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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE CÉLÈBRE LE CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTIONr

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a célébré aujourd'hui le cinquantième anniversaire de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965 et entrée en vigueur le 4 janvier 1969.

Dans le cadre de cette commémoration, le Comité a tenu deux réunions en salle XX du Palais des Nations, consacrées respectivement aux réalisations de ces cinquante dernières années à porter au crédit de la Convention et de son organe de surveillance et aux défis actuels et aux moyens d'avancer dans l'application de la Convention afin d'éliminer toutes les formes de discrimination raciale.

Ces réunions ont bénéficié de la participation de deux anciens membres du Comité MM. Patrick Thornberry et Régis de Gouttes; du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, M. Mutuma Ruteere; de la Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités, Mme Rita Izsák; de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Lucía Tauli-Corpuz; de la Présidente du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, Mme Mireille Fanon-MENDÈS-France; du Haut-Commissaire assistant en charge de la protection internationale au Haut-Commissariat pour les réfugiés, M. Volker Türk; de la Présidente du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme, Mme Nimalka Fernando; de la Représentante à Genève du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme, Mme Katharina Rose; ainsi que de la Présidente du Conseil d'administration du Groupement pour les droits des minorités, Mme Gay McDougall, qui a également été membre du Comité. Les réunions étaient animées par deux membres du Comité, Mmes Patricia Nozipho January-Bardill et Anastasia Crickley.

De nombreux représentants d'États parties ont pris part aux discussions: Pakistan (y compris au nom de l'OCI), Brésil, Égypte, Belgique, Slovénie, Finlande, Colombie, France, Guatemala, Danemark, Espagne, Afrique du Sud, Royaume-Uni, Thaïlande, Venezuela, Grèce, Inde, Bolivie, Japon, Serbie, Argentine, Canada, Libye, Luxembourg, Iran, Équateur, Union européenne. Sont également intervenus des représentants d'organisations non gouvernementales: International Dalit Solidarity Network; US Human Rights Network; Lawyers Association of Zainichi Koreans; Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme; Black Mental Health Group – UK; Association des citoyens du monde.

Au cours des débats il a notamment été souligné que si la discrimination n'a certes pas disparu partout, elle a été délégitimée, grâce en particulier aux travaux du Comité. De nombreux intervenants ont insisté sur l'importance d'une ratification universelle de la Convention et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme a fait valoir le rôle de relais qu'il peut jouer dans ce contexte en effectuant des visites dans des États qui ne sont pas encore parties. La lutte contre le racisme et la discrimination raciale ne saurait se passer de nouvelles normes complémentaires permettant de lutter contre ces phénomènes, a estimé l'Égypte, rejointe dans cette analyse par le Venezuela; la France a estimé qu'il fallait plutôt une application pleine et entière des dispositions existantes de la Convention.

La Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités a déploré le peu de changement intervenu, en fait, dans la vie de nombreuses minorités qui souffrent encore de préjugés et a estimé qu'en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, le cœur du problème n'est pas le manque de législation mais bien les préjugés et le racisme qu'ils nourrissent. La Présidente du Groupe de travail sur les personnes d'ascendance africaine s'est pour sa part inquiétée de «signes inquiétants d'un retour en arrière» qui requiert que les autorités y apportent une réponse adéquate. La Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine constitue une occasion de renouveler l'engagement de tous contre toutes les formes de racisme et de discrimination raciale, a-t-il été souligné. Actuellement, s'il est un défi qu'il faut affronter collectivement, il s'agit bien de celui ayant trait à la tendance croissante à la xénophobie aux différents niveaux de la société, a déclaré le Haut-Commissaire assistant pour les réfugiés; le défi majeur de ces prochaines années sera celui des politiques et discours populistes et toxiques.

Une ancienne membre du Comité a souligné les défis auxquels le Comité est confronté en matière notamment de sensibilisation de la société civile, de surveillance du respect par les États de leurs engagements au titre des objectifs de développement durable pour l'après 2015, d'une meilleure compréhension par les États parties de la pertinence du respect de leurs obligations dans le contexte des nouvelles circonstances auxquelles font face les minorités dans les zones urbaines.

Un autre ancien membre du Comité a fait observer que si le Comité est parvenu à renforcer progressivement l'application de la Convention, il doit poursuivre ses efforts pour répondre aux défis actuels: l'aggravation des conflits interethniques et religieux; la multiplication des politiques «sécuritaires» face au terrorisme; les migrations; les nouvelles formes de diffusion des idées racistes, ainsi que la propagation des discours de haine raciale, ethnique ou religieuse. Face à ces défis, il faut que le Comité utilise de façon plus effective les procédures mises à sa disposition par la Convention.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Lituanie (CERD/C/LTU/6-8).


Aperçu des débats

Déclaration liminaire

M. JOSÉ FRANCISCO CALÍ TZAY, Président du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a souligné l'importance pour tous les participants de célébration aujourd'hui des cinquante ans de l'adoption de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Depuis l'adoption de cet instrument le 21 décembre 1965, des progrès ont été réalisés, notamment la décolonisation et à la fin de l'apartheid; mais la lutte contre le racisme n'est pas terminée. Le Président a dénoncé en particulier l'attitude de politiciens qui cherchent à tirer profit des sentiments de crainte de parties de la population pour faire avancer leurs intérêts égoïstes. M. Calí Tzay a fait observer que le Comité ne pouvait mener à lui seul la lutte contre le racisme; il faut le soutien des gouvernements, de la société civile et de toutes les autres parties prenantes. Il faut œuvrer ensemble à la création d'une seule conscience collective associée à une seule et unique famille humaine, a conclu M. Calí Tzay.

Réunion sur le thème: «50 années de réalisations – enseignements tirés et bonnes pratiques»

En tant qu'animatrice des débats, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, membre du Comité, a insisté sur le souhait du Comité de faire en sorte que cette séance prenne la forme d'une réunion interactive.

M. PATRICK THORNBERRY, ancien membre du Comité (2001-2014), a rappelé que l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) avait mené un important travail de déconstruction du concept de race. Il a aussi rappelé que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale était né dans un contexte de décolonisation et de lutte contre l'apartheid. L'expert a ensuite attiré l'attention sur les principales évolutions des cinq dernières décennies s'agissant des formes que peut prendre la discrimination, citant notamment la discrimination directe ou indirecte. M. Thornberry a d'autre part souligné que depuis sa création, le Comité s'est également penché sur les problèmes de discrimination dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Il a en outre rappelé que le Comité avait développé un processus d'alerte précoce. M. Thornberry a conclu que la Convention fonctionne, en partenariat avec la société civile, qui joue un rôle de plus en plus important. Il a notamment fait valoir que la discrimination de la part de l'État était de plus en plus considérée comme étant inacceptable. La discrimination n'a certes pas disparu partout, mais elle a été délégitimée.

M. MUTUMA RUTEERE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie (depuis 2011), a déclaré que dans le contexte actuel, cette journée de célébration du cinquantième anniversaire de la Convention vient à point nommé pour rappeler aux États qu'ils se doivent de lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination. Il faut veiller à ce que les droits des réfugiés et des migrants soient respectés et que les actes de racisme et de discrimination soient punis, a-t-il insisté. Les mandats respectifs du Comité et du Rapporteur spécial se complètent, a par ailleurs souligné M. Ruteere. Il a ensuite rendu compte des activités qu'il a menées depuis sa nomination en tant que Rapporteur spécial. La pleine mise en œuvre de la Convention est toujours gênée, entre autres, par le fait que qu'elle ne jouit pas d'une ratification universelle, a poursuivi M. Ruteere, insistant sur le rôle de relais qu'il pouvait jouer dans ce contexte en effectuant des visites dans des États qui n'en sont pas encore parties. Les questions de racisme ne sont malheureusement souvent pas prioritaires dans les programmes politiques des États, a déploré le Rapporteur spécial; en fait, les discours à caractère raciste et discriminatoire sont même mobilisés à des fins politiques dans certains pays.

MME RITA IZSÁK, Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités (depuis 2011), a exposé son parcours personnel, soulignant qu'elle souhaitait participer à cette réunion non seulement en tant que Rapporteuse spéciale, mais aussi en tant que femme rom. Elle s'est dite heureuse que le Comité ait la possibilité d'étudier la question des droits des minorités, s'agissant notamment de la participation à tous les secteurs de la vie des sociétés ou encore de promotion des langues des minorités. Mme Izsák a toutefois déploré le peu de changement intervenu dans la vie de nombreuses minorités qui souffrent encore de préjugés. Le cœur du problème ce n'est pas le manque de législation mais bien les préjugés et le racisme qu'ils nourrissent, a-t-elle conclu.

MME KATHARINA ROSE, Représentante à Genève du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme (CIC), a rappelé qu'il y a cinquante ans, les institutions nationales de droits de l'homme n'étaient pas reconnues par les Nations Unies et que seules quelques-unes avaient été créées. Désormais, depuis une vingtaine d'années, ces institutions nationales sont prises en compte et intégrées dans les travaux des Nations Unies. Sur plus d'une centaine de ces institutions accréditées auprès du CIC, 72 sont accréditées avec le statut A, c'est-à-dire qu'elles respectent totalement les Principes de Paris, a précisé Mme Rose. Ces institutions jouent un rôle essentiel pour la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l'homme et l'évaluation de leur application; elles jouent un rôle de passerelle entre les niveaux local et international. Beaucoup d'institutions nationales de droits de l'homme ont encouragé l'élaboration et la mise en œuvre de plan d'action de lutte contre le racisme, a notamment fait valoir Mme Rose. Elles travaillent directement avec les victimes de racisme et de discrimination raciale et, pour certaines d'entre elles, peuvent se saisir directement de plaintes et les transmettre à la justice.

MME NIMALKA FERNANDO, Présidente du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme (MIDRA), a souligné que la Convention avait toujours été considérée comme revêtant une importance majeure pour le MIDRA car c'est cet instrument qui se rapproche le plus de ses objectifs. Le MIDRA a publié en 2001 un guide à l'intention des ONG, suivi d'une version mise à jour en 2011, qui explique la Convention et le Comité. En outre, le MIDRA fournit les services de transmission vidéo sur Internet des réunions du Comité, a fait valoir Mme Fernando. Elle a attiré l'attention sur les risques que prennent les défenseurs des droits de l'homme qui collaborent avec les organes conventionnels. Mme Fernando a par ailleurs rappelé que c'est aux États parties qu'incombe en premier lieu l'obligation de prendre des mesures de mise en œuvre de la Convention et a fait observer qu'à ce jour, sur 177 États parties, 91 accusent un retard dans la présentation de leur rapport. En outre, seuls 57 États parties ont fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et reconnaissant la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles. Le renforcement dramatique des partis et mouvements politiques xénophobes et l'incitation à la violence, à la haine et à la discrimination raciales sont alarmants, a par ailleurs déclaré Mme Fernando. «Aujourd'hui, même dans les sociétés démocratiques, nous assistons à l'émergence de forces racistes puissantes», a-t-elle ajouté.

Au cours des échanges de vues qui ont suivi ces interventions, il a été souligné que depuis son adoption, la Convention avait évolué avec le temps afin de relever les défis qui se présentent en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. De nombreuses délégations ont mis l'accent sur l'importance de parvenir à sa ratification universelle.

La lutte contre le racisme et la discrimination raciale ne pourra pas être menée sans l'élaboration de nouvelles normes complémentaires permettant de lutter contre ces phénomènes, a estimé la délégation égyptienne. La délégation française a au contraire estimé qu'il fallait, non pas des normes complémentaires, mais bien une application pleine et entière des dispositions existantes de la Convention.

Des intervenants ont attiré l'attention sur certaines formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale, citant notamment les pratiques de profilage. Ont également été dénoncées les formes d'extrémisme, y compris dans les discours politiques, qui se propagent dans nombre de pays. Il a par ailleurs été rappelé que la recommandation générale n°29 du Comité concernant la discrimination fondée sur l'ascendance est fondamentale pour la promotion des droits de l'homme des Dalits.

Le Comité est particulièrement utile pour les personnes qui souhaitent porter plainte et dont les recours nationaux ont été épuisés, a fait valoir une intervenante.

Aujourd'hui, il faut partager les points de vues et les bonnes pratiques pour faire progresser l'élimination de toutes les formes de racisme et de discrimination raciale à travers le monde, a-t-il été souligné. Une délégation a insisté sur l'outil primordial que constitue l'éducation aux fins de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Une délégation a fait valoir que la Conférence mondiale sur le racisme qui s'était tenue à Durban (Afrique du Sud) en 2001 et la Déclaration et le Programme d'action qui y avaient été adoptés avaient eu un effet multiplicateur pour la Convention et ses objectifs.

Le Brésil a rappelé qu'au tout début du mois prochain, il allait accueillir la première conférence régionale - pour la région de l'Amérique latine et des Caraïbes - sur les personnes d'ascendance africaine. La Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine constitue une occasion de renouveler l'engagement de tous contre toutes les formes de racisme et de discrimination raciale, a souligné une autre délégation.

La Thaïlande a indiqué qu'elle envisageait actuellement de lever la réserve qu'elle maintient à l'égard de l'article 4 de la Convention (interdisant la diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale et les organisations qui incitent à la discrimination raciale).

Il a par ailleurs été souligné que seize États parties n'ont jamais présenté leur rapport initial.

S'agissant des réfugiés et migrants, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme a indiqué qu'il entendait se pencher sur la question de voir comment, dans le cadre du droit humanitaire international, la communauté internationale pouvait venir en aide aux populations en mouvement. Les migrations recèlent l'une des nouvelles formes de discrimination, a pour sa part déclaré M. Thornberry.

Il est incontestable que le racisme déshumanise chacun de nous, que nous en soyons victime ou auteur et même si nous n'en avons pas conscience, a déclaré Mme January-Bardill en conclusion de la discussion.

Réunion sur les défis actuels et les moyens d'avancer

En tant qu'animatrice de ce débat, MME ANASTASIA CRICKLEY, membre du Comité, a rappelé qu'il s'agissait d'identifier les défis à relever actuellement en matière de lutte contre le racisme et la discrimination, ainsi que les pistes qui permettraient d'aller de l'avant. Il s'agit en somme de réfléchir à la manière d'utiliser au mieux la Convention pour relever ces défis.

M. RÉGIS DE GOUTTES, ancien membre du Comité (1990-2014), a indiqué qu'au cours des 24 années qu'il a passées au Comité, il avait pu constater combien il était parvenu à renforcer progressivement l'application de la Convention, en se dégageant de l'interprétation par trop légaliste de ses premiers temps et en interprétant de façon constructive et vivante cet instrument. Mais le Comité doit poursuivre ses efforts pour répondre aux défis de nos sociétés actuelles: l'aggravation des conflits interethniques et religieux, qui peuvent aller jusqu'à des conflits de type génocidaire; la multiplication des politiques «sécuritaires» face au terrorisme et toutes leurs incidences sur les libertés individuelles; les migrations et déplacements massifs de population; les nouvelles formes de diffusion des idées racistes, par Internet, par les médias, par les personnalités politiques, ainsi que la propagation des discours de haine raciale, ethnique ou religieuse.

Face à ces défis, il faut que le Comité utilise de façon plus effective les procédures mises à sa disposition par la Convention et renforce son mode de fonctionnement, a estimé M. de Gouttes. En ce qui concerne la procédure d'examen des rapports des États parties, il convient de poursuivre et de généraliser la pratique consistant à envoyer à l'État une liste de points à traiter lors de la séance publique d'examen. Le dialogue est également à renforcer avec les institutions nationales de droits de l'homme et avec les organisations non gouvernementales. Après l'examen des rapports et l'adoption des observations finales, il convient par ailleurs de poursuivre et de renforcer la procédure de suivi, qui constitue probablement l'une des innovations les plus déterminantes pour l'effectivité de l'application de la Convention, car elle a permis d'instituer une véritable permanence dans le contrôle du respect de leurs obligations conventionnelles par les États parties. M. de Gouttes a notamment suggéré de relancer la pratique des visites d'experts dans les pays afin de faire en sorte que les États parties comprennent et appliquent mieux la procédure de présentation de rapport.

Quant à la procédure des plaintes individuelles, si des progrès ont été accomplis, avec l'acceptation de cette procédure par 57 États à ce jour et un nombre de plaintes portées à l'attention du Comité en augmentation, cela ne suffit évidemment pas puisque sur 177 États parties, seuls 57 ont accepté cette procédure. M. de Gouttes a recommandé que les États qui ne l'ont pas encore fait soient instamment appelés à accepter la procédure de plaintes prévue à l'article 14 de la Convention et que ceux qui ont accepté cette procédure mettent en œuvre plus effectivement les recommandations formulées par le Comité, en particulier pour ce qui est de la réparation adéquate aux victimes. M. de Gouttes a enfin estimé que, «surtout dans la période que nous vivons de conflits violents et de situations d'urgence», il serait important de renforcer le mécanisme associé à la procédure dite d'alerte rapide et d'action urgente que le Comité a instituée en 1993 pour réagir aux situations de crise et de menaces racistes imminentes.

MME MIREILLE FANON-MENDÈS-FRANCE, Présidente du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a expliqué que le Groupe de travail se concentrait particulièrement sur le «racisme racialisant» - racisme particulier puisque c'est «le seul construit en raison de la couleur de la peau». Avant de proposer des solutions, il est important d'identifier les secteurs dans lesquels se manifeste quotidiennement la discrimination raciale qu'éprouvent les personnes d'ascendance africaine et les Africains dans toutes les parties du monde. Force est de constater qu'ils sont face à une discrimination structurelle basée sur un «délit de faciès» entre autres dans les secteurs de l'éducation et de l'emploi, de la santé, mais aussi dans le système de la justice pénale. Ce type de discrimination entraîne une invisibilité structurellement construite qui se traduit par un manque de représentation à différents niveaux de l'État, a poursuivi Mme Fanon-Mendès-France, avant de s'inquiétant de signes inquiétants d'un retour en arrière que nous aurions aimé croire impossible et qui requiert que les autorités y apportent une réponse adéquate.

Rappelant les préoccupations que nourrit depuis longtemps son Groupe de travail au sujet de la discrimination raciale que rencontrent les Afro-Américains à tous les niveaux de leur vie, elle a annoncé que le Gouvernement des États-Unis avait accepté d'inviter à nouveau le Groupe pour assurer une visite de suivi à celle qu'il avait effectuée en 2010: cette nouvelle visite aura lieu du 19 au 28 janvier 2016. En conclusion, Mme Fanon-Mendès-France a exprimé l'espoir qu'avec une volonté commune, «nous parvenions, avant le centième anniversaire de la Convention, à la fin de la discrimination raciale».

Dans un message enregistré, MME VICTORIA LUCÍA TAULI-CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, a félicité le Comité pour le travail qu'il a accompli en faveur de la protection des droits des populations autochtones, rappelant que cet organe avait adopté une observation générale centrée sur les droits de ces peuples et avait adopté une décision concernant la légalité de la démarcation de terres autochtones. Mme Tauli-Corpuz a par ailleurs salué la procédure d'alerte rapide et d'action urgente qui permet au Comité de faire rapidement face à des situations préoccupantes auxquelles sont confrontées des populations autochtones, notamment du fait d'un certain nombre d'activités minières.

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire assistant en charge de la protection internationale au Haut-Commissariat pour les réfugiés, a assuré que la Convention était chère au cœur du HCR, alors que chacun sait ce que traverse actuellement le monde. En 2014, plus de 60 millions de personnes ont été déplacées suite à des situations de conflits, de violence et de violations des droits de l'homme, a-t-il rappelé. Actuellement, s'il est un défi qu'il faut relever collectivement, il s'agit bien de celui ayant trait à la tendance croissante à la xénophobie aux différents niveaux de la société, que ce soit au niveau politique, au niveau de la société civile ou au niveau des médias. Le défi majeur de ces prochaines années sera celui des politiques et discours populistes et toxiques, a insisté M. Türk. La majorité des dix millions d'apatrides dans le monde appartiennent à un groupe minoritaire, ce qui montre bien qu'il y a discrimination dans ce contexte, a par ailleurs fait observer le Haut-Commissaire assistant.

MME GAY MCDOUGALL, Présidente du Conseil d'administration du Groupement pour les droits des minorités, a attiré l'attention sur trois défis auxquels, selon elle, le Comité est confronté. En premier lieu, il y a le défi de l'effectivité, a-t-elle précisé, attirant l'attention sur les défis procéduraux que constituent le suivi des observations finales, la promotion de synergies entre le Comité et les procédures spéciales pertinentes, la nécessité de promouvoir la visibilité des travaux du Comité, ou encore la nécessité d'améliorer la sensibilisation de la société civile au niveau local. En deuxième lieu, Mme McDougall a fait observer que pour les minorités et les peuples autochtones, qui étaient largement ignorés dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement, le Comité peut jouer un rôle important en surveillant la manière dont le respect par les États de leurs engagements au titre des objectifs de développement durable pour l'après-2015 s'applique aux groupes protégés par la Convention, notamment dans le contexte de l'Objectif n°10: Réduire les inégalités dans les pays et d'un pays à l'autre. Enfin, faisant observer que les minorités qui migrent, volontairement ou par contrainte, vers des zones urbaines sont souvent confrontées à de nouvelles réalités caractérisées par la ségrégation, le manque de services, la violence ciblée et l'exclusion sociale, Mme McDougall a estimé que le Comité pourrait jouer un rôle important en aidant les États parties à mieux comprendre en quoi leurs obligations au titre de la Convention ont une pertinence particulière du point de vue des nouvelles circonstances auxquelles font face les minorités dans les zones urbaines.

Au cours des échanges de vues qui ont suivi ces interventions, le Pakistan, au nom de l'OCI, a relevé une aggravation récente des formes contemporaines de racisme à travers le monde et s'est dit particulièrement préoccupé que les musulmans du monde entier soient particulièrement victimes de ce racisme. Le Pakistan a en outre insisté sur la nécessité de respecter les droits humains des migrants et des réfugiés, d'incriminer les discours de haine et de combattre le profilage religieux et racial. En dépit de quelques progrès dans la lutte contre ces phénomènes, le racisme et la discrimination raciale restent préoccupants à travers le monde, a pour sa part déploré l'Iran, attirant notamment l'attention sur la situation des personnes d'ascendance africaine et certaines violences policières à leur encontre. La lutte contre le terrorisme, si elle est certes une priorité, ne doit pas faire tomber dans la piège de la discrimination raciale, a souligné la délégation iranienne; il faut combattre à la fois le terrorisme et le racisme, a-t-elle dit, avant de déplorer la suspicion qui frappe les réfugiés et les migrants, en particulier en Europe.

Une organisation non gouvernementale a attiré l'attention sur la situation des minorités ethniques coréennes au Japon, déplorant le manque d'efforts déployés par ce pays pour appliquer les recommandations que lui a adressées le Comité à ce sujet. Une autre ONG a regretté le manque de mesures concrètes prises dans le cadre de l'actuelle Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine pour l'amélioration de la situation des millions de personnes d'ascendance africaine qui continuent de vivre dans la pauvreté à travers le monde, une pauvreté ayant des causes structurelles. Si rien n'est fait, l'actuelle Décennie internationale risque d'être une décennie perdue, a insisté l'ONG. Deux autres ONG ont porté leur attention sur l'exclusion économique et sociale dont sont victimes les Noirs au Royaume-Uni et les violences policières dont ils sont victimes aux États-Unis. L'attention a plus largement été attirée sur les discriminations dont sont victimes les quelque 200 millions de personnes d'ascendance dans les Amériques, ainsi que les quelque dix millions de personnes d'ascendance africaine en Europe.

Parmi les membres du Comité, un expert s'est inquiété du chiffre mentionné par une ONG qui a fait état de 1027 personnes d'ascendance africaine victimes en une année d'homicides imputables à des membres des forces de l'ordre aux États-Unis. Il faut que le Comité se penche sur un certain nombre de questions nouvelles comme celle de la signification de l'identité culturelle et de la diversité culturelle ainsi que celle des nouveaux flux migratoires, a estimé un expert. Un autre membre du Comité a insisté sur l'importance que revêt la lutte contre la discrimination structurelle que subissent certaines minorités dans de nombreux pays; il s'agit là d'un important défi pour le Comité, a-t-il souligné.

Face à la résurgence de politiques, discours et pratiques racistes et xénophobes, le Venezuela a plaidé pour l'adoption de normes complémentaires à la Convention.

Un membre du Comité a soulevé la question de la capacité des États à faire face à la libération actuelle des discours racistes et a insisté sur l'importance que revêt à cet égard l'article 4 de la Convention. Un autre expert a insisté sur la nécessité de distinguer requérants d'asile et réfugiés au sens de la Convention de Genève et migrants, en situation régulière ou irrégulière. Défendre l'idée que toute personne qui le souhaite peut se rendre dans tout pays sans y être invitée (acceptée) est intenable, a affirmé cet expert, avant de plaider pour une coopération internationale accrue aux fins de la résolution des problèmes de migration, faute de quoi des conséquences néfastes ne manqueront pas de se manifester, au nombre desquelles la recrudescence de la xénophobie. Une intervenante a insisté sur la nécessité pour le Comité d'adopter une attitude ferme et des mesures vigoureuses pour assurer la mise en œuvre de ses recommandations. Il est important que le Comité soit davantage visible et entendu dans le contexte actuel où des événements très troublants se produisent dans le monde.

En conclusion du débat qu'elle animait, MME CRICKLEY a notamment relevé que de nombreux appels avaient été lancés, durant cette journée de discussions, en faveur d'une visibilité accrue des travaux du Comité.


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CERD15/030F