Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU BÉNIN
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Bénin sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Dans une déclaration qui a été lue par le Représentant permanent du Bénin à Genève, Mme Martine Evelyne da Silva Ahouanto, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme indique notamment que son pays a poursuivi la ratification et l'internalisation des instruments juridiques en matière de droits de l'homme. Il a ainsi adhéré, en 2012, au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort. L'entrée en vigueur du Protocole facultatif au Bénin rend effective l'abolition de la peine de mort et renforce les dispositions internes qui consacrent le droit à la vie. Le Bénin s'est par ailleurs doté d'un nouveau code électoral novateur en 2013 instituant une commission électorale nationale autonome. Il y a au Bénin une volonté politique de faire triompher les droits de l'homme et le dialogue politique y est permanent, indique la ministre, confirmant que le Bénin est engagé à poursuivre les réformes qu'il a initiées en matière de promotion et de protection des droits de l'homme.
Outre le Représentant permanent du Bénin auprès des Nations Unies à Genève, M. Eloi Laourou, la délégation béninoise était composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères, de la Protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse et de la Direction des droits de l'homme. Elle a répondu aux questions et observations du Comité portant notamment sur les attributions et l'indépendance de la commission nationale des droits de l'homme; sur la lutte contre la violence faite aux femmes; sur la traite des personnes et l'exploitation des enfants; sur les conditions de détention et sur le respect des droits fondamentaux des personnes prévenues; sur l'enseignement des droits de l'homme dans les écoles.
Les experts ont félicité le Bénin d'avoir aboli définitivement la peine de mort et de sa volonté manifeste de donner effet aux dispositions du Pacte. Ils ont cependant demandé des précisions sur les mesures de sensibilisation qui ont été prises contre le phénomène des «vindictes populaires» et plusieurs se sont dits préoccupés par les meurtres rituels d'enfants «sorciers», par le phénomène des enfants-esclaves – les vidomégons - et par la persistance des mutilations génitales féminines. Il a en outre été recommandé que l'État béninois adresse un message clair aux fonctionnaires pour leur signifier que la torture et les traitements inhumains ou dégradants ne sont pas tolérables. Le Bénin, a conclu le Président du Comité, M. Fabián Omar Salvioli, aura intérêt à tenir compte non seulement des observations qui seront faites par le Comité au terme de cet examen, mais aussi du contenu des observations générales rédigées par le Comité concernant, notamment, le droit de réunion et le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire. Il a notamment souligné qu'il était possible de protéger les droits des personnes détenues tout en respectant le principe de présomption d'innocence.
Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Bénin dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le 6 novembre.
Cet après-midi, à partir de 15h30, le Comité se penchera sur ses méthodes de travail avant de poursuivre l'examen du projet d'observation générale sur le droit à la vie (article 6 du Pacte).
Présentation du rapport
Le Comité est saisi du deuxième rapport périodique du Bénin (CCPR/C/BEN/2), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/BEN/Q/2/Add.1) à la liste de questions que lui a adressée le Comité (CCPR/C/BEN/Q/2).
M. ELOI LAOUROU, Représentant permanent du Bénin auprès des Nations Unies à Genève, a donné lecture d'une déclaration de la Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin, dans laquelle Mme Martine Evelyne Da Silva Ahouanto indique que le a poursuivi la ratification et l'internalisation des instruments juridiques en matière de droits de l'homme, adhérant notamment, en 2012, au deuxième Protocole facultatif, qui vise à abolir la peine de mort. L'entrée en vigueur du Protocole facultatif au Bénin rend effective l'abolition de la peine de mort au Bénin et renforce les dispositions internes qui consacrent le droit à la vie, se félicite la ministre, précisant que les autorités avaient notifié aux différentes juridictions l'entrée en vigueur du Protocole facultatif en octobre 2012.
En ce qui concerne le respect du principe de non-discrimination, la ministre souligne que le Bénin a réalisé des progrès notables depuis quelques années. La loi de 2012 contre les violences faites aux femmes dispose ainsi que la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes constitue une priorité nationale. Pour lutter contre les discriminations d'ordre raciste, l'État a organisé, avec l'appui du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, deux journées d'information en 2010 et 2011 pour donner suite aux mesures prises à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Un plan d'action a été adopté en 2014 sur la même thématique.
Le Bénin s'est, d'autre part, doté d'un nouveau code électoral novateur en 2013. Le code institue une commission électorale nationale autonome; il a permis d'organiser en 2015 des élections législatives, communales et locales qui ont consacré le droit de voter et d'être élu et ont conduit au renouvellement du Parlement et à l'entrée en fonction de nouveaux maires, chefs de villages, d'arrondissement ou de quartier. Mme da Silva Ahouanto indique encore que le Bénin applique, depuis octobre 2014, une politique nationale de développement en matière d'accès à la justice, avec pour objectifs de renforcer le cadre législatif, normatif et institutionnel, de moderniser les services judiciaires et de conformer le système pénitentiaire aux normes internationales. D'autres innovations importantes ont été introduites dans le nouveau code de procédure pénale afin d'améliorer les conditions de vie des personnes privées de liberté, en particulier la création d'une commission d'exécution des peines et d'une chambre des libertés et de la détention, ainsi que la nomination de juges des libertés et de la détention.
Le Gouvernement du Bénin a créé, en collaboration avec la société civile, des centres intégrés de prise en charge des victimes de la violence sexuelle, indique la ministre dans son message au Comité. Ces centres offrent aux victimes une assistance judiciaire, psychologique et médicale, Plusieurs initiatives ont été prises pour renforcer les droits de l'enfant, parmi lesquelles l'adoption d'une politique nationale de protection et l'adhésion du Bénin à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption. Le Bénin a en outre accueilli en 2013 le Rapporteur spécial sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
La ministre informe également le Comité que le Bénin est en train d'élaborer un projet de loi portant sur les conditions d'exercice des associations, un projet qui répond aux normes internationales. Le Bénin s'est enfin doté, en mars dernier, d'un code de l'information et de la communication, qui prévoit de garantir le caractère pluriel de l'expression. La présentation du Bénin se conclut par l'assurance donnée aux membres du Comité qu'il y a au Bénin une volonté politique de faire triompher les droits de l'homme et que le dialogue politique y est permanent. Le Bénin est engagé à poursuivre les réformes qu'il a initiées en matière de promotion et de protection des droits de l'homme.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un expert a jugé méritoires les efforts du Bénin dans le domaine des droits de l'homme, au premier rang desquels l'abolition de la peine de mort, l'adoption d'un code électoral efficace et la création d'une institution nationale de droits de l'homme, notamment. Il faut donc encourager le Bénin et le gouvernement à poursuivre sur cette voie, a plaidé l'expert.
Le même expert s'est demandé dans quelles conditions les dispositions du Pacte pouvaient être invoquées dans les jugements des tribunaux béninois. Il a prié la délégation de dire ce que sont les «cliniques juridiques» mentionnées dans le rapport. L'expert a également voulu connaître les conditions d'application des instruments internationaux ratifiés par le Bénin: en l'espèce, la question est de savoir si le critère de réciprocité posé par la Constitution s'applique aussi au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'expert a demandé également des précisions sur le contenu du décret d'application de la loi portant création d'une institution nationale de droits de l'homme et sur les mesures qui ont été prises pour rendre cette institution conforme aux principes de Paris dans sa composition et dans son financement. L'expert a enfin demandé des renseignements sur la façon dont le Bénin veille à l'enseignement des droits de l'homme dans ses écoles et dans ses universités.
Un autre expert a demandé des informations plus détaillées sur les mesures prises par le Bénin pour éradiquer la discrimination envers les femmes, notamment dans le cadre du plan d'action dont il est question dans le rapport. Il a aussi demandé quelles initiatives avaient été lancées pour faire connaître largement à la population béninoise, en particulier la population rurale, le contenu des droits de l'homme. L'expert a constaté que plus de 40% des femmes jusqu'à l'âge de 49 ans vivaient dans des unions polygames: il a demandé quelles dispositions étaient prises pour protéger les droits de ces femmes et pour éradiquer cette pratique. L'expert a demandé des précisions sur les conséquences, sur l'application de quotas de femmes dans les instances locales élues, de la décision de la Cour suprême béninoise jugeant illégales les mesures temporaires spéciales de discrimination positive.
Une experte a regretté que le Bénin n'ait pas fourni de réponses aux questions du Comité s'agissant de la violence à l'égard des femmes et dans la famille. L'experte a jugé que si la loi de 2012 contre les violences sexuelles constituait un progrès important, les informations reçues de la société civile montrent une persistance préoccupante de la violence domestique au Bénin. Cela appelle des réponses du Bénin quant à la manière dont la loi est effectivement appliquée, a demandé l'experte, qui s'est aussi enquise des sanctions pénales prises contre les auteurs de la violence. Elle a demandé à la délégation de dire comment le Gouvernement envisageait d'encourager les femmes victimes de violence à porter plainte et à faire valoir leurs droits malgré les stéréotypes qui s'opposent encore à leur prise de parole. L'experte s'est interrogée enfin sur l'efficacité de la loi de 2003 contre les mutilations génitales féminines, car il semble qu'elle ait eu surtout pour effet de déplacer ces pratiques dans les pays voisins du Bénin.
En dépit de certaines améliorations, le taux d'occupation de certaines prisons dépasse les 230%, tandis que 10% des détenus purgeraient des peines plus longues que celles auxquelles ils ont été condamnés, a constaté un expert. Il a attiré l'attention de la délégation sur l'importance de limiter autant que possible la détention provisoire, observant à cet égard que le recours très excessif à cette forme d'incarcération au Bénin – 75 % des personnes détenues seraient incarcérées sans jugement préalable – risquait d'être en violation du principe de la présomption d'innocence. L'expert s'est demandé si l'État béninois envisageait d'augmenter le nombre des magistrats, dont la pénurie explique en grande partie la généralisation de la détention provisoire ou préventive. Il s'est enquis de la capacité des tribunaux béninois à infliger des peines alternatives à la détention et a demandé des informations sur les conditions de détention des mineurs.
Un autre expert s'est félicité de la volonté manifeste des autorités béninoises de donner effet aux dispositions du Pacte et aux droits de l'homme en général. Il a cependant relevé que le projet de loi portant modification du code pénal était à l'étude depuis 2013. L'expert a demandé des précisions sur les améliorations qui seront portées au code pénal dans les domaines du respect de la sécurité et de la liberté des citoyens, au droit à un procès équitable ainsi qu'à la définition de la torture. Il serait souhaitable que les pressions, physiques ou autres, exercées sur des justiciables soient réprimées par le code pénal, a recommandé l'expert. Il s'est demandé si le projet de création d'un observatoire national de la torture était toujours à l'ordre du jour ou s'il était plutôt prévu de doter l'institution nationale de droits de l'homme de compétences dans ce domaine. L'expert a demandé d'autres renseignements sur les conditions matérielles de la garde à vue; si les organisations la société civile sont autorisées à visiter les prisons; et si le ministère public a le droit d'ouvrir d'office une enquête en cas de soupçon de torture.
L'abolition de la peine de mort par le Bénin est une décision réjouissante, a souligné le même expert. Mais on ne comprend pas pourquoi cette décision n'a pas encore d'effets sur les conditions de détention des treize personnes détenues après avoir été condamnées à la peine capitale. L'expert a par ailleurs demandé des précisions sur les mesures de sensibilisation qui ont été prises contre le phénomène des «vindictes populaires»; et sur l'action concrète de l'État pour combattre certaines pratiques néfastes fondées sur la superstition. L'expert a demandé enfin des renseignements sur plusieurs enquêtes portant sur des disparitions forcées et d'autres violations des droits de l'homme commises par des membres des forces de l'ordre.
Un expert a demandé des explications sur les garanties prévues pour les personnes arrêtées et gardées à vue. Il a recommandé que l'État adresse un message clair aux fonctionnaires, selon lequel la torture et les traitements inhumains ou dégradants ne sont pas tolérables. L'expert a ajouté que si la réconciliation nationale était un objectif légitime en soi, l'apaisement ne justifie pas que l'on éteigne toute poursuite contre des auteurs de crimes graves, dont la torture.
Une experte a constaté que la justice béninoise n'était pas complètement indépendante du pouvoir politique. La délégation a été priée de donner des informations sur le mode de désignation des juges béninois, sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature, sur la lutte contre la corruption dans l'appareil judiciaire, sur les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle. Un expert a voulu connaître les circonstances dans laquelle l'association des juges a été amenée à faire grève.
Des questions ont aussi été posées sur les conditions matérielles dans lesquelles vivent les personnes placées en détention provisoire (en lien, en particulier, avec le cas Zinsou, qui a fait l'objet d'une communication au Comité). À cet égard, le Président du Comité a demandé à la délégation de dire quelle suite avait été donnée à l'affaire Zinsou, qui avait fait en 2014 l'objet par le Comité d'une constatation de violation par le Bénin des articles 7 et 14, paragraphe 2, du Pacte.
Une experte a demandé des statistiques plus détaillées au sujet des effets tangibles des campagnes de sensibilisation contre les mutilations génitales féminines.
Selon certaines organisations non gouvernementales, la nouvelle loi autorise toujours l'emprisonnement pour des critiques contre des personnes détentrices de l'autorité. Or, ces personnes ne doivent pas bénéficier d'une protection supérieure à celle des autres citoyens. En outre, le nouveau code pénal approuvé par la Cour constitutionnelle n'est toujours pas approuvé par le Parlement, ont relevé plusieurs experts, qui se sont interrogés sur les raisons de ce retard.
Un expert a félicité le Bénin pour ses progrès dans l'enregistrement des naissances, plus de 80 % des enfants étant désormais inscrits à l'état-civil. Mais, a aussi relevé l'expert, des organisations non gouvernementales et des experts indépendants se disent préoccupés par les obstacles juridiques et la corruption des fonctionnaires qui expliquent qu'il reste difficile d'enregistrer les 20% d'enfants restants.
Certains élèves ne pourront passer d'examen faute d'extrait de naissance, a souligné un expert. La déscolarisation des enfants s'explique aussi par les frais de scolarité prélevés de manière officieuse par certains fonctionnaires, ainsi que par les agressions sexuelles dont sont victimes des écolières. Un expert a voulu savoir de quelle formation et de quels supports pédagogiques les enseignants béninois disposaient pour dispenser les cours sur les droits de l'homme.
Un expert a demandé des renseignements sur le nouveau code de la communication et a voulu savoir dans quelle mesure il favorisera la liberté d'expression de la presse. L'expert s'est interrogé sur l'indépendance dont jouit la Haute Autorité de l'audiovisuel et de la communication.
La délégation a été priée de dire quelles mesures avaient été prises pour réprimer la traite des enfants au Bénin par le biais des filières de placement organisé, autrement dit le problème des vidomégons. Plusieurs experts se sont émus des assassinats rituels au Bénin d'enfants qualifiés de sorciers; ils ont demandé à la délégation de quantifier l'ampleur de ce problème et de décrire l'action de l'État dans ce domaine.
Réponses de la délégation
La délégation a souligné que le Bénin était engagé dans un processus à long terme et qu'il tirera parti, dans ce contexte, des avis des experts du Comité.
Le cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte n'est pas régi par le principe de conditionnalité prévu par la Constitution: on pourrait l'admettre s'agissant d'un traité à vocation économique ou commerciale, mais pas dans le cas des droits de l'homme. Depuis son adoption en 2006, le Pacte fait partie intégrante de l'ordre juridique béninois et peut à ce titre être invoqué par les justiciables.
Les recommandations antérieures du Comité, comme d'autres organes conventionnels, font l'objet de plans de mise en œuvre par les ministères concernés, y compris une dimension de contrôle.
Le Bénin a longtemps disposé d'une institution nationale de droits de l'homme qui ne correspondait pas aux principes de Paris. Les autorités ont donc adopté, en 2013, un projet de loi portant création d'une nouvelle Commission béninoise des droits de l'homme répondant à ces exigences. Un comité sera chargé de sélectionner les onze membres de la Commission, qui seront en majorité désignés au sein de la société civile. L'indépendance de la Commission, en particulier sous l'angle financier, est garantie par la loi.
Le programme de sensibilisation aux droits de l'homme lancé en 2007 porte notamment sur la diffusion sur le terrain, dans les établissements scolaires et dans les communes, des instruments des droits de l'homme ratifiés par le Bénin. Le Ministère de la justice a adopté, en 2014, un document de politique générale qui intègre notamment un train de mesures de promotion et de protection des droits de l'homme qui s'étendra sur cinq ans. Le Ministère de la justice organise des «cliniques juridiques en droits de l'homme»: il s'agit d'équipes de spécialistes qui vont au contact de la population pour répondre à ses questions sur les droits de l'homme. Mais la sensibilisation se fait aussi par le biais de cadres plus institutionnels, comme par exemple la commission nationale de mise en œuvre des droits de l'enfant. Les juges et les autres acteurs du système judiciaire, mais aussi les membres des médias, reçoivent des formations aux droits de l'homme et à leurs instruments internationaux.
L'enseignement aux droits de l'homme n'est pas systématiquement assuré dans l'enseignement secondaire mais est parfois intégré aux enseignements d'histoire et de philosophie, ainsi que d'éducation civique. En revanche, l'enseignement des droits de l'homme est assuré dans la faculté de droit. Les «kits pédagogiques» édités par les autorités sont destinés à informer la population sur les instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme ratifiés par le Bénin, entre autres sujets.
S'agissant des droits des femmes, la délégation a précisé que plusieurs articles de loi viennent renforcer le respect du principe de non-discrimination entre les sexes. En 2009, le Bénin a adopté une politique nationale d'égalité entre les sexes dans l'éducation et dans le travail. L'Assemblée nationale a, pour sa part, décidé un peu vite d'adopter un quota de femmes en son sein: la Constitution n'étant pas aussi avancée dans ce domaine, la cour constitutionnelle a demandé au Parlement de revoir sa copie, a précisé la délégation.
Le code de la famille consacre le principe d'égalité entre les sexes en accordant les mêmes droits à l'héritage aux hommes et aux femmes. Le même code ne reconnaît que le mariage monogame. Il est vrai que certaines femmes s'engagent, en connaissance de cause, dans des unions polygames. Mais le code de la famille est très bien connu dans tout le Bénin, y compris dans ses campagnes.
Les femmes victimes de violence bénéficient de centres de soutien qui les redirigeront vers les services compétents. La loi détermine quels comportements sont interdits, comme par exemple le viol conjugal ou les mutilations génitales féminines. Les peines prévues par la loi vont jusqu'à plusieurs années de prison. Un juge d'instruction de Cotonou est chargé spécialement des cas de viols sur mineures. Le code de l'enfant reprend la même infraction.
Selon la nouvelle procédure pénale, l'assistance d'un avocat est obligatoire à tous les stades de la procédure, a précisé la délégation. Les personnes prévenues ont le droit de consulter un médecin et de communiquer avec leur famille.
Le mandat de prévention de la torture prévu par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne peut pas être confié à une instance existante. Les autorités ont décidé de régir par le biais du code de procédure pénale les modalités des visites des prisons, que peuvent réaliser toutes les parties habilitées en vertu des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.
En réponse à des questions complémentaires, la délégation a déclaré que les cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants ne sont pas monnaie courante dans les tribunaux. Les cas qui ont été dénoncés ont été jugés et les fonctionnaires de police coupables d'actes de torture sont sévèrement sanctionnés. La délégation a précisé que des mesures d'amnistie avaient été prises pour instaurer la confiance dans le cadre d'une transition démocratique vers un régime multipartite. Ces mesures ont été couplées à des indemnisations pour les victimes. La torture n'a jamais été pratiquée à grande échelle au Bénin.
La définition de la torture sera amendée dans le cadre de la réforme du code pénal, dont le Parlement est actuellement saisi en dernière lecture. Quoi qu'il en soit, les aveux obtenus sous la torture sont d'office jugés irrecevables, a assuré la délégation.
Parmi les autres garanties prévues pour les personnes détenues, la délégation a cité la création d'une commission chargée de surveiller la validité des motifs de la détention; le nouveau code de procédure prévoit que les personnes victimes de détention provisoire abusive bénéficieront de dédommagements. Pour réduire la surpopulation carcérale, les autorités ont libéré plus de 800 personnes détenues au-delà du terme de leur peine. Une nouvelle prison a été construite en décembre 2013 pour décharger la prison de Cotonou.
Suite à l'abolition de la peine de mort au Bénin, les treize personnes condamnées à mort qui étaient en attente de leur exécution ont été transférées dans une prison de droit commun répondant aux normes internationales de détention, et vivent désormais dans des conditions humaines. Ces personnes attendent que leur peine soit officiellement commuée.
La délégation du Bénin a souligné que son pays n'avait accédé à l'indépendance qu'en 1960 seulement, ce qui explique que son jeune système de justice était encore à la recherche de modèles. Mais il est certain cependant que la justice est indépendante au Bénin. En témoigne la grève qu'ont lancée des magistrats au sujet des conditions d'accès au concours de la magistrature, les autorités ayant donné finalement raison aux grévistes. Le Conseil supérieur de la magistrature est composé du chef de l'État, du Ministère de la justice et du président de la Cour suprême, et de deux personnalités de la société civile, notamment. Le Conseil a toujours su jouer son rôle de garant du bon fonctionnement de l'appareil judiciaire. Les juges du siège sont inamovibles. Les magistrats du parquet – en tant que «bras armé de l'État» – se conforment à la volonté de l'État de rendre une justice équitable pour chacun. Ils n'en agissent pas moins selon leur conscience. Tous les juges peuvent être sanctionnés s'ils ne respectent pas les termes de leur serment et leurs obligations au regard de la déontologie: plus de 25 magistrats ont été ainsi radiés ces dernières années.
La Cour constitutionnelle est composée de membres désignés par le Président et de membres élus par le Parlement. Ce mode de désignation reflète la nature politique de l'institution, qui assume un rôle de contre-pouvoir. Tous ses membres sont des juristes expérimentés et indépendants à partir du moment où ils sont nommés.
Le nouveau code de procédure pénale prévoit des délais de détention préventive et provisoire beaucoup plus courts. Les détenus sont d'office mis en liberté s'ils ont été détenus trop longtemps. La détention des mineurs est quasiment inexistante au Bénin. Les juges pour enfants prononcent plutôt des placements en institutions spécialisées. Les mineurs poursuivis pour des délits ne sont en principe pas mis en détention avant le jugement, mais peuvent être placés ou confiés à des proches de confiance, par exemple. Les audiences de mineurs sont organisées tous les trois mois. Les autorités béninoises ont tenu compte des avis du Comité dans l'affaire Zinsou pour améliorer les conditions de détention et le traitement des prévenus, a assuré la délégation.
L'enregistrement d'une naissance doit désormais être effectué dans les trente jours suivant la naissance. Une grande réforme de l'état-civil a entraîné, entre autres mesures, la création d'une base de données pour systématiser l'enregistrement des naissances. Le certificat de naissance sera rendu gratuit.
Les assassinats rituels d' «enfants sorciers» sont réprimés par le code pénal. Des campagnes de sensibilisation sont réalisées sur le terrain par l'organisation Franciscains-Bénin, en partenariat étroit avec la commission nationale des droits de l'enfant et le Médiateur de la République. Les partenaires s'efforcent dans un premier temps d'influencer les chefs locaux pour faire reculer ce phénomène.
La pratique des vidomégons n'est problématique que depuis un certain nombre d'années: de nombreux cadres béninois ont reçu leur formation par le biais de ce système, a précisé la délégation. Les campagnes de sensibilisation organisées par les autorités semblent porter leurs fruits puisque les dérives de ce système sont en recul. Un autre facteur de recul du problème est la gratuité de l'enseignement primaire.
Les autorités répriment sévèrement les abus sexuels commis sur des écolières: les responsables sont poursuivis au pénal et subissent des sanctions disciplinaires. Pour améliorer le taux de scolarisation, les filles ne paient pas de frais de scolarité.
Le projet de code de l'enfance a fait l'objet d'un contrôle en constitutionnalité avant d'être renvoyé au Parlement, qui a adopté la version définitive du projet le 8 octobre dernier.
L'enseignement des droits de l'homme au lycée s'appuie sur des supports pédagogiques récents fournis par la Direction des droits de l'homme. Tous les professeurs de philosophie et d'histoire-géographie ont reçu une formation aux droits de l'homme. La diffusion du Pacte est assurée par la publication au Journal officiel et par des formations continues destinées aux magistrats, à d'autres fonctionnaires de justice et aux officiers de police judiciaire.
Le suivi sur le terrain des campagnes de sensibilisation contre les mutilations génitales féminines lancées par les autorités centrales est assuré par des «clubs scolaires» et d'autres structures communautaires locales.
L'État dispose d'informations que le grand public n'a pas: c'est pourquoi les autorités peuvent décider d'interdire une manifestation pacifique ou d'en modifier le parcours. Le journaliste doit faire la différence dans son travail entre la propagande et l'information, tout le monde ayant encore à l'esprit ce qu'il s'est passé au Rwanda, a dit la délégation. Le code de l'information affirme cependant que les journalistes peuvent traiter de tous les sujets d'information. Une loi sur l'accès à l'information est en cours d'élaboration. La Haute Autorité de l'audiovisuel et de la communication peut juger de l'opportunité de renouveler ou non la carte de presse d'un journaliste.
Répondant à d'autres questions des membres du Comité, la délégation a fourni des précisions sur le cadre juridique qui entoure la lutte contre la traite des êtres humains, en particulier l'exploitation des enfants. L'État a également passé des accords de collaboration dans ces domaines avec ses pays voisins. Les enfants rapatriés dans leur pays d'origine sont généralement bien accueillis par leurs familles, mais ils peuvent aussi bénéficier de plusieurs structures d'accueil créées à leur intention.
Conclusion
Le chef de la délégation béninoise a assuré le Comité de l'engagement de son gouvernement pour la protection des droits de l'homme dans toutes ses composantes. Le Bénin devra améliorer certains aspects de l'état de droit avec l'aide de la société civile. Le Bénin demande à la communauté internationale de continuer d'aider son pays à améliorer sa situation au regard des droits de l'homme et du développement économique et social, qui sont des objectifs majeurs des autorités. Ces dernières sont engagées à collaborer pour ce faire avec la société civile. M. Laourou a plaidé, enfin, pour le maintien du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme dans son pays.
M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité, a déclaré que e Comité avait pris bonne note des efforts du Bénin pour donner effet au Pacte. Il prié le Bénin de donner par écrit des informations plus détaillées sur la manière dont les autorités appliquent les dispositions du Pacte à travers leurs programmes et projets. Il a invité le Bénin à tenir compte non seulement des observations qui seront faites par le Comité au terme de cet examen, mais aussi des observations générales rédigées par le Comité concernant, par exemple, le droit de réunion, ou encore le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire. Le Président a estimé enfin qu'il était possible de protéger les droits des personnes détenues tout en respectant le principe de présomption d'innocence.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CT15/037F