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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE HAÏTI

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd’hui le rapport présenté par Haïti sur l'application par cet État des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport de son pays, le Ministre des affaires sociales et du travail d’Haïti, M. Ariel Henry, a fait valoir que l’État haïtien avait adopté diverses mesures visant la prévention, la dissuasion et la coercition contre les infractions relatives aux droits et à l’intégrité physique et morale des enfants, ainsi qu’en matière d’égalité entre les sexes devant la loi et de non-discrimination, entre autres. Si les discriminations juridiques à l’encontre des enfants ont disparu en Haïti avec la ratification de la Convention en 1994, le Code civil haïtien conservait encore jusqu’en 2013 des dispositions discriminatoires à l’encontre des enfants nés hors mariage, s’agissant notamment du non-respect du droit de l’enfant à connaître l’identité de ses parents. Ces discriminations n’existent désormais plus, a fait valoir le Ministre, précisant que grâce à la loi de 2012 sur la paternité, la maternité et la filiation, le droit haïtien considère désormais les enfants sur un pied d’égalité dans tous les domaines, qu’ils soient nés avant le mariage, dans le mariage ou après le mariage. M. Henry a par ailleurs attiré l’attention sur la Loi de 2003 relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes les formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou de traitements inhumains contre les enfants et sur la Loi de 2001 interdisant les châtiments corporels contre les enfants.

Le Ministre a ensuite évoqué le projet du Code de l’enfant, précisant qu’il a été adopté en Conseil des Ministres puis soumis au Parlement en 2014 et se trouve aujourd’hui en attente d’être adopté. Afin d’éradiquer l’analphabétisme, le Gouvernement s’est engagé à permettre à chaque enfant d’avoir accès de manière équitable à une éducation de qualité, a ajouté M. Henry. Les actions menées dans ce domaine ont permis d’atteindre un taux net de scolarisation de 90%, s’est-il réjoui, précisant que 4% du PIB haïtien sont investis dans l’éducation.

Outre le Ministre, la délégation haïtienne était également composée, entre autres, du Représentant permanent d’Haïti auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et de la Directrice générale de l’Institut du bien-être social et de recherches du pays (IBESR). Elle a répondu aux questions des membres du Comité portant sur les enfants en situation de domesticité; les orphelins et les questions d’adoption; le travail des enfants; l’âge de la responsabilité pénale et la justice juvénile; les questions d’éducation et de santé ; les châtiments corporels ; les enfants nés avant la promulgation de la loi sur la paternité, la maternité et la filiation (2014), au regard de la situation des enfants nés hors mariage ; l’enregistrement des naissances ; ou encore l’âge du mariage. La délégation a notamment fait part des mesures prises pour réglementer l’adoption, qui atteignait avant 2013 des chiffres extrêmement élevés – l’enfant étant devenu un enjeu commercial.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport d’Haïti, M. Bernard Gastaud, s’est interrogé sur la mise en œuvre effective des nombreux projets de loi adoptés, dont les dispositions semblent souvent mal connues des personnes chargées de les mettre en œuvre. La coopération avec la société civile existe mais semble limitée, a-t-il par ailleurs souligné. Mme Suzanne Aho Assouma, corapporteuse pour l'examen du rapport haïtien, s’est pour sa part inquiétée des entraves à l’enregistrement des naissances, en particulier dans les zones rurales. Troisième corapporteuse, Mme Amal Salman Aldoseri, a pour sa part regretté que la loi sur les châtiments corporels n’interdise pas clairement toutes les formes de châtiments. S’agissant des mariages, l’experte a attiré l’attention sur des incohérences entre le Code pénal haïtien qui fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage et une autre disposition légale qui permet à des enfants plus jeunes de se marier sous certaines conditions.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur Haïti et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 29 janvier prochain.

Lors de sa prochaine séance publique, mardi 19 janvier, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Zimbabwe (CRC/C/ZWE/2) en salle XXIV du Palais des Nations. Parallèlement, il entamera en salle XXV l’examen du rapport des Maldives (CRC/C/MDV/4-5).


Présentation du rapport d’Haïti

Le Comité est saisi du rapport périodique d’Haïti (CRC/C/HTI/2-3), ainsi que de la liste de points à traiter qu’il lui a adressée (CRC/C/HTI/Q/2-3).

M. ARIEL HENRY, Ministre des affaires sociales et du travail d’Haïti, a tenu à préciser que le retard enregistré par l’État haïtien dans la production des rapports de suivi n’est pas dû à la négligence ni à l’indifférence dans l’application de la Convention. Ce retard s’explique par des difficultés qui ont contraint les assises administratives de l’État à ne gérer que les urgences et les impondérables, au nombre desquels figurent notamment les tensions politiques et les effets dévastateurs des catastrophes naturelles qui ont frappé le pays, a-t-il expliqué. Il a toutefois assuré que l’État haïtien, soucieux de ses engagements internationaux, n’entend pas se cacher derrière ces difficultés pour ne point s’acquitter de ses obligations. L’État haïtien a adopté diverses mesures visant la prévention, la dissuasion et la coercition contre les infractions relatives aux droits et à l’intégrité physique et morale des enfants, ainsi qu’en matière d’égalité entre les sexes devant la loi et de non-discrimination, entre autres. Conformément aux recommandations du Comité, le processus d’harmonisation de la législation haïtienne aux fins d’une mise en conformité avec la Convention connaît des avancées significatives, a-t-il ajouté.

Si les discriminations juridiques à l’encontre des enfants ont disparu en Haïti avec la ratification de la Convention en 1994, le Code civil haïtien conservait encore jusqu’en 2013 des dispositions discriminatoires à l’encontre des enfants nés hors mariage, s’agissant notamment du non-respect du droit de l’enfant à connaître l’identité de ses parents. Ces discriminations n’existent désormais plus, a fait valoir le Ministre, précisant que grâce à la loi de 2012 sur la paternité, la maternité et la filiation, le droit haïtien considère désormais les enfants sur un pied d’égalité dans tous les domaines, qu’ils soient nés avant le mariage, dans le mariage ou après le mariage. M. Henry a par ailleurs attiré l’attention sur la Loi du 10 septembre 2007 créant et organisant l’Office national de partenariat en éducation; sur la Loi du 7 mai 2003 relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes les formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou de traitements inhumains contre les enfants; sur la Loi du 10 septembre 2001 interdisant les châtiments corporels contre les enfants; et sur l’arrêté du 18 juillet 2012 qui contient des dispositions garantissant l’intégrité des procédures d’adoption internationale d’enfants haïtiens.

Le chef de la délégation haïtienne ensuite évoqué le projet du Code de l’enfant, fondé sur des normes juridiques conformes à tous les aspects de la Convention: ce projet, initié depuis 2001, a été adopté en Conseil des Ministres puis soumis au Parlement en 2014 et se trouve aujourd’hui en attente d’être adopté, a précisé le Ministre. M. Henry a par ailleurs fait état de la désignation de juges spécialisés en justice pour mineurs dans 17 des 18 tribunaux de première instance que compte le pays. Il a en outre rendu compte des programmes de formation à l’intention des policiers, d’une part, et des magistrats, de l’autre part, qui ont été révisés pour y inclure des modules portant sur les droits de l’enfant. Le Ministre a par ailleurs attiré l’attention sur la création, en novembre 2002, de la Brigade de protection des mineurs; sur la mise en place d’une unité de protection des droits de l’enfant au sein de l’Office de la protection du citoyen; sur l’institution d’une Commission de travail sur l’intégration scolaire des enfants des rues; sur la mise en place d’un système d’information, de protection et de sécurité de l’enfance; et sur la création de centres d’appels téléphoniques gratuits pour le signalement des cas d’abus, de négligence et de maltraitance à l’encontre des enfants.

En lien avec ces mesures, des actions de sensibilisation et de formation ont été entreprises tant sur la Convention que sur les autres textes de lois relatifs à l’enfance, a poursuivi M. Henry. Au nombre de ces actions, figurent les commémorations de la journée nationale de l’enfant, le deuxième dimanche du mois de juin de chaque année, ainsi que la célébration annuelle de l’anniversaire de la Convention, le 20 novembre. D’autres campagnes de sensibilisation portent sur la lutte contre le fléau de la domesticité et sur le soutien aux enfants en situation de handicap, a ajouté le Ministre.

Ces cinq dernières années, la primauté de l’éducatif a été complètement restaurée et le placement en détention à tout prix a totalement disparu, a d’autre part indiqué le Ministre haïtien des affaires sociales et du travail. Rappelant que le droit à un procès juste, équitable et dans un délai raisonnable constitue une des composantes de l’État de droit, il a souligné que des actions ont été prises pour que soient dessaisis les juges qui n’accordent pas une diligence suffisante aux dossiers d’enfants détenus qui sont soumis à leur instruction.

En matière de santé, a poursuivi M. Henry, Haïti dispose d’une politique nationale de santé depuis 1996, révisée en 1999 et actualisée en 2012. De plus, un plan national stratégique de réduction de la mortalité maternelle a été mis en place en 2012. De nombreux progrès ont en outre été accomplis à travers le Programme élargi de vaccination, qui vise la couverture vaccinale universelle des enfants; ainsi, les taux de couverture vaccinale en 2013 étaient de 75,8% pour la rougeole et la rubéole et de 87,5% pour la poliomyélite. En outre, beaucoup d’efforts ont été consentis pour contrôler l’évolution de l’épidémie de VIH/sida: la prévalence de la maladie a chuté de manière significative, passant de 6% environ dans les années 1990, à 4% en 2000, puis 2,2% en 2012.

S’agissant enfin de l’éducation et afin d’éradiquer l’analphabétisme, le Gouvernement s’est engagé à permettre à chaque enfant d’avoir accès de manière équitable à une éducation de qualité, a indiqué le Ministre. Les actions menées dans ce domaine ont permis d’atteindre un taux net de scolarisation de 90%, s’est-il réjoui, précisant que 4% du PIB haïtien sont investis dans l’éducation.


Examen du rapport d’Haïti

Questions et observations des membres du Comité

M. BERNARD GASTAUD, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport d’Haïti, a remercié le Ministre pour les informations exhaustives qu’il a fournies en ouverture de ce dialogue avec le Comité. Ces informations illustrent l’ampleur et la diversité des réformes accomplies par l’État haïtien et témoignent d’un engagement renouvelé du pays à l’égard des droits de l’enfant, a déclaré le corapporteur. Notant que de nombreuses réformes ont été introduites afin de mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions conventionnelles internationales, il s’est toutefois interrogé sur la mise en œuvre effective des projets de loi traduisant ces réformes, relevant notamment que les dispositions des nouveaux textes sont souvent mal connues des personnes chargées de les mettre en œuvre. Il s’est par ailleurs enquis de l’existence d’un organisme de coordination de l’ensemble de l’action visant les enfants.

La coopération avec la société civile existe, certes, mais semble limitée, a d’autre part fait observer M. Gastaud, invitant la délégation à en dire davantage sur les modalités de participation de la société civile à l’élaboration du présent rapport.

La délégation haïtienne a également été interrogée sur l’intégration du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la législation, le corapporteur faisant observer que ce principe semble inconnu tant du grand public que des professionnels.

Notant que le Gouvernement a mis en place un programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire, l’expert s’est enquis des résultats obtenus depuis sa mise en œuvre et a souhaité savoir s’il est envisagé d’y apporter des modifications. M. Gastaud a par ailleurs fait observer que les taux d’échec et d’abandon scolaires atteignent des niveaux préoccupants et a souhaité entendre la délégation sur ce point.

S’agissant du travail des enfants, le corapporteur a constaté que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 14 ans mais a relevé que la loi ne spécifie pas quels sont les travaux considérés comme dangereux pour les enfants.

L’exploitation sexuelle est un phénomène répandu, a poursuivi M. Gastaud. Aussi, a-t-il souhaité savoir s’il existe des centres d’accueil pour les victimes. Prenant note du décret qui augmente les peines encourues par les auteurs de tels actes, le corapporteur s’est demandé pourquoi il s’agit d’un décret et non d’une loi. Il a par ailleurs fait observer que très peu de condamnations ont été prononcées dans de telles affaires, qui se concluent le plus souvent par un accord voire par le mariage de la victime avec l’auteur de l’infraction.

S’intéressant à la Loi de 2012 sur la paternité, la maternité et la filiation, qui place tous les enfants (issus ou non d’un mariage) sur un pied d’égalité, MME AMAL SALMAN ALDOSERI, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport haïtien, a souhaité savoir si cette loi était rétroactive et s’appliquait aux enfants nés hors mariage avant sa date d’adoption. Qu’en est-il concrètement des mesures d’application prises afin d’assurer la mise en œuvre effective de cette loi, a-t-elle demandé? Des tests ADN sont-ils, par exemple, prévus si le père ne reconnaît pas l’enfant?

La corapporteuse a par ailleurs fait observer qu’il reste beaucoup à faire dans la lutte contre les discriminations, lesquelles ne concernent pas uniquement les filles mais aussi d’autres groupes comme les personnes handicapées, les enfants en situation de rue et les personnes LGBT.

Relevant d’autre part qu’un Parlement des jeunes existe en Haïti pour les plus de 15 ans, Mme Aldoseri a souhaité savoir si les enfants de moins de 15 ans disposent eux aussi d’un espace d’expression.

L’opinion de l’enfant est-elle prise en compte dans les cas d'adoption et, le cas échéant, à partir de quel âge, a par ailleurs demandé l’experte?

La corapporteuse a souligné que la loi sur les châtiments corporels n’est pas suffisamment claire pour assurer l’interdiction effective de toutes les formes de châtiments et que les dispositions de cette loi ne semblent en outre pas réellement mises en œuvre, les châtiments corporels continuant d’être considérés comme un moyen de discipline dans les foyers et les écoles.

S’agissant des mariages précoces, Mme Aldoseri a mis en relief les incohérences entre le Code pénal haïtien, qui fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage, et une autre disposition légale qui permet à des mineurs de se marier, pour des motifs spéciaux, avec le consentement du Président. La corapporteuse a par ailleurs constaté que plus de 80% des habitants des zones rurales sont mariés en vertu d’un type de mariage contractuel appelé «passage» et rattaché à des considérations économiques. Ce type d’union concerne-t-il les enfants, a-t-elle demandé?

La délégation a d’autre part été invitée à faire part des mesures concrètes prises pour lutter contre les violences sexuelles perpétrées dans les camps surpeuplés de personnes déplacées internes, ainsi que des services offerts aux victimes.

La corapporteuse a en outre regretté que le programme pour l’enseignement gratuit dont s’est doté Haïti ne cible pas directement les enfants handicapés.

MME SUZANNE AHO ASSOUMA, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport haïtien, a souhaité que la délégation explique ce que l’expression « restavek » signifie exactement.

L’experte a également souhaité obtenir davantage d’informations au sujet de l’enregistrement des naissances dans les zones rurales et des mesures prises pour garantir l’accès de tous à l’état civil dans ces zones. Elle a attiré l’attention sur le fait qu’un enfant peut être enregistré sans date de naissance, ce qui pose notamment un problème pour l’obtention d’une carte d’identité.

Mme Aho Assouma a par ailleurs invité la délégation à fournir davantage d’informations sur l’organe chargé de surveiller les adoptions dans le pays. Des critères pour l’adoption ont-ils été fixés et combien d’enfants haïtiens ont-ils été adoptés jusqu’à aujourd’hui, a-t-elle demandé ?

La corapporteuse s’est ensuite enquise des services offerts aux nombreux enfants amputés suite au séisme qui a frappé le pays en janvier 2010. Des soins et des prothèses sont-ils mis à leur disposition?

La corapporteuse a d’autre part souhaité savoir ce que les autorités haïtiennes font pour encourager l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six mois, alors que selon les statistiques, seulement 40% des mères haïtiennes allaitent. Mme Aho Assouma s’est en outre enquise des causes des taux élevés de mortalité infantile et maternelle en Haïti. Constatant que l’avortement est interdit en Haïti et que cette interdiction peut pousser des filles vers des avortements clandestins, elle s’est demandée si cela ne contribue pas à accroître le nombre de décès dans le pays.

D’autres questions posées par les corapporteurs ont porté sur la gratuité réelle de l’enregistrement des naissances; sur les données relatives à la violence contre les filles; et sur l’existence d’alternatives à la détention pour les mineurs.

Réponses de la délégation

S’agissant des questions de coordination de l’action en faveur des enfants, la délégation a indiqué que l’Institut du bien-être social et de recherches (IBESR) est l’organe qui coordonne les activités de protection des droits de l’enfant, par le biais du Groupe de travail sur la protection de l’enfant (GTPE), plateforme qui regroupe tous les acteurs concernés, dans le cadre d’une protection «transversale» des droits de l’enfant. Il existe en outre un Comité de lutte contre la traite de personnes, qui est chargé de veiller à l’application de la loi et des sanctions en la matière.

L’Office de protection du citoyen peut recevoir des plaintes, a par ailleurs indiqué la délégation, en réponse à l’interrogation d’un membre du Comité.

Pour ce qui est de la diffusion de la Convention, la délégation a confirmé que ce texte a été traduit et distribué dans les écoles. En outre, des «causeries» entre maîtres et élèves sont organisées en milieu scolaire, a-t-elle ajouté. Grâce à ces causeries, les enfants sont réellement mieux informés, a –t-elle assuré.

S’agissant de la participation des enfants aux questions qui les concernent, la délégation a mentionné l’existence d’un espace de consultation appelé «salon de la protection de l’enfant», convoqué de façon ponctuelle une ou deux fois par an pour inviter les enfants à s’exprimer.

En ce qui concerne la prise en compte de l’opinion de l’enfant dans les affaires d’adoption, la délégation a expliqué que les enfants peuvent exprimer leur opinion dès l’âge de 8 ans et donner leur consentement dès l’âge de 12 ans.

La délégation a par ailleurs indiqué qu’il existe 770 orphelinats en Haïti, un chiffre qui s’explique par la prolifération de la création de maisons d’enfants suite au tremblement de terre de janvier 2010. Elle a assuré que des mesures sont prises pour essayer de désinstitutionnaliser les enfants placés dans ces maisons. En outre, les autorités ont renforcé les contrôles dans ces établissements, afin d’y vérifier les conditions de vie et de veiller à ce que ces enfants ne soient pas exploités. Le Comité s’étant inquiété de la situation des enfants vivant dans certaines régions mouvementées que l’on pourrait qualifier de «zones de non-droit», la délégation a indiqué que plusieurs enfants placés en orphelinats viennent de ces zones. Elle a ajouté que des mesures sont prises pour s’assurer que ces enfants gardent contact avec leurs parents.

Toute adoption en Haïti passe par un organisme d’adoption agréé, a assuré la délégation. Des mesures ont été prises pour réglementer les adoptions, alors que leur nombre atteignait avant 2013 des chiffres extrêmement élevés, l’enfant étant devenu un enjeu commercial. Aujourd’hui, les parents sont dûment informés de ce qu’est l’adoption, afin de s’assurer de leur consentement éclairé, a souligné la délégation. L’enfant est également consulté dès l’âge de 8 ans, comme l’a précédemment indiqué la délégation. Il existe en outre une équipe multidisciplinaire chargée de «l’adoptabilité des enfants». En 2014, a ensuite précisé la délégation, 245 enfants ont été adoptés. Un expert ayant sollicité des détails sur les mesures prises par le pays pour soutenir l’adoption nationale plutôt qu’internationale, la délégation a indiqué qu’une série d’actions ont été menées qui ont abouti à une augmentation sensible des adoptions nationales ; grâce aux changements apportés à la loi, il est désormais possible de procéder à une «adoption plénière», ce qui, selon la délégation, a peut-être levé les craintes de certaines familles jusqu’ici rebutées par le fait que l’enfant pouvait garder contact avec ses parents biologiques dans les adoptions dites «simples».

La délégation a indiqué qu’en vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi, les enfants nés avant la promulgation de la loi sur la paternité, la maternité et la filiation (2014) ne sont pas couverts par cette loi. Sur ce point, une experte a fait remarquer que le principe de non-rétroactivité n’empêche pas que des mesures soient prises sans remettre en cause ce principe, a fortiori lorsque c’est à l’avantage du citoyen.

Pour ce qui est de l’âge du mariage, la délégation a indiqué que les jeunes peuvent se marier dès l’âge de 18 ans. Avant cet âge, il faut le consentement des parents, a-t-elle ajouté. Quant à la dispense légale qui, en la matière, pouvait être accordée par le Président, elle n’existe plus et le Président n’a donc plus cette prérogative, a précisé la délégation.

Beaucoup de mesures ont été prises en faveur de l’enregistrement des naissances, a ensuite souligné la délégation, faisant notamment valoir que des bureaux d’état civil ont été instaurés dans les hôpitaux. Le Ministère de la justice a pris ce problème à bras-le-corps et distribué des registres dans tous les bureaux d’état civil, a ajouté la délégation, précisant que les «petits cahiers» utilisés jusqu’ici pour procéder à l’enregistrement n’étaient plus utilisés. L’enregistrement est systématique pour les enfants nés en milieu hospitalier, a précisé la délégation. À une experte qui demandait ce qu’il en était des naissances à domicile, la délégation a expliqué que le programme d’enregistrement des naissances va être généralisé à l’échelle du pays. Le plus important est que la population soit informée de la nécessité d’enregistrer la naissance des enfants; des campagnes de sensibilisation sont menées dans ce but. D’une manière générale, la population est informée de l’obligation d’avoir une carte nationale d’identité, donc d’être – pour obtenir cette carte – au bénéfice d’un acte de naissance et donc d’enregistrer les naissances, a expliqué la délégation. Un nouvel arrêté présidentiel datant du 16 janvier 2014 accorde à toute personne (enfant ou adulte) dépourvue d’acte de naissance un délai de cinq ans pour régulariser son état civil. En adoptant ce décret, l’intention du Gouvernement était de faire en sorte que tout le monde ait un acte de naissance, a indiqué la délégation.

En matière d’octroi de la nationalité, la délégation a expliqué que quel que soit le lieu où un Haïtien met au monde un enfant et quelle que soit la nationalité de son/sa partenaire, l’enfant peut recevoir la nationalité haïtienne.

La délégation a d’autre part reconnu que les châtiments corporels peuvent encore être culturellement acceptés par les Haïtiens. Face à cette mentalité, des campagnes de sensibilisation sont menées, a-t-elle fait valoir. Elle a en outre rappelé que ces actes peuvent être dénoncés, notamment en appelant le numéro gratuit de la Brigade de protection des mineurs (numéro 188) ou le centre d’appel d’urgence de l’IBESR (numéro 133). Ce dernier Institut essaie d’ailleurs d’impliquer la population pour promouvoir un changement de comportement vis-à-vis des châtiments corporels, a ajouté la délégation.

Le terme « restavek » n’est plus vraiment utilisé car il est péjoratif, a indiqué la délégation, précisant qu’il est préférable de parler d’enfants en situation de domesticité. À une experte du Comité qui s’inquiétait que quelque 300 000 enfants se trouvent dans cette situation de servitude, la délégation a indiqué que selon une étude jugée plus fiable, le nombre d’enfants concernés s’élèverait à 207 000. Il convient en effet de faire une différence entre un enfant qui, par exemple, a quitté son domicile en zone reculée pour vivre auprès de membres de sa famille en zone métropolitaine et qui aide aux tâches ménagères et l’enfant qui n’est pas scolarisé, a souligné une déléguée haïtienne, avant de préciser que ce sont ces derniers qui sont considérés comme «enfants en situation de domesticité». Avec l’entrée en vigueur de la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des personnes, des poursuites et des sanctions seront désormais possibles dans ce contexte, a ensuite fait observer la délégation.

Interrogée sur la violence contre les enfants, la délégation a indiqué qu’une étude menée sur cette question dans une demi-douzaine de départements a servi à l’élaboration en 2015 d’une stratégie de protection de l’enfant qui est actuellement en train d’être mise en œuvre.

S’agissant du travail des enfants, la délégation a indiqué qu’une liste des types de travaux considérés comme dangereux pour l’enfant a été élaborée en collaboration avec l’Organisation internationale du travail. Cette liste existe donc bien, mais elle doit encore être validée par les autorités compétentes, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs expliqué que les enfants de parents incarcérés sont la plupart du temps pris en charge par la famille élargie. Toutefois, sur demande des parents, l’Institut du bien-être social et de recherches peut les prendre en charge et les placer soit dans un orphelinat, soit dans une famille d’accueil.

En matière de justice juvénile, la délégation a indiqué qu’il existe des tribunaux pour enfants dans deux juridictions du pays; dans les autres, il y a des juges spécialisés en justice pour mineurs. D’autre part, la législation haïtienne ne permet pas la condamnation d’un mineur à de la prison ferme; à l’instar du placement en institution, des mesures alternatives à la détention existent qui étaient déjà mentionnées dans la loi datant du 13 septembre 1961. Interrogée sur l’âge de la responsabilité pénale, la délégation a expliqué qu’il existe une différence entre la responsabilité pénale, qui est fixée à 13 ans – limite à partir de laquelle un enfant peut être jugé responsable de ses actes –, et l’âge de la majorité pénale codifiée dans cette même loi et fixée à 16 ans. La Constitution haïtienne prévoit, pour sa part, la majorité «administrative» (civile) dès l’âge de 18 ans. Au Comité qui sollicitait davantage d’informations concrètes sur ces différents âges, la délégation a expliqué que l’enfant de moins de 13 ans est considéré comme irresponsable de ses actes: ainsi, quelle que soit l’infraction commise, le juge prononcera à son encontre des mesures de protection. À partir de 13 ans, la loi dit que l’enfant est responsable pénalement, ce qui signifie que l’enfant est considéré comme étant en mesure de comprendre l’acte qu’il a commis: sont toutefois également prévues pour lui des mesures de protection, en lieu et place de la privation de liberté. Enfin, en vertu de la loi de 1961, l’enfant peut, dès l’âge de 16 ans, être jugé comme majeur: toutefois, le jeune ne pourra alors se voir infliger une peine de prison ferme que si le juge enlève, en raison de la gravité du délit, les circonstances atténuantes relatives à la «minorité», ce qui – a précisé la délégation – ne se produit que très rarement. Invitée à fournir quelques chiffres sur la privation de liberté, la délégation a indiqué qu’en 2014, 136 mineurs se trouvaient dans des centres d’éducation fermés – 124 prévenus et 12 condamnés – et 293 mineurs étaient détenus dans des centres de détention – 271 garçons et 22 filles.

Le taux de scolarisation est passé au niveau national de 76% à 88% dès la première année de la mise en œuvre du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO), a indiqué la délégation, se réjouissant que ce Programme ait permis à plus de 1,4 million d’enfants d’accéder gratuitement à l’éducation de base. Interrogée sur les frais de scolarité, la délégation a indiqué que l’uniforme scolaire est, certes, à la charge des parents, mais a fait valoir que l’État subventionne toute une série de services – repas chauds et livres de formation inclus. Le Comité ayant évoqué des problèmes liés à la mise en œuvre du PSUGO, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait en effet découvert que certaines écoles financées par le PSUGO s’étaient révélées être des écoles fantômes; les autorités essaient dès lors de mettre de l’ordre dans le programme. De plus, au démarrage du programme, la qualité de l’enseignement n’était pas très élevée, l’objectif étant surtout d’enrôler un maximum d’enfants. Mais l’accent a progressivement été mis sur la qualité de l’enseignement et notamment sur la formation des enseignants. En outre, pour faire partie et bénéficier du PSUGO, il faut maintenant remplir un certain nombre de critères, notamment en matière sanitaire et d’accès à l’eau potable.

S’agissant des questions de santé, la délégation a fait état d’une baisse du taux de mortalité infantile. Le taux de malnutrition est passé de 10% à 5%, a-t-elle en outre indiqué. Des efforts ont également été faits pour promouvoir encore davantage l’accès à l’eau potable; des travaux d’assainissement ont été effectués dans les 16 communes les plus touchées par le choléra, l’objectif étant d’assurer l’accès à l’eau potable et de lutter contre la défécation à l’air libre.

La délégation a par ailleurs fait état de programmes d’éducation sexuelle à l’école et de promotion de la contraception pour éviter les grossesses précoces.

L’avortement est interdit en Haïti mais il se pratique – et pas uniquement de façon clandestine, a indiqué la délégation. De vastes campagnes d’information sont menées sur les risques que peut entraîner l’avortement; elles découragent fortement l’avortement comme moyen de contraception. La délégation a par ailleurs reconnu que la question de la dépénalisation de l’avortement est un sujet complexe qui heurte souvent les convictions religieuses.

Des inquiétudes ayant été exprimées au sujet des conditions de vie dans les institutions pour enfants handicapés, la délégation a assuré que les centres qui ont obtenu l’autorisation de fonctionner – au nombre de douze à travers le pays – doivent respecter des normes strictes.

La délégation a par ailleurs indiqué qu’il y a eu un cas d’abus sexuel commis sur mineur par un Casque bleu. Un suivi psychologique a été offert à la victime et le Commissaire du Gouvernement a fait son travail, du côté de la justice haïtienne; mais comme il s’agit d’un cas impliquant un Casque bleu des Nations Unies, c’est maintenant à l’Organisation et au pays dont est ressortissant le soldat concerné qu’il incombe d’intervenir.

Quant aux conditions de vie dans les camps de réfugiés, la délégation a reconnu qu’elles sont difficiles. Il y a actuellement sept camps en Haïti, a-t-elle précisé. Les autorités s’efforcent de faire en sorte que les conditions dans ces camps soient les meilleures possibles et de promouvoir la réinsertion des personnes qui s’y trouvent dans la société, afin qu’elles puissent avoir une vie normale.

S’agissant des nombreux camps de déplacés internes établis suite au tremblement de terre, le Gouvernement haïtien a mis un point d’honneur à faire disparaître ces camps; il n’y en a plus aucun à ce jour, a souligné la délégation.

Conclusions

MME ALDOSERI, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport haïtien, a salué la franchise et l’ouverture dont a fait preuve la délégation tout au long de ce dialogue. Elle a souligné que ce dialogue visait à apporter l’aide du Comité aux efforts déployés pour améliorer les droits de l’enfant en Haïti. La corapporteuse a insisté sur l’importance de mettre sur pied un mécanisme de collecte de données fiables et ventilées – une condition fondamentale pour que soient assurés les services appropriés.

M. GASTAUD, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport d’Haïti, a remercié les membres de la délégation pour les informations utiles qu’ils ont partagées avec le Comité. MME AHO ASSOUMA, corapporteuse pour l'examen du rapport haïtien, a félicité les autorités haïtiennes pour les efforts réalisés après le séisme et a salué l’engagement du pays à améliorer la situation des enfants en Haïti. Elle a en particulier souhaité que les autorités poursuivent leurs efforts dans le domaine de la santé et en vue d’éliminer les pires formes de travail des enfants.


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CRC16/009F