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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND PLUSIEURS DÉCLARATIONS ET DÉBAT DE LA MANIÈRE D’AVANCER DANS L’ÉLABORATION D’UN PROGRAMME DE TRAVAIL

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, des déclarations de portée générale de plusieurs pays, avant de procéder à un échange de vues sur les moyens d’avancer dans l’élaboration d’un programme de travail.

Le Président de la Conférence du désarmement, M. Peters Omologbe Emuze, chargé d’affaires à la Mission permanente du Nigéria auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué avoir consulté les groupes régionaux afin de recueillir leur avis et a précisé que certains s’étaient prononcés en faveur de la création d’un groupe de travail informel alors que d’autres avaient fait part de leur préférence pour un débat informel sur les questions essentielles inscrites à l’ordre du jour. Deux projets de programme de travail ont été reçus mais n’ont pas encore été distribués, a ajouté M. Emuze, avant d’indiquer qu’il souhaitait qu’il y ait une discussion ouverte sur la question du programme de travail en séance plénière.

Les délégations des pays ci-après se sont exprimées durant la séance : Irlande, Bélarus, Pays-Bas (au nom de l’Union européenne), Malaisie, Turquie, République populaire démocratique de Corée, Pakistan, États-Unis, Fédération de Russie, Chine, Inde et Royaume-Uni.

Ce matin, la Conférence a par ailleurs accepté les demandes de participation à ses travaux en qualité d’observateur émanant des cinq États non membres suivants : Afghanistan, Arménie, Koweït, Lituanie, Luxembourg.

En fin de séance, la Chine, soutenue par la Pakistan, a demandé que la date de la prochaine séance plénière ne coïncide pas avec le nouvel an chinois, célébré mardi prochain. Le Royaume-Uni a demandé à la Chine si elle avait déjà présenté une demande similaire devant d’autres instances et les États-Unis ont pour leur part mis en garde contre le précédent que pourrait constituer la prise en compte d’une fête locale dans le calendrier des activités de la Conférence.

La date de la prochaine séance plénière publique de la Conférence sera communiquée ultérieurement.

Aperçu des déclarations

L’Irlande a estimé qu’il s’agissait d’un moment clé pour le désarmement, alors que la diplomatie multilatérale a connu des succès récents, comme en témoignent les accords conclus sur le changement climatique ou sur le nucléaire iranien, lesquels démontrent le potentiel d’une diplomatie créative et persévérante, y compris dans les circonstances les plus difficiles. L’entrée en vigueur du Traité sur le commerce des armes et la tenue de la première Conférence des États parties l’an dernier, à Mexico, constituent d’autres exemples d’un processus réussi. L’Irlande a donc exprimé l’espoir que cela donnerait un nouvel élan à la Conférence. Trop de temps a été perdu à se focaliser sur les divisions, alors que l’on ne mettait pas suffisamment l’accent sur ce qui rassemble les membres de la Conférence, a estimé l’Irlande, affirmant qu’il y a consensus sur de nombreuses questions. De l’avis de l’Irlande, il faudrait s’intéresser de près à l’impact des armes selon le sexe et mettre l’accent sur la nécessité de donner une voix aux femmes s’agissant des questions de désarmement et de non-prolifération dans les négociations internationales.

L’Irlande a par ailleurs souhaité que progresse le processus menant à un traité sur les matières fissiles et a fait observer que la conclusion d’un tel traité permettrait de stopper le développement quantitatif des armes nucléaires, sans nécessairement faire cesser leur amélioration qualitative. L’Irlande a en outre appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier au plus vite le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. L’Irlande a ensuite fait part de sa sérieuse préoccupation à la suite de l’essai nucléaire réalisé récemment par la « Corée du Nord » et a rappelé que le Ministre irlandais des affaires étrangères, M. Charlie Flanagan, avait exhorté les autorités nord-coréennes à reprendre les Pourparlers à Six. Enfin, l’Irlande a considéré que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) avait atteint un point critique. Il est temps que la communauté internationale se rengage, en paroles comme en actes, en faveur d’actions visant à un désarmement nucléaire multilatéral effectif et vérifiable, a-t-elle déclaré, se disant d’avis que le nouveau Groupe de travail à composition non limitée (NDLR : créé par la résolution 70/33 de l’Assemblée générale afin d’étudier les mesures juridiques nécessaires à l’instauration d’un monde exempt à jamais d’armes nucléaires) peut permettre de s’engager dans cette voie.

Le Bélarus a appelé les membres de la Conférence à parvenir à un consensus qui permette de commencer à travailler sur le fond. Il s’est dit favorable à la proposition du Président visant à établir un programme de travail en se basant sur les travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2010 et 2013. Le Bélarus considère que la Conférence doit rester la principale tribune multilatérale de désarmement ; il ne faut pas ouvrir d’autres instances de négociations séparées réunissant un nombre trop limité de participants.

Les Pays-Bas, au nom de l’Union européenne, ont jugé essentiels et irremplaçables le rôle et la contribution des mécanismes onusiens en matière de désarmement. Ils ont donné en exemple l’accord conclu avec l’Iran qui démontre la possibilité de parvenir à des accords concrets. L’adoption d’un programme de travail exigera des efforts politiques soutenus de la part de tous les membres de la Conférence, lesquels doivent faire preuve d’ouverture envers toute nouvelle initiative qui soit facteur de consensus, ont poursuivi les Pays-Bas. Pour l’Union européenne, le lancement immédiat et la conclusion rapide de négociations visant l’adoption d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à des fins d’armement nucléaire demeure la priorité absolue. Aussi, l’Union appelle-t-elle tous les membres de la Conférence à lancer sans plus tarder des négociations sur un tel traité et à commencer à travailler sur d’autres questions inscrites à l’ordre du jour, conformément au programme de travail proposé en 2009 dans le document CD/1864. L’Union européenne appelle tous les États dotés d’armes nucléaires à déclarer un moratoire immédiat sur la production de matières fissiles.

Par ailleurs, les membres de l’Union européenne rappellent leur engagement en faveur de l’élargissement de la Conférence et sont favorables à la tenue de consultations à cette fin, a poursuivi la délégation néerlandaise. Ils sont aussi favorables à une contribution élargie de la société civile et des institutions de recherche, a-t-elle ajouté. L’Union européenne rappelle par ailleurs qu’elle considère le TNP comme la pierre angulaire du système mondial de non-prolifération nucléaire et enjoint les pays qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre ce Traité en tant qu’États non dotés d’armes nucléaires, sans délai ni conditions. L’Union est par ailleurs déterminée à contribuer activement à l’objectif d’une utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique et tient à rappeler sa proposition d’un code de conduite international pour les activités dans l’espace. Enfin, les Pays-Bas ont rappelé que la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, avait souligné que l’essai nucléaire effectué le 6 janvier dernier par la République populaire démocratique de Corée constituait non seulement une grave violation des obligations internationales de ce pays, mais aussi une menace pour la paix et la sécurité de l’ensemble de la région du Nord-Est asiatique.

La Malaisie a fait part de sa préoccupation face à la situation actuelle à la Conférence, caractérisée par une absence de volonté politique qui neutralise tout progrès réel. Alors que la Conférence est «en suspens», le monde, lui, n’attend pas pour avancer sur des questions clés. Si la priorité de la Malaisie demeure le désarmement nucléaire, elle estime néanmoins que l’on peut progresser sur la question des matières fissiles. Les garanties négatives de sécurité sont un autre sujet sur lequel des avancées sont possibles, a ajouté la Malaisie, notant qu’aucune délégation ne s’oppose à ce que l’on réfléchisse à cette question. L’impasse actuelle est une excuse commode pour certaines délégations, a fait observer la Malaisie. Si beaucoup de choses se déroulent en dehors de la Conférence, le nouveau Groupe de travail à composition non limitée (créé par la résolution 70/33 de l’Assemblée générale) ne doit toutefois pas être vu comme un rival de la Conférence; toutes les délégations doivent s’engager dans ce processus, a conclu la Malaisie, avant de se dire également favorable à une augmentation du nombre de membres de la Conférence et à la participation de la société civile.

La Turquie a déploré la paralysie de la Conférence depuis vingt ans et a appelé les membres de cette instance à permettre à la Conférence de conserver toute sa pertinence en renouant avec son mandat de négociation. La première étape doit viser à convenir d’un programme de travail, ce qui permettra d’ouvrir la voie au lancement de négociations sur un traité relatif aux matières fissiles, tout en concrétisant des progrès sur d’autres questions. La Turquie a rappelé que la sécurité internationale s’était détériorée ces dernières années. Il n’est, par conséquent, ni réaliste, ni pragmatique d’ignorer les développements en dehors de la Conférence, a-t-elle souligné. La Turquie est convaincue que la Conférence dispose du mandat, des règles de procédure et des membres pour accomplir sa tâche. Elle pense aussi que le Plan d’action adopté à l’issue de la Conférence d’examen du TNP de 2010 constitue une feuille de route vers la désescalade nucléaire. La Turquie déplore en outre que la résolution de 1995 en faveur de l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient n’ait toujours pas été appliquée et indique qu’elle continuera de soutenir les efforts constructifs en ce sens. La Turquie a enfin fait part de sa profonde préoccupation suite au récent essai d’arme thermonucléaire effectué par la République populaire démocratique de Corée et a appelé tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait, en particulier ceux figurant à l’Annexe II du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, à ratifier ce traité.

En réponse à certaines interventions faites ce matin, la République populaire démocratique de Corée a qualifié ses initiatives de mesures de légitime défense. Elle s’est interrogée sur certaines déclarations, soulignant que face à une maladie, il convenait de ne pas uniquement s’intéresser aux symptômes mais aussi aux causes du mal. Une estimation objective et impartiale de la situation dans la péninsule coréenne est nécessaire si l’on cherche sincèrement à remédier aux tensions. La persistance d’avis unilatéraux permettra uniquement de susciter des controverses sans fin, a insisté la République populaire démocratique de Corée.

S’agissant de la question du programme de travail pour la Conférence, le Président de la Conférence du désarmement, M. PETERS OMOLOGBE EMUZE, chargé d’affaires à la Mission permanente du Nigéria auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué avoir consulté les groupes régionaux afin de recueillir leur avis et que certains s’étaient prononcés en faveur de la création d’un groupe de travail informel alors que d’autres avaient fait part de leur préférence pour un débat informel sur les questions essentielles inscrites à l’ordre du jour. Deux projets de programme de travail ont été reçus mais n’ont pas encore été distribués, a ajouté M. Emuze, avant d’indiquer qu’il souhaitait qu’il y ait une discussion ouverte sur la question du programme de travail en séance plénière.

Le Pakistan a déclaré que la grande majorité des membres étaient favorables à un travail de fond sur les questions de désarmement nucléaire, sur les garanties négatives de sécurité et sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique. Toutefois, certaines délégations sont seulement disposées à progresser sur une mesure partielle de non-prolifération qui prendrait la forme d’un traité d’interdiction des matières fissiles. Or, un tel instrument qui ignorerait la production passée de matières fissiles, particulièrement les asymétries régionales et mondiales des stocks, n’est pas acceptable pour le Pakistan en raison des implications négatives que cela aurait pour sa sécurité. Il n’est pas non plus acceptable pour d’autres délégations du fait du caractère limité et de la contribution marginale au désarmement nucléaire qu’un tel instrument constituerait. Les questions relatives au désarmement nucléaire, au traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, à la prévention d'une course aux armements dans l'espace et aux garanties négatives de sécurité sont des questions sérieuses qui ne sauraient être résolues par de simples adaptations de langage, pas plus que par des innovations procédurales, a insisté le Pakistan.

S’agissant de l’élaboration d’un programme de travail pour la Conférence, le Pakistan estime que cette responsabilité pourrait être déléguée à un groupe de travail informel afin de rechercher une formule de consensus ; à cet égard, l’adoption par consensus, l’an dernier, du rapport du Groupe de travail informel a constitué une réalisation importante sur laquelle il convient de s’appuyer, a souligné le Pakistan, plaidant pour le rétablissement de ce Groupe de travail informel. Il serait utile dans le même temps de disposer d’un calendrier d’activités prévoyant des discussions informelles sur toutes les questions inscrites à l’ordre du jour. Le Pakistan estime que cette approche sur deux fronts aurait un caractère à la fois pratique et pragmatique. Le Pakistan a rappelé qu’il n’était pas en mesure d’accepter un programme de travail qui inclurait un mandat de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles qui ne couvrirait pas explicitement les stocks existants de matières fissiles. Le pays est en revanche favorable à un programme de travail donnant mandat d’aborder toutes les questions en suspens sans exception. Cela nécessite que le Président conduise de larges consultations au préalable. Enfin, le Pakistan a évoqué le Groupe de travail à composition non limitée créé par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution A/RES/70/33, notant que le désarmement nucléaire, auquel il est favorable, ne saurait se faire ni en abandonnant la Conférence, ni en cherchant à progresser en dehors d’elle sur une base non consensuelle et sans la participation d’acteurs clés.

Les États-Unis ont estimé qu’il serait utile à ce stade que des consultations informelles se tiennent en dehors de la plénière afin de discuter des deux nouvelles initiatives mentionnées par le Président de la Conférence et de bien comprendre de quoi elles relèvent.

À ce stade, le Président de la Conférence est intervenu pour dire que les deux projets étaient les mêmes.

La Fédération de Russie a réaffirmé sa conviction selon laquelle la Conférence reste l’unique instance multilatérale de négociations dans le domaine du désarmement. Si l’on veut prétendre à l’universalité, il est néfaste de multiplier les instances dans ce domaine, a-t-elle souligné. Les traités de désarmement ne peuvent être conclus autrement que sur la base du consensus, a-t-elle également indiqué, faisant observer que le consensus est précisément réalisable au sein de la Conférence, à condition de faire preuve de la volonté politique nécessaire. La délégation russe, qui s’est dite favorable à la revitalisation de la Conférence, a rappelé l’initiative qu’elle avait prise conjointement avec la Chine en faveur de la prévention du placement d’armes dans l’espace. Pendant que les négociations avanceraient sur ce sujet, il devrait être possible de commencer par un engagement de chaque Etat à ne pas être le premier à prendre l’initiative de placer des armements en orbite ; la Fédération de Russie est pour sa part prête à prendre un tel engagement. La Fédération de Russie a enfin estimé que le rétablissement du Groupe de travail informel chargé de l’élaboration d’un programme de travail était le seul moyen de sortir de l’impasse actuelle à la Conférence.

La Chine a estimé que les efforts visant à élaborer un programme de travail devraient tenir compte des préoccupations de toutes les parties et a affirmé que la question du traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire n’était pas le seul point arrivé à maturité au sein de la Conférence. Des discussions de fond pourraient avoir lieu sur les autres questions, a insisté la Chine. La Conférence ne peut continuer de travailler uniquement sur des points de l’ordre du jour définis il y a trente ans, sans tenir compte des progrès de la technologie, tels que l’émergence des armes létales autonomes, sans parler des questions de cyber-sécurité. L’élargissement de la composition de la Conférence ne peut qu’apporter des idées neuves et éviter la création d’autres instances de désarmement, a ajouté la délégation chinoise. Elle a en outre insisté pour que soit maintenu au sein de la Conférence le principe du consensus.

L’Inde a estimé qu’à moins d’un consensus, il n’était pas productif de porter une proposition devant la plénière et a apporté son soutien à des consultations informelles sous différents formats. À des fins de clarté, il est nécessaire d’avoir davantage de transparence sur les négociations portant sur un programme de travail. En référence à la déclaration des Pays-Bas concernant le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, l’Inde a indiqué qu’elle ne rejoindrait pas ce Traité en tant qu’État non doté d’armes nucléaires et a expliqué que les Européens feraient bien d’appuyer la durabilité à long terme de cet instrument.

Les Etats-Unis ont souhaité répondre au représentant de la Fédération de Russie en soulignant qu’il n’y a rien de neuf concernant le projet de traité sur la prévention du placement d’armes dans l’espace en ce sens que ce projet n’intègre toujours pas de régime de vérification juridiquement contraignant. En outre, les définitions figurant dans ce texte sont insuffisantes et ne permettent pas de disposer d’une définition valable de ce qui est considéré comme une arme placée dans l’espace. En outre, la Fédération de Russie continue de justifier par des arguments sans fondement l’absence d’armes terrestres anti-satellitaires, ce qui ne peut qu’amener les États-Unis à conclure que ce pays cherche en fait à développer et conserver de telles armes terrestres.

La Fédération de Russie a alors souligné que la thématique de l’espace était plus importante que jamais et qu’il vaudrait mieux négocier au plus tôt. Il s’agit de faire en sorte que les accords de consensus de l’Assemblée générale des Nations Unies se concrétisent par des négociations dans le cadre de la Conférence.




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DC16/003F