Fil d'Ariane
LE COMITÉ AUDITIONNE DES ONG SUR LA SITUATION AU JAPON, EN ISLANDE, EN SUÈDE ET EN MONGOLIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants d'organisations non gouvernementales au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir le Japon, l’Islande, la Suède et la Mongolie.
S'agissant du Japon, la plupart des intervenants ont souhaité que le Comité demande des clarifications aux autorités japonaises au sujet de la question des «femmes de réconfort» pendant la Seconde Guerre mondiale; il s’agirait en particulier de savoir si la réduction en esclavage de Coréennes avait pu constituer une politique délibérée du gouvernement et de l’armée japonais. Ont aussi été évoquées les questions de l’égalité entre hommes et femmes, s’agissant notamment de l’âge minimum du mariage, du traitement des migrants, ou encore du respect des membres des minorités autochtones et LGBT.
En ce qui concerne l’Islande, il est rare que les actes de violence contre les femmes aboutissent à des actions en justice, s’est inquiétée une ONG. Les femmes sont sous-représentées dans la justice et dans la police, a-t-il en outre été souligné.
Pour ce qui est de la Suède, une ONG s’est inquiétée de la persistance de disparités salariales fortes entre hommes et femmes. A par ailleurs été dénoncée l’impunité concernant les cas de violence faite aux femmes, alors que les règles pour l’établissement des preuves (dans de tels cas) apparaissent excessivement strictes. L’attention a en outre été attirée sur les conséquences que le commerce des armes peut avoir sur la violence faite aux femmes.
S’agissant enfin de la Mongolie, a été déploré un manque flagrant de volonté politique pour appliquer pleinement les dispositions de la Convention, aggravé par l’instabilité gouvernementale. Il a en outre été déploré que les pouvoirs publics aient tendance à favoriser les attitudes et pratiques traditionnelles. L’attention a par ailleurs été attirée sur les discriminations multiples auxquelles sont confrontées les femmes et les filles handicapées en Mongolie
Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport du Japon (CEDAW/C/JPN/7-8).
Aperçu de l’échange de vues avec les ONG
S’agissant du Japon
Japan NGO Network for CEDAW a demandé que le code civil japonais soit amendé afin de faire en sorte que l’âge minimum du mariage soit le même pour les hommes et les femmes. S’agissant par ailleurs de l’esclavage sexuel pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ONG a déploré que les victimes n’aient été consultées à aucun moment préalablement à la conclusion du récent accord nippo-coréen.
Japan Federation of Bar Association a abordé le problème des travailleurs migrants au Japon, estimant nécessaire l’élaboration d’un plan pour les protéger, ce qui passerait au préalable par la ratification de la Convention n°189 de l’Organisation internationale du travail. L’ONG a attiré l’attention sur la nécessité d’établir des statistiques fiables s’agissant de la situation des femmes appartenant à des minorités - Aïnous et autochtones d’Okinawa en premier lieu.
Outright Action International a déploré les discriminations envers les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, qui poussent les personnes concernées à faire profil bas en dissimulant leur identité sexuelle.
Happiness Realization Research Institute a jugé dénuées de tout fondement les allégations d’enlèvements forcés et d’esclavage sexuel par l’armée nippone. La représentante de cet Institut a affirmé qu’au cours de son histoire, le Japon avait toujours traité les femmes dans l’honneur et la dignité, comme en témoigne le fait que des femmes aient régné sur l’archipel en tant qu’impératrices.
Minbyun-Lawyers for a Democratic Society a indiqué s’exprimer au nom des victimes survivantes de l’esclavage sexuel en temps de guerre et a déploré qu’il n’y ait toujours pas eu d’établissement des responsabilités quant à ces pratiques; les responsables demeurent impunis et la vérité niée. Il faut mettre un terme à huit décennies de violation des droits des victimes, alors que celles-ci disparaissent une à une sans avoir obtenu le rétablissement de leur dignité.
Japan Women for Justice and Peace a demandé au Comité de tenter d’obtenir une clarification de la part des autorités japonaises face aux contradictions entre le discours officiel – qui affirme que rien ne prouve l’existence d’une politique officielle d’esclavagisme sexuel – et les études historiques, notamment le rapport Coomaraswamy de l’ONU qui, en 1996, évaluait à quelque 200 000 le nombre de Coréennes ayant été asservies sexuellement par l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.
Research of History on Modern Japan a souhaité que le Comité demande au Gouvernement japonais si les autorités militaires et autres au Japon avaient mené ou non une politique d’esclavagisme sexuel durant la Seconde Guerre mondiale. Le Japon doit en effet clarifier le sens des «excuses sincères» qu’il a exprimées l’an dernier pour l’implication de l’armée japonaise dans la prostitution de Coréennes.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG a déploré que la société civile japonaise n’ait guère la possibilité de s’exprimer sur le projet de plan pour l’égalité en cours d’élaboration.
S’agissant de l’Islande
Icelandic Women’s Rights Association, au nom également de l’Icelandic Human Rights Center, a regretté que depuis le plan d’action gouvernemental 2006-2011 contre la violence faite aux femmes, plus rien n’ait été entrepris dans ce domaine en Islande. Dans ce pays, il est rare que des actes de violence contre les femmes aboutissent à des actions en justice, a en outre fait observer l’ONG. Les femmes sont sous-représentées dans la justice et la police et la Cour suprême ne compte qu’une seule femme parmi ses onze juges, a-t-elle par ailleurs fait observer.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi cette intervention, l’ONG islandaise présente a souligné qu’à l’issue de la crise financière, si la pauvreté avait effectivement augmenté dans le pays, les autorités islandaises n’avaient pas moins veillé à renforcer les filets de protection sociale. Toutefois, a-t-elle ajouté, on a constaté une diminution du nombre de congés de paternité pris par les hommes, ce qui constitue une tendance préoccupante. L’ONG a par ailleurs déploré que la voix des migrants ne se fasse guère entendre, notamment dans les médias. Elle a enfin précisé que l’Islande avait suivi le modèle suédois en matière de lutte contre la traite des femmes et le crime organisé, en pénalisant les clients des prostituées.
S’agissant de la Suède
Swedish Women’s Lobby a dénoncé le démantèlement du médiateur pour l’égalité entre hommes et femmes, au profit d’un Médiateur chargé des discriminations, ce qui affaiblit la priorité accordée aux inégalités entre les sexes. La répartition des pouvoirs entre le Gouvernement central et les autorités régionales a parfois pour conséquence que les collectivités locales ne respectent pas les dispositions de la Convention, a ajouté l’ONG. Elle a par ailleurs estimé que la Suède devrait mettre sur pied une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris. Par ailleurs, les disparités salariales demeurent fortes entre hommes et femmes, tandis que les congés parentaux sont la plupart du temps pris par les femmes, a fait observer la représentante de cette ONG.
Swedish CEDAW Network a dénoncé l’impunité concernant les cas de violence faite aux femmes, faisant observer que les auteurs de ces violences sont rarement condamnés. Du fait de cette impunité, il ne peut y avoir de réparation pour les victimes. Les règles pour l’établissement des preuves (dans les cas de violences faites aux femmes) apparaissent excessivement strictes, a insisté l’ONG.
Women’s International League for Peace and Freedom a attiré l’attention sur les conséquences que le commerce des armes peut avoir sur la violence faite aux femmes. La Suède doit s’abstenir d’exporter des armes lorsqu’il existe un risque que ces armes provoquent des violences contre les femmes dans le pays de destination. Par ailleurs, les entreprises suédoises du secteur du textile travaillant dans des pays tels que le Bangladesh doivent respecter le droit du travail, a souligné l’ONG.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG s’est dite fière de la politique de son pays dans le domaine de la lutte contre la prostitution, soulignant toutefois qu’aucun client de prostituée n’a jamais été condamné à une peine d’emprisonnement. En effet, les tribunaux n’appliquent pas tout l’arsenal des peines à leur disposition. Par ailleurs, les programmes de «sortie» de la prostitution constituent le maillon faible des mesures gouvernementales, notamment du fait que certaines femmes victimes de réseaux ne résident que temporairement dans le pays.
S’agissant de la Mongolie
Mongolian Feminist Network a noté que bien que la Mongolie ait ratifié la Convention il y a 35 ans, on constate encore un manque flagrant de volonté politique (pour appliquer pleinement les dispositions de cet instrument), aggravé par l’instabilité gouvernementale. L’ONG a dénoncé l’absence d’un cadre institutionnel permettant la mise en œuvre des dispositions de la Convention. Elle a en outre déploré que les pouvoirs publics aient tendance à favoriser les attitudes et pratiques traditionnelles. Les programmes et manuels scolaires renforcent les stéréotypes patriarcaux, a-t-elle ensuite affirmé, déplorant par ailleurs que les médias aillent dans le sens de la promotion du rôle traditionnel des femmes.
National Federation of the Blind a attiré l’attention sur les discriminations multiples auxquelles sont confrontées les femmes et les filles handicapées en Mongolie: elles ont en effet des difficultés à accéder à l’éducation et au marché du travail. Tout en interdisant l’avortement forcé, le Code pénal prévoit une exception visant à prévenir la conception de la part de personnes souffrant de troubles psychosociaux ou intellectuels, s’est par ailleurs inquiétée l’ONG.
LGBT Centre a affirmé que les quelque 300 000 Mongols ayant une orientation sexuelle différente, qui représentent dix pour cent de la population, n’étaient pas considérés comme des citoyens à part entière. Sept décennies de socialisme ont laissé un héritage d’attitudes sociales extrêmement négatives, a insisté l’ONG, déplorant que le Gouvernement mongol ne reconnaisse pas le principe du respect de l’orientation sexuelle et n’offre aucune possibilité de bénéficier de certaines thérapies dans ce contexte.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG a fait observer qu’en dépit d’un certain nombre de mesures qui ont été prises, au nombre desquelles l’adoption d’un plan national d’action pour l’égalité, la Mongolie ne dispose pratiquement d’aucune institution publique qui soit chargée de l’application de la Convention.
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CEDAW16/003F