Fil d'Ariane
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE: AUDITION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU SUJET DU RAPPORT DU SAINT-SIÈGE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entendu, ce matin, des intervenants de la société civile au sujet de la mise en œuvre par le Saint-Siège de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dont le rapport sera examiné cet après-midi et demain matin.
Le Comité a entendu l'Archevêque Wilton Gregory de l'Archidiocèse catholique romain d'Atlanta et les organisations non gouvernementales Alliance Defending Freedom et Apaché-Ndé-Nneé Working Group. Cette dernière a notamment relevé que le rapport du Saint-Siège au Comité ne faisait aucune mention des peuples autochtones. En outre, le Saint-Siège revendique une juridiction sur certaines terres ancestrales, en Californie par exemple, au mépris de la justice. Le Saint-Siège doit endosser sa responsabilité face au colonialisme: le pouvoir colonial qui provient de la doctrine de l'Église «a cherché à imposer des choses aux peuples autochtones qui ont pourtant le droit de ne pas être gouvernés par des régimes coloniaux». L'Alliance, tout en soulignant que l'Église avait toujours eu à cœur de respecter l'égalité de tous les êtres humains, a regretté le faible nombre de cardinaux provenant de certaines régions du monde, notamment d'Afrique.
Pour sa part, l'Archevêque Gregory a déploré qu'un certain nombre d'États des États-Unis aient adopté des lois préjudiciables aux catholiques en mettant fin à l'aide financière de l'État aux parents qui choisissent d'envoyer leurs enfants dans une école catholique.
Ces interventions ont été suivies d'un échange de vues entre les membres du Comité et les représentants de la société civile.
Le rapport périodique du Saint-Siège (CERD/C/VAT/16-23) sera examiné cet après-midi, à partir de 15 heures, et demain matin.
Aperçu des déclarations
Exposés de représentants de la société civile
L'Archevêque Wilton Gregory de l'Archidiocèse catholique romain d'Atlanta a fait part d'un certain nombre de graves préoccupations au sujet de la vie des enfants appartenant aux minorités afro-américaine et hispanique aux États-Unis qui souhaitent fréquenter des écoles catholiques. Il a déclaré que les écoles catholiques aux États-Unis se sont de tout temps mises à la disposition des pauvres et n'ont jamais cessé d'être pour eux une source d'inspiration et de formation pour leur permettre de prendre part à la vie du pays. Il a aussi souligné l'échec de la tentative de longue date d'un président de la Chambre des Représentants de mettre fin à l'aide financière de l'État aux parents qui choisissent d'envoyer leurs enfants dans une école catholique. Mais un certain nombre d'États américains «se sont permis d'adopter des lois» sur l'aide financière qui sont préjudiciables aux catholiques. Le Gouvernement des États-Unis devrait se pencher sur les répercussions de ce type de lois sur les enfants des minorités qui n'ont ainsi plus la possibilité de recevoir une instruction dans les écoles catholiques.
Apaché-Ndé-Nneé Working Group a attiré l'attention sur l'esclavage auquel a été réduit le peuple apache de 1829 à 1865 - une histoire qui n'a jamais été écrite -, ainsi que sur les lois foncières préjudiciables au peuple apache. De nombreux Apaches vivant sur leurs terres ancestrales mais aussi dans des zones urbaines continuent de mener un combat ancestral, a-t-elle ajouté, demandant que les États-Unis reconnaissent que la pratique de l'ethnocide se poursuit encore aujourd'hui dans ce pays, alors que de nombreux Apaches sont aujourd'hui parqués dans des réserves.
L'organisation a souligné que, depuis la dernière comparution du Saint-Siège devant le Comité, de nombreux progrès ont été accomplis concernant les peuples autochtones, mais a relevé que le rapport du Saint-Siège au Comité ne faisait aucune mention des peuples autochtones. Il faut mettre en place une commission de la vérité concernant les peuples autochtones et notamment le peuple apache, qui doit recouvrer ses droits sur ses terres ancestrales, a-t-elle déclaré. Le Saint-Siège revendique une juridiction sur certaines terres ancestrales, en Californie par exemple, au mépris de la justice, a insisté l'ONG. Elle a plaidé pour accès des peuples autochtones au processus de décolonisation. L'organisation non gouvernementale a souligné que les peuples autochtones cherchaient à respecter l'équilibre, l'harmonie, l'amour et l'égalité de tous les êtres vivants. Le pouvoir colonial qui provient de la doctrine du Saint-Siège a cherché à imposer certaines choses aux peuples autochtones qui ont pourtant le droit de ne pas être gouvernés par des régimes coloniaux, a-t-il déclaré, ajoutant que «Dieu est la seule autorité morale de l'univers». Le Saint-Siège doit endosser sa responsabilité face au colonialisme, a insisté l'orateur.
Alliance Defending Freedom a souhaité attirer l'attention sur la différence de souveraineté qui existe entre le Saint-Siège et la Cité-État du Vatican, rappelant notamment que le Saint-Siège faisait référence au Pape et à la Curie romaine. L'orateur a déploré le faible nombre de cardinaux provenant, notamment, d'Afrique. En dépit de certaines défaillances, propres à toute institution humaine, l'Église a toujours eu à cœur de respecter l'égalité de tous les êtres humains, a-t-il par ailleurs souligné.
Échange de vues
Un membre du Comité a fait observer que les recommandations adressées ce matin par le premier intervenant dans le contexte de l'examen du rapport du Saint-Siège s'adressent en fait à «l'État qui réglemente les écoles», à savoir les États-Unis, et non pas au Saint-Siège. Ce que vous voulez, a déclaré un autre expert, «c'est maintenir les privilèges et spécificités de vos écoles catholiques tout en bénéficiant de l'argent de l'État; en somme, comme on dit en français, "vous voulez le beurre et l'argent du beurre"», a-t-il commenté.
Un expert s'est enquis de données ventilées concernant l'origine ethnique des cardinaux. Selon les ONG, que pourrait faire le Saint-Siège pour donner réparation au peuple apache, a demandé un autre expert?
C'est l'État du Vatican qui doit répondre devant le Comité de la mise en œuvre de la Convention, a rappelé un membre du Comité; mais il semble ressortir d'interventions faites ce matin que certains font un amalgame entre le Saint-Siège et l'Église. En ce qui concerne les actes du passé, ce qui intéresse le Comité, c'est l'évaluation non pas de ces actes en eux-mêmes, mais de leurs conséquences actuelles, a souligné un expert.
Une organisation non gouvernementale a rappelé que les peuples premiers ont été considérés comme inférieurs, les colons ayant pris la décision de conserver pour eux-mêmes toutes les terres et décidé d'imposer une autorité morale aux peuples premiers.
Dans un processus d'établissement de la vérité historique, il faut que chaque partie choisisse ses experts, a souligné une organisation non gouvernementale.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CERD15/028F