Fil d'Ariane
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU DANEMARK
Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par le Danemark sur l'application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le Représentant permanent du Danemark auprès des Nations Unies à Genève a notamment rappelé que son pays était le principal auteur de la résolution annuelle de l'ONU contre la torture et qu'il était le troisième plus grand donateur au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture. M. Staur a insisté sur les conditions très strictes entourant le recours à l'isolement avant procès, dont le nombre a chuté, s'établissant à 36 cas en 2014. Le placement à l'isolement peut aussi être imposé à un prisonnier pour des raisons punitives ou préventives pour une période qui ne peut dépasser deux semaines que dans des cas exceptionnels; le nombre de cas de recours aux cellules disciplinaires a légèrement diminué depuis 2011 et les autorités œuvrent encore à le réduire. L'Autorité indépendante chargée d'examiner les plaintes contre la police, créée en janvier 2012, a enregistré en 2014 une hausse des plaintes déposées contre les agents de la police, ce qui semble indiquer que la population soit de plus en plus consciente de son existence. En matière de responsabilité de la police, les numéros de matricule permettant l'identification des agents devrait être appliquée en février 2016. La Commission d'enquête sur la participation danoise aux guerres d'Iraq et d'Afghanistan, établie en 2012, a cessé ses activités après les élections générales de juin dernier, le Gouvernement ayant estimé que les questions couvertes par cette Commission avaient «déjà été traitées de manière adéquate».
La délégation était également composée d'autres représentants du Ministère danois des affaires étrangères, ainsi que de l'Autorité indépendante des plaintes contre la police et des Ministères de la justice, de la défense et de la santé. Elle a répondu aux questions des experts s'agissant en particulier des fonctions de l'Autorité indépendante chargée d'examiner les plaintes contre la police; des conditions de placement de détenus en isolement; des questions d'immigration; de la lutte contre la traite; du recours à la force par les fonctionnaires chargés du maintien de l'ordre; du fait que les femmes détenues et les mineurs délinquants soient détenus dans les mêmes institutions pénitentiaires que les hommes; du Mémorandum d'accord avec l'Afghanistan concernant le transfert de détenus; des vols de transfèrement de détenus de la CIA; de la décision de démanteler la Commission d'enquête sur la participation du Danemark aux guerres d'Iraq et d'Afghanistan. À cet égard, la délégation a notamment indiqué que l'on procédait actuellement à un examen pour déterminer si les éléments étaient suffisants pour justifier une enquête, indiquant en particulier que 23 prisonniers iraquiens affirment avoir été torturés lors d'une opération conjointe d'unités danoise, britannique et iraquienne.
Le rapporteur pour l'examen du rapport danois, M. Alessio Bruni, s'est notamment interrogé sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement avait estimé qu'il fallait démanteler la Commission d'enquête sur la participation du Danemark aux guerres d'Iraq et d'Afghanistan. Il s'est par ailleurs intéressé aux allégations concernant des vols organisés par la CIA pour le transfèrement de détenus via le Danemark et le Groenland. Des préoccupations ont aussi été exprimées s'agissant du maintien de la pratique du placement en isolement. Le rapporteur s'est également inquiété d'informations selon lesquelles des mineurs non accompagnés arrivés au Danemark en provenance d'Afghanistan ces dernières années auraient été expulsés vers leur pays d'origine où, pour la plupart d'entre eux, ils ont été arrêtés, torturés, voire tués. Il a par ailleurs relevé que la loi sur les étrangers permet à un tribunal de prolonger pratiquement indéfiniment le délai limite de quatre semaines pour la détention d'un étranger. Mme Sapana Pradhan-Malla, corapporteuse,
A noté que le Danemark avait moins recours qu'auparavant à l'isolement cellulaire au cours de la détention avant procès mais cette pratique se poursuit. Plusieurs autres membres du Comité ont regretté que le Danemark utilise encore la pratique de l'isolement cellulaire comme sanction disciplinaire. Des inquiétudes ont également été exprimées de ce que des femmes détenues dans les prisons ne soient pas séparées des hommes et il a été demandé si les autorités s'assuraient toujours qu'il s'agissait d'un arrangement volontaire.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Danemark, qu'il rendra publiques après la clôture de la session le mercredi 9 décembre.
À midi, hier, lundi 16 novembre, le Comité a observé une minute de silence à la mémoire des victimes des attentats terroristes perpétrés ce week-end à Paris. Le Président du Comité, M. Claudio Grossman, a condamné les attaques terroristes perpétrées contre la France ce week-end, mais aussi contre divers autres pays ces derniers mois. Dénonçant cet acte barbare, il a exprimé sa solidarité à l'égard des victimes et de leurs familles et proches. Rien au monde, aucune cause, ne saurait justifier de tels actes, a insisté M. Grossman.
Le Comité entendra demain après-midi les réponses de la Chine (ainsi que Hong Kong et Macao) aux questions qui ont été adressées ce matin à la délégation après la présentation de ses rapports (CAT/C/CHN/5, CAT/C/CHN-HKG/5, CAT/C/CHN-MAC/5).
Présentation du rapport
Le Comité est saisi du sixième rapport périodique du Danemark (CAT/C/DNK/6-7).
M. CARSTEN STAUR, Représentant permanent du Danemark auprès des Nations Unies à Genève, a exprimé son chagrin et sa colère suite aux attentats terroristes qui ont frappé Paris ce week-end et d'autres parties du monde ces derniers mois.
M. Staur a ensuite rappelé que son pays avait été cette année, comme les années précédentes, le principal auteur de la résolution générale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en cours de négociation à l'Assemblée générale des Nations Unies. Il a également souligné que son pays était le troisième plus grand donateur au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture. Le Représentant permanent du Danemark a d'autre part indiqué que son pays avait eu l'intention d'inclure un représentant du Gouvernement du Groenland dans sa délégation mais avait dû y renoncer en raison d'un emploi du temps chargé du Parlement groenlandais.
M. Staur a en outre indiqué qu'en septembre 2014, le Danemark avait présenté un rapport répondant aux questions soulevées dans la liste de questions que lui avait adressée le Comité s'agissant de la mise en œuvre de la Convention. Une année s'étant écoulée depuis la présentation de ce rapport, le Représentant permanent a souhaité présenter une mise à jour en se concentrant sur les questions du placement en isolement dans le cadre de la détention avant procès et du recours au placement en isolement sur la base de décisions administratives; de la responsabilité de la police; et de la mise à jour de la partie du rapport danois traitant de la mise en œuvre de l'article 3 de la Convention.
M. Staur a insisté sur les conditions très strictes qui, dans la loi sur l'administration de la justice, entourent le recours au placement à l'isolement durant la détention avant procès, dont le nombre a chuté de 93,5% depuis 2001, s'établissant à 36 cas en 2014. Depuis 2011, personne de moins de 18 ans n'a été placé à l'isolement durant une période de détention avant procès, a-t-il ajouté. En dehors du cadre de la détention avant procès, le placement à l'isolement peut aussi être imposé à un prisonnier sur décision administrative, a poursuivi M. Staur. Le Service carcéral et de probation du Danemark peut décider de placer des prisonniers à l'isolement pour des raisons punitives ou préventives, a-t-il précisé. Dans ce cas, le placement dans une cellule disciplinaire pour des raisons punitives ne peut excéder quatre semaines et ne peut dépasser les deux semaines que dans des cas exceptionnels. Depuis 2011, le nombre de placements en cellules disciplinaires a légèrement décru. Les autorités danoises œuvrent encore à réduire le recours aux cellules disciplinaires, a assuré M. Staur.
Le chef de la délégation a fait valoir que l'Autorité indépendante chargée d'examiner les plaintes contre la police, créée en janvier 2012, traitait des plaintes concernant la conduite du personnel de la police et enquêtait sur les délits pénaux commis par les agents de police dans le cadre de leurs fonctions ainsi que sur les cas de décès ou de blessures durant les gardes à vue. En 2014, l'Autorité a enregistré une hausse des plaintes déposées contre les agents de la police, le nombre de plaintes étant passé de 1085 en 2013 à 1158 en 2014; il semble que la population soit de plus en plus consciente de l'existence de cette Autorité indépendante. Il n'est malheureusement pas possible dans le cadre du système de plaintes actuel de dire si ces plaintes concernaient la torture ou des mauvais traitements; néanmoins, les autorités danoises n'ont pas connaissance de cas d'agents de police qui auraient été accusés de torture ou de mauvais traitement conformément au code pénal danois, a déclaré M. Staur. À compter de janvier 2016, l'Autorité indépendante enregistrera spécifiquement les plaintes pour torture ou mauvais traitement portées contre des agents de police. En matière de responsabilité de la police, il convient en outre de rappeler qu'en avril 2014, le Ministre danois de la justice avait demandé à la Police nationale d'introduire dès que possible les numéros de matricule permettant l'identification individuelle des agents sur tous les uniformes de police; cette mesure devrait être appliquée en février 2016.
S'agissant enfin de la Commission d'enquête sur la participation danoise aux guerres d'Iraq et d'Afghanistan, établie en 2012, M. Staur a rappelé qu'elle avait été close après les élections générales danoises de juin dernier, le Gouvernement ayant estimé que les questions couvertes par cette Commission avaient déjà été traitées de manière adéquate. M. Staur a en outre rappelé qu'une enquête interne de la Défense danoise avait été close en décembre 2011, anticipant la création à venir de la Commission d'enquête susmentionnée. Dans ce contexte, le chef d'état-major des armées avait envoyé une lettre au Ministère de la défense concernant les résultats préliminaires de l'enquête. Cette lettre fut alors transmise au Parlement et des documents additionnels émanant de l'enquête de la Défense ont été rendus publics au début de cette année, a rappelé M. Staur. Suite à la publication de ces documents, le Service de poursuites militaires a engagé un examen pour savoir si l'information relative au transfert de détenus en Iraq était susceptible de servir de base au lancement d'une enquête pénale. En outre, une affaire civile concernant les opérations de détention en Iraq est en cours d'examen devant les tribunaux danois; étant donné que cette affaire est en cours, la délégation danoise ne sera pas en mesure de la commenter durant ce dialogue.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. ALESSIO BRUNI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Danemark, a souhaité savoir quels instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme le Danemark avait l'intention de transposer en droit interne, eu égard à la mission qui semble avoir été confiée en ce sens par le Gouvernement danois à un comité d'experts des droits de l'homme.
En dépit de la recommandation qui a été adressée par le Comité au Danemark afin que celui-ci fasse de la torture un crime spécifique, le pays maintient que tous les actes couverts par l'article premier de la Convention sont déjà couverts par les dispositions existantes de la loi pénale danoise et qu'aucune disposition spécifique concernant la torture ne s'avère donc nécessaire, a fait observer le rapporteur, rappelant que le Comité européen pour la prévention de la torture s'était lui aussi dit d'avis que le Danemark devrait incorporer dans son droit pénal interne un délit spécifique de torture.
Depuis 2008, a poursuivi M. Bruni, le droit national comporte une disposition spécifique faisant de la torture une circonstance aggravante pour la détermination de la peine en cas de violation du code pénal ou de violation du code pénal militaire: il s'agit en particulier de l'article 157 du code pénal, qui contient une définition de la torture, faute de quoi il serait impossible d'identifier cette circonstance aggravante. Aussi, M. Bruni s'est-il demandé pourquoi le Danemark avait choisi de lier le crime de torture à d'autres délits du code pénal plutôt que d'en faire un délit spécifique, distinct, devant être puni en soi et non en tant que circonstance aggravante. Quelle hausse de peine entraîne cette circonstance aggravante, a par ailleurs demandé le rapporteur?
S'agissant du principe de non-refoulement énoncé à l'article 3 de la Convention, M. Bruni s'est enquis des mesures qui seraient prises si, pendant son séjour dans le centre de détention Ellebæk pour migrants, un requérant d'asile révélait qu'il avait été victime de torture. Le responsable de cette institution alerterait-il les autorités judiciaires?
M. Bruni a d'autre part souhaité savoir si le Danemark avait mis en vigueur la directive du commandement des forces de défense (Forsvarskommandoen) danoises concernant les détenus, qui complète les directives spécifiques aux missions et qui contient une référence à la directive déjà existante sur l'interdiction de la torture. Il a ensuite souhaité savoir comment le Gouvernement en était parvenu à l'évaluation selon laquelle les questions couvertes par la Commission d'enquête sur la participation du Danemark aux guerres d'Iraq et d'Afghanistan – qui devait achever ses enquêtes d'ici novembre 2017 et a finalement été démantelée en août 2015 – avaient déjà été traitées de manière adéquate.
S'agissant de la question des assurances diplomatiques, le rapporteur s'est enquis d'éventuelles infractions constatées au Mémorandum d'accord concernant le transfert de personnes entre le contingent danois de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) et les autorités afghanes, et de la manière dont il a pu y être répondu. M. Bruni s'est en outre inquiété d'informations selon lesquelles des mineurs non accompagnés arrivés au Danemark en provenance d'Afghanistan ces dernières années auraient vu leur demande d'asile rejetée et auraient été expulsés, sous escorte policière, vers leur pays d'origine où, à leur arrivée, ils auraient été, pour la plupart d'entre eux, jetés en prison, torturés voire tués. Dans ce contexte, qu'en est-il des assurances diplomatiques ou autres formes de protection existantes pour ces mineurs qui sont expulsés du Danemark vers l'Afghanistan, a demandé M. Bruni?
En ce qui concerne les allégations de vols organisés par la CIA pour le transfèrement de détenus via le Danemark et le Groenland, le rapporteur s'est enquis des mesures prises pour assurer l'application pratique de la déclaration faite en octobre 2008 par un groupe de travail interministériel chargé d'une enquête sur la question, selon laquelle «le Danemark ne pouvait autoriser des transfèrements de détenus s’il y avait de sérieux motifs de croire que les personnes
transportées risquaient d’être torturées ou maltraitées, ou que les droits fondamentaux de
détenus seraient violés» (paragraphe 34 du rapport). Qu'en est-il de la mise en place d'un système effectif de surveillance visant à assurer que l'espace aérien et les aéroports danois ne soient pas utilisés pour le transport de personnes risquant d'être torturées dans un pays tiers?
M. Bruni a par ailleurs relevé que, dans l'affaire du citoyen israélien Carmi Gillon (paragraphe 208 du rapport) qui se trouvait au Danemark en janvier 2014 et contre lequel une plainte pour torture avait été déposée par la Fondation de lutte contre la torture, aucune enquête n'avait pu être ouverte parce que le délit de torture, au Danemark, était, avant 2008, prescrit après un délai de dix ans; depuis 2008, il n'existe plus de délai de prescription pour la torture. Aussi, les autorités danoises sont-elles en mesure de confirmer que si un cas similaire se produisait demain, le Danemark serait en mesure d'établir sa propre juridiction sur la personne contre laquelle il existerait une allégation de torture. Si tel est le cas, quelles dispositions du code pénal seraient invoquées étant donné que la torture n'est pas un crime distinct au Danemark mais seulement une circonstance aggravante?
Globalement, selon différentes sources, y compris le Rapporteur spécial sur la torture et le Comité européen de prévention de la torture, les conditions de vie dans les lieux de détention danois sont satisfaisantes, a poursuivi M. Bruni. Néanmoins, des préoccupations ont été exprimées – y compris par les deux sources susmentionnées – pour ce qui est plus particulièrement du placement en isolement. S'il faut se réjouir que les cas de placement en isolement et leur durée soient généralement en baisse au Danemark depuis le début de 2000, des préoccupations subsistent quant à la durée du placement en isolement, en particulier pour les détenus avant procès, a souligné M. Bruni, s'inquiétant que cette détention à l'isolement puisse être prolongée jusqu'à six mois voire davantage encore, pour une période indéfinie, pour les crimes les plus graves. M. Bruni a rappelé que dans une étude sur le sujet publiée en août 2011, le Rapporteur spécial sur la torture, M. Juan Méndez, avait recommandé que les États interdisent l'imposition de la détention à l'isolement en tant que sanction, qu'ils prennent les mesures nécessaires pour mettre un terme à la pratique de placement à l'isolement dans le cadre de la détention avant procès et qu'ils abolissent la détention à l'isolement à durée indéfinie. M. Bruni a ajouté que le Rapporteur spécial s'était dit d'avis que la détention à l'isolement pour une durée de plus de 15 jours devrait être soumise à une interdiction absolue.
M. Bruni a ensuite souhaité savoir si les autorités danoises envisageaient d'amender la Section 3 de l'Article 37 de la loi sur les étrangers qui permet à un tribunal de prolonger pratiquement indéfiniment le délai limite de quatre semaines pour la détention d'un étranger. N'est-il pas quelque peu excessif de maintenir un étranger détenu jusqu'à 18 mois simplement parce qu'il ne coopère pas avec les autorités qui ont décidé de son expulsion, a également demandé le rapporteur?
MME SAPANA PRADHAN-MALLA, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Danemark, a souhaité en savoir davantage au sujet de la formation dispensée aux médecins chargés d'offrir une assistance médicale et une aide pour l'identification immédiate des signes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
S'il faut se réjouir que le Danemark ait moins recours qu'auparavant à l'isolement cellulaire au cours de la détention avant procès, il n'en demeure pas moins que cette pratique se poursuit, a souligné la corapporteuse. La délégation danoise est-elle en mesure de garantir qu'aucune personne souffrant de troubles mentaux ne se trouve aujourd'hui placée en détention en isolement, a notamment demandé Mme Pradhan-Malla? Des études ont conclu que le Danemark avait recours de manière excessive au placement en hôpital psychiatrique et à la coercition dans ces établissements, a-t-elle ensuite souligné.
Selon une étude menée par l'Institut européen de la santé publique, 39% des femmes en moyenne affirment avoir été soumises à des actes de coercition physique ou sexuelle; or le Danemark figure à maints égards parmi les pays européens les plus touchés par ce phénomène, a relevé la corapporteuse.
Parmi les autres membres du Comité, une experte a rappelé que le placement d'un détenu en isolement se présentait sous deux formes: l'isolement judiciaire et l'isolement en tant que sanction en milieu carcéral. Elle a voulu savoir si le procureur avait un droit de regard sur cette pratique en tant que sanction. Un autre expert a relevé que selon les dires des autorités danoises elles-mêmes, le placement en isolement était encore assez courant à titre de sanction disciplinaire. Il est regrettable que le Danemark utilise encore cette pratique à titre de sanction disciplinaire. L'expert a ajouté que 158 cas de placement de mineurs en isolement avaient été recensés dans le pays ces dernières années.
Une experte a demandé si le Danemark avait suivi les recommandations adressées au Danemark par certaines institutions de créer des prisons pour femmes. Un autre membre du Comité s'est inquiété que des femmes détenues dans les prisons ne soient pas séparées des hommes et a demandé si les autorités s'assuraient toujours qu'il s'agissait d'un arrangement volontaire et que des garanties appropriées pour la protection des femmes étaient mises en place et suivies.
Selon certaines informations, un grand nombre de violences antisémites au Danemark seraient, d'après les victimes, le fait de migrants de confession musulmane; si ces faits sont avérés, le Comité souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour faire face à ce phénomène.
Qu'en est-il de l'incrimination de la complicité d'acte de torture au Danemark, a demandé un expert, après s'être enquis également du délai de prescription des actes de torture? Selon un rapport d'Amnesty International, les groupes vulnérables, notamment les personnes handicapées, sont détenues à des fins de contrôle au Danemark, s'est par ailleurs inquiété cet expert.
Un membre du Comité a souligné ne toujours pas comprendre pourquoi le Danemark n'incorpore pas spécifiquement dans sa loi interne une disposition définissant et incriminant spécifiquement la torture alors qu'une disposition générale du Code pénal existe déjà qui fait de la torture une circonstance aggravante. Les mineurs au Danemark peuvent-ils faire l'objet d'une détention en isolement, avant ou après le procès, a par ailleurs demandé cet expert ? Qu'en est-il du délai de prescription des actes de torture dans le cadre des procédures civiles, a-t-il en outre voulu savoir ? Si la durée moyenne de détention dans l'établissement d' Ellebæk est de 29 jours, certains requérants y ont été détenus pendant une année voire une année et demie, s'est en outre inquiété l'expert.
Une experte a souligné que le défaut de définition spécifique de la torture dans la loi danoise reste problématique. Il est regrettable en effet que le Danemark ne définisse pas ce que les éléments constitutifs de la torture, a déclaré une autre experte.
Un expert s'est inquiété de constater que des mineurs au Danemark sont incarcérés avec des adultes. Relevant que la justice pour mineurs au Danemark est davantage axée sur la réadaptation que sur la répression, cet expert a souhaité savoir si la délégation danoise est en mesure de confirmer que ce n'est que dans des cas particulièrement graves que les délinquants mineurs sont incarcérés avec des adultes, faute de quoi la prison pour eux pourrait bien se transformer en université de la délinquance.
Réponses de la délégation
C'est aux députés du Parlement qu'il incombe de décider de la transposition des dispositions de traités internationaux dans le droit interne danois, a rappelé la délégation. Ainsi, les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ont-elles été transposées en droit interne et c'est à ce jour le seul instrument régional ou international ayant fait l'objet d'une telle transposition.
La possibilité d'adopter une disposition spécifique sur le délit de torture dans le code pénal a été examinée par un comité spécialement chargé de cette question, lequel n'a finalement pas préconisé l'adoption d'une telle disposition, préférant plaider pour l'adoption d'une disposition du code pénal qui fasse de la torture une circonstance aggravante. Le Gouvernement a suivi cet avis et en 2008, le code pénal a donc été amendé en ce sens. Ainsi, si une personne décède sous la torture, cet acte sera poursuivi comme un homicide mais avec la circonstance aggravante de torture, a expliqué la délégation. Depuis 2008, il est désormais acquis que le délit de torture ne saurait faire l'objet de prescription, mais en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, cela ne vaut que pour les faits postérieurs à 2008, a souligné la délégation.
L'Autorité indépendante chargée d'examiner les plaintes contre la police a été créée en janvier 2012, a rappelé la délégation. Elle est habilitée à traiter des plaintes concernant d'éventuels manquements des agents de police et à faire la lumière sur les faits, y compris en cas de décès en garde à vue, a-t-elle précisé. Les services de police ne participent pas aux enquêtes menées par cette Autorité, laquelle dispose de ses propres enquêteurs. En 2014, l'Autorité a témoigné d'une hausse des plaintes déposées contre la police, leur nombre étant passé de 1085 en 2013 à 1158 en 2014. Selon la délégation, cette augmentation s'explique en partie par la confiance qu'a acquise par l'Autorité auprès du public. D'après les statistiques préliminaires disponibles sur le nombre de plaintes reçues par l'Autorité en 2015, il semblerait que l'on assiste à une légère diminution de ce nombre par rapport à 2014, a fait valoir la délégation.
Pour ce qui est du placement en isolement, la délégation a rappelé qu'il pouvait intervenir suite à la demande d'un juge dans le cadre de la détention avant procès ou alors par décision administrative en tant que sanction disciplinaire. La détention avant procès est applicable aux personnes soupçonnées d'un délit ou d'un crime sur lesquelles pèsent des soupçons suffisants, a rappelé la délégation. Les trois raisons essentielles pouvant amener un juge à décider du placement d'une personne en détention avant jugement sont le risque de fuite, le risque de récidive et le risque d'ingérence dans l'enquête, a-t-elle précisé. La détention en isolement ne peut être utilisée qu'en dernier recours et lorsque cette peine n'est pas disproportionnée par rapport à l'affaire, a insisté la délégation. La durée du placement en isolement sur décision d'un juge ne peut excéder 8 semaines pour les personnes de plus de 18 ans et 4 semaines pour les mineurs de moins 18 ans, a-t-elle indiqué. Le recours au placement en isolement doit être approuvé par le parquet avant qu'une telle demande soit soumise à un juge, a ajouté la délégation, avant d'assurer que personne au Danemark n'a jamais été placé en détention à l'isolement pendant plus de 8 semaines. Sous réserve des données pour 2015, qui ne sont pas encore disponibles, la dernière fois qu'un mineur a été placé en isolement sur demande d'un juge était en 2010.
Pour ce qui est du recours aux cellules d'isolement sur décision administrative, la délégation a rappelé qu'il existait plusieurs types de placement en cellule d'isolement: avant procès, pendant le procès ou durant la période où la personne purge sa peine. Le Danemark est conscient du fait que le placement en isolement peut avoir des effets délétères sur la personne concernée et c'est pourquoi les autorités s'efforcent de limiter au maximum le recours à cette mesure. L'an dernier, le nombre de placements en cellule d'isolement – que ce soit par mesure de sécurité ou à des fins dites d'exclusion d'association – a diminué, a-t-elle fait valoir. La durée du placement (administratif) en cellule d'isolement disciplinaire ne peut excéder trois semaines et même 14 jours pour le cas des détenus avant procès. Le Danemark enregistre chaque année moins d'une demi-dizaine de cas de placement en cellule disciplinaire pour une durée supérieure à 14 jours, a indiqué la délégation. Pour 2015, à ce stade, quelque 2159 personnes ont été placées en cellules d'isolement disciplinaire, a-t-elle précisé.
Aucun projet n'existe à ce stade au Danemark qui viserait à amender les règles en la matière, a déclaré la délégation, indiquant que les autorités danoises souhaitent se préserver le droit de détenir un mineur en isolement – un mineur de 15 ans ayant été ainsi placé en isolement dans une affaire de terrorisme il y a une dizaine d'années environ.
L'âge minimum de la responsabilité pénale au Danemark est fixé à 15 ans, a en outre rappelé la délégation, soulignant que les délinquants de moins de 17 ans étaient très rarement envoyés en prison. Les rares mineurs condamnés à des peines de prison sont généralement assignés à résidence ou contraints de porter des bracelets électroniques; ils sont rarement emprisonnés. En 2014, une moyenne de 9 mineurs étaient détenus en prison, a précisé la délégation.
La délégation a ensuite attiré l'attention sur une proposition de l'opposition au Danemark de rétablir la Commission d'enquête sur la participation danoise aux guerres d'Iraq et d'Afghanistan. La délégation a rappelé que depuis 2010, de nombreuses questions avaient été posées au Parlement danois pour savoir s'il avait été dûment informé de tout ce qui s'était passé dans ces pays, en particulier en Iraq, des informations sur la question ayant été publiées par Wikileaks. En décembre 2011, le Chef de la Défense du Danemark a écrit au Ministre danois de la défense concernant les conclusions préliminaires de la Commission, concluant notamment que le nombre de personnes détenues dans le contexte visé était plus élevé que ce qui avait été dit jusqu'ici au Parlement. On cherche maintenant à déterminer si les éléments sont suffisants pour justifier une enquête, a ajouté la délégation. Elle a rappelé que 23 prisonniers iraquiens affirment avoir été torturés lors d'une opération conjointe d'unités danoise, britannique et iraquienne.
Quant au Mémorandum d'accord avec l'Afghanistan concernant le transfert de détenus, il visait à souligner que le Danemark et l'Afghanistan assurent le respect des droits des détenus dans ce contexte, a souligné la délégation. Une personne au départ détenue par les forces danoises a été transférée aux autorités afghanes et purge sa peine; les autres personnes transférées aux autorités afghanes ont été libérées, a poursuivi la délégation, avant de rappeler que le Danemark n'est plus présent dans la province du Hilmand. Le Danemark a pris contact avec la Commission afghane des droits de l'homme pour se tenir au courant de la situation de ces détenus.
Pour ce qui est de la question des vols de transfèrement à la CIA, qui a notamment été examinée par un groupe interministériel, une enquête de l'Institut des études danoises a conclu en 2012 que le Gouvernement danois était parvenu à mener une enquête complète sur la question et qu'il n'y avait pas de duplicité de la part du Gouvernement à cet égard. Pour sa part, le Gouvernement danois considère que cette affaire est close, a indiqué la délégation.
S'agissant des questions d'immigration et de la situation des étrangers au Danemark, la délégation a indiqué que pour ce qui est de l'identification des éventuelles victimes de torture parmi les requérants d'asile, les personnes qui affirment avoir été victimes de torture sont reçues par un médecin. Des formations sont dispensées aux personnels concernés concernant le Protocole d'Istanbul et les troubles liés au stress post-traumatique, a fait valoir la délégation. Le fait que des séquelles de torture soient détectées n'entraîne pas automatiquement l'octroi du statut d'asile pour la personne; si le demandeur d'asile ne se voit pas octroyer le statut d'asile, il peut obtenir un permis de séjour sur une base humanitaire, si la situation le permet, a en outre précisé la délégation.
Une personne détenue doit être présentée devant les tribunaux dans les trois jours qui suivent le début de sa détention, a par ailleurs rappelé la délégation. La période de détention avant expulsion ne peut dépasser six mois, sauf dans certains cas exceptionnels où elle peut aller jusqu'à douze mois. Pour l'heure, 73 personnes sont détenues dans ce contexte dans l'établissement d'Ellebæk. Parallèlement, on compte actuellement 1350 étrangers au Danemark dont les demandes d'asile ont été refusées, a précisé la délégation.
Quant aux conditions de détention dans l'établissement d'Ellebæk, la délégation a indiqué que moins de 6% des étrangers en attente d'expulsion étaient détenus dans cet établissement, où il est vrai qu'il faut fournir un important travail pour maintenir la qualité des locaux à un niveau acceptable. Les personnes qui se trouvent là y sont pour peu de temps – 29 jours en moyenne, a précisé la délégation.
Il existe une terrible pression sur le système d'asile danois, en raison de l'afflux de réfugiés syriens en Europe, l'augmentation des demandes étant considérable depuis octobre 2015, a par ailleurs rappelé la délégation. À ce jour, le délai d'attente est environ de cinq mois entre le dépôt de la demande et la décision concernant l'octroi de l'asile, a-t-elle précisé. Les requérants déboutés ont droit à une assistance juridique s'ils font appel de la décision les concernant, a-t-elle ajouté.
Les victimes de la traite, comme toute personne étrangère, peuvent demander un permis de résidence au Danemark; mais le fait que la personne soit victime de traite ou membre d'une minorité opprimée ne suffira pas à assurer que sa demande sera acceptée, a d'autre part souligné la délégation, citant toutefois de nombreux exemples de cas où des femmes étrangères victimes de la traite ont obtenu un permis de résidence au Danemark.
La délégation a ajouté que la politique danoise de lutte contre la traite de personnes s'inscrivait dans le cadre d'un plan d'action national quadriennal, le dernier plan en la matière (2011-2014) ayant fait l'objet d'une évaluation et le nouveau plan d'action prévoyant l'adoption d'une loi sur la lutte contre la traite de personnes.
Selon la loi en vigueur au Danemark, un patient doit être dans une situation de maladie mentale pour recevoir un traitement psychiatrique, la coercition ne devant pas être utilisée sauf si toutes les mesures visant à obtenir la coopération du patient ont échoué.
Pour ce qui est du traitement médical des personnes transgenre, la délégation a indiqué que le diagnostic et l'examen en vue d'une opération de changement de sexe ne peuvent se faire que dans la capitale, Copenhague. Ces opérations étant rares et complexes et nécessitant énormément de ressources, les autorités danoises ont décidé que les personnes transgenre souhaitant obtenir ces soins devaient le faire dans la capitale, avec un suivi psychologique.
Selon la loi en vigueur, les policiers ne doivent utiliser la force que si cela est nécessaire et raisonnable au regard des circonstances; le risque de blesser des passants doit être pris en compte dans ce contexte, a d'autre part souligné la délégation. L'utilisation des pulvérisateurs est soumise à un contrôle strict, le policier devant faire rapport sur chaque événement dans ce contexte. Pour ce qui est de l'utilisation des pulvérisateurs au poivre en prison, la délégation a indiqué que de nouvelles directives en la matière avaient été transmises aux institutions concernées en juin dernier, en vertu desquelles ces pulvérisateurs ne sauraient être utilisés dans un espace confiné, sauf si cela s'avère nécessaire et si les autres mesures d'intervention se sont avérées insuffisantes.
En ce qui concerne les femmes détenues, la délégation a rappelé qu'il n'existe pas à l'heure actuelle au Danemark de prison spécifiquement dédiée aux femmes. Mais dans la plupart des cas, les ailes étant distinctes, une peine peut être purgée sans contact avec des prisonniers du sexe opposé, a assuré la délégation. Elle a ajouté par ailleurs que, la plupart du temps, les femmes choisissent de travailler en prison en étant mélangées avec les hommes.
S'il fallait toujours séparer les détenus mineurs des adultes, il faudrait parfois les détenir très loin de chez eux ou encore ces mineurs se retrouveraient seuls car ils seraient les seuls condamnés mineurs de l'établissement, ce qui équivaudrait à un isolement, a expliqué la délégation. C'est pourquoi il faut parfois mélanger les mineurs avec les adultes, a-t-elle expliqué.
Ce n'est qu'en dernier recours que les mineurs sont placés en prison, a en outre assuré la délégation.
La délégation a souligné qu'il existe une définition claire de la torture au Danemark et non pas une définition vague, attribuant les commentaires des experts à une erreur de traduction dans le rapport -- le terme original «wide» a été traduit par «vague» au lieu de «large» pour qualifier le concept de torture. La délégation a par ailleurs rappelé que le délit de torture est imprescriptible.
Les conventions internationales auxquelles le Danemark est partie sont invoquées devant les tribunaux danois; elles constituent une source de droit, a d'autre part souligné la délégation. Les individus peuvent eux-mêmes invoquer ces conventions devant les tribunaux, a-t-elle insisté.
La délégation a par ailleurs souligné que certaines questions soulevées par les experts membres du Comité concernent davantage la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; aussi, a-t-il indiqué que le Danemark est tout à fait disposé à poursuivre son dialogue sur ces questions avec ces deux comités.
La lutte contre la torture restera une haute priorité du Gouvernement danois, a conclu la délégation.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CAT15/030F