurs auteurs sous la direction du Procureur du Faso qui juge de l'opportunité des poursuites. D'un autre côté, la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique est régie par l'article 141 du code pénal, de même que les règlements disciplinaires et les statuts particuliers des corps militaires et paramilitaires prévoient que l'exécution d'un ordre manifestement illégal n'exonère ni l'exécutant ni le donneur d'ordre.

D'autre part, les infractions assimilées ou connexes à la disparition forcée sont soit criminelles soit délictuelles et le délai de prescription de l'action publique est de 10 ans pour les crimes et de 3 ans pour les délits, à compter du jour où la disparition a cessé. La disparition forcée constitutive de crime contre l'humanité est imprescriptible au regard de l'article 317 du code pénal.

Dans le contexte de la coopération judiciaire, le Burkina Faso n'extrade que pour des faits qualifiés de crimes par sa loi nationale. Des accords de coopération judiciaire conclus avec certains pays fixent les conditions d'extradition. Toutefois, en vertu de la Convention, le pays peut extrader une personne poursuivie pour disparition forcée en l'absence d'un traité d'extradition lorsque l'État requérant est lui aussi partie à la Convention. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention, aucune plainte n'a été déposée pour des faits de disparition forcée.

Mme Nebie a aussi abordé des questions liées aux conditions de détention, à l'accès à l'information et la protection des personnes ayant un intérêt à agir en cas de disparition forcée, à la tenue de registres de garde à vue dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, ainsi qu'à la collecte et à l'utilisation de l'information relative à la disparition forcée. Elle a informé le Comité qu'il n'existe pas de base de données génétiques mais que les données non génétiques, à caractère personnel, sont protégées.

Questions et remarques des membres du Comité

M. EMMANUEL DECAUX, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burkina Faso, a noté que le pays était le premier État de la sous-région à avoir ratifié la Convention. Il a aussi relevé le contexte politique extrêmement complexe dans lequel se trouve le pays.

S'agissant des institutions indépendantes qui ont été mises en place, comme la Commission nationale sur les droits humains, il a noté que leur paralysie s'explique par des difficultés budgétaires. En ce qui concerne la Commission, M. Decaux a rappelé qu'elle avait perdu le statut A accordé par le Conseil international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme, faute d'avoir fait rapport. Il a insisté à cet égard sur le bon fonctionnement de telles institutions et sur l'importance d'assurer leur pluralisme et leur indépendance. Il a par ailleurs souligné le rôle important joué par l'Observatoire national de prévention du crime de torture est important, mais s'est interrogé sur ses modalités de fonctionnement.

M. Decaux a par la suite demandé des précisions sur la durée des consultations prévues dans le cadre de l'examen de la possibilité de reconnaître la compétence du Comité à examiner des plaintes contre le Burkina Faso. Les 5000 dossiers qui se trouvent actuellement devant le Haut Conseil pour la réconciliation et l'unité nationale pourraient aider à établir une typologie des plaintes et des délits.

Le rapporteur s'est aussi intéressé à l'éducation permanente et aux divers programmes de formation et de prévention s'agissant des disparitions forcées. Il a pris acte que la définition des victimes dans la législation burkinabè était identique à celle de la Convention (article 24 de la Convention). L'indemnisation accordée aux victimes par l'État est-elle administrative ou prononcée par un juge, s'est-il enquis, en se demandant si celle-ci mettait un terme aux recherches. Dans la Convention, l'alinéa 5 de l'article 24 prévoit une série de modes d'indemnisation comme la restitution, la réadaptation, le rétablissement de la dignité et de la réputation et les garanties de non-répétition, a rappelé le corapporteur, en sollicitant des informations à cet égard. Concernant l'article 25 relatif aux enfants victimes d'une disparition forcée, il a insisté sur le problème de la falsification, de la dissimulation ou de la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants, en s'interrogeant sur les mesures effectives de prévention envisagées pour pleinement mettre en œuvre les dispositions de cet article.

M. JUAN JOSÉ LÓPEZ ORTEGA, également rapporteur pour l'examen du rapport du Burkina Faso, s'est demandé sur quel texte relatif au crime de disparition forcée se fondent les autorités, notamment au regard de l'article 7 de la Convention relatif aux circonstances aggravantes lorsqu'il s'agit d'enfants, de femmes enceintes et d'autres personnes vulnérables touchées par cette pratique. Existe-t-il un texte législatif s'agissant de la prescription en matière de disparition forcée? La Convention exige que la disparition forcée soit sanctionnée par une peine proportionnée à sa gravité. Enfin, la peine capitale étant maintenue dans le pays, est-elle appliquée aux auteurs de crimes de disparitions forcées, s'est-il enquis.

Le corapporteur a relevé une contradiction en ce qui concerne la responsabilité juridique d'agents officiels ayant commis ce crime. Il y a risque d'impunité si la justification est l'obéissance à un ordre d'un supérieur, a prévenu M. López Ortega. Il a aussi voulu savoir comment les tribunaux militaires sont-ils composés, s'ils incluent des juristes et s'ils jugent des affaires de disparition forcée. Il a rappelé l'obligation de garantie d'enquête rapide et diligente. Le corapporteur a encouragé à examiner si les victimes peuvent participer ou non aux enquêtes et aux procès. Il a requis des précisions sur le paragraphe 27 de la liste des réponses qui stipule que lorsqu'un élément d'une unité chargée du maintien de l'ordre est accusé d'avoir commis une infraction, les membres de cette unité sont écartés de l'enquête. M. López Ortega a enfin demandé des précisions sur des questions liées aux aspects pratiques de l'extradition.

Dans des questions complémentaires, le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burkina Faso, M. López Ortega a salué la rigueur mise dans les réponses. Il a demandé s'il ne serait pas mieux d'inclure, dans la législation, une clause de garantie établissant que dans aucun cas l'obéissance ne servira de justification à une disparition forcée. D'un autre côté, le mandat d'un juge militaire est-il temporaire et peut-il, à un moment donné, devenir juge civil? Qui sont les supérieurs hiérarchiques de ces magistrats? Est-ce le Ministère de la justice ou le Conseil des magistrats? Il s'est demandé si la mise en place d'un mécanisme spécifique sur les disparitions forcées ne serait pas opportune.

M. López Ortega a relevé l'absence, dans la législation burkinabè, de garanties de non-refoulement. À quelle autorité revient la charge de veiller à la protection du droit à la vie et contre les disparitions forcées, a-t-il aussi voulu savoir. Concernant les articles 17 et 18 sur la détention en secret et la privation de liberté, il a demandé s'il existe une procédure de recours en habeas corpus indépendante des recours ordinaires qui permettrait de décider sans délai de la légalité de la détention. Il a prié la délégation de confirmer aux membres du Comité qu'en aucun cas la communication entre le prévenu et l'avocat ne pouvait être suspendue. Dans le cas contraire, dans quelles conditions la communication est-elle suspendue, y compris avec les membres de la famille. Pendant combien de temps une personne peut-elle être détenue sans bénéficier de l'assistance d'un avocat? Le rapporteur a en outre requis des assurances sur la bonne tenue des registres dans les commissariats et centres de détention, mais surtout dans les centres de détention des mineurs, dans les centres psychiatriques non seulement pénitentiaires mais également dans les institutions hospitalières en général. La tenue de registres dans tous les lieux de soins psychiatriques permet notamment d'éviter qu'une personne y soit placée ou retenue contre son gré, a-t-il argué.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a dit savoir qu'il existe au moins trois cas de disparitions forcées et demandé s'ils avaient fait l'objet d'enquêtes.

Un autre membre du Comité a demandé des informations supplémentaires sur l'application de l'article 151 de la Constitution selon lequel les accords ou traités ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de son application par l'autre partie. D'autre part, quel est le champ d'application du mandat de la Commission nationale des droits humains (CNDH) et celle-ci a-t-elle juridiction pour traiter des plaintes individuelles. Une experte a voulu des informations sur le mode de fonctionnement des mécanismes administratifs ou politiques de réparation invoqués dans le paragraphe 98 du rapport.

Un autre membre du Comité est revenu sur les trois cas mentionnés par le Groupe de travail sur les disparitions forcées. Il a recommandé, en particulier, l'établissement d'un registre institutionnel permettant aux citoyens de dénoncer des situations de disparitions forcées. L'expérience a en effet prouvé qu'il est judicieux de disposer d'institutions indépendantes auxquelles les citoyens peuvent recourir, a-t-il commenté.

Réponses de la délégation

La délégation du Burkina Faso a assuré qu'il existe dans le pays une volonté réelle de faire aboutir la réforme du code pénal d'ici à janvier prochain. Les conclusions des commissions techniques ont été entérinées par l'atelier national, qui a toutefois insisté sur une meilleure intégration des normes internationales dans le code pénal, avant de soumettre le texte à l'approbation de l'Assemblée nationale. Elle a toutefois souligné que la définition de la disparition forcée telle qu'elle figure dans le code pénal n'a pas vraiment de nuance par rapport à celle de la Convention. La commission technique a proposé une peine allant de 22 ans à la perpétuité, s'il n'y a pas peine capitale pour le crime de disparition forcée. Répondant à une question complémentaire, la délégation a pris bonne note de l'obligation de vigilance concernant la définition de la disparition forcée.

La Commission nationale des droits humains (CNDH) est le résultat d'un long processus enclenché en 2001. Elle a été créée par décret et bénéficiait du statut A avant d'être rétrogradée car elle ne remplissait pas les conditions envisagées dans les principes de Paris. En 2009, une nouvelle loi a rendu la Commission plus autonome du point de vue administratif et financier. La Commission a commencé à travailler sous sa nouvelle forme en 2013 et est très représentative de la société. En concertation avec la Commission même, une nouvelle révision est en cours pour réduire le nombre de ses membres, lesquels deviendraient permanents et se consacreraient entièrement au travail de la Commission. Ce dernier projet de loi est devant l'Assemblée nationale où il sera débattu le 16 mars prochain.

Le Haut Conseil pour la réconciliation et l'unité nationale résulte des nombreuses plaintes citoyennes sur les violations des droits de l'homme et fait suite à une recommandation de la CNDH. Il a actuellement saisi de 5000 plaintes, a indiqué la délégation.

Le tribunal militaire est composé de juristes et de magistrats militaires, formés avec leurs homologues civils à l'École nationale d'administration et de magistrature après avoir acquis une maîtrise en droit dans une université reconnue. Chaque tribunal militaire a deux types de magistrats, militaires et civils, ces derniers étant nommés sur une base annuelle. Les magistrats civils ne sont pas affectés en permanence aux juridictions militaires. Les décisions des tribunaux militaires peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Répondant à une question sur le délai de prescription en matière de disparitions forcées, la délégation a indiqué que, de manière générale, le délai de prescription était de 10 ans pour les infractions qui sont des crimes, et de 3 ans pour autres.

Le Burkina Faso n'a pas encore fait la déclaration au titre des articles 31 et 32 de la Convention (sur l'examen de plaintes par le Comité). Elle le fera sur la base d'un consensus, méthode adoptée par le pays lorsqu'il s'agit de prendre un engagement international. La question était de savoir s'il y a un obstacle technique mais la décision ne sera prise qu'une fois que les consultations internes seront achevées avec les différents acteurs nationaux.

Dans les affaires de responsabilité quant à l'ordre donné par un fonctionnaire, il est exigé du prévenu de prouver par des actes, et non pas par défaut, l'ordre qu'il a reçu, par exemple par écrit. La délégation a expliqué qu'il n'y a pas contradiction: si le subordonné prouve qu'il a reçu un ordre, il est exonéré, sauf si l'ordre concernait un acte illégal aux yeux de la loi.

Dans le droit burkinabè, la victime participe activement aux enquêtes et reste le témoin privilégié pour les autorités judiciaires et même si elle est constituée partie civile, elle est entendue à titre d'information.

Les diplomates ont des immunités et certains fonctionnaires ont des privilèges mais dans les situations de disparition forcée, les mesures envisageables dans ce contexte sont encore à l'examen.

Le Directeur général de l'Observatoire national de prévention de la torture, qui fait partie de la délégation, a indiqué que l'Observatoire avait été établi par une loi sur la torture. L'Observatoire est un organe indépendant dont la mission consistera à visiter les lieux de détention et tout lieu où des personnes sont privées de liberté. Cette institution peut jouer un grand rôle dans des cas de disparition forcée, a-t-il confirmé. Il a rappelé que le pays a connu une année de transition en 2015, ce qui correspondait avec le projet de mise en place de l'Observatoire, qui n'a en conséquence pas été mesure de commencer à fonctionnement.

Le rapport ne fournit pas d'information sur les cas de disparitions forcées constatées car officiellement, aucune plainte n'a été enregistrée. La délégation a ensuite voulu être saisie d'informations plus précises sur les trois cas portés à la connaissance du Groupe de travail sur les disparitions forcées, aux fins d'apporter, ultérieurement, des éléments de réponse à leur sujet. La délégation a toutefois ajouté qu'il y a certes eu des situations qui s'apparentent à une disparition forcée dont une, citée dans la presse, concerne un délinquant ayant été appréhendé par la gendarmerie avant d'être retrouvé mort après l'interpellation. Après vérification, il ne s'est pas avéré que la brigade ait jamais interpellé la personne dont le cadavre avait été retrouvé à 140 kilomètres de Ouagadougou. En tout état de cause, chaque fois que la presse alerte sur une situation, les autorités ouvrent une enquête.

La délégation a déclaré que les difficultés auxquelles se heurtent les institutions en charge des droits de l'homme sont dues au contexte politique général qui avait précisément conduit au soulèvement populaire. Le Gouvernement actuel entend veiller à ce que toutes les institutions fonctionnent dans les meilleures conditions possibles. La délégation a dit mesurer l'«avantage comparatif» de mettre en place un organe d'enquête sur les disparitions forcées.

La protection des témoins et des victimes jouit de dispositions spécifiques dans la législation sur la traite de personnes mais le droit commun ne prévoit pas, en l'état actuel, un programme spécial de protection, bien qu'il existe des situations ponctuelles de protection.

Répondant aux questions sur la sensibilisation aux dispositions de la Convention, la délégation a indiqué que la Convention était entrée en vigueur au Burkina Faso en 2012 et que la priorité depuis consistait à la faire connaître par toutes les parties prenantes.

Dans le droit commun burkinabè, la double incrimination existe mais l'extradition n'est prononcée que sur la base d'une seule incrimination. En l'absence d'un accord d'extradition avec un État requérant, si celui-ci est partie à la Convention, la demande d'extradition est acceptée. La compétence d'un tribunal militaire à se saisir de situations de disparitions forcées se limite aux établissements militaires et dans le service militaire. D'une manière générale, ce sont les tribunaux civils qui s'occupent des questions liées aux disparitions forcées. Donc, il ne s'agit pas d'une infraction militaire par nature. La délégation a souligné que la nouvelle loi considère ce crime comme une infraction continue.

Le refoulement est une mesure administrative prise en tenant compte de la nécessité d'apprécier le risque encouru par une personne soumise à une extradition ou un refoulement. Les recours sont également d'ordre administratif. Au regard de la législation actuelle, il suffit que la personne suspectées se trouve sur le territoire pour que les autorités puissent statuer.

En l'état actuel, il n'existe pas de voie de recours permettant à un plaignant de se présenter devant un juge pour décider si sa détention est justifiée ou arbitraire, a expliqué la délégation.

Le code de procédure pénale est suffisamment précis puisqu'il stipule qu'en aucun cas on ne peut, par une décision quelconque, suspendre ou faire obstacle à une communication entre le détenu et sa défense, sauf dans le cadre de la loi sur le grand banditisme. La délégation a confirmé le droit du prévenu de fournir des informations sur son lieu de détention, sur sa santé ou tout autre renseignement. Avant 2013, les prévenus n'avaient pas le droit à une assistance et un conseil durant la garde à vue. À partir du 1er janvier 2015, en vertu d'une directive régionale, l'intervention de l'avocat est prévue dès l'interpellation.

En réponse à d'autres questions, la délégation a expliqué que des mécanismes de «réparation politique» avaient été prévus. Ils sont ponctuels, non pérennes, et leur fonctionnement est complexe. Les personnes concernées ont préféré recourir aux mécanismes judiciaires car ceux de la réparation politique ne leur convenaient pas. Il s'agit notamment du Fonds d'indemnisation des victimes de violence en politique. Un certain nombre de personnes ont tout de même pu être indemnisées à travers ce mécanisme optionnel. L'indemnisation politique est le fruit d'une discussion et la décision est prise par consensus; elle n'est pas nécessairement complète comme le serait une indemnisation par l'État mais présente des 'avantages.

S'agissant des dispositions relatives à la garde à vue, la délégation a signalé que tous les registres sont obligatoires, réguliers et uniformes. En cas de manquement, les responsables sont soumis à des sanctions administratives, et dans les cas plus graves, judiciaires. Dans le cas de grand banditisme, le délai de garde à vue peut s'étendre jusqu'à 15 jours. L'avocat intervient au niveau de la police judiciaire dès l'interpellation. Toute personne gardée à vue bénéficie de garanties, avec des garanties spécifiques et renforcées pour les mineurs. S'il est démontré que l'agent responsable a intentionnellement occulté des informations, il est soumis à des sanctions judiciaires.

La Commission nationale des droits humains (CNDH) a pu effectuer des visites dans trois maisons d'arrêt de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Tenkodogo. Des inspections ont aussi été effectuées dans 216 autres lieux de détention et 25 maisons d'arrêt et les lieux de garde à vue de la gendarmerie et de la police sur l'ensemble du territoire national. Les procureurs font également des visites inopinées, a-t-elle ajouté.

Répondant à des questions sur la procédure de déclaration d'absence, la délégation a expliqué que le code des personnes et de la famille règle toutes les questions liées à la famille, y compris la succession de la personne présumée absente. La question de la recherche de la personne disparue jusqu'à ce qu'on la retrouve n'est pas codifiée, a reconnu la délégation, en signalant qu'en l'absence d'une requête d'un juge, les officiers de la police judiciaire peuvent classer le dossier.

À la question sur la falsification, la dissimulation ou la destruction des documents d'identité d'un enfant impliqué dans une disparition forcée, la délégation a tenu à rappeler que les autorités sont très vigilantes du fait que le Burkina Faso est en butte à un important trafic des personnes. Elle a toutefois reconnu que, pour l'instant, la destruction n'est pas punie par la loi. Il existe toutefois un Comité national de vigilance et de surveillance (CNVGS) en matière de trafic d'enfants.

Conclusion

Les corapporteurs ont salué les réponses complètes et étoffées fournies par la délégation. Ils ont noté la réponse nuancée sur les recherches après déclaration d'absence. Le Burkina Faso a été encouragé à plus de rigueur concernant les garanties, réparations et les indemnisations.

M. Decaux a salué la compétence technique et juridique de la délégation, dont les différents membres ont fait montre de franchise intellectuelle. Il s'est dit conscient des secousses politiques qui ont affecté le pays, mais a insisté sur le besoin de renforcement de la Commission nationale des droits de l'homme et de l'efficacité de l'Observatoire national de prévention de la torture.

M. López Ortega a remercié la délégation pour sa franchise et l'a félicitée pour un dialogue véritablement constructif. La délégation devrait constituer un exemple pour d'autres pays, notamment de sa région. Reconnaissant les efforts considérables de modernisation et d'adaptation de la législation nationale aux exigences internationales, le rapporteur a mis le doigt, à l'instar de la délégation, sur la nécessité de la réglementation des aspects pénaux de la disparition forcée. Il a rappelé la déclaration interprétative du Comité sur les tribunaux militaires.

La délégation a pris note de l'importance d'étendre les garanties à tous les lieux de détention. Elle a convenu que le code des personnes et de la famille à lui seul ne règle pas la problématique de la disparition forcée. Se disant consciente de cette lacune, elle a assuré que la question sera posée lors du débat national sur les disparitions forcées.

La délégation a indiqué que le rapport avait été élaboré en ayant conscience de ses insuffisances mais aussi après avoir fourni tous les efforts de précision dans un contexte qui n'est pas facile. Dans l'étape actuelle de la société burkinabè, le pays compte une société civile très forte et une volonté politique affirmée qui ne manqueront pas de l'aider à progresser dans la voie fixée. Le dialogue avec le Comité s'inscrit dans l'optique de l'amélioration de la situation au Burkina Faso, a conclu la délégation.


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CED16/004F